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historien et ancien résistant français De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Michel Slitinsky, né le à Bordeaux, mort le dans la même ville, est un écrivain, historien et résistant français.
Michel Slitinsky, né le à Bordeaux est issu d'une famille juive d'Ielisavetgrad, petite ville actuellement située en Ukraine entre Kiev et Odessa du côté de son père et de Tcherniguov du côté de sa mère. Toutes ces villes faisaient alors partie de l'Empire russe avant d'appartenir à l'URSS ; au cours des XVIIIe et XIXe siècles, une grande migration venue de Pologne avait fait d'Odessa la ville la plus juive des grandes villes de l'Empire russe.
Son père Abraham Slitinsky et toute la communauté juive vivent dans la crainte de l'inquisition tsariste. C'est en effet le temps des pogroms qui se développent en Ukraine, avec l'intervention des Cosaques. En 1912, la famille quitte le pays pour gagner la France, « terre des libertés » et s'installer à Paris, mais seuls les enfants s'exilent, les parents et grands-parents préférant rester au pays. Une partie des émigrants rejoint l'Argentine.
Un des cousins de Michel Slitinsky, Marcos Satanowsky, professeur de droit commercial, avocat et doyen de la faculté de droit de Buenos Aires, est victime d'un crime d'État, assassiné par des membres de la SIDE (es) dont le général Juan Constantino Quaranta, le , sous la présidence de Pedro Eugenio Aramburu. Ce crime officiel devient la célèbre affaire Satanowsky (es), enrichie des enquêtes du journaliste Rodolfo Walsh.
Sara Satanowsky et Paulina Satanowsky[1], cousines de Michel Slitinsky, furent respectivement directrice de la Faculté de Médecine de Buenos Aires, pionnière du développement de la chirurgie orthopédique traumatologique en pédiatrie[2], et la première femme ophtalmologiste d'Amérique Latine.
On trouve aussi un avocat ou un chanteur d'opéra. Cette branche familiale possède des propriétés en Terre de Feu qui deviennent une antenne de l'Institut ibérique du professeur Salomon.
Le père de Michel Slitinsky, Abraham, veuf, vient à Paris avec son premier fils, Israël Slitinsky. Il rencontre, dans l'importante colonie juive résidant dans le secteur Vincennes-Montreuil, sa future femme Esther Hotenstein, originaire de Tcherniguov, couturière aux Galeries Lafayette. Abraham est mécanicien et travaille dans une usine d'armement. Il est en 1916, pendant la Première Guerre mondiale, un des rares contribuables volontaires à verser de l'or pour la Défense Nationale.
Peu après la fin de la Première Guerre mondiale, Abraham et sa deuxième femme Esther s'installent à Bordeaux au 3 rue de la Chartreuse, et ouvrent un magasin de vêtements usagés, bonneterie et brocante au 72 cours de l'Yser.
Naissent à six ans d'intervalle Alice (1919) et Michel (1925).
Avec ses amis, Abraham vient en aide aux immigrés de l'Est avec la Société de fraternité israélite, dont les statuts sont déposés en 1920. Il est promu président et s'entoure de nombreuses personnalités dont les nommés Stolpner, Sandler, Pryvis, Cypel, Gaykine et Alitenssi.
Le premier fils d'Abraham, Israël[3], né le à Zusmenka, représentant de commerce resté à Paris, où il habite au 153, rue du Temple, est raflé et déporté par le premier convoi de France vers Auschwitz le , en compagnie de 1 112 personnes[4]. Il est assassiné deux mois plus tard.
Une tante, Brokka Eterstein[5], née Brokka Titensky, le à Tchernygoff, et habitant au 170, àvenue de Paris à Vincennes (Val-de-Marne)[4] est déportée par le convoi no 12, le avec 1 000 personnes, et gazée à Auschwitz.
Abraham Slitinsky est raflé par les services de police de la préfecture de Gironde[6], interné au Camp de Mérignac et déporté par le convoi no 42[7] du en direction du Camp de Drancy et gazé à Auschwitz. Esther, son épouse, reste cachée pendant trois ans dans une cave à Bordeaux.
Alice Slitinsky, sa sœur, est aussi raflée, contrairement aux lois de Vichy qui protège les juifs français. Elle est libérée tardivement après une réunion contradictoire entre l'officier allemand Doberschutz et Maurice Papon[8].
Michel Slitinsky, qui a 17 ans, a juste le temps de s'enfuir par les toits lors de l'arrestation nocturne de sa famille.
Michel Slitinsky mène une vie clandestine à Bordeaux quand un ami, Gérard Jacopy, lui parle de son oncle instituteur et résistant en Charente. Il décide de s'y rendre et est accueilli à la gare de Montendre par Gilbert Denis qui le munit de faux papiers d'identité au nom de Jean Jean et le place chez des agriculteurs à Coux. Puis, revenu à Bordeaux, par l'intermédiaire d'un autre ami, Claude Brunet, il rejoint un maquis d'Auvergne dans la région de Sauxillanges, le groupe « Revanche » affilié à l'Armée Secrète et aux MUR. Il est chargé de l'intendance pour 700 maquisards, à la recherche permanente de nourriture, de vêtements et de médicaments. Il combat au Mont-Mouchet puis, en qualité de Caporal-Chef, il est affecté au 152e RI et poursuit l'occupant jusqu'en Forêt-Noire. Il est blessé dans une poche de combat en Alsace.
En 1945, âgé de 20 ans, Michel revient à Bordeaux. Sa mère est restée plus de deux ans cachée dans une cave avec sa fille, Alice, internée au Fort du Hâ et au camp de Mérignac puis libérée in extremis sur ordre de la Sicherpolizei. Née en France comme Michel, elle ne devait pas être arrêtée. Il apprend que son père a été déporté, gazé et brûlé. Son frère aîné, raflé à Paris, est parti dans le premier convoi à destination d'Auchswitz, sa tante aussi et la plupart de ses camarades d'enfance et leur famille.
Dès la Libération, il n'a de cesse de reconstituer l'histoire de la Résistance en Gironde, collectant témoignages et documents consignés dans deux ouvrages parus en 1969 et 1972.
Sa recherche active et passionnée en fait un historien autodidacte.
En 1945, Alice Slitinsky reconnait dans une rue de Bordeaux les policiers qui les ont arrêtés, elle et son frère.
Alice et Michel Slitinsky portent plainte contre l'inspecteur de la PJ Pierre Puntous, le commissaire divisionnaire Bonhomme et le commissaire de police Techoueyres qui avaient planifié ces arrestations. La procédure se termine en 1947 au tribunal militaire par un non-lieu.
Michel Slitinsky, qui a accumulé des documents dès la Libération afin de reconstituer l'histoire de la Résistance en Gironde, dont les témoignages édités dans ses deux ouvrages de 1969 et 1972, dans lesquels il publie une liste de déportés juifs[9], travaille alors avec l'historien Lucien Steinberg qui avait publié Les Autorités allemandes en France occupée en 1966 et interviewé le nazi Knochen et le chef de la police de Vichy, René Bousquet, en 1972 (Historia).
Il rencontre et correspond régulièrement avec Charles Tillon, Georges Guingoin, Maurice Rajfus ou Gabriel Delaunay. Ce dernier, grand résistant, haut fonctionnaire, était Président du Comité Départemental de la Libération à Bordeaux et, déjà en 1944, s'était opposé en vain à la promotion de Papon. Préfet de la Gironde en 1966, Delaunay accorde une dérogation à la loi des cinquante ans à Michel Slitinsky afin de pouvoir consulter les archives départementales[10]. Moins de dix minutes de consultation d'une liasse de documents et Michel Slitinsky est interrompu précipitamment sur ordre de Paris, qui venait de différer l'autorisation. C'est une chasse gardée encore inaccessible, malgré un courrier au Préfet et une rencontre avec la direction nationale des archives.
En 1981, Michel Bergès, qui effectue des recherches dans les archives de la préfecture de Gironde, retrouve le procès-verbal de police qui relate l'arrestation de Michel Slitinsky, auquel il communique des photocopies du PV[11]. Celui-ci, en date du 21 octobre 1942, ne mentionne pas encore la signature de Papon, mais l'Intendant Régional de police qui alerte le préfet des Landes, les sous-préfets de Bayonne, Blaye et Langon, la gendarmerie de Bordeaux, le Commissaire divisionnaire, le commissariat central de Bordeaux et ceux de Libourne, Arcachon et Lesparre, pour signaler :
« [l']évasion du juif SLITINSKI, Michel, manœuvre, demeurant 3, rue de la Chartreuse à Bordeaux, de nationalité française et de race juive, s'est enfui de son domicile en passant par les toits, au moment où, au cours d'une opération de police, il allait être appréhendé. Son signalement est le suivant : Taille, Corpulence, Cheveux, Teint, Yeux…Vêtu d'un veston noir, pantalon gris à rayures, béret, sandales. En cas de découverte, garder à vue et signaler à l'intendance de police. »
À la suite de ce premier document, Michel Slitinsky trouve d'autres documents portant le nom de Maurice Papon qui était, entre 1942 et 1944, secrétaire général de la préfecture de Gironde et qui en 1981, est alors ministre du Budget. La communication par Michel Slitinsky de certaines de ces copies au Canard enchaîné est à l'origine de l'« affaire Papon »[11].
Pendant dix ans, Michel Slitinsky collabore avec Michel Bergès et les avocats Michel Touzet et Gérard Boulanger pour établir la responsabilité de Papon dans la déportation des Juifs de Gironde[11].
Le , lors d'un reportage sur Antenne 2, il présente et commente des documents accablant Papon[12].
En , il publie aux Éditions Alain Moreau L'Affaire Papon, résultat de ses recherches et découvertes, préfacé par Gilles Perrault. Aussitôt, Papon lance une procédure en référé à l'encontre de Moreau, Perrault et Slitinsky pour faire interdire ce livre. Par ordonnance du 6 mai 1983, le président du tribunal de grande instance de Paris, Pierre Drai, rejette la demande de Maurice Papon. Le livre ne sera ni saisi ni retiré des librairies, mais la prochaine édition ne devra pas contenir la préface. C'est en effet la préface de Gilles Perrault qui est interdite et non le livre, car il utilise les termes de « franc salaud » pour parler de Papon et de son rôle dans le recensement, l'arrestation et la déportation des juifs de Gironde, l'ordonnance estimant que cette préface constituait « une agression excessive et donc illicite à l'égard de Maurice Papon » et devait disparaître lors des prochains tirages « sauf [selon les termes de l'ordonnance] décision relevant d'un arbitrage judiciaire » (Le Monde des et ). Cette ordonnance sera confirmée dans son intégralité le par la cour d'appel de Paris sous la présidence de Jean Vassogne (Le Monde du ). Lors du référé, il avait été déjà tiré 7 000 exemplaires du livre. Aucun des documents reproduits dans ce livre n'est contesté et Alain Moreau réédite une seconde édition de l'ouvrage avec, en introduction, le compte rendu de la procédure. Plus de 30 000 exemplaires sont vendus.
En 1987, Michel Slitinsky publie un nouveau livre, Le pouvoir Préfectoral Lavaliste à Bordeaux[13], dans lequel il présente une cinquantaine de documents inédits prouvant la responsabilité de Papon dans les déportations.
En 1990, Michel Slitinsky est en désaccord avec Michel Bergès[11] qui lui annonce qu'il se battra désormais pour Papon et témoignera en sa faveur lors de la procédure. Michel Slitinsky a consacré quatre livres sur ce sujet : L'Affaire Papon en 1983, Le pouvoir préfectoral Lavaliste à Bordeaux en 1987, Procès Papon, le devoir de mémoire en 1997 et Indiscrétions des archives de l'occupation en 1998.
En 1997 et 1998, lors du procès de Papon, Michel Slitinsky est porte-parole des parties civiles et assiste à toutes les audiences du procès qui dure six mois. Sa déposition a lieu les et [14],[15],[16]. Interrogé par Francis Vuillemin, l'un des avocats de Maurice Papon, il le met en cause pour un montage (une superposition de 2 documents) dans un de ses livres. Il s'en défend en évoquant des négligences dont sont responsables les journalistes ou ses éditeurs et le Président de la Cour d'assises répond : « Ces deux pièces figurent au dossier en originaux... » et l'Avocat Général déclare : « Nous avons vu les documents originaux, ils sont conformes à l'interprétation de Slitinsky »[17]. Le président de la Cour d'assises Jean-Louis Castagnède conclut : « Bien, allez vous asseoir, Monsieur, s'il vous plait ! »[18],[19]
En 2000, un collectif de 26 étudiants, soutenu par les parents, professeurs et documentalistes du collège Aliénor d'Aquitaine à Bordeaux, publie une biographie intitulée Michel Slitinsky : L'Affaire de tout un siècle.
Pendant plus de 50 ans, il multiplie les articles de presse, les interviews, les émissions radio et télévisées. Il intervient régulièrement dans les écoles primaires, collèges, lycées, universités et comités d'entreprise. Sollicité en permanence pour ses compétences de témoin, de résistant, d'historien de la Collaboration et de la Résistance en Gironde, il participe à des centaines de conférences, débats et signatures d'ouvrages organisées par des municipalités, des associations, des librairies.
Il édite et publie la revue trimestrielle Résistance-Réalités diffusée à 600 exemplaires.
Michel Slitinsky meurt le à Bordeaux à l’âge de 87 ans[20] et est inhumé au cimetière juif du Cours de l’Yser[21],[22],[23].
La médaille de la Région Nouvelle-Aquitaine lui est remise, à titre posthume, par Alain Rousset, lors d'un hommage qui lui est rendu par le Conseil Régional, dans le cadre du colloque sur le procès Papon le .
Trois rues dans la Gironde portent son nom, à Bègles, à Talence et à Bordeaux.
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