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La concurrence est la rivalité entre plusieurs agents économiques pour acquérir des parts de marché sur un même marché, en vendant des biens identiques ou similaires. La concurrence est ainsi une compétition entre des producteurs, d'ordinaire des entreprises, pour capter la demande émanant des consommateurs.
Type |
Concept économique, relation, type d’interaction économique (d) |
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Pour agir en concurrent, un agent doit disposer de la liberté d'entreprendre et de la possibilité d'offrir ou demander une ressource rare et excluable au sens économique, par exemple une ressource naturelle, un bien ou service, du capital, du travail, ou de la connaissance. La politique de la concurrence vise à assurer le maintien de conditions permettant la concurrence sur les marchés.
La concurrence est la mise en compétition d'agents économiques en vue de la fourniture de biens et de services sur un marché. La concurrence renvoie ainsi à une rivalité dans la conduite d'affaires commerciales. Un marché peut être plus ou moins concurrentiel selon que les agents économiques sont plus ou moins libres d'y entrer et de produire et vendre des biens[1].
La concurrence fait l'objet d'une politique dédiée, qui est la politique de la concurrence, et dont l'objectif est d'assurer que les marchés soient structurés et organisés de telle manière qu'ils n'empêchent pas de nouvelles entreprises de produire ou des entreprises déjà installées d'être injustement bloquées dans leurs activités[1].
Le consensus économique est que la concurrence est favorable à la croissance, à l'innovation et à la productivité d'une économie[1]. Une étude séminale de 1996 montre, sur un échantillon de 670 entreprises britanniques, que les entreprises présentes dans les secteurs les plus compétitifs ont eu un taux de croissance de leur productivité 3,8 à 4,6 fois plus élevé que celles des secteurs les moins concurrentiels[2]. Le Fonds monétaire international montre en 2010 que les entreprises qui subissent peu la concurrence ont une moindre productivité globale des facteurs[3]. Ainsi, les pays dotés d'une législation solide en matière de concurrence ont une croissance de 2 % à 3 % plus élevée que les pays qui n'en ont pas[4].
A contrario, les entreprises qui ont un monopole ou une domination quasiment sans partage ont moins d'incitation à innover (effet de laurier), à moins qu'elles craignent l'irruption d'un nouveau compétiteur (théorie des marchés contestables)[1].
Toutefois, le rapport entre intensité concurrentielle et croissance n'est pas univoque. Dès 1967, Frederic M. Scherer soutient que la croissance devient négativement affectée par une hausse de la concurrence au-delà d'un certain niveau[5]. Philippe Aghion et Peter Howitt créent en 1992 un modèle montrant qu'une intensité concurrentielle forte désincite les entreprises à investir, car elles savent alors que leurs innovations seront copiées rapidement, réduisant le gain espéré[1]. Aghion et ses co-auteurs montrent sur des données empiriques, en 2005, qu'une concurrence modérée et la lutte contre les monopoles produisent une situation de marché propice à l'innovation et aux gains de productivité[6].
Adam Smith dans la Richesse des Nations insiste sur deux aspects de la concurrence : sa plus ou moins grande intensité a une influence sur le prix[7], elle contribue à faire baisser les profits. En théorie, dans le cadre de la concurrence pure et parfaite (modèle théorisé par les classiques), les prix continuent à baisser jusqu'au moment où les profits seront nuls[8]. « L’accroissement des capitaux en augmentant la concurrence, doit nécessairement réduire les profits »[9]. Il reproche aux politiques mercantilistes en vigueur de son temps :
Pour George Stigler[11], la position des économistes classiques peut être ainsi résumée :
« Chaque propriétaire d’une ressource productive cherchera à l’employer dans un secteur où il espère que le retour sur investissement (return) sera le plus élevé. Il en résulte qu’avec la concurrence chaque ressource sera distribuée dans tous les secteurs de telle sorte que le taux de retour (ou profit) sera le même partout. »
Cela conduit John Stuart Mill à écrire en 1848 « qu’il ne peut y avoir deux prix sur le même marché »[12].
Les économistes classiques ne se sont pas réellement préoccupés de donner une définition plus précise de la concurrence car, à l'époque, les cas de monopoles sont relativement rares. Harold Demsetz n’a trouvé chez Adam Smith que peu de pages dédiées aux monopoles et une seule dans les Principles of Political Economy de John Stuart Mill[12].
À partir du dernier tiers du XIXe siècle, avec l’émergence des très grandes entreprises, notamment dans les chemins de fer, l’acier, etc., les économistes vont être conduits à préciser ce qu’est la concurrence[13]. Augustin Cournot[13] - dès 1838 - donne une définition précise non de la concurrence mais de ses effets : « il y a concurrence quand le prix approche le coût marginal de la firme »[14].
En 1871, William Stanley Jevons introduit la notion de connaissance parfaite des conditions de l’offre et de la demande ou « transparence »[8].
Francis Ysidro Edgeworth est le premier économiste[13] à définir de façon rigoureuse ce que peut être une concurrence parfaite.
Pour George Stigler[15], la longue liste de conditions énoncées peut se réduire à deux : un nombre important de concurrents ou « atomicité »[16] (déjà énoncée par Augustin Cournot), et l’information parfaite déjà aperçue par William Stanley Jevons. La particularité d’Edgeworth réside peut-être dans l’importance qu’il donne aux contrats. John Bates Clark[15] introduisit en 1899 la notion de mobilité des ressources (libre déplacement des facteurs de production vers les occasions les plus rémunératrices[16]) et finalement c’est Frank Knight qui en 1921 dans son ouvrage Risk Uncertainty and Profit[13] énonça les cinq conditions de la concurrence pure et parfaite que nous connaissons aujourd’hui (atomicité (aucun acteur n'est assez puissant pour contrôler les prix), transparence (connaissance totale par tous les intervenants dans le marché des quantités offertes et des prix correspondants[16]), homogénéité (tous les produits offerts ne sont pas différenciés[16]), libre entrée dans le marché (les barrières à l'entrée comme les baisses de prix ou la pratique des impôts destinées à décourager un nouveau concurrent sont inexistantes[16]) et libre circulation des facteurs). La concurrence pure et parfaite est un élément central pour que, dans la théorie néoclassique telle qu’elle a été développée par Léon Walras, Alfred Marshall, Vilfredo Pareto, l’économie puisse permettre à chacun d’obtenir une satisfaction maximale.
Toutefois, ces auteurs raisonnent dans le cadre d’une économie stationnaire. Les choses changent avec l'introduction par Joseph Schumpeter de la notion d’innovation qui devient l’essence de la concurrence en régime capitaliste et se trouve être porteuse du redoutable double effet qu'il qualifie de « Destruction créatrice[17] ».
Cependant, le concept de concurrence pure et parfaite demeure central en économie théorique[13] :
Les seuls à s’être le plus éloignés de la théorie de la concurrence pure et parfaite sont l’école autrichienne et la théorie des marchés contestables (pour qui la concurrence se rétablit par la réalisation d'une seule condition à savoir la levée du protectionnisme ou la libre entrée[8]) qui gagne actuellement du terrain et se fonde sur l'analyse du phénomène de barrière pouvant faire obstacle à l’entrée et/ou à la sortie d'une activité.
Pour les libéraux, une situation de « concurrence économique » est souhaitable, car :
À partir de la fin du XIXe siècle, des économistes — pourtant acquis à l'économie de marché — ne vont plus voir la concurrence comme dépendante d’un état de nature :
« Pour les libéraux d’ancienne observance, la liberté est pour l’homme l’état de nature. Pour le néolibéral, au contraire, la liberté est le fruit, lentement obtenu et toujours menacé, d’une évolution institutionnelle… À l’opposé de Rousseau, il pense que la grande majorité des hommes est née dans les fers, dont le progrès des institutions peut seul la sortir…. Libéraux et néo-libéraux ont une foi égale dans les bienfaits de la liberté. Mais les premiers l’attendent d’une génération spontanée…. alors que les seconds veulent la faire éclore, croître et se développer, en la rendant acceptable et en écartant d’elle les entreprises qui tendent constamment à l’annihiler[23]. »
Il s'agit d'une vue totalement différente de l’évolution des sociétés humaines que Jacques Rueff appelle un « marché institutionnel »[réf. nécessaire][24], fait de normes juridiques dépendantes de théories économiques (lois et économie) que des organismes quasi-judiciaires de contrôle sont chargés de faire respecter dans le cadre de politiques de la concurrence. Ils veillent en particulier à éviter les ententes entre entreprises (notamment en cas d'oligopoles), de sorte à maintenir les prix les plus bas possibles et à éviter des prix de monopole.
Plutôt que de rechercher la confrontation avec un autre individu dans le but d'être le plus fort, l'entraide, l'association, la coopération peuvent constituer des méthodes plus souhaitables, sinon plus efficaces. Comme le dit Henri Lacordaire : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la Loi qui libère. »
D'un point de vue plus large et universel, la notion de concurrent à battre peut engendrer un processus d'exclusion, alors que l'entraide — et si possible l'entraide de tous — tend vers un effort d'inclusion.
Selon le mot de Fichte, la concurrence serait un état de guerre entre les individus, la « guerre des acheteurs et des vendeurs ».
La concurrence est l'un des paramètres les plus importants des modèles économiques utilisés en microéconomie. Elle sert d'hypothèses aux modèles, de telle sorte que l'utilisation des hypothèses de la concurrence pure et parfaite a parfois été un sujet de clivages entre économistes orthodoxes et hétérodoxes.
Hervé Defalvard distingue dans le domaine de la microéconomie deux grandes familles : celle des modèles de concurrence parfaite, qui s'inscrivent dans la lignée de Léon Walras ; et la famille des modèles de concurrence imparfaite dont la vocation est depuis Augustin Cournot réaliste[25].
Le modèle walrassien de concurrence pure et parfaite démontre qu’il existe au moins un ensemble de prix qui permet d’atteindre l’optimum dit de Pareto[26], c’est-à-dire un état dans lequel « on ne peut pas améliorer le bien-être d’un individu sans détériorer celui d’un autre ». La démonstration de l’existence de cet équilibre général (ou pour parler comme au XVIIIe siècle du meilleur des mondes économiques possible) a été faite dans les années cinquante par Kenneth Arrow, et Gérard Debreu[27] en ajoutant aux cinq conditions suivantes d’autres hypothèses[28] :
Un marché de concurrence pure et parfaite est un marché qui satisfait 5 conditions :
La modélisation mathématique proposée ne fonctionne que dans le cadre posé ci-dessus comme référence : Celui-ci se révèle être assez restrictif et constituer une simplification de la réalité.
Pour répondre à la question de la fixation des prix, les néoclassiques ont développé dans la théorie de l’équilibre général l’idée d’une convergence progressive des prix vers le prix d’équilibre. Pour Léon Walras, ce prix est déterminé par un « commissaire priseur »[29]. Léon Walras introduit un mécanisme de tâtonnements. Le concept est différent de la main invisible d’Adam Smith[30], et semble plus proche de la notion d’ordre que l’on trouve chez Malebranche[31].
Si le modèle de concurrence parfaite occupe une place importante dans l'étude économique, cela tient à :
À partir des propriétés néoclassiques de la concurrence, on démontre que le prix en concurrence parfaite est égal au coût marginal : « (Cm) » et qu’à long terme, le profit économique est nul.
On introduit pour cela l’hypothèse supplémentaire que chaque entreprise a pour objectif de maximiser son profit, « (Π) » où « (Π) » est défini comme : la différence entre la recette totale (ou chiffre d'affaires) « RT = p.q » et le coût total « CT ».
Chaque entreprise peut jouer sur la quantité produite « q » mais elle est « preneuse » du prix de vente « p » donné par le marché.
Mathématiquement, trouver le maximum d’une fonction correspond à annuler la dérivée de la fonction de profit :
À l’équilibre, le prix est donc égal au coût marginal. À court et moyen terme, s’il y a un secteur économique bénéficiaire, où « Π >0 », l'hypothèse de transparence de l'information doit faire que cette information est largement diffusée. Selon l'hypothèse de libre entrée, ces profits vont inciter :
L’offre va augmenter. En conséquence les prix de vente vont baisser et les profits des entreprises sur ce marché vont diminuer jusqu’à s’annuler.
Pour les marxistes, la concurrence pure et parfaite est une « fadaise » (pour reprendre les termes de Marx) dont le but est uniquement de justifier le système capitaliste. Il ne faut pas y chercher une quelconque vraisemblance mais les idées de la classe dominante pour asseoir sa domination.
D’une manière générale l’importance du modèle de la concurrence pure et parfaite semble surestimée par les non économistes qui, notamment en France, le voient comme étant la quintessence de la théorie néoclassique. Daniel Cohen de manière peut-être trop abrupte écrit « dans l’esprit de beaucoup, la science économique se résume pour l’essentiel à ce modèle. Or, cela fait des années qu’il a été abandonné par les économistes dits, encore, néoclassiques »[36]. Il reste néanmoins à la base de l’enseignement universitaire de l’économie.
La concurrence imparfaite désigne toutes les situations où les conditions de la concurrence parfaite ne sont pas respectées. C’est celle de tous les jours, celle où les agents peuvent développer des stratégies de façon à maximiser leurs gains. Ce champ est actuellement l’objet de recherche intense. Les interactions stratégiques entre agents sont étudiées par la théorie des jeux.
Un tableau dit de Stackelberg recense les différents modèles de la concurrence sur un marché, en fonction de la situation des acheteurs et des vendeurs.
Demande / Offre | un vendeur | quelques vendeurs | nombreux vendeurs |
---|---|---|---|
un acheteur | monopole bilatéral | monopsone contrarié | monopsone |
quelques acheteurs | monopole contrarié | oligopole bilatéral | oligopsone |
nombreux acheteurs | monopole | oligopole | concurrence parfaite |
La concurrence pousse les entreprises à adapter en permanence leurs produits/services aux attentes actuelles et futures de leurs clients. Elle les pousse à innover, au sens de Joseph Aloïs Schumpeter[22], et à chercher à réduire les coûts. La concurrence étant le plus souvent imparfaite, elle les pousse à adopter diverses stratégies pour tirer au mieux leur épingle du jeu. Mais les entreprises sont aussi des formes alternatives au marché qui remplacent la concurrence par le contrat ou la hiérarchie comme l’ont montré Ronald Coase et Oliver Williamson.
Ronald Coase va poser la question de savoir pourquoi les firmes existent[39]. En effet si la libre concurrence fonctionnait partout, il n’y aurait pas besoin d’entreprises, lieux où l’agent se soumet au pouvoir hiérarchique de son supérieur. Pour Ronald Coase le recours à la firme s’explique parce que le fonctionnement du marché engendre des coûts de transaction qu’une organisation comme l’entreprise permet de réduire. Pourquoi dès lors ne pas avoir qu’une seule grande firme. Oliver Williamson, dans son livre Les Institutions de l’économie, montrera que la firme se heurte à des problèmes d’incitations et de bureaucratie[40].
L’existence d’une forme de concurrence, même imparfaite, crée pour les entreprises, quelle que soit leur taille, une situation de compétition vis-à-vis de leurs concurrentes qui les incitent à une recherche permanente d’une meilleure efficacité économique, de produits novateurs capables de maintenir ou d’augmenter leurs parts de marché, et d’augmenter leur taux de marge.
Dans les secteurs à changement technologique rapide, et donc d’obsolescence accélérée, la concurrence peut conduire à des changements rapides dans les parts de marché des entreprises, et donc à une situation instable.
La stratégie des entreprises consiste par différents moyens, à se distinguer des concurrents et à s’éloigner des conditions de concurrence parfaite :
La politique de la concurrence désigne les actions pour éliminer ou du moins pour restreindre les comportements publics ou privés visant à limiter la concurrence. Par ce biais, elles cherchent à favoriser la croissance et le bien-être des citoyens. Les États-Unis ont été pionniers en ce domaine avec le Sherman Act de 1890. Si en Allemagne de telles politiques ont été mises en œuvre dès la fin de la Seconde Guerre mondiale sous l’impulsion notamment des ordo-libéraux, il faudra attendre le traité de Rome de 1957 pour qu’elles soient généralisées au niveau de l’Union européenne.
Pour Brodley[41], il est possible de distinguer trois sortes d’efficience :
La combinaison de ces diverses efficiences peut conduire pour Michel Glais[42] à trois types de politique de la concurrence :
En réalité, il a existé deux écoles à Harvard qui se sont intéressées à la politique de la concurrence : la Harvard School of Law au début du vingtième siècle et la Harvard School of Government autour d’Edward Mason à partir de la fin des années trente. Dans les deux cas, c’est un peu sommaire de les appeler de Harvard car d’autres universités ont également travaillé sur ce sujet.
Concernant la Harvard School of Law, des juristes comme Oliver Wendell Holmes, Louis Brandeis et Roscoe Pound qui en fut le doyen de 1915 à 1936, ont compris qu’au-delà du domaine économique, le laissez-faire constituait d’abord un défi à leur conception des lois et qu’il conduisait la Cour suprême des États-Unis à renier la tradition des lois de Lord Coke[45] pour deux raisons :
L’école structuraliste dite de Harvard, est venue d’une certaine façon dans un second temps donner aux juristes la théorie économique sur laquelle ils peuvent s’appuyer quand ils ont à trancher des cas concrets. Elle a été marquée par la personnalité et les travaux d’Edward Mason et ceux de Joe Bain. La thèse structuraliste est bien illustrée par le modèle SCP d’Edward Mason où la structure du marché (S) influence le comportement des firmes (C) et les performances des firmes (P)[47]. Les structuralistes ont une vision de la concurrence proche des néo-classiques et comme eux, ils voient la concentration des firmes comme quelque chose dont il convient de se méfier car pour eux cela conduit les firmes à accroître leurs profits au détriment du consommateur. Par ailleurs, ils mettent l’accent sur l’inefficience de la primauté des décisions managériales sur l’intérêt des actionnaires, ils développent la théorie de l’inefficience-X et se méfient des diversifications conglomérales[48]. Enfin, ils ne croient pas que le libre jeu du marché permette de remettre en question les positions dominantes. Pour la théorie des marchés contestables développée par William Baumol John Panzar et R. Willig, il n’est pas nécessaire d’avoir un grand nombre d’acteurs, la menace d’entrée de nouvelles firmes suffit. Pour John Panzar[49], cette théorie s’inscrit dans la continuité des travaux d’Henry Demsetz et donc peut être perçue comme relevant de l’école de Chicago
L’approche structuraliste d’Harvard va être contestée par l’école de Chicago dont les principaux auteurs sont Bork, Richard Posner, George Stigler et Henry Demsetz.
Trois idées sont avancées[50] :
Pour Michel Glais[42], « aux yeux de ces économistes le principe de concurrence représente la loi naturelle et efficace du fonctionnement des sociétés organisées ».
Les États-Unis ont été pionniers en matière de concurrence avec l’adoption dès du Sherman Act suivi en 1914 du Clayton Act et du Federal Trade Commission Act. Suivront le Robinson-Patman Act de 1936 sur la discrimination par les prix, et au niveau du contrôle des concentrations, le Celler-Kefauver Act (1950) et le Hart Scott-Rodina Act de 1976[52]. Aux États-Unis, deux autorités sont principalement chargées de la concurrence : la Federal Trade Commission et la division Antitrust du Department of Justice (DOJ). Cette dernière à la différence de ce qui se passe en Europe peut engager des poursuites pénales[53]. D’une manière générale, les autorités judiciaires, sont très présentes tout au long de la procédure. Par ailleurs, « les victimes de comportement anticoncurrentiels peuvent engager un class action et la règle du « triple dommage » (treble damages) permet au plaignant de recevoir jusqu’à trois fois le montant du préjudice qu’il a subi »[53].
David Encoua et Roger Guesnerie[54] distinguent plusieurs phases :
À la suite d'un rapport du MIT intitulé Made in America: Regaining the Production Edge (1989) écrit notamment par Dertouzos, Lester et Robert Solow, le National Cooperative Research and Production Act (NRCPA) de 1993 qui lui-même faisait suite au National Cooperative Research Act (NCRA) de 1984, a posé le principe que les accords de coopération en recherche et développement devaient être évalués en appliquant la règle de raison[56]. Enfin, en 1997 les lignes directrices sur le traitement des opérations de concentration ont été assouplies de même que celles portant sur la propriété intellectuelle[57].
L’Europe va se doter avec le traité de Rome d’une politique de la concurrence le but était de « déterminer des règles de concurrence permettant d’aboutir à un marché intégré, indépendamment des règles en vigueur dans chaque État membre, en veillant à ce que le droit communautaire couvre les droits nationaux des États membres[58]. Le texte de ce traité doit beaucoup à Pierre Uri et à Hans von der Groeben qui fut le premier commissaire allemand chargé de la concurrence. Pour Jacques Rueff[59] le marché institutionnel des communautés européennes devait « rassembler les partis que préoccupent, avant tout la liberté de la personne et ceux qui, tout en refusant la contrainte des volontés individuelles, veulent, dans la répartition, moins d’inégalité et plus de justice[60]. Sur le plan théorique donc la législation européenne de la concurrence est fortement marquée par l'approche structuraliste[61].
En Europe, c’est la Direction générale de la Concurrence (DG Competition) dirigée le commissaire européen compétent qui est chargée d’instruire les dossiers. Les décisions de la commission européenne sont susceptibles de recours devant le Tribunal ou devant la Cour de justice de l'Union européenne. La censure de plusieurs décisions de la commission européenne par le tribunal de première instance en 2002 (affaires Airtour — —, Schneider Legrand — —, et Tetra-Laval — ) a fait l'objet d'une double analyse :
Les décisions européennes s’appliquent à des entreprises dont le siège social n’est pas forcément en Europe. C’est ainsi que le juge communautaire le a validé la décision de la Commission condamnant Microsoft pour infraction aux règles de la concurrence[64]. Certains[65] voient dans ce jugement un manque de prise en compte de l'innovation et d'une certaine façon, pour eux une trop grande prise en compte des thèses structuralistes.
Tout partage de marché, toute fixation de quota de production, toute entente sur les prix entre entreprises sont interdits en vertu de l’article 81 du Traité de Rome[67]. Sont donc interdites les ententes horizontales intervenant entre opérateurs situés au même stade du processus économique (cartel) ainsi que les ententes verticales conclues entre opérateurs situés à des stades différents du processus économique.
En réalité certains accords verticaux vont être évalués à la lumière d’une « règle de raison », c’est-à-dire que l’on va étudier si les avantages économiques seront supérieurs ou non aux inconvénients.
L’article 82 du Traité de Rome n’interdit pas les positions dominantes, il n’en interdit que l’abus. Sont considérés comme abusifs :
La notion d'abus de position dominante doit beaucoup à l'école structuraliste de Harvard. Si certains veulent une évolution vers les thèses de l'école de Chicago d'autres s'en inquiètent et souhaitent à ce que la position dominante continue à se juger par rapport au nombre de concurrents. Ils tiennent l'évolution présente comme un encouragement à ce qu'ils appellent les « investisseurs prédateurs ». En 2006, la CCIP (chambre de commerce et d'industrie de Paris) a publié une étude sur les évolutions souhaitables pour elle de l'article 82[68].
Les aides d’État sont contraires aux articles 87 et 88 du traité de Rome. Toutes les aides susceptibles d'affecter ou de menacer d'affecter les échanges entre les États membres sont concernées (les subventions, les bonifications d’intérêt et les exonérations d’impôt…) si elles dépassent 200 000 euros. Le contrôle des aides est en application de l’article 88 de la compétence exclusive de la Commission. Celle-ci peut soit obliger l’État à ordonner la restitution de l’aide soit subordonner l’aide à des engagements précis. Toutefois, des dérogations sont permises dans trois cas précis :
On parle bien d'« aides d'État » et non d'« aide de l'État ».
L’article 86[69] du traité de Rome assujettit les entreprises publiques gérant les services d'intérêts économiques généraux aux règles de la concurrence. Toutefois ce texte n'a longtemps eu qu'une portée symbolique. La situation va changer quand les États-Unis vont déréglementer le transport aérien sous la présidence de Jimmy Carter et vont démanteler en 1984 ATT qui détenait le monopole des télécommunications aux États-Unis. Peu à peu, l'Europe verra l'intérêt de telles politiques et à son tour commencera à introduire de la concurrence en faisant appliquer les textes dans les secteurs du transport aérien et des infrastructures essentielles[70] : chemin de fer, lignes téléphoniques et électriques notamment.
Le contrôle des concentrations a été tardivement généralisé dans le droit de la CEE, puisqu’il a fallu attendre pour cela l’adoption en 1989 du règlement no 4064/89 remplacé depuis en 2004 par le règlement no 139/2004. Le contrôle des concentrations occupe maintenant une place importante car les rapprochements d'entreprises ont le plus souvent un caractère communautaire[72]. D'une manière générale, si les interdictions pures et simples sont rares, il est fréquemment demandé aux entreprises de se soumettre à un certain nombre de conditions afin de garantir le maintien d'une concurrence loyale. Par exemple, lors de la fusion Air France KLM en , les entreprises ont dû céder des créneaux aériens afin de ne pas réduire la concurrence sur certaines destinations.
Pour Jean Quatremer[73], le débat en France sur la notion de « concurrence libre et non faussée » n'a pas beaucoup agité les autres pays européens. Dans le même esprit, Mario Monti[73] notait en que les sondages avaient longtemps montré qu'il y avait en France une hostilité sans égale dans le monde à l'égard de l'économie de marché. Pourtant, pour cet économiste, des signes d'une évolution des mentalités sont perceptibles à travers la prise de conscience des dirigeants politiques que les gains de croissance passent par l'instauration d'une plus grande concurrence. Selon Alain Lamassoure[73], ancien membre du parti politique Les Républicains, l'hostilité des français à l'économie de marché s'expliquerait par l'addition de plusieurs traditions que sont une vision catholique selon laquelle « l'argent, c'est sale », le colbertisme, le socialisme et le corporatisme qui selon lui aurait survécu au Régime de Vichy.
Dans leur ouvrage La Société de la défiance, Yann Algan et Pierre Cahuc[74] soulignent que « la confiance mutuelle et le civisme sont essentiels au bon fonctionnement des marchés, car ils facilitent une concurrence pacifique et équitable ». Or les enquêtes depuis plus de vingt ans montrent que les français se méfient plus souvent de leurs concitoyens, des pouvoirs publics et du marché que le reste des habitants des pays développés. Pour ces auteurs[75], c'est le mélange de corporatisme et d'étatisme du modèle social français qui provoquerait à la fois cette défiance et cet incivisme. Il y aurait comme un cercle vicieux où plus de défiance entraîne plus de demande d'État qui crée plus de barrières à la concurrence en donnant d'une certaine façon à ceux qui ont des moyens de protester des privilèges qui à leur tour engendrent de la défiance parmi ceux qui n'en profitent pas ou qui estiment en profiter moins que d'autres[76].
L'Autorité de la concurrence condamne chaque année de nombreuses entreprises dans tous les secteurs d'activité en général pour « entente frauduleuse »[77]. Une amende record en la matière a été infligée en mai 2008 aux trois opérateurs de téléphonie mobile de métropole. La chambre commerciale de la Cour de cassation a confirmé une condamnation de ces trois opérateurs à une amende de 442 millions d'euros pour « entente illicite » sur les prix de 2000 à 2002[78]. En 2002, l'Union fédérale des consommateurs - Que choisir avait initié une procédure devant le Conseil de la concurrence qui avait abouti à un procès en novembre 2005[79]. Même chose du côté du marché de l'électronique grand public et pour l'UFC Que Choisir « en dépit des beaux discours sur la libre concurrence, les grandes enseignes et les fabricants font tout leur possible pour que les revendeurs les plus agressifs sur le plan des prix s'alignent ou vendent en catimini, sans faire la moindre publicité sur leurs tarifs exceptionnels »[80].
En décembre 2008, le Conseil de la concurrence a condamné à l'amende record de 575,4 millions d'euros « onze entreprises du négoce de produits sidérurgiques ainsi que la Fédération française de distribution de métaux (FDDM), le principal syndicat de la profession, pour entente »[81].
Il s'agit de cas très particuliers, rencontrés en général dans le domaine des services dans lesquels l'existence d'un réseau d'infrastructure unique est source d'efficience. Augmenter le nombre de concurrents ne permet alors plus de financer les coûts fixes importants de l'activité. Par contre plus de concurrence amène plus d'innovations et parfois une diminution des coûts.
Ces secteurs peuvent entrer dans le champ de la concurrence de deux manières :
Selon les analyses, des altermondialistes et des interventionnistes :
Les syndicalistes puissants dans ces secteurs EDF, France Télécom, SNCF semblent méfiants. Des syndicalistes de France Télécom[83] avançaient en 2001 trois risques :
Concernant l'énergie électrique l'ensemble des parties prenantes en France semblent peu désireuses d'aller de l'avant et, pour Bernard Salanié[86], la concurrence avancerait à reculons faisant peser une hypothèque sur notre capacité à renouveler le parc de centrales nucléaires.
La deuxième partie de la loi sur les nouvelles régulations économiques (2001) est consacrée à la concurrence.
Pour eux les mécanismes censés garantir la concurrence :
Plus profondément, certains libéraux, comme Pascal Salin, mettent en évidence que les politiques de concurrence sont fondées sur la théorie de la concurrence pure et parfaite, qui est elle-même incapable de rendre compte des mécanismes réels de l'économie[87]. Ainsi, les politiques de la concurrence chercheraient non pas à faire profiter l'ensemble des acteurs économiques d'une réelle concurrence, mais à forcer l'économie à se plier à un cadre irréaliste. Dans cette vision critique, la seule notion de concurrence qui rende compte des mécanismes réels de l'économie serait celle de la libre entrée sur les marchés : il s'agit d'une vision dynamique. À l'inverse, la théorie de la concurrence pure et parfaite n'appelle concurrence que la situation dans laquelle les producteurs (comme les acheteurs) sont suffisamment nombreux et donc petits par rapport à la taille du marché pour n'avoir aucun pouvoir d'influencer les prix. C'est la théorie atomistique, qui est une vision statique. Les réglementations qui en découlent vont ainsi se préoccuper de définir un marché pertinent, pour en mesurer la taille, et déterminer la part de marché du producteur, qui si elle est trop importante sera considérée comme une position dominante. Certains des comportements de ce producteur seront alors qualifiés d'abusifs et sanctionnés comme tels.
Les États peuvent également chercher à faire émerger des « champions nationaux », en contrariant temporairement ou plus durablement la concurrence internationale.
Les dirigeants politiques peuvent décider de mettre en place des barrières douanières et des réglementations afin de limiter la concurrence des produits étrangers ; certains États utilisent également des moyens détournés, comme la normalisation, ou la sécurité pour interdire de fait l'entrée de concurrents étrangers. En règle générale, les investissements des non-résidents sont contrôlés de manière discrétionnaire ou par la loi. Jouent le même rôle les règles d'accès à certaines professions, en matière de services notamment :
Les États essayent également de négocier au mieux de leurs intérêts les réglementations reconnues au niveau international, notamment avec l'OMC, et en particulier son Organe de règlement des différends[93].
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