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personne ou organisme qui informe le public ou les autorités d'un danger, d'un risque ou d'activités présumées inappropriées De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Un lanceur d'alerte est toute personne, groupe ou institution qui adresse un signal d'alarme en espérant enclencher un processus de régulation ou de mobilisation collective, après avoir eu connaissance d'un danger, d'un risque ou d'un scandale avéré.
À la différence du délateur, le lanceur d'alerte estime agir pour le bien commun, l'intérêt public ou intérêt général[1], animé de bonnes intentions[1],[2], généralement de manière bénévole et désintéressée, souvent contre l'avis de sa hiérarchie. Son but est d'informer les instances officielles, associations et le journalisme d'enquête.
En France, la notion est apparue en 1999 dans un livre des sociologues Francis Chateauraynaud et Didier Torny[3], à propos d'alertes sanitaires et environnementales, et une Maison des lanceurs d'alerte a été fondée en 2018 par 17 associations et syndicats car depuis la fin des années 1990, des lanceurs d'alertes sont menacés ou poursuivis. La protection des sources d'information du journalisme d'enquête est une règle de droit et un principe de la déontologie du journalisme, pilier de la Charte de Munich, qui date elle de 1971.
Des mouvements associatifs ou politiques veulent une législation les protégeant, comme aux États-Unis et au Canada[4], des risques encourus: licenciement, assassinat, atteintes à la santé ou à la tranquillité de sa famille[1], poursuites-bâillons en justice visant à censurer et ruiner. Selon le professeur de sciences de gestion Bertrand Venard, « mieux protéger les lanceurs d’alerte, c’est aussi sécuriser l’économie » car la corruption freine son développement, par « de mauvaises décisions, un surcoût des achats et une diminution des investissements »[5].
En France, le Grenelle de l'environnement prend position en 2007 pour leur protection juridique[6] et la loi Sapin 2 instaure en 2016 un statut de lanceur d'alerte, incluant la protection contre toute forme de représailles[7]. Une directive de l'Union européenne est ensuite adoptée en 2019 pour protéger « les personnes signalant des violations du droit de l'Union »[8].
Le terme français « lanceur d'alerte » a été inventé dans les années 1990 par les sociologues Francis Chateauraynaud et Didier Torny. Il a ensuite été popularisé au début des années 2000 par le chercheur André Cicolella, lui-même un « lanceur d'alerte », en interaction avec des juristes, des journalistes et des militants associatifs. La création de cette notion visait explicitement à la séparer de celles de dénonciateur (sincère) et de délateur (intéressé). Contrairement à ce que de nombreux journalistes ont écrit, l'expression de lanceur d'alerte n'a pas été développée comme une traduction de whistleblower (littéralement « personne soufflant dans un sifflet » ; autrement dit, celui qui sonne l'alarme). Alors que le whistleblower, particulièrement développé dans les traditions juridiques anglo-saxonnes, désigne avant tout celui qui entend donner un coup d'arrêt à une action illégale, irrégulière ou injuste, le lanceur d'alerte a d'abord été conçu comme celui ou celle qui se donne pour but de signaler un danger ou un risque, afin de l'éviter en interpellant les pouvoirs en place et en suscitant la prise de conscience de ses contemporains[9]. Cependant, au fil de la multiplication des affaires et des scandales, du Mediator à Luxleaks en passant par les révélations d'Edward Snowden, les deux concepts tendent à converger dans les discours publics[10].
Au Québec et au Canada francophone, le terme utilisé pour traduire whistleblower a longtemps été celui de « dénonciateur » – bien que le terme « lanceur d'alerte » ait été reconnu en 2006 dans la fiche « dénonciation » (domaine comptabilité) du Grand Dictionnaire terminologique de l'Office québécois de la langue française[11].
Les lanceurs d'alerte peuvent interagir en amont et/ou en aval, avec toutes sortes d'« acteurs vigilants », appelés aussi des sentinelles de veille.
S'inspirant des travaux sociologiques sur les sciences et les risques menés par Chateauraynaud et Torny, la Fondation Sciences Citoyennes[12] définit ainsi le lanceur d'alerte[13] :
« Simple citoyen ou scientifique travaillant dans le domaine publique [sic] ou privé, le lanceur d’alerte se trouve à un moment donné, confronté à un fait pouvant constituer un danger pour l’homme ou son environnement, et décide dès lors de porter ce fait au regard de la société civile et des pouvoirs publics. Malheureusement, le temps que le risque soit publiquement reconnu et s’il est effectivement pris en compte, il est souvent trop tard. Les conséquences pour le lanceur d’alerte, qui agit à titre individuel parce qu’il n’existe pas à l’heure actuelle en France de dispositif de traitement des alertes, peuvent être graves : du licenciement jusqu’à la « mise au placard », il se retrouve directement exposé aux représailles dans un système hiérarchique qui ne le soutient pas car souvent subordonné à des intérêts financiers ou politiques. »
Est un lanceur d’alerte, pour le Conseil de l'Europe, « toute personne […] qui révèle des informations concernant des menaces ou un préjudice pour l’intérêt général dans le contexte de sa relation de travail, dans le secteur public ou privé »[14].
Dans un article de synthèse publié dans le « dictionnaire de la Participation », Francis Chateauraynaud relie deux définitions menant de l'alerte à la dénonciation, soit de la figure du lanceur d'alerte « à la française » à celle du whistleblower « angloaméricaine »[15] :
« 1. Toute personne, groupe ou institution qui, percevant les signes précurseurs d’un danger ou d’un risque, interpelle une ou plusieurs puissances d’action, dans le but d’éviter un enchaînement catastrophique, avant qu’il ne soit trop tard.
2. Toute personne ou groupe qui rompt le silence pour signaler, dévoiler ou dénoncer des faits, passés, actuels ou à venir, de nature à violer un cadre légal ou réglementaire ou entrant en conflit avec le bien commun ou l’intérêt général. Ce second sens est plus proche du mot anglais whistleblower – dont l’expression de lanceur d’alerte n’est cependant pas la traduction directe. »
Le lanceur d'alerte peut aussi être dans la durée « porteur d'alerte » et « porteur d’un message éthique » [16]
« Signe de ce qu’aucun des problèmes de fond et des impasses auxquelles conduit immanquablement le productivisme n’est en voie de résolution, voire d’identification, le nombre de lanceurs d’alerte, individuels et collectifs, n’a cessé de croître depuis le début des années 1990. Intervenant dans des domaines très divers comme l’agriculture industrielle (pesticides, OGM, perturbateurs endocriniens, raréfaction de l’eau), les technosciences (nucléaire, numérique, nanotechnologies), le travail (harcèlement, burn-out, précarité), la surveillance des populations ou les paradis fiscaux (renseignement militaire, policier et d’entreprise, contrôle des migrants, affaire WikilLeaks, Snowden, SwissLeaks, LuxLeaks, Panama papers), ces derniers sont confrontés à de multiples pressions sans être parvenus, jusqu’à présent, à bénéficier des protections juridiques qui leur permettraient d’exercer leur activité en toute indépendance. Mais leur vulnérabilité résulte plus fondamentalement de plusieurs éléments propres à l’époque et à la conception du monde qui la structure majoritairement. »
— Pierre Bitoun et Yves Dupont, Le Sacrifice des paysans : une catastrophe sociale et anthropologique, L'échappée, 2016 (p. 30).
En France, l’article 28 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit une faculté d'alerter. Et le décret relatif à la discipline générale militaire va plus loin en précisant que « Le subordonné ne doit pas exécuter un ordre prescrivant d'accomplir un acte manifestement illégal ou contraire aux règles du droit international applicable dans les conflits armés et aux conventions internationales » (art. D. 4122- 3, 3° du Code de la Défense). Mais l’instruction d'application rappelle qu’il commet une faute s’il s’avère que l’acte n’était pas manifestement illégal. L'émergence d'un droit de critique par les salariés se développe dans la seconde moitié des années 1990[17].
En langue française, la notion de lanceur d'alerte a, en partie, été popularisée par André Cicolella, chercheur en santé environnementale à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), en lien avec une jurisprudence établie après son licenciement jugé non justifié de l'Institut national de recherche et de sécurité[18].
La notion la plus proche de l'expression « lanceur d'alerte » en langue anglaise est celle de « whistleblower ». Cette expression renvoie à l'idée de « délation » qui n'est pas connotée aussi négativement en anglais, et se traduit littéralement par « souffler dans le sifflet »[27].
L’expression « whistleblower » désigne à l'origine les policiers soufflant (« blow ») dans leur sifflet (« whistle ») à la fois pour appeler les forces de l'ordre et pour alerter les citoyens d'un danger.
Le « whistleblower » est un employé ou ex-employé d'une entreprise ou d'une agence gouvernementale qui signale une mauvaise conduite à une autorité susceptible de mettre fin à cette mauvaise conduite. Cette dernière recouvre les violations de lois et règlements et/ou une menace directe contre l'intérêt général, telles qu'une fraude, de la corruption ou une menace pour la santé et/ou la sécurité des hommes.
Elle s'applique en particulier aux questions liées aux ententes illégales entre producteurs.
Le néerlandais connaît le terme de « klokkenluider » littéralement : carillonneur[28] ou sonneur de cloche. Les sonneurs de cloche activent manuellement les cloches des beffrois et clochers d'églises. Ils n'avaient dans le passé pas qu'un rôle d'appel aux services religieux. Les cloches étaient un des rares moyens de communication collectifs, et étaient parfois employées pour annoncer un danger : feu, orage, invasion et appeler à des réactions appropriées. On dit bien « sonner le tocsin ».
D'après Transparency International France, environ 60 pays disposent d'une législation couvrant les lanceurs d’alerte[29] dont sept sont équipés de dispositifs solides. En 2017, elle a édité une brochure Guide pratique à l'usage des lanceurs d'alerte[30].
Blueprint for Free Speech, fondation internationale (Allemagne, Australie, Royaume-Uni, Suède), créée pour la défense de la liberté d’expression dans le monde et dont le siège est situé en Australie, a construit une bibliothèque gratuite de ressources en ligne (législations, bonnes pratiques, études). Sur son site, une carte mondiale interactive des législations nationales en faveur des lanceurs d’alerte est présentée[31].
La Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles est entrée en vigueur le . Elle s’applique à presque l’ensemble du secteur public fédéral, incluant les ministères et les organismes, les sociétés d’État mères, la Gendarmerie royale du Canada et d’autres organismes du secteur public fédéral. C'est le Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada qui est chargé d'appliquer cette loi.
Le Protecteur du citoyen est chargée d'appliquer la Loi facilitant la divulgation d’actes répréhensibles à l’égard des organismes publics. Il protège les lanceurs d'alerte dans les cas suivants[32] :
Par contre, il ne traite pas les alertes remettant en cause le bien-fondé des politiques et objectifs de programme du gouvernement ou d’un organisme public. De plus, la loi ne protège pas les lanceurs d’alerte au municipal et aux entreprises privées qui font affaire avec l'État. La Loi ne protège pas non plus les fonctionnaires lanceurs d'alerte qui ont dénoncé à des médias[33]. Cela dit, la mouvance politique actuelle vise à renforcer la protection des lanceurs d'alerte[34].
À défaut de protections solides pour les nombreux lanceurs d'alerte qui ne correspondent pas aux critères limitatifs de la loi, c'est plutôt l'obligation de loyauté envers l'employeur de l'article 2088 du Code civil du Québec qui trouve application[35]. Un manquement important à l'obligation de loyauté peut être un motif de congédiement[36].
La première loi américaine date de 1863 : le False Claims Act. Elle était destinée à récompenser pendant la Guerre Civile les personnes qui dénonceraient les fraudes commises par les sous-traitants de l'armée américaine. Parmi l'arsenal législatif qui a continué à s'étoffer, le Whistleblower Protection Act datant de 1989 se distingue car il a permis de protéger les lanceurs d'alerte du secteur public.
Dans le privé, spécialement dans les secteurs stratégiques comme le nucléaire, l'agroalimentaire ou l'aviation, les salariés qui dénoncent des pratiques illégales ou dangereuses bénéficient officiellement d'une protection contre les représailles de leur employeur. Officieusement, la protection est différente selon les États américains et les lanceurs d'alerte du privé ne disposent pas de la même protection que celle qui couvre les employés fédéraux.
L'OSHA, une agence du Ministère du Travail traite les plaintes des lanceurs d'alerte. Mais cette organisation est trop lente dans ses procédures : entre 2009 et 2014, seuls 17,7 % des plaignants ont obtenu gain de cause.
Aux États-Unis, la protection des « whistleblowers » dépend notamment du sujet abordé par la dénonciation et du statut du dénonciateur. Un ensemble complexe de lois adoptées entre 1912 (« Lloyd-La Follette Act ») et 2002 (« Sarbanes-Oxley Act ») pourrait être modernisé par un nouveau projet de loi intitulé « Whistleblower Protection Act » présenté en 2007.
Aux États-Unis a été créé, en 2007, le bureau des lanceurs d'alerte (Whistleblower Office) de l'IRS qui récompense les dénonciateurs de fraudes fiscales en leur garantissant 30 % des montants récupérés grâce à leurs informations. Bradley Birkenfeld, ancien banquier américain d'UBS, a perçu 104 millions de dollars pour avoir permis à l'État de recouvrer 5 milliards d'impôts dus. Sa dénonciation a aussi permis au fisc américain d'engranger 780 millions de dollars d'amendes payées par UBS pour échapper à un procès qui aurait pu faire perdre la licence d'exploitation à la banque.
Le système américain est paradoxal. Certes, l'utilité des lanceurs d'alerte est reconnue. La justice américaine les définit comme « l'outil le plus efficace dans la lutte et la punition des fraudes perpétrées contre les États-Unis ». Mais cette protection est assujettie à d'innombrables textes qui en limitent le statut (délais de procédures, nature de la fraude décrite, secteur d'activité...) Edward Snowden réfugié en Russie et Chelsea Manning en prison sont des exemples des difficultés rencontrées par les lanceurs d'alerte. Barack Obama a utilisé une loi, l'Espionnage Act (loi de 1917), à sept reprises contre des employés fédéraux qui avaient révélé des informations liées à la défense ou au renseignement. Les présidents précédents avaient utilisé seulement trois fois ce recours[37].
Dans les pays anglo-saxons s'est constituée au sein dans le domaine de la défense, de la sécurité et du renseignement américain une ONG (National Security Whistleblowing Coalition) qui aide à protéger et faire entendre et respecter les lanceurs d'alertes dans ce milieu ; la NSWC a été créée par Sibel Edmonds (traductrice du FBI licenciée après avoir révélé un réseau d’espionnage et d’influence au sein même du FBI)[1].
En France, la notion de lanceur d'alerte apparait dans les années 1990[38]. Depuis 2013, la France a adopté plusieurs lois pour protéger les lanceurs d'alerte[39].
En , l'article 6 de la loi Sapin 2 définit ce qu'est un lanceur d'alerte :
« Un lanceur d'alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance. Les faits, informations ou documents, quel que soit leur forme ou leur support, couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client sont exclus du régime de l'alerte défini par le présent chapitre. »
L’alerte doit concerner une atteinte à l’intérêt général.
Pour pouvoir être entendue et traitée à temps, mais aussi en cas d’action en justice, l’alerte doit pouvoir être attestée (écrits, courriels, entretiens, témoins).
Elle doit présenter une chronologie claire (antériorité de l’alerte sur les représailles, dont un éventuel licenciement).
Le , le législateur a adopté une loi protégeant les lanceurs d'alerte[40],[41] dans le domaine des risques sanitaires ou environnementaux, visant selon Jean-Louis Roumégas (député de l'Hérault et rapporteur de la loi) à « libérer la parole de ceux qui doutent, ou qui savent » par un « cadre protecteur »[42] (c'était une des demandes du Grenelle de l'environnement en 2007[42]) et à renforcer l'indépendance des expertises scientifiques.
En , une loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « Loi Sapin 2 »)[43]. Cette loi crée (art 1) une Agence française anticorruption destinée à « prévenir et à détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme ».
En 2018 une Maison des lanceurs d'alerte (MLA, association loi de 1901) est créée par dix-sept ONG (associations et syndicats) pour accompagner les lanceurs d’alerte et d’améliorer leur protection ; fin 2020, elle avait 300 demandes de soutien et accompagnait plus de 150 lanceurs d’alerte[44].
En février 2022, le Parlement a adopté la loi de transposition de la directive (UE) 2019/1937 du 23 octobre 2019 à la suite de deux propositions de loi déposées par le député Modem Sylvain Waserman : une proposition de loi ordinaire « visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte » et une proposition de loi organique « visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte[45] ». Ces deux textes ont été promulgués le 21 mars 2022[46],[47]. La loi visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte a amendé la loi Sapin 2 de décembre 2016 afin de la mettre en conformité avec la directive européenne et ajoute des garanties substantielles non comprises dans la directive[46] .
Le , un amendement rédigé par la FNSEA est adopté en commission des finances par les groupes Renaissance et Les Républicains. Il prévoit de supprimer les avantages fiscaux des organismes faisant appel à des dons ou des legs du public si ceux-ci sont condamnés pour des faits qui relèvent, selon les associations, de lanceurs d’alerte ou de la désobéissance civile. Les associations visées sont celles qui luttent pour la protection de l’environnement et le bien-être animal[48].
Au Royaume-Uni, le « Public Interest Disclosure Act » protège depuis 1998 les « whistleblowers » du licenciement et des pressions.
Les lanceurs d'alerte peuvent utiliser une ligne téléphonique d’urgence et gratuite : des avocats traitent les questions des salariés et les accompagnent dans leurs démarches.
Le droit anglo-saxon permet aussi au lanceur d’alerte de conserver son poste jusqu’au procès[37].
En Suisse, le Contrôle fédéral des finances (CDF) a mis en place en 2017, après six ans d'expérience, une plateforme en ligne (www.whistleblowing.admin.ch) qui a pour but d'échanger des irrégularités présumées, de façon anonyme, indépendante et sécurisée, avec les employés, les fournisseurs, les contribuables et toute personne qui veut améliorer l’efficience de l'administration et combattre la fraude et la corruption. Le CDF est la porte d’entrée officielle des lanceurs d’alerte pour l’administration. Pour les collaborateurs de la Confédération, ils sont néanmoins tenu de respecter la loi sur le personnel de la Confédération, à l'art 22a « Obligation de dénoncer, droit de dénoncer et protection »[49],[50].
En 2018, des militants ont mis en ligne la plate-forme « Swiss Leaks » pour que des lanceurs d'alertes puissent révéler des irrégularités (notamment des délits économiques) de manière anonyme[51],[52].
La législation belge concernant la protection des lanceurs d'alerte est pointée comme particulièrement déficiente. Le pays ne possède pas de cadre légal global, uniquement des dispositions fédérales[53] et flamandes pour le seul secteur public. La Wallonie et Bruxelles ne protègent donc ni le lanceur d'alerte du secteur privé, ni celui du secteur public non fédéral[54]. Une étude comparative de la commission pointe cette absence de protection pour le secteur privé et souligne qu'il n'existe « aucune législation pertinente » en Wallonie ni à Bruxelles[55].
Le , le Parlement européen adopte de nouvelles règles à l’échelle de l’Union européenne pour protéger les lanceurs d'alerte, par 591 voix pour, 29 voix contre et 33 abstentions. Ces nouvelles dispositions ont notamment pour objectifs, de protéger et encourager le signalement d’infractions à la législation de l’UE, de choisir entre le signalement interne ou externe, et de mettre en place des mesures de protection contre les représailles de la part des employeurs. Pour entrer en vigueur, la législation doit néanmoins d'abord être approuvée par les ministres de l’UE, puis les États membres disposeront ensuite d’un délai de deux ans pour faire respecter les dispositions[56].
Le , la Commission européenne publie un projet de directive sur la protection des lanceurs d’alerte[57]. Le texte du projet propose une large protection des lanceurs d'alerte et est reçu positivement par les ONG mobilisées sur la question[58]. Cette directive doit être finalisée d’ici 2019, date de la fin de la mandature de la Commission de Jean-Claude Juncker.
Le projet de directive européenne sur la protection des lanceurs d’alerte fait suite à une autre directive dédiée au secret des affaires, validée en 2016 et transposée dans les différents pays européens au plus tard en . La directive de 2016 donne une définition très large du secret des affaires et pénalise toute infraction sans la limiter à une utilisation des données à des fins commerciales illicites. Cette directive, malgré ses timides exemptions à l’égard des journalistes et lanceurs d’alerte, apparaît comme un outil juridique supplémentaire au profit des entreprises – notamment les grands groupes – dans la maîtrise de l’information les concernant, elle s'oppose à l'éthique des affaires. Elle prévoit, en cas de procédure devant les juridictions civiles ou pénales, une restriction de l'accès au dossier ou aux audiences, avant, pendant, ou après l'action en justice.
Les détracteurs de la directive européenne sur le secret des affaires plaident pour une restriction de la définition du secret des affaires, précisant quels types d'informations commerciales, technologiques et/ou relatives au savoir-faire, sont à protéger contre l'appropriation illicite. Notamment, certaines données économiques de l'entreprise ne doivent pas relever du secret d'affaires. Les critiques souhaitent aussi que le secret d'affaires ne puisse pas être invoqué face aux requêtes des juridictions civiles et pénales. De plus, ils considèrent que le secret des affaires ne doit pas pouvoir être opposé sur les sujets qui relèvent des droits fondamentaux (eugénisme, clonage, liberté de la presse, droits à l'information et à la consultation des travailleurs au sein de l'entreprise, droit d'accès de toute personne aux dossiers qui la concernent)[37].
Les ministres de l’Union européenne (UE), réunis au sein du Conseil de l'Union européenne adoptent le 2019 la directive[59]. Sa transposition dans les législations nationales et son entrée en vigueur doivent être faites au plus tard le 17 décembre 2021. Les dispositions de la directive concernant les entreprises ne s'appliqueront qu'aux entreprises de plus de 50 personnes. Les entreprises de moins de 250 travailleurs auront un délai supplémentaire de deux ans pour mettre en œuvre les dispositifs internes d'alerte[60].
Plusieurs autres pays bénéficient de législations protégeant les lanceurs d’alerte.
En Europe seuls 4 pays – Luxembourg, Roumanie, Slovénie et Royaume-Uni – ont adopté et mis en œuvre une législation complète. Sur les 23 autres pays membres de l’Union européenne en 2022, 16 pays ont une législation partielle et 7 n’ont soit aucune législation, soit une législation inadéquate[Lesquels ?][61]. En dehors de l'UE, Marie-Angèle Hermitte et Christine Noiville, membres du CNRS citent notamment la Nouvelle-Zélande, l'Australie ou encore de l'Afrique du Sud comme des pays ayant une législation en faveur de la protection des lanceurs d'alerte[62].
La protection des lanceurs d'alerte relève du domaine légal, juridique et aussi technologique. Wikileaks a ouvert la voie en créant un site permettant de soumettre anonymement des documents confidentiels par la cryptographie et des techniques d'anonymisation en ligne. De nombreux autres sites ont été ouverts depuis : Balkan Leaks par le site d'investigation bulgare en 2010, Safe House par le Wall Street Journal en 2011, Frenchleaks par Mediapart en 2012, We fight censorship par Reporters sans frontières en 2012. Simultanément, des développeurs recherchent des systèmes à installer librement à destination des organisations qui souhaiteraient recevoir des documents. Par exemple, aux États-Unis, le hacker Aaron Swartz créé SecureDrop, un logiciel de transmission ultra-sécuritaire pour les rédactions, utilisé par The New Yorker, Balkan Leaks, The Intercept, The Washington Post ou The Guardian. En Italie, GlobaLeaks permet aux média, aux associations et aux ONG, de mutualiser ce type d'outils. Il est aussi utilisé par le site tunisien Nawaat, Le Monde et des media belges. Publeaks est un site partagé par plus de quarante média néerlandais : le lanceur d'alerte peut choisir jusqu'au maximum de sept média pour envoyer ses documents. Afrileaks rassemble plus de vingt rédactions de l'Afrique anglophone[37].
Commentant la proposition du Grenelle de l'environnement d'accorder une protection juridique aux lanceurs d'alerte, le journaliste altermondialiste Hervé Kempf précise « qu'à l'origine de la découverte des risques de l'amiante, du nucléaire, de la vache folle, et de bien d'autres problèmes écologiques et sanitaires, il y a eu des lanceurs d'alerte. Aux États-Unis et en Grande-Bretagne, des lois protègent de tels trublions »[25].
Parmi les lanceurs d'alerte les plus célèbres, on compte :
Avertissement : la plupart des exemples relevés dans la liste ci-dessous ne sont pas des lanceurs d'alerte au sens de la loi canadienne fédérale ou des lois provinciales, mais seulement des lanceurs d'alerte au sens du langage courant. Les lois canadiennes en matière de lanceurs d'alerte sont parmi les plus restrictives au monde et la loi est en retard sur l'usage du terme dans le langage courant et dans l'espace public. La conséquence du retard de la loi avec l'usage courant du terme est que beaucoup de personnes se croient lanceuses d'alerte alors qu'elles ne bénéficient d'aucune protection légale[73].
De ses observations au port d'Anvers et de l'examen de la comptabilité de l'entreprise qui l'employait, il conclut à l'existence de l'esclavage au Congo. Avec d'autres, il contribua activement à le dénoncer[89].
L’article 41 de la Constitution chinoise donne le « droit de critiquer et de faire des suggestions à tout organe ou fonctionnaire de l’État ». Il est aussi possible de porter plainte contre l’État et les fonctionnaires pour « violation de la loi ou négligence de ses devoirs ». Néanmoins, « la fabrication ou la déformation des faits à des fins de diffamation ou de machination » sont passibles de poursuites[137].
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