Enfant déjà attiré par la peinture et le dessin et effectuant sa scolarité à Boissy-Saint-Léger, Jacques Vimard franchit un jour sur la route de l'école la porte d'une propriété qu'il perçoit être celle d'un artiste peintre. Il y est accueilli, puis reçu régulièrement: c'est là la réelle initiation de cet autodidacte[1]. La mobilisation en Algérie en 1961 constitue à la fois une rupture dans son existence et une confirmation définitive de sa vocation de peintre[2]. Solitaire, il va alors se nourrir des lectures de Friedrich Nietzsche, d'Arthur Rimbaud et d'Antonin Artaud, avant deux importantes rencontres: Guy de Vogüé, qui lui fait découvrir la peinture de Jean Fautrier, de Jean-Michel Atlan et de Nicolas de Staël, et Édouard Pignon qui l'invite à exposer au Salon de mai de 1967 (où sa toile Hommage à Chardin reçoit le Prix de la Bourse Adam). Jacques Vimard restera membre du comité du Salon de mai de 1967 à 1980.
C'est vers la fin de la décennie 1990 que Jacques Vimard énonce son refus d'une peinture tragique et souffrante, en même temps qu'il affirme le choix conscient d'un retour sur «l'enfance, la mère, l'érotisme et un certain état d'innocence»[3]. «J'ai refusé d'exprimer le drame, la douleur dans ma peinture pour aller vers une espèce de joie qui n'a rien de religieux mais qui peut être religieuse quand elle fait le lien entre le sacré et le terrestre. C'est une quête de la joie et de la beauté» confirme l'artiste qui précise: «Pour moi, c'est la couleur rose qui s'impose dans cette démarche... C'est le défi du peintre. Un côté provocateur, car le rose n'est pas artistiquement correct»[2]. Dans le même temps, l'expérience de son épouse Niki Barbova dans le monde de l'édition stimule la fondation des Éditions Barbova par quoi Jacques Vimard approfondit son implication dans les créations de livres d'artiste.
«Dans ses créations de livres d'artiste, Jacques Vimard mêle à son travail de peintre la poésie. Et les poètes font entrer leurs poèmes dans la dimension du peintre. Affinités, complicité, fusion, choix des papiers, typographies, maquette, impression... Il s'agit ici de faire surgir, dans la musique de cette "petite édition", des formes singulières, rares, magiques.»[7]
José Pierre, Théâtre en chaud, poèmes enrichis de cinq gravures érotiques de Jacques Vimard, chacune des gravures signées de la main de l'artiste, soixante exemplaires numérotés, Éditions Biren, Paris, 1979.
Guy Benoît, La matière hésitante de l'amour, dessin de Jacques Vimard en couverture, Éditions mai hors saison, 1979.
Révélation révolution, no11 de la revue Mai Hors Saison, 1986.
Guy Benoît, Au plus haut point physique - Poèmes 1966-1987, reproduction d'encres de Jacques Vimard, Éditions Samuel Tastet, 1990.
Guy Benoît, L'insu, poèmes, reproduction de neuf encres de Jacques Vimard, Cadex Éditions, 1991.
Alain Borer, Épactes, poèmes, gouaches de Jacques Vimard, Éditions Biren, 1995.
Bernard Noël, Histoire de forme, texte manuscrit avec graphismes, peintures, collages et découpages de Jacques Vimard, livre d'artiste en une feuille pliée, sept exemplaires numérotés et signés de l'auteur et de l'artiste, 1995.
Bernard Noël, Poème contre tête; quatre gravures de Jacques Vimard, Éditions Barbova, 1997.
Gilbert Lascault, Phrases, quatre gravures de Jacques Vimard, Éditions Barbova, 2000.
Jacques Vimard, «variations autour de la tasse», suite de livres peints composés chacun de trois ou quatre gouaches originales: La tasse silence, Rose la tasse, Scriabine la tasse, La tasse Salomé, L'ombre de la tasse + doré, Jubilation la tasse, Éditions Barbova, 2001-2002.
Michel Bataille, Le cri dans le mur, dépliant de dix pages, lithographies originales de Jacques Vimard, collection le fou caché, soixante exemplaires numérotés et signés, Éditions Barbova, 2007.
Bernard Noël, La légende du rose, dépliant de dix pages, lithographies originales de Jacques Vimard, collection Le fou caché, soixante exemplaires numérotés et signés, Éditions Barbova, 2007.
Arthur Rimbaud, L'étoile a pleuré rose, dépliant de dix pages, lithographies originales de Jacques Vimard, collection Le fou caché, soixante exemplaires numérotés et signés, Éditions Barbova, 2007.
Georges Séféris, Trois poèmes secrets - Solstice d'été, dépliant de dix pages, lithographies originales de Jacques Vimard, collection Le fou caché, soixante exemplaires numérotés et signés, Éditions Barbova, 2007.
Georges Shéhadé, Les poésies, dépliant de dix pages, lithographies originales de Jacques Vimard, collection Le fou caché, soixante exemplaires numérotés et signés, Éditions Barbova, 2007.
Daniel Leuwers, La place du poème - Essais et chroniques sur la poésie contemporaine, dessins de Jacques Vimard, Éditions Samuel Tastet, 2007.
Rencontres de Saché, Le blanc en littérature, illustrations de Jacques Vimard, Éditions Daniel Leuwers/Association internationale des critiques littéraires, 2008.
Sophie Loizeau, Un poème érectile, recueil lithographié par Jacques Vimard, soixante exemplaires numérotés et signés, Éditions Barbova, 2008.
Sapho, A une aimée, poésie, recueil lithographié par Jacques Vimard, 60 exemplaires numérotés et signés, Éditions Barbova, 2009.
Louise Labbé, Sonnets n°XVIII, poésie, recueil lithographié par Jacques Vimard, 60 exemplaires numérotés et signés, Éditions Barbova, 2009.
Nathalie Léger-Cresson, Bref et tourbillonnant, poésie, recueil lithographié par Jacques Vimard, soixante exemplaires numérotés et signés, Éditions Barbova, 2009.
Laure Cambeau, Le goût du vide; poésie, recueil lithographié par Jacques Vimard, soixante exemplaires numérotés et signés, Éditions Barbova, 2009.
Sophie Loizeau, Le corps saisonnier, poésie, recueil lithographié par Jacques Vimard, soixante exemplaires numérotés et signés, Éditions Barbova, 2009.
Sophie Loizeau, Les roches noires (poème extrait de La Nue-bête), livre peint, Éditions Barbova, 2011.
Rainer Maria Rilke, Hortensia rose, livre d'artiste, peintures de Jacques Vimard, Éditions Barbova, 2013.
Paul Celan, Mandorla, livre d'artiste, peintures de Jacques Vimard, Éditions Barbova, 2013.
Ossip Mandelstam, Je vis un lac et il se tenait debout (poème extrait des Cahiers de Voronej), livre d'artiste, pastels de Jacques Vimard, sept exemplaires, 2014[8].
Virage de Claude Laurent d'après Tankred Dorst, mise-en-scène et interprétation de Stéphan Meldegg, décors de Jacques Vimard, café-théâtre Le Tripot, Paris, 1972.
Le contre-pitre de Hélène Parmelin, scénographie et costumes de Jacques Vimard, mise-en-scène et interprétation d'Alain Gassas et Nicolas Pignon, Compagnie du Cothurne, Théâtre du Huitième, Lyon, et cour de l'Hôtel de Caumont, Festival d'Avignon, 1974.
La légende du rose, La Filature, Tanit-Théâtre, Lisieux, avril -, 2009.
Mai du livre d'art: Jacques Vimard - Peintures, dessins, livres d'art, Médiathèque André-Malraux, Lisieux, .
Jacques Vimard - Nids et paysages, Lycée Paul-Cornu de Lisieux, Lycée Liard de Falaise (Calvados) et Lycée Napoléon de L'Aigle (réseaux Galeries des lycées et collèges/rectorat/D.R.A.C. Basse-Normandie), 2005.
«Dans ce concert hétéroclite, Vimard a décidé de rester peintre, c'est-à-dire de prolonger à sa manière et jusqu'à autres incandescences une technique de révélation poétique aussi vieille que l'homme. Entre l'échappée trop belle de la non-figuration et les scléroses du réalisme, Vimard se taille avec vigueur un chemin différent.» - Michel Daubert[9]
«J'ai rencontré un très jeune peintre dont les toiles m'ont beaucoup impressionné. Il y avait une grande sensibilité dans la matière, dans la couleur. Il a laissé une toile chez moi, dans mon atelier... Ce mètre carré de couleur jetait un éclat. Et çà, c'est un don. Ce type a bu inconsciemment le lait de Matisse, celui de Picasso, celui de Cézanne.» - Édouard Pignon[32]
«A trente-quatre ans, Jacques Vimard fait une entrée hallucinatoire en peinture par une série de portraits - autoportraits en réalité - dont on ne peut sortir indemne... Nos peintres tragiques sont rares. Jacques Vimard l'est avec une émouvante et terrible intériorité.» - Alain Bosquet[4]
«Vimard ajuste dans une langue chaude et acérée des climats romantiques où les éléments du réel n'en finissent pas de trouver leur juste milieu.» - Gérard Xuriguera[33]
«Les couleurs ne colorient pas: elles sont l'événement et la matière d'un instant, qui n'est pas lié à une image, mais à un mouvement dont il exprime tout l'élan... Chaque fragment d'espace est un lieu où tout l'espace est présent... Ce qui apparaît dans chaque toile de Jacques Vimard n'appartient en propre à aucune mais, à partir de l'une ou l'autre, le regard se trouve projeté dans la même manifestation révélatrice. Cette peinture n'est plus de la représentation: elle est de la présence réelle.» - Bernard Noël[13]
«On se penchait sur la peinture de Vimard comme sur un jardin secret, voire mystérieux, et ceci malgré sa luminosité d'espace clos atteint en plein cœur par une lumière vive... Cette gestuelle introduit des éléments figuratifs se mélangeant hardiment à sa nature nettement abstraite. On dirait qu'au lyrisme lumineux de l'abstraction classique s'est joint, en cours de route, un compagnon beaucoup plus inquiétant et romantique, une sorte de synthèse plastique du beau ténébreux et du bandit de grand chemin: le pur geste figuratif.» - Agustín Gómez-Arcos[34]
«Dans ces peintures, les aplats de couleurs, le geste en larges tracés, les motifs parfois reconnaissables, entrent en concurrence et se chevauchent. Tous actes qui concourent à une expression de la matière, servie par une gamme chromatique inhabituelle, et même grinçante, composée de jaune citron, de rose clair et de bleu pâle. La peinture de Vimard est à la fois une présence, un conflit, une "fête mentale" ou, comme l'écrit Bernard Noël, une "pensée émouvante".» - Christophe Dorny[35]
«Tout l'œuvre peint de Vimard se comprend comme une abstraction in utero. Peinture amniotique, sans eau ni bas, toute en jouissance et liberté. Il aperçoit une issue, parle le monde par les lèvres maternelles. L'arrivée à Honfleur, sa rencontre avec Eugène Boudin lui ouvrent les yeux - sur le monde nouveau, la Normandie, avec les couleurs des parois antérieures. Vimard renouvelle ainsi l'esprit des conquêtes impressionnistes, avec ces belles sous l'ombrelle en une interrogation qui n'en finit pas.» - Alain Borer[25]
«Le rose de Vimard, toujours présent dans ses toiles, a quelque chose de la naissance et de l'élan vital. Rose de l'éclair et rose de la foudre. C'est un rose ardent, qui pétille, tout entier tendu dans son ardeur de rose... En ce sens, Vimard est un peintre d'aube et de naissance, un peintre des genèses. Il rapporte de son imaginaire des lettres dont il a retenu le plus beau, le plus jeune, le plus ardent, le plus sensuel aussi car sa peinture, infiniment porteuse de sens, parle justement à tous les sens.» - Alain Vircondelet[36]
Michel Péricard, René Drouin, Cécile Vincent (préface de Jacques Lassaigne), Éloge du petit format - La collection Pierre Bourut, Éditions Musée de Saint-Germain-en-Laye, 1978.
Bibliographie
Raoul-Jean Moulin, Présences - Jacques Vimard, peintures, gouaches, aquarelles, Éditions Villand et Galanis, 1970.
Édouard Pignon, Contre courant, Éditions Stock, 1974.
Georges Rosevègue et Geneviève Testanière, Jacques Vimard - Peintures, Éditions Musée des Beaux-arts/Maison de la culture, Le Havre, 1978.
Gérard Xuriguera, Regard sur la peinture contemporaine, Arted, 1983.
Francis Parent et Raymond Perrot, Le Salon de la Jeune Peinture - Une histoire, 1950-1983, Éditions JP/Les Imprimeurs libres, 1983.
Bernard Noël, Le roman de Vimard, Éditions Juana Mondo, Madrid, 1984.
Gérard Xuriguera, Le dessin, l'aquarelle, le pastel dans l'art contemporain, Éditions Mayer, 1988.
Bernard Noël, Jacques Vimard - Les lieux ultimes, Éditions Galerie Brigitte Schehadé, 1988.
Édouard Adam, Marie-Laure Hergibo et Alain Macaire (préface de Claude Simsen), Le tondo aujourd'hui, Éditions du Centre culturel de l'Yonne, 1992.
Agustín Gómez-Arcos et Miguel Lorgoño, Vimard, Éditions Anselmo Alvarez, Madrid, 1995.
Emmanuel Bénézit, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, Gründ, 1999 (article de Christophe Dorny).
Anne Mollard-Desfour (préface de Bernard Cerquiglini); Le dictionnaire des mots et expressions de couleur au XXe siècle - Le rose, C.N.R.S. Éditions, 2002.
Bernard Noël, Les yeux dans la couleur, Éditions P.O.L., 2004.
Bernard Noël, Jean Bergeret, Olivier Bogros, Éric Louviot, Vimard - Peintures: la légende du rose, Éditions du service culturel de la ville de Lisieux, 2005.
Alain Borer, Jacques Vimard - L'École de Honfleur de Boudin à Vimard, Éditions de la ville de Honfleur, 2010.