technique de narration faisant appel à une blague ou à une référence comique qui revient plusieurs fois de suite De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le comique de répétition (également désigné par les expressions anglaisesrunning gag ou running joke) est une technique de narration faisant appel à une blague ou à une référence comique qui revient plusieurs fois de suite, sous la même forme ou sous une forme légèrement modifiée, pendant une même œuvre (sketch, film, spectacle, livre, etc.)[1],[2] ou au cours de différents numéros, avec par exemple l'utilisation d'un personnage récurrent.
Le comique de répétition peut débuter avec un exemple d'humour involontaire, qui se répète avec des variations alors que la plaisanterie devient de plus en plus familière et que le public anticipe la réapparition du gag. L'humour, dans le comique de répétition, peut dépendre entièrement du nombre de répétitions d'un gag, de la (non)pertinence de la situation dans laquelle le gag se produit, ou même de la manière de préparer le public à attendre une nouvelle occurrence de la plaisanterie, mais en la remplacant par autre chose (le fait d'appâter et de changer).
Les gags récurrents sont souvent utilisés dans des émissions de télévision humoristiques[3], mais peuvent également apparaître dans des films, des livres, des bandes dessinées ou des jeux vidéo, voire sur scène lorsqu'un humoriste ou un musicien fait participer le public par des répétitions d'un détail scénique (un geste appelant un bref applaudissement de façon répétée par exemple).
Un comique de répétition peut être verbal ou visuel et, à l'occasion, provenir des personnages eux-mêmes, qui peuvent être conscients du gag et faire une mention humoristique de celui-ci.
En anglais, l'expression running gag provient du participe présent employé comme adjectifrunning («continu», «ininterrompu») et du nom anglais gag («blague», «histoire drôle»).
Longs métrages
Dans Pleins feux sur Stanislas (1965), à chaque fois que le personnage de Stanislas (Jean Marais) téléphone à son patron (André Luguet) qui se trouve en galante compagnie, c’est une délicieuse créature qui dit à son patron: «C'est pour toi mon biquet…», avec une «surprise» finale inattendue.
Dans Les Visiteurs (1993), puis dans Les Couloirs du temps: Les Visiteurs 2 (1998), les deux personnages principaux, Godefroy de Montmirail et son écuyer Jacquouille, rencontrent un facteur des PTT de couleur noire, qu'ils prennent pour un sarrasin (peuple qui, à leur époque, est considéré comme ennemi); le facteur, les prenant pour des fous, s'enfuit à chaque fois précipitamment.
Dans La cité de la peur (1994), l'humour autour du personnage d’Émile ne réside que sur du comique de répétition: il cherche sans cesse à citer une phrase célèbre de Lincoln, en vain; on lui dit aussi à plusieurs reprises de «prendre un chewing-gum» parce qu'il a mauvaise haleine.
Dans la saga Pirates des Caraïbes (2003-2017), on y trouve plusieurs gags récurrents bien que la franchise soit plutôt sérieuse:
Quand Jack Sparrow échappe à ses poursuivants, il dit: "Que ce jour reste dans vos mémoires comme celui où vous avez failli capturer le capitaine Jack Sparrow" mais c'est toujours interrompu par un moment comique;
Pintel et Ragetti, deux membres de l'équipage du Black Pearl, se font systématiquement renversés par une vague quand ils arrivent sur une côte en chaloupe;
Ragetti perd régulièrement son œil de bois, souvent volé par le singe de Barbossa, et se met à courir après pour le récupérer;
les discutions entre Murtogg et Mullroy qui ne cessent de les tourner en ridicule;
un des hommes de Davy Jones perd sa tête à cause des actions de Jack Sparrow. En voulant récupérer sa tête, il percute de nombreux obstacles;
la rivalité entre Jack Sparrow et Barbossa pour être capitaine du Black Pearl engendre des scènes comiques.
Films d'animation
Dans Lilo et Stitch (2002), on voit plusieurs apparitions d'un touriste au coup de soleil prononcé qui tient à la main une glace à la pistache. Il n'arrivera jamais à la manger et la laissera tomber à terre.
l'écureuil Scrat passe son temps à chercher à attraper un gland, avant de déclencher à chaque fois une nouvelle catastrophe lorsqu'il arrive enfin à s'en saisir.
Chaque fois qu'il est qualifié "gros", Manny réplique: "Je ne suis pas gros, c'est mon pelage qui est bouffant", ce qui n'est pas sans rappeler Obélix.
Séries télévisées
Dans la série Le Saint (1962-1969), un célèbre exemple de blague répétée apparait au début de chacun des 118 épisodes lorsque le personnage principal, Simon Templar (Roger Moore), levant la tête, regarde son auréole en entendant prononcer son nom.
Dans la première série Star Trek (1966-1969) et les suivantes, le personnage de Mr Spock (Leonard Nimoy) a souvent recours à son expression favorite «Fascinant!» («Fascinating!» en VO) lorsqu’il est étonné de quelque chose[5],[6].
Dans la série Seinfeld (1989–1998), le gag récurrent de Cosmo Kramer (Michael Richards) quand celui-ci fait son entrée dans l'appartement de Jerry Seinfeld, ouvrant la porte en se déhanchant de manière comique. Mais également les autres nombreux autres gags récurrents de cette série.
Dans la série Mr. Bean (1990–1995) de et avec Rowan Atkinson, une voiture Reliant Regal couleur bleu clair est souvent renversée ou poussée hors de la rue.
Dans les treize premières saisons de la série NCIS: Enquêtes spéciales (2003-2016), l’agent spécial Anthony DiNozzo (Michael Weatherly) appelle son collègue Timothy McGee (Sean Murray) avec plusieurs variations de son nom de famille pour s’en moquer, comme «Timothy McFarceur», «Timothy McGénie», «Timothy McJ’MeLaPète», «Timothy McGeek», «Timothy McGuignol», «Timothy McPâteÀModeler»,etc.
Dans la série Arrested Development (2003–2019), le comique de répétition est présent à de nombreuses reprises[7].
Séries d'animation
Dans la série Inspecteur Gadget (1983), l'autodestruction de l'ordre de mission de l'inspecteur Gadget se retourne systématiquement contre son chef, en lui explosant au visage.
Dans la série South Park (depuis 1997), dans les cinq premières saisons, le personnage de Kenny McCormick meurt presque à chaque épisode. Ses rares survies peuvent être perçues comme un degré supplémentaire de la répétition du running gag.
Dans la série Avatar, le dernier maître de l'air (2005–2008), un vendeur de choux se fait toujours écraser sa marchandise et finit par crier: «Mes choux! mes pauvres choux!».
Dans la série Galactik Football (2006–2011), le gardien de but des Technodroïdes (une équipe composée uniquement de robots) se fait à chaque fois arracher les bras en fin de match, en essayant d'arrêter un tir puissant.
Dans la série Astérix, Goscinny a souvent recours au comique de répétition:
le personnage du barde Assurancetourix est toujours assommé par Cétautomatix, lorsqu'il veut entonner un chant pour donner du courage à Astérix et Obélix au début de leurs aventures;
Assurancetourix est aussi systématiquement ligoté et bâillonné lorsque le village festoie à la fin de l'histoire, pour les mêmes raisons;
la fraîcheur discutable des produits du poissonnier Ordralfabétix est toujours prétexte à des bagarres générales;
le chef du village gaulois Abraracourcix fait régulièrement les frais des maladresses (ou inattentions) de ses porteurs, lorsqu'il est sur son pavois;
le bateau des pirates est systématiquement coulé lorsqu'il croise la route d'Astérix et Obélix; ceux-ci sont d'ailleurs systématiquement effrayés par les deux gaulois, sachant bien qu'ils n'ont aucune chance contre eux.
Obélix, quand il est qualifié "gros", dit: "Je ne suis pas gros, je suis enveloppé".
Obélix se voit toujours refuser de boire la potion magique par le druide Panoramix qui lui dit sans cesse qu'il était tombé dedans quand il était petit.
Dans les albums de Tintin, Hergé utilise également souvent de type de gags[8]:
les maladresses des frères Dupondt, qui fréquemment tombent dans les escaliers, se cognent à un mur, marchent dans un seau d'eau, etc.;
et bien sûr, le fameux lama cracheur: dans les pages 2 et 21 de l'album Le Temple du Soleil, des lamas crachent au visage du Capitaine Haddock. À la dernière page, celui-ci se venge: il boit de l'eau dans une fontaine et crache à la tête d'un lama;
sans oublier le grand classique récurrent de la série, la Boucherie Sanzot que tout le monde appelle au téléphone. Le numéro de téléphone est proche de celui du capitaine Haddock et, de fait, les appels arrivent souvent par erreur au château de Moulinsart, à l'agacement visible du capitaine;
enfin, en vrac: les voitures qui éclaboussent les personnages; les chutes liées à des portes ou des escaliers; les poteaux dans lesquels les passants se cognent,etc.
Dans la série Les Schtroumpfs, Peyo l'utilise également à plusieurs reprises:
le personnage du Schtroumpf à lunettes qui se prend régulièrement des coups de maillet sur la tête, dès qu'il s'avise de donner une leçon de morale aux autres Schtroumpfs;
le Schtroumpf farceur qui «offre» régulièrement des cadeaux explosifs aux autres Schtroumpfs, ceux-ci ne s'en méfiant que rarement (la principale victime est également le Schtroumpf à lunettes);
le sorcier Gargamel qui, lorsqu'il part à la recherche du village des Schtroumpfs à travers la forêt, se retrouve systématiquement chez lui.
Dans la série Boule et Bill de Roba, un gag récurrent consiste à employer les gros moyens pour faire prendre un bain à Bill, qui déteste cela.
Dans la série Rubrique-à-brac, Marcel Gotlib utilise fréquemment le personnage d'Isaac Newton dans des situations incongrues, toujours en lien avec la loi de physique de la chute d'un objet, le plus souvent une pomme ou un animal (rhinocéros, serpent, pélican) qui tombe sur son auguste tête. Les personnages de la série entament aussi régulièrement des blagues parlant de «peinture de plafond» faites par des aliénés, ou de brocolis destinés à une certaine «Minestrone», sans toujours les terminer.
Kid Paddle fait des récits mêlant le monde réel et l'univers de ses jeux vidéo, conduisant à la naïveté d'Horace, un de ses amis, et au mécontentement de divers individus contre son père.
Horace se retrouve à de nombreuses reprises à l'hôpital à cause de représailles contre lui, d'accidents ou des inventions de Big Bang.
Kid et ses amis Horace et Big Bang tentent de regarder au cinéma des films interdits aux mineurs en montant les uns sur les autres et en enfilant un imper. Bien qu'ils ne soient pas démasqués, cela se solde toujours par un échec à cause de la maladresse d'Horace, des bavardages du guichet ou d'une mésaventure liée au sujet du film.
Le petit barbare, l'avatar de Kid dans les jeux, perd toujours la partie dune manière ou d'une autre, ce qui a donné naissance à la BD dérivée Game Over.
Carole, la sœur de Kid, essaie de présenter Frank à son père, mais ils arrivent toujours au mauvais moment.
Dans la série De cape et de crocs, qui fait intervenir de nombreux procédés narratifs, deux exemples de comique de répétition sont particulièrement marquants:
L'un des personnages principaux, Don Lope de Villalobos y Sangrin, ne parvient jamais à faire connaître son nom en entier lorsqu'il se présente (étant systématiquement interrompu d'une manière ou d'une autre), ce qui pousse ensuite son interlocuteur à l'appeler «M. de Villalobos y»;
De même, le personnage d'Eusèbe n'arrive jamais à raconter l'histoire qui a conduit à sa condamnation aux galères, au cours de laquelle il rencontre les protagonistes. Cette histoire ne sera finalement narrée en entier que dans les deux derniers tomes de la série, qui servent de préquelle au reste du scénario.
Florence Foresti, sur le plateau de l'émission On a tout essayé se grimait dans le cadre de courts sketches en différents personnages récurrents, la plupart d'entre-eux étant à l'origine de répliques faisant l'objet d'un running-gag:
le personnage de Michelle, une garçonne au caractère bien trempé qui répète régulièrement à Laurent Ruquier qu'il n'a visiblement «jamais mis les pieds dans Monfion[-sur l'Orge]», parlant du village fictif dont elle est censée être originaire;
le personnage de Dominique Pipeau, la ministre «des affaires problématiques» qui confond systématiquement ses dossiers et qualifie régulièrement Christophe Alévêque (un des participants de l’émission) de «femme à barbe»;
le personnage de Brigitte, une bimbo brune écervelée qui énonce son âge de manière étrange ou ridicule («J'ai 24 ans et 12 mois!»; «Je suis née le jour de mon anniversaire!»).
le personnage d'Anne-Sophie de La Coquillette, une aristocrate dévergondée qui rappelle régulièrement les penchants zoophiles de sa famille;
Le personnage de Clotilde (qui préfère qu'on l'appelle «Clo»), âgée de 16 ans et demi, en terminale au «lycée Jean-Luc Lahaye» et qui est toujours «trop véner'» (énervée) par les évènements de l'actualité qu'elle vient dénoncer.
Sylvain Lévy, de la chaîne YouTubeVilebrequin, évoque régulièrement un Vultech sur le différentiel qui ne sortira pourtant jamais, comme il l'a annoncé dans la premiere vidéo de la chaîne secondaire Le Frigo: "J'avais le choix de faire un Vultech sur le différentiel, ce qui n'arrivera jamais, je vous le dit, voilà, c'est tellement drôle de vous faire mariner que je vous l'annonce: je ne le sortirai jamais"
(en) «The running gag, a staple of broad comedy, depends on the watcher's reference to the passage of time». Mark S. Byron, «Samuel Beckett's Endgame», Editions Rodopi B.V. p. 82. (ISBN978-90-420-2288-1) (2007).
(en) «…the running gag and the catchphrase, both important staples in most situation comedies …», Neale et Krutnik, «Popular film and television comedy»; cité dans Jimmy Perry and David Croft de Simon Morgan-Russell, Manchester University Press. p.2 (ISBN0-7190-6556-9) (2004).
collectif, Le rire de Tintin, les secrets du génie comique d'Hergé, Paris, Groupe L'Express-Roularta, Beaux Arts magazine, , 136p. (ISBN9782212559347), p.80 à 85.