Le combat du Châtellier a lieu le pendant la Chouannerie. Il s'achève par la victoire des républicains qui repoussent une attaque des chouans contre le bourg du Châtellier.
Le , à 6 heures du soir, des chouans entrent dans la commune du Châtellier et coupent l'arbre de la liberté avec des haches prises chez des habitants du bourg[1],[2]. Ils se retirent ensuite, rapportant même, précise le registre de la commune, «les haches dans les endroits où ils les avaient prises»[1],[2],[A 1]. En réponse, un détachement d'un bataillon de volontaires des Vosges est envoyé au Châtellier le [1],[2].
L'attaque a lieu le , selon les mémoires de l'officier royaliste Toussaint du Breil de Pontbriand[3],[2]. Cependant, Théodore Muret et Paul-Marie du Breil de Pontbriand donnent la date du [4],[2]. Un bref récit de ce combat est également laissé dans les registres de la commune du Loroux[A 2] le 2 thermidor de l'an II, soit le 20 juillet 1794, par le lieutenant républicain Duhail l'aîné, de la 17edemi-brigade, en détachement au Loroux[1].
Dans ses mémoires[A 3], l'officier royaliste Toussaint du Breil de Pontbriand affirme que les frères Aimé et Louis Picquet du Boisguy sont à la tête d'une troupe de 800 chouans et que la garnison républicaine du Châtellier est constituée de 200 hommes[1],[3]. Pour le lieutenant républicain Duhail, l'affrontement opposa 60 volontaires républicains à 600 chouans[1],[2].
Les républicains sont inférieurs en nombre, mais ont l'avantage d'occuper une position fortifiée[1]. Selon Pontbriand: «toutes les avenues étaient coupées par des traverses en terre; le cimetière était défendu par des parapets gazonnés, et il y avait aussi des ouvrages en terre au-devant des portes de l'église, qui, elle-même, était le principal fort»[1],[3].
Les chouans se divisent en deux groupes et tentent d'emporter le bourg par surprise[1],[3]. Mais, selon Pontbriand, un patriote du pays donne l'alarme alors que les volontaires étaient sortis sans armes pour replanter l'arbre de la liberté[1],[3]. Ces derniers s'empressent alors de trouver refuge dans les retranchements du cimetière et accueillent les chouans par une vive fusillade[1],[3]. Les insurgés tentent d'emporter les retranchements, mais plusieurs d'entre eux sont tués ou blessés, dont Louis du Boisguy, qui est touché au bras[1],[3]. Peu de temps après, Aimé du Boisguy est informé que les garnisons de Poilley et de Saint-Étienne-en-Coglès se sont mises en marche pour venir en aide à celle du Châtellier[1],[3]. Il donne alors l'ordre d'abandonner le combat et les chouans battent en retraite en bon ordre, sans être poursuivis[1],[3].
Selon Toussaint du Breil de Pontbriand, les pertes des chouans sont de 12 tués et 17 blessés[1],[3]. Louis Picquet du Boisguy est grièvement blessé par une balle qui lui fracasse le bras droit et il doit être amputé[1]. Son frère, Aimé Picquet du Boisguy, assure par la suite seul le commandement des troupes royalistes du pays de Fougères[1],[3]. Pontbriand affirme également que le capitaine à la tête du détachement républicain du Châtellier est abattu par Louis du Boisguy au début de l'action, cependant le récit du lieutenant Duhail ne fait pas mention de pertes[1],[3].
«Le 22 messidor de l'an II de R. F., se transportèrent, environ les six heures du soir, au lieu et bourg de notre commune, une multitude de gens inconnus dont une partie étaient armés, et y étant arrivés, trois d'entre-eux se détachèrent et furent chez les habitants du dit bourg chercher des haches, dont une chez le citoyen François Fouasse et l'autre chez le citoyen Michel Herbel, avec lesquelles ils abattirent l'arbre de la liberté et le coupèrent en trois morceaux, en lacérèrent le bonnet et ensuite rapportèrent les haches dans les endroits où ils les avaient prises et après s'en retournèrent[1].»
«Citoyens, nous sommes menacés plus que jamais par cette horde infâme et scélérate des chouans; leur nombre se grossit de jour en jour et plus ils vont, plus ils deviennent sanguinaires; que plusieurs nuits ils sont venus surprendre les sentinelles du détachement qu'il commande cantonné au chef-lieu de cette commune, que même de jour on pouvait être surpris ne pouvant découvrir qu'un très petit espace de terrain à cause d'une grande quantité de buissons et de branches d'arbres qui sont devant le corps de garde et qui le masquent. Il ajoute que le cimetière est déclos, qu'on peut de toutes parts y entrer et de là dans la ci-devant église où est le corps de garde et le dépôt des armes, qu'il serait possible de faire clore et de former des retranchements qui pourraient être d'un grand secours pour le détachement qu'il commande. Il a cité par exemple un fait tout à fait récent qui venait d'arriver au Châtellier. Six cents chouans sont venus surprendre soixante volontaires cantonnés au Châtellier comme ils plantaient l'arbre de la liberté. Les dits volontaires ont sur-le-champ volé aux armes, se sont placés dans des retranchements faits dans le cimetière, ont battu les chouans et les ont contraints à se retirer quoiqu'en nombre bien inférieur[1].»
—Déclarations du lieutenant Duhail aîné, de la 17edemi-brigade à la municipalité du Loroux, le 20 juillet 1794
«Ce fut dans les mois de mai et juin que l'insurrection devint plus inquiétante pour la République. Depuis la défaite des Vendéens à Savenay, il n'y avait eu de combats que dans le Maine, à Fougères et à Vitré; mais, tout à coup, les généraux apprirent que des rassemblements nombreux avaient lieu dans quelques parties du Morbihan et des Côtes-du-Nord; le pays de Redon s'insurgeait aussi, et on voyait même des partis armés jusqu'aux portes de Rennes. Pour faire face de tous ces côtés, ils furent obligés de rappeler une partie de l'armée qui couvrait le pays de Fougères. Aussitôt que Boisguy apprit ce départ, il convoqua un rassemblement, qui eut lieu à Parigné le 1er juillet 1794; il s'y trouva environ huit cents hommes.
Le général Vachot avait laissé une garnison de deux cents hommes dans le bourg du Châtellier; elle était très nuisible aux opérations de du Boisguy, parce qu'elle se trouvait au milieu de ses meilleures paroisses, et il désirait la déloger, mais l'entreprise n'était pas facile. Le bourg est situé sur une montagne escarpée et était assez bien fortifié; toutes les avenues étaient coupées par des traverses en terre; le cimetière était défendu par des parapets gazonnés, et il y avait aussi des ouvrages en terre au-devant des portes de l'église, qui, elle-même, était le principal fort. Ces difficultés engagèrent du Boisguy à essayer d'emporter la position par surprise; il divisa sa troupe en deux colonnes; son frère, à la tête de la première, gravit la montagne d'un côté, et lui, de l'autre, le 2 juillet au matin, et ils auraient infailliblement réussi à surprendre la garnison, sans un Patriote du pays qui alla prévenir au fort. Tous les soldats étaient sortis sans armes et s'occupaient à planter un arbre de la liberté, quand cet homme vint donner l'alarme. Un capitaine était en devoir de faire rentrer ses troupes, lorsque parut la tête de la colonne de Louis du Boisguy, qui avait franchi les traverses sans résistance; il ajusta ce capitaine et l'étendit mort au milieu de ses soldats, et, aussitôt, quoiqu'il restât peu d'espérance d'emporter de vive force un lieu si bien fortifié, les deux frères commencèrent l'attaque; mais les Républicains, à l'abri de leurs parapets, firent un feu si meurtrier, que, dans peu d'instants, douze Royalistes furent tués, et Louis du Boisguy eut le bras droit fracassé d'une balle; son frère soutenait le feu, mais instruit, peu de temps après, que les garnisons de Saint-Étienne et Poillé marchaient au secours du Châtellier, il donna l'ordre de se retirer, et fit sa retraite en si bon ordre que l'ennemi n'osa le poursuivre. Les nommés Louis Mellé, Julien Le Loutre, Chevillard, de Parigné, et treize autres furent blessés. L'attaque de lieux fortifiés était très difficile pour les Royalistes qui n'avaient point de canons; ils y perdaient toujours du monde, et ces entreprises leur réussissaient rarement. La blessure de Louis du Boisguy devint si grave par la difficulté qu'il y avait à avoir des secours, qu'il demeura estropié, et son frère resta seul chargé du commandement des Royalistes de Fougères[3],[1].»
Christian Le Bouteiller, La Révolution dans le Pays de Fougères, Société archéologique et historique de l'arrondissement de Fougères, , 839p..
Théodore Lemas, Le district de Fougères pendant les Guerres de l'Ouest et de la Chouannerie 1793-1800, Rue des Scribes Éditions, (réimpr.1994), 371p. (ISBN978-2-906064-28-7, lire en ligne).
Paul-Marie du Breil de Pontbriand, Un chouan, le général du Boisguy: Fougères-Vitré, Basse-Normandie et frontière du Maine, 1793-1800, Paris, Honoré Champion éditeur, (réimpr.La Découvrance, 1994), 509p. (lire en ligne).