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groupe de champignons De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Les champignons à lames, ou champignons lamellés, sont un groupe de champignons basidiomycètes dont le sporophore est caractérisé par un hyménium qui recouvre des feuillets, appelés lames, disposés en rayons sur la surface interne du chapeau. Selon la systématique classique (dite « friesienne »), ce critère morphologique servait à décrire un regroupement taxinomique unique : la famille des Agaricaceae ou l'ordre des Agaricales.
Taxons concernés
De nombreuses espèces de la classe des Agaricomycetes, les plus connues dans les ordres des Agaricales, des Boletales et des Russulales.Les analyses microscopiques et moléculaires ont peu à peu conduit à renoncer à ce concept, et il est désormais acquis que plusieurs lignées distinctes de champignons ont développé un hyménium à lames par convergence évolutive.
Malgré ces révisions, la présence de lames et leur observation attentive permettent aux mycologues professionnels et amateurs de s'orienter dans l'identification des différents genres et espèces. Les critères définis par plusieurs générations de systématiciens pour créer des clés de détermination fiables restent valides, même s'ils ne reflètent pas les parentés évolutives des espèces considérées. Enfin, de nombreux ouvrages spécialisés et guides de terrain modernes continuent à présenter les champignons à lames comme un ensemble, par souci de pédagogie et de vulgarisation.
Chez les champignons à lames, l'hyménium (le tissu fertile qui produit les spores) tapisse la surface de feuillets ou lamelles qui rayonnent sous le chapeau. Ils se distinguent en cela des champignons à tubes terminés par des pores (comme les bolets ou les polypores), des champignons à aiguillons (comme les hydnes) ou des champignons à hyménium lisse (comme les clavaires). La forme « classique » des champignons à lames est composée d'une sorte de tige, appelée pied ou stipe, qui porte un chapeau. Ce dernier est typiquement étalé en forme de parapluie, ou inversé en entonnoir. Il est le plus souvent circulaire, mais peut aussi adopter des formes rappelant un éventail, une oreille ou parfois une tablette. Chez certains groupes, en particulier ceux qui poussent sur le bois, le pied peut être absent et on parle alors de chapeau sessile[1].
Observées en coupe, les lames apparaissent plus ou moins cunéiformes ou triangulaires. Elles s'écartent parfois de leur forme typique en feuillet pour n'être plus que de légers replis, les « fausses-lames » des chanterelles[1].
Dans son ouvrage publié en 1753, Species plantarum, qui marque le point de départ de la nomenclature binominale, Carl von Linné classe les champignons dans le règne végétal. Il les assigne à l'ordre des Fungi, qui forme la classe des Cryptogame avec les fougères, les mousses et les algues. Il les divise en dix genres en fonction de leurs formes et nomme Agaricus celui des champignons à lames. Le genre, qui ne compte initialement que 27 espèces, est ensuite intensément développé par les botanistes de la deuxième partie du XVIIIe siècle. Mais ce sont les fondateurs de la mycologie moderne que sont Christiaan Hendrik Persoon et Elias Magnus Fries qui en élaborent la classification interne. Persoon le divise en plusieurs sections, prémisses de futurs genres, dont la plupart sont entrées dans la langue courante : amanites, lépiotes, cortinaires, mycènes, omphales, coprins, lactaires, russules, etc. Il considère notamment la présence ou l'absence de restes vélaires (volve, anneau, cortine) comme l'un des critères primordiaux pour distinguer les groupes d'espèces, et sépare les champignons à plis (ou fausses-lames), comme les chanterelles comme appartenant à un autre genre « agaricoïde »[2].
Si Fries conserve lui aussi l'unique genre Agaricus dans ses premiers travaux, il établit la couleur de la sporée comme le critère hiérarchiquement le plus important[3]. Sa division en tribus, qu'il élèvera plus tard en genres séparés, devient la pierre angulaire de la classification des champignons à lames pour près de deux siècles, et reste aujourd'hui encore très influente[4]. Le maître suédois passera sa carrière à affiner son système, ajoutant ou appuyant l'importance de nouveaux éléments morphologiques, comme le caractère cartilagineux ou non du stipe, la forme de la marge ou l'attachement des lames. Les critères qu'il applique pour découper ses séries ne sont pas forcément présents dans chacune d'elles, si bien que Fries s'écarte de plus en plus d'une classification naturelle pour favoriser un système formel, qui séduit par sa simpiclité et sa symétrie. Il semblerait d'ailleurs que dans son esprit, les correspondances entre les différentes coupures traduisaient des analogies plutôt que des affinités[3].
Christiaan Hendrik Persoon, Synopsis methodica fungorum, 1801[2] |
Elias Magnus Fries, Systema Mycologicum , 1821[5] |
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La classification friesienne n'est véritablement remise en question qu'à la fin du XIXe siècle. Victor Fayod, puis Narcisse Patouillard, étudient la structure microscopique des « agarics » et découvrent que plusieurs groupes créés par Fries sont artificiels. Mais durant la majeure partie du XXe siècle, les champignons à lames continuent d'être interprétés comme un ensemble distinctif dans la plupart des classifications : ils forment l'ordre des Agaricales, pour se différencier des Aphyllophorales qui contiennent tous les champignons non-lamellés (à pores, à tubes, à aiguillons, etc). Ces deux ensembles constituent à leur tour la classe des Hyménomycètes, c'est-à-dire les champignons dont les spores proviennent d'un hyménium exposé, par opposition aux Gastéromycètes qui les produisent à l'intérieur[4].
La systématique interne des Agaricales est revue en profondeur dans les années 1980 par Rolf Singer[6] et Robert Kühner. Le premier intègre les caractères anatomiques de Fries avec la micromorphologie des spores observée par Fayod, et intègre beaucoup d'espèces du néotropique et de l'hémisphère sud[7]. Singer utilise un concept étroit du genre et en reconnait ainsi près de 200. Il conserve les Agaricales en un groupe unique, qu'il divise en trois sous-ordres : Agaricinae, Boletinae et Russulineae[6]. L'inclusion des bolets et de plusieurs taxons poroïdes parmi les champignons à lames constitue en soi un écart par rapport au système strictement friesien[7]. Kühner accentue quant à lui l'utilité des caractères cytologiques et sépare sur cette base les Agaricales de Singer en cinq ordres : Russulales, Boletales, Tricholomatales, Pluteales et Agaricales sensu stricto[3]. Sa conception beaucoup plus large du genre le mène à n'en reconnaître que 75[7].
Les analyses moléculaires ont rendu caduque la classification des champignons sur base de la forme de leurs sporophores. L'ordre des Agaricales reste le plus étendu de la classe des Agaricomycetes et contient toujours la majeure partie des champignons à lames. Mais on lui a adjoint toutes sortes d'autres groupes, qu'on croyait auparavant très éloignés, et on y trouve désormais de nombreuses autres formes. Ainsi, aux côtés des champignons classiques comme les amanites ou les coprins, l'ordre contient des espèces formant des sporophores de type poroïde, comme la langue-de-boœuf, coralloïde, comme les clavaires, ou encore gastéroïde, comme les vesses-de-loup. La génétique a par contre confirmé la séparation des russules et des lactaires dans l'ordre des Russulales, et des paxilles et des gomphides dans celui des Boletales. Les lentins, dont la place au sein des Agaricales a longtemps fait débat, ont montré des liens de parenté avec certains lenzites et polypores, et sont désormais répartis entre les Polyporales, les Russulales et les Agaricales. Ces rapprochements ont également donné lieu à la création d'un nouvel ordre, les Gloeophyllales. Enfin, certaines omphales, comme Rickenella fibula, forment en réalité un clade complètement séparé qui a été réattribué à l'ordre des Hymenochaetales. Tous ces groupes contiennent par ailleurs de nombreuses autres formes non-lamellées[4].
Ordres | À lames | Sans lames | |||
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Agaricales | Lamellé stipité (avec pied) | Gastéroïde épigé | |||
Agaricus bisporus | Amanita muscaria | Coprinus comatus | Lycoperdon pyriforme | ||
Lamellé sessile (sans pied) | Coralloïde | ||||
Crepidotus mollis | Panellus serotinus | Pleurotus ostreatus | Clavaria zollingeri | ||
Boletales | Lamellé stipité | Lamellé sessile | Poroïde stipité | ||
Hygrophoropsis aurantiaca | Phylloporus rhodoxanthus | Tapinella panuoides | Boletus edulis | ||
Russulales | Lamellé stipité | Lamellé sessile | Gastéroïde hypogé | ||
Lentinellus cochleatus | Russula compacta | Lentinellus montanus | Zelleromyces cinnabarinus | ||
Gloeophyllales | Lamellé stipité | Lamellé sessile | Lisse résupiné | ||
Heliocybe sulcata | Neolentinus lepideus | Gloeophyllum sepiarium | Veluticeps abietina | ||
Polyporales | Lamellé stipité | Lamellé sessile | Poroïde sessile | ||
Lentinus tigrinus | Panus neostrigosus | Lenzites betulinus | Fomes fomentarius | ||
Hymenochaetales | Lamellé stipité | Lamellé sessile | Hydnoïde résupiné | ||
Rickenella fibula | Contumyces rosellus | (Cyclomyces fuscus) | Hymenochaetopsis olivacea | ||
Gomphales | Lamellé stipité | Clavarioïde | |||
Gloeocantharellus purpurascens | Clavariadelphus ligula | ||||
Cantharellales | Lamellé stipité | Hydnoïde stipité | |||
(Cantharellus cibarius) | Hydnum repandum |
S'il est souvent possible de déterminer le genre d'un champignon sans lames en observant simplement sa forme générale, l'identification des champignons à lames est généralement plus complexe[8]. Il existe un grand nombre de clés de détermination, et chaque ouvrage ou chaque association mycologique personnalise souvent la sienne en fonction des espèces communes dans la région couverte. L'identification des principaux groupes ou genres de champignons à lames repose néanmoins traditionnellement sur l'observation de quatre critères principaux[9] :
Cette clé présente l'application des différents critères présentés ci-dessus pour identifier certains des groupes les plus connus de champignons à lames[13],[1],[11],[14]. En raison de l'évolution de la taxinomie, ils ne correspondent pas toujours à un genre ou à une famille précis, et regroupent souvent des champignons qui ne sont pas apparentés. Il existe toutes sortes de formes intermédiaires et les critères retenus peuvent être absents ou difficiles à distinguer chez certaines espèces ou à certains stades de maturité. Enfin, elle ne considère pas les polypores à hyménium plus ou moins lamellé[11].
Légende des sporées |
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