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terme désignant un Français d'origine maghrébine De Wikipédia, l'encyclopédie libre
« Beur » (féminin « beurette », en verlan rebeu) est un néologisme qui désigne initialement les personnes d'origine arabe nés sur le territoire français et dont les parents (sur les dernières génération) sont immigrés d'un pays du Maghreb ou plus généralement d'un pays arabe.
Le terme de jeune d’origine arabe peut également être employé encore qu'il se réfère davantage à un jeune dont le père ou l'un des parents est né dans un pays arabe (au sens large) sans que celui-ci soit né français, ce qui peut vouloir dire que ce parent est de culture arabe[1].
Le terme « beur » est le verlan (syllabes d'un mot prononcé à l'envers) du mot « arabe » ; il a été popularisé au début des années 1980 par l'émergence de cette génération, jusqu'à faire émerger vers la fin des années 1990 l'idée d'une « France black-blanc-beur ». Au féminin, il peut devenir « beure », « rebeue » ou « beurette », terme qui selon les usages peut être perçu comme péjoratif. Le terme de "beurette" est associé par de nombreuses associations de lutte contre le racisme d'injure à caractère raciale[2],[3],[4],[5], il peut être rapproché de l'injure de « Négresse » pour les femmes noires.
Devenu commun à l'écrit et reconnu par certains dictionnaires, le terme tend cependant à être supplanté par son contre-verlan rebeu, dans la langue orale[6].
Ce terme est apparu dans la langue vernaculaire des cités dans les années 1980[7]. Il a ensuite été popularisé par Nacer Kettane cofondateur et animateur en 1981 de la radio associative Radio Beur, puis, en 1982, dans un article de Mustapha Harzoun et Edouard Waintrop publié dans le quotidien Libération sous le titre Un petit Beur et des youyous.
Le 3 décembre 1983, le terme apparaît en une de Libération à propos de la Marche pour l'égalité et contre le racisme : Paris sur "Beur", La marche des jeunes franco-arabes "pour l'égalité" traverse Paris. La Marche pour l'égalité et contre le racisme, rebaptisée « Marche des Beurs »[8] revendiquait une carte de séjour de dix ans et le droit de vote des étrangers. "Cette Marche qui a relié Marseille à Paris entre octobre et décembre 1983 est restée dans les mémoires notamment pour sa force symbolique : c'est la première fois que les descendants d'immigrés maghrébins interviennent sur la scène publique pour prendre la parole, un geste fort et porteur de beaucoup d'espoir quant à leur reconnaissance"[9].
En 1984, Jean Djemad et la chorégraphe Christine Coudun fondent une des premières compagnies de danse hip-hop qu'ils nomment Black Blanc Beur. L'expression « black-blanc-beur » est reprise en 1998 à l'occasion de la victoire de l’équipe de France de football lors de la Coupe du monde de football de 1998 et est dès lors utilisée comme équivalent de « multiracial », en parlant de la France.
Le terme beur a été créé en verlan, à l'origine argot populaire des ouvriers, artisans et petits délinquants de Paris et de sa proche banlieue qui procède à l’inversion des syllabes d'un mot de base, en inversant l’ordre des syllabes du mot « arabe » : a-ra-beu, donnant beu-ra-a, puis, par contraction, « beur »[10]. Ce qui donnera plus tard le contre-verlan "rebeu"
Le terme beur a permis d'éviter l'usage des termes arabes et maghrébins parfois perçus, considérés ou utilisés dans des discours dépréciatifs, bien que les maghrébins ne soit pas tous arabes, une minorité appartenant a des groupes berbères divisés en plusieurs ethnies (kabyles, chleuh, rifains, touaregs, etc.)[11]. On continue aussi à associer les Maghrébins à la religion musulmane qui est la religion de la majorité des maghrébins a 99%[12]. Les termes beur et beurette entrent dans le dictionnaire Petit Robert en 1996[13]. L'utilisation de ce terme est entrée dans le langage courant pour désigner de façon « policée » une personne d'origine maghrébine. Toutefois, le terme beur peut lui-même être perçu comme ayant une connotation péjorative ou raciste du fait de sa proximité phonétique avec le lexème beurre[14].
Le terme porte une distinction entre Français selon le lieu de naissance de leurs parents. Enfants d’immigrés, les Beurs sont parfois désignés par l'expression « immigrés de deuxième génération », en opposition aux « primo-arrivants »[15]. Dans le langage administratif, on utilise le plus souvent l'expression plus neutre « Français issu de l'immigration ».
Ce terme, progressivement rejeté par les jeunes issus de l'immigration maghrébine[16],[17], tend à tomber en désuétude en langage populaire, au profit de son descendant, le mot « rebeu » (verlan du verlan)[18].
Une vague d'immigration maghrébine en France a eu lieu avant que le mot beur eût été utilisé[19].
Après la guerre d’Algérie, les Beurs n'ont pas grandi dans une revendication relative à cette guerre qu'ils n'ont pas connue, mais ont été la première génération postcoloniale à être née en France, à y grandir et à s'y intégrer[20].
D'après Bouchera Azzouz, les beurs ont été les premiers à affronter la question d'une double culture, constituée d'une part des traditions familiales et d'autre part de la société d’accueil[21].
Selon certains auteurs, les Beurs auraient créé un ensemble de comportements, de modes de vie, des modes vestimentaires, une littérature, un cinéma avec ses films culte, de la musique, un humour etc., qui constitueraient la culture beur[22] espace supposé d'expression d'un mal-être de se sentir « partagé entre deux cultures », ainsi que de difficultés rencontrées dans leurs relation avec leur famille, souvent encore très marquée par leur pays d’origine, et la société française[23].
En littérature, selon Laura Reek, « La lutte pour la reconnaissance n’est pas finie, et des écrivains tels que Karim Amellal, Azouz Begag, Rachid Djaïdani, Faïza Guène ou Ahmed Kalouaz y sont encore engagés, chacun à sa façon. Car la diversité habite la diversité. De Lakhdar Belaïd à Mouloud Akkouche, d’Ahmed Kalouaz à Azouz Begag, de Farid Boudjellal à Ramdane Issad, de Tassadit Imache au duo frère-sœur Mabrouk Rachedi-Habiba Mahany…, on peut tout voir et tout lire. La littérature de la post-migration algérienne est aujourd’hui protéiforme : polar en banlieue, littérature de jeunesse, bande dessinée, roman philosophique, roman social, roman à deux, témoignage, autofiction, nouvelle… De par leur nombre et la variété de leurs écrits, les écrivains d’origine algérienne volent, aujourd’hui, de leurs propres ailes. »[24].
L'identité beur est portée par certains artistes au cinéma, comme avec le film Beur sur la ville de Djamel Bensalah en 2011, qui mettait en scène des comédiens comme Booder et Ramzy Bedia[25], ou la même année Halal police d'État de Rachid Dhibou, avec les mêmes têtes d'affiche. Avant cela, le premier gros succès cinématographique mettant en vedette un beur fut probablement taxi de Luc Besson, en 1998, avec Samy Nacéri[réf. nécessaire].
Un livre sur les Français d'origine maghrébine, africaine et turque ou « nouveaux Français » publié en 2005-2006 compare les ressemblances et dissemblances entre ces « nouveaux Français » et les autres français. Les auteurs, Sylvain Brouard et Vincent Tiberj, concluent que ces nouveaux français sont des Français comme les autres, avec des dissimilitudes plus de l'ordre des nuances que des contrastes, notamment sur des sujets tels qu'antisémitisme, exogamie, réussite individuelle, accès à l'emploi, participation électorale[26].
Alors que tout le monde s'accorde sur la difficulté d'intégration des immigrés, pour les nouveaux français cette difficulté résulterait du reste de la société, alors que pour le reste de la société, cette difficulté serait attribuée aux "immigrés"[26].
En 2004 il a été considéré que le jeune homme d’origine maghrébine pouvait avoir une plus grande difficulté à accéder à un CDI, sans que cela ait un effet sur le salaire touché. Pour les femmes, l'accès à l'emploi et le salaire ne semblent pas différenciés par rapport aux femmes de référence[1].
Entre deux sociétés, les beurettes, ou jeunes filles aux parents maghrébins, se trouvent dans une situation complexe, caractéristique de l'intersectionnalité[28].
D'après Bouchera Azzouz, les femmes beurs, ou beurettes, ont été les premières à affronter la question d'une double identité, constituée d'une part des traditions familiales et d'autre part de la société d’accueil[21].
Le féminin de « beur » est « beurette », cependant ce terme ne se limite pas à une féminisation, mais renvoie également dans certains contextes à tout un imaginaire particulier.
Selon le chercheur Nicolas Bancel, l'imagerie ethnographie des femmes indigènes photographiées nues, et souvent de manière grivoise, a imprégné durablement l'imaginaire colonial. L'historienne Christelle Taraud rappelle qu'« une semaine après la conquête d’Alger, la France réglemente la prostitution pour mettre en place un marché du sexe », contribuant aussi à fixer durablement dans les esprits un « imaginaire érotico-violent » qui perdure dans les productions pornographiques contemporaines[29].
Dans Des Beurettes aux descendantes d’immigrants nord-africains, Nacira Guénif-Souilamas relève que la forme féminine de « beur », le terme « beurette », est « employé pour nommer les filles de migrants, et plus largement des jeunes femmes assignées à une culture et un environnement familial stigmatisés comme rétrogrades et machistes et dont il faudrait les sauver[30]. »
Porteuse dans certains contextes d’une charge érotique, le terme devient par la suite une figure récurrente du film pornographique français au début des années 2000, comme le relève Fatima Aït Bounoua : « Tapez “Beurette” [dans Google] et là, vous aurez uniquement une liste de sites pornographiques… Et alors ? me direz-vous. Alors ? Le problème n’est pas l’existence de ces sites porno (bien sûr que non) mais le fait qu’il n’y ait que ces sites. Autrement dit, la Beurette est devenue, de fait, une catégorie sexuelle. Elle est classée parmi les autres catégories : «gros seins», «fétichiste», «partouze», etc. Étrange, non ? »[30]. La France est le seul d'Europe occidentale à placer en tête des occurrences pornographiques une catégorie raciale : « beurette ». D'après Salima Tenfiche et Sarah Diffalah, cela est lié à l’héritage colonial et notamment à l'image de la femme maghrébine dans le cinéma colonial[31],[32]. D'après la doctorante en sciences politiques Karima Ramdani, il s'agit d'un fantasme orientaliste datant de l’époque coloniale : « la mauresque est souvent représentée les seins nus ; son corps sensuel et érotique fait d’elle le symbole de la débauche orientale[27] ».
Dans leur essai paru en 2013 Voiler les beurettes pour les dévoiler : les doubles jeux d’un fantasme pornographique blanc, les sociologues Éric Fassin et Mathieu Trachman approfondissent cette analyse en décryptant les trois éléments fantasmatiques de la figure clichée de la beurette : transgression religieuse (abandon de la religion par le dévoilement), domination raciale et domination sociale[30].
Toutefois, s'il est vrai qu'un certain héritage colonial algérien a joué dans l'érotisation du stéréotype de la « beurette », cet héritage n'en est pas la cause unique. D'une manière plus générale, l'érotisation des femmes d'origine arabe n'est que la modernisation de deux stéréotypes érotiques antérieurs, en France, à la colonisation de l'Afrique du Nord : la belle juive et la belle gitane, fantasmes de la littérature romantique déjà mis en scène par Victor Hugo sous les traits du célèbre personnage d'Esméralda, mais aussi par Prosper Mérimée dans Carmen. Avant la « beurette », celles-ci étaient les symboles dominants d'un Orient sensuel, mystérieux et envoûtant dans l'imaginaire français[33]. La disparition de ces stéréotypes anciens a largement découlé de l'héritage de la Shoah, qui a fait du fantasme de la belle juive un fantasme antisémite[34], et du développement sur le territoire français d'une diaspora d'origine nord-africaine bien plus importante que les diasporas juive et tsigane[33].
Plusieurs personnalités françaises sont présentées par les médias comme représentatives de la culture beur. On peut citer les auteurs Farida Belghoul[35] et Azouz Begag[35], le chanteur Rachid Taha[36], les acteurs Jamel Debbouze[37] et Salim Kechiouche[38], les réalisateurs Mehdi Charef[39],[40] et Yamina Benguigui[41], les footballeurs Zinédine Zidane et Karim Benzema[42] et le président du R.C.T. Mourad Boudjellal[43].
Certaines personnalités reprennent à leur compte le terme « beur », comme Smaïn, dont le premier one-man-show en 1986 est intitulé A Star is beur, le groupe Zebda (beurre, en langue arabe), créé après avoir joué dans le film Salah, Malik : Beurs[44], ou Rim'K, auteur et interprète de la chanson « Dans la tête d'un jeune Beur »[45], ou encore le rappeur et animateur de radio Lionel D et son morceau Pour toi le Beur sorti en 1990[46].
D'autres critiquent l'emploi du terme, comme le réalisateur Rachid Bouchareb[47] et le rappeur Ali qui le récusent[48], ou l'acteur Sami Bouajila qui le nuance[49]. Enfin, certains français de l'immigration maghrébine proviennent de l'élite voire de l'aristocratie de ces pays (comme Ali Baddou), et n'ont que peu de rapports avec la culture « beur » de banlieue.
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