Affaire des abus sexuels et violences dans l'institution Notre-Dame de Bétharram
affaire judiaire à la suite d'abus sexuels et violences dans l'institution Notre-Dame de Bétharram De Wikipédia, l'encyclopédie libre
L'affaire des abus sexuels et violences dans l'institution Notre-Dame de Bétharram, couramment appelée l'affaire Bétharram, est une affaire de violences physiques, psychologiques et sexuelles commises sur des élèves de l'institution Notre-Dame de Bétharram (Pyrénées-Atlantiques) par des religieux de la congrégation des prêtres du Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram, des membres du personnel laïc et des élèves de cet établissement catholique privé.
Affaire des abus sexuels et violences dans l'institution Notre-Dame de Bétharram | |
Vue d'ensemble du sanctuaire et collège de Betharram. | |
Chefs d'accusation | Violences, agressions sexuelles et viols sur mineurs |
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Pays | France |
Ville | Lestelle-Bétharram |
Date | entre la fin des années 1950 et les années 2010 |
Nombre de victimes | 200 |
Jugement | |
Statut | Affaire en cours |
modifier |
Les châtiments corporels scolaires et abus sexuels allégués se seraient déroulés entre la fin des années 1950 et les années 2010. Ils sont dénoncés à la justice en 2024 par plus d'une centaine de plaignants, donnant lieu à une enquête préliminaire du parquet de Pau.
Le , l'affaire Bétharram prend une dimension politique lorsque Mediapart met en cause la proximité du Premier ministre François Bayrou avec le dossier.
Une commission d'enquête parlementaire sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires est mise en place en .
L'affaire est considérée comme l’un des plus grands scandales de pédocriminalité dans un établissement catholique privé.
Affaires médiatisées
Résumé
Contexte
Affaire Lamasse : agressions sexuelles sur mineurs (1957)
En , le père Henri Lamasse est nommé enseignant au collège-lycée Notre-Dame de Bétharram, établissement privé catholique accueillant 70 enfants et adolescents âgés de 10 à 17 ans dans le cadre du petit séminaire. Surveillant du dortoir, le prêtre se serait livré à des masturbations et fellations sur des enfants pensionnaires de l'internat. C'est quatre ans plus tard que les premières victimes présumées de ces agressions sexuelles à caractère pédocriminel dénoncent les faits auprès du responsable de l'établissement[1],[2],[3].
Jean-Marie Delbos, plaignant dans l'affaire et orphelin âgé de 15 ans à l'époque, est peu après interné à l'hôpital psychiatrique militaire de la cité royale. Il dénonce une manœuvre des prêtres du Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram afin de discréditer son témoignage[3]. À sa sortie de l'hôpital, sa grand-mère, responsable légale, se voit menacée par trois prêtres de saisir ses biens si l'affaire venait à s'ébruiter, en remboursement des frais de scolarité dont son petit-fils a été exonéré « par charité chrétienne »[3],[4],[5].
Plainte en 2010 : prescription
En , Jean-Marie Delbos dénonce à la gendarmerie de Navarrenx les faits dont il se dit victime, mais la justice estime qu'ils sont prescrits. Il envoie cependant son témoignage au Saint-Siège. Henri Lamasse est muté en Cisjordanie à Bethléem la même année[4].
Enquête de droit canonique en 2016 : prescription
Jean-Marie Delbos rencontre en 2015 Marc Aillet, évêque du diocèse de Bayonne où se sont produits les faits présumés. En , une enquête canonique est confiée à la Congrégation pour la doctrine de la foi, mais les faits sont considérés comme trop anciens pour être poursuivis[1],[4],[6].
Reconnaissance d'agressions sexuelles en 2023
À la suite d'un travail de médiation de la Commission reconnaissance et réparation (CRR), Jean-Marie Delbos est reconnu victime par la congrégation des abus sexuels subis de la part du père Henri Lamasse, à partir de l’âge de 10 ans. Un protocole d’accord est signé le par le vicaire régional des pères de Bétharram. Cet accord engage la communauté religieuse à indemniser la victime à hauteur de 35 000 €[7] et d'interdire de tout ministère extérieur le père ayant commis les viols[8],[3],[4]. M. Delbos juge cependant les mesures financières insuffisantes[6],[9].
Le , le parquet de Pau précise que le père de 94 ans n'a reconnu qu'« un seul fait d'agression sexuelle »[10].
Affaire de Behr : coups et blessures volontaires (1996)
En , un élève casse un verre dans le refectoire. Le surveillant général Marie-Paul de Behr, lui annonce que cette fois-ci le verre lui sera facturé 5 francs au lieu de deux. Marc, un second élève retorque : « Cinq francs, c'est un peu cher pour un verre », en réaction il reçoit une violente giffle lui occasionnant une perforation du tympan entraînant une perte d'audition de 40 %[11],[12],[13].
Le , un élève-surveillant plus âgé responsable de son dortoir ordonne à Marc de se rendre sur le perron de l'établissement sur les bords du gave de Pau « sans la moindre raison valable » à 20h30 par zéro degré, en sous-vêtements (pieds nus, slip et t-shirt). L'adolescent rentre au dortoir une heure plus tard, se plaignant du froid[12]. Il est frappé et insulté par l'élève surveillant[14],[15]. En état de choc, il previent son père et est par la suite examiné en hypothermie par un médecin et obtient une incapacité totale de travail de 3 jours[16],[17].
Jean-François Lacoste-Séris, le père de l'élève, signale les faits à l'Association des parents d'élèves de l'enseignement libre (Apel) en pure perte[12],[18],[19],[20],[21]. Le , le père distribue un tract aux parents d'élève. Le directeur Landel, l'accuse de mener une « croisade contre l'institution »[17]. Le , le plaignant est destitué de ses fonctions de vice-président de l'Apel et invité à présenter ses excuses pour avoir partagé les faits au nom de l'association[15],[19]. En réaction, il dépose une plainte pour « coups et blessures volontaires » pour les faits de et « traitements inhumains et dégradants » commis par le surveillant général et un élève-surveillant de première, pour ceux de [15],[22],[23] et assigne l'établissement au civil[24]. Les faits sont médiatisés en raison de la présence au sein de l'établissement de Calixte Bayrou, le fils de François Bayrou, ministre de l’Éducation de l’époque, et de deux petits-fils de son député suppléant[15],[25].
En , les faits de violence au sein de l'institution Notre-Dame de Bétharram sont évoqués par des journaux nationaux comme Libération. Il le sont également par des journaux locaux comme Sud Ouest. Cependant, le quotidien régional les qualifie de « rumeurs malsaines »[15],[26]. Françoise Gullung, enseignante de mathématiques entre 1994 et 1996, s'inquiétant du climat de violence à Bétharram, dont elle-même a été victime[27],[26], communique aux élèves de l'établissement le numéro d'appel d'urgence « 119 », Numéro Vert du service national d'accueil téléphonique pour l'enfance en danger[15],[19]. Le , La République des Pyrénées évoque le « témoigne d’autres faits de violences comme le jet d’un palet de hockey par un surveillant sur la tête d’un élève, ou cette scène où un élève est frappé par un surveillant dans une salle de classe vide », « certains s’attendaient depuis longtemps à ce scandale »[28].
Jean-François Lacoste-Séris, avec une douzaine d’anciens élèves de Bétharram, tente alors de constituer une association de victimes : « Droits des enfants »[20],[29]. La direction de Bétharram déplore le « grave discrédit porté à l'institution »[15],[30]. D'anciens élèves, parmi lesquels Jean-Charles de Castelbajac et le député Michel Péricard, montent plusieurs comités de soutien pour défendre l'établissement[22],[31] à l'initiative de Serge Legrand — avocat du prêtre directeur de l'établissement[32] — avec huit avocats des barreaux de Pau et de Bayonne[23]. L'Apel de son côté soutient l'équipe éducative et ne cautionne pas la « généralisation et l'imprécision des faits tels qu'ils ont été rapportés, ni l'amalgame auquel ils ont servi dans le but évident de nuire à la réputation de l'établissement »[33]. Les méthodes pédagogiques de l'établissement font l'objet d'échange au sein de l'Apel du Pays basque. Marie-Christine Etchebers, la présidente, qualifie d'inadmissible les « mauvais traitements à enfants ». Mayté Irazoqui, directrice diocésaine de l'enseignement catholique, précise cependant que « les châtiments corporels ne constituent pas les fondements de la méthode pédagogique » de l'institution[34]. L'Inspection académique des Pyrénées-Atlantiques annonce l'envoi d'un inspecteur pédagogique régional « établissement et vie scolaire »[23],[33],[35]. Une inspection est diligentée en par le directeur académique des services de l’éducation nationale des Pyrénées-Atlantiques, Pierre Polivka, par ailleurs maire d’Aiguillon sous l’étiquette Union pour la démocratie française (UDF), le parti de François Bayrou[36].
En , François Bayrou et Philippe Douste-Blazy, ministres respectifs de l’Éducation nationale et de la Culture, se déplacent à Bétharram à l’occasion de la réception des travaux de réfection de la chapelle de l'établissement. François Bayrou intervient alors en défense de l'institution : « Nombreux sont les Béarnais qui ont ressenti ces attaques [contre Bétharram] avec un sentiment douloureux et un sentiment d’injustice. Ce n'est pas le ministre, ce n'est pas le parent d'élèves qui parle, c'est le Béarnais. ». Il ajoute en sa qualité de ministre de l’Éducation nationale : « Toutes les informations que le ministre pouvait demander, il les a demandées. Toutes les vérifications ont été favorables et positives. Le reste suit son cours. Les autres instances qui doivent s'exprimer le feront. »[37],[38],[39]. Fin , le rapport de l'Inspection académique conclut que « Notre-Dame de Bétharram possède suffisamment d'atouts et d'éléments positifs pour surmonter ces moments difficiles et réussir dans sa volonté de changement ». Le rapport préconise notamment l'abandon du principe des élèves-surveillants[24],[35],[40].
Le parquet poursuit Marie-Paul de Behr pour « violences n'ayant pas entraîné une incapacité temporaire de travail supérieure à huit jours sur mineur de 15 ans »[41] et le fait comparaître devant le tribunal correctionnel, le . L'ancien surveillant général affirme avoir « usé de son devoir de correction » afin de préserver la discipline de l'établissement[22]. Le procureur de la République admet « la nécessité de faire respecter l'ordre », tout en trouvant la punition « disproportionnée »[42]. Marie-Paul de Behr est relaxé pour la punition du perron, qui ne constitue pas une infraction au sens de la loi, tout en étant condamné à 5 000 francs d'amende avec sursis pour avoir infligé une gifle[18],[22]. Malgré sa condamnation pénale, le surveillant général n’est pas sanctionné administrativement[43]. En 1997, l'établissement connaît une baisse d'effectifs, passant de 520 à 400 élèves[44].
En , Mediapart révèle que l'affaire de Behr avait déjà été précédée en 1993 par le cas d'un autre élève qui avait eu aussi le tympan perforé à la suite de coups portés par un surveillant[45] (voir infra). Le scandale éclate, éclaboussant une grande part des notables locaux et nationaux (élus, fonctionnaires de Justice, de l'Éducation nationale...). L'inspecteur pédagogique régional ayant effectué une inspection à la suite de l'incident à Notre-Dame-de-Bétharram le avoue n’avoir « pas cherché à savoir ce qui se passait » et admet que son rapport « ne tiendrait pas la route actuellement »[46]. Françoise Gullung revient sur les événements et signale avoir subi des pressions et des menaces de mutation de la part du père Vincent Landel, directeur le l'établissement à l'époque nommé par la suite en 2001 évêque de Rabat au Maroc. L'enseignante estime que « le poids des élites locales, politiques, administratives et religieuses a joué dans l'omertà autour de Bétharram »[47].
Le surveillant général est devenu chef d’établissement adjoint jusqu'en 2000[48].
Affaire Silviet-Carricart : accusations de viols et d'agressions sexuelles sur mineurs (1998)
Pierre Silviet-Carricart, directeur de l'institution Notre-Dame de Bétharram de 1976 à 1981 puis de 1987 à 1993[49] aurait profité en 1988 de la fragilité psychique d'un élève du collège et pensionnaire de l'internat âgé de 10 ans et demi[20],[50], déstabilisé par la mort de son père, pour se livrer sur lui à des attouchements, le matin de l'enterrement, avant que sa mère ne vienne le chercher pour l'emmener aux obsèques[19],[21],[51].
En 1997, le procureur de Pau reçoit une plainte du jeune à ses 21 ans[49].
Détention provisoire, puis contrôle judiciaire en France
Le , le prêtre est mis en examen pour « viol et agression sexuelle sur mineur de moins de 15 ans par personne abusant de son autorité » pour des faits présumés entre et . Le directeur conteste les accusations[52] et dépose une plainte pour dénonciation calomnieuse[21]. Placé sous mandat de dépôt, le prêtre reste 13 jours en détention provisoire à la maison d'arrêt de Pau, avant d'être remis en liberté le , il est libéré sous contrôle judiciaire, à la suite d'une demande formulée en appel à la chambre d'accusation de la Cour d'appel de Pau, au motif « que la mise en détention n’est plus nécessaire à la poursuite de l’information »[53],[54]. Les motifs invoqués par la chambre d’accusation étaient « ceux qui habituellement justifiaient le maintien en détention » selon l'avocat du plaignant interrogé par Le Monde en [19]. Le juge d'instruction exprime rétrospectivement son étonnement devant cette décision inhabituelle au vu de l'aspect hors normes de l'affaire[55],[56],[53]. Sans faire état de pressions, il évoque néanmoins à l'époque les « nombreuses questions » de sa hiérarchie sur la suite qu'il compte donner au dossier et relate la visite de François Bayrou dans le laps de temps des 10 jours d'instruction de l'affaire. François Bayrou est alors parent d'élève, député des Pyrénées-Atlantiques, président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques, et ancien ministre de l'Éducation nationale. Ce dernier lui exprime « ses interrogations et ses doutes » sur la culpabilité du prêtre[55],[53].
Lors de cette affaire, trois personnes sont mises en cause, parmi lesquelles le père Silviet-Carricart, Damien Saget[57] et Patrick M. qui ne sont pas poursuivis[9],[58],[56],[59]. La communauté éducative de l'institution réagit avec « réserve et prudence » à la procédure judiciaire qui met en cause l'ancien directeur de l'établissement[60].
Assouplissement du contrôle judiciaire à Rome
Pierre Silviet-Carricart est réélu, en 1999 économe général de la Congrégation des Prêtres du Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram, sa demande d'assouplissement de son contrôle judiciaire est refusée par le juge d'instruction le , puis accepter en appel auprès de la chambre d'accusation le [49]. Ce qui l'autorise à quitter la France pour rejoindre le siège de sa congrégation à Rome[61],[62],[56]. La levée du contrôle judiciaire du religieux[53] est également jugée « insolite »[63].
Nouvelles plaintes
Le , La République des Pyrénées relate qu'une confrontation organisée chez le juge d’instruction Christian Mirande « a duré trois heures dans une atmosphère tendue et parfois houleuse »[28].
Fin , le procureur de la République convoque de nouveau l'ecclésiastique à la suite d'une seconde plainte contre lui de la part d'un ancien élève de Bétharram[19], orphelin de père, pour des faits d'agressions sexuelles[64],[65], dont il aurait été victime de la part du prêtre lui aussi, une douzaine d'années auparavant[61]. Puis, à sa suite, une troisième victime se manifeste[53],[66].
Suicide
Le , le prêtre âgé de 58 ans disparaît[67], une semaine avant de devoir se présenter devant le juge d'instruction[68]. Une lettre est retrouvée annonçant son suicide : « J'ai accompli mon chemin de croix, je suis au Golgotha, ma croix va se lever[69],[70]. » Celui-ci affirme qu'il n'a « violé aucun enfant », et que face à l'acharnement et au harcèlement dont il est l'objet, « sa vie sur terre s'achevait »[67].
Le , son corps en état de décomposition avancée est repêché dans le Tibre. Il est méconnaissable, mais ses vêtements, un chapelet et une carte d'identité à son nom sont retrouvés sur lui,[71]. Il est enterré en France dans le petit cimetière de la congrégation à Lestelle-Bétharram le , en présence d’Élisabeth Bayrou, l'épouse de François Bayrou[39],[53],[64],[72],[73],[74],[75]. Le , le corps du religieux est exhumé après que des doutes sur son identité ont été exprimés[76],[77],[78]. Le , l'identification visuelle de plusieurs témoins et l'identification ADN confirment que le corps enterré est bien celui de Pierre Silviet-Carricart mettant un terme à l'enquête et à la procédure pénale en [79],[80],[81],[82],[83],[84],[57].
Assignation civile de l'institution Notre-Dame de Bétharram en 2001
En , l'avocat de la première victime annonce l'ouverture d'une procédure civile à l'encontre de la congrégation et une assignation de la direction de l'établissement pour défaut de surveillance devant le tribunal de grande instance[64].
En 2003, l’institution Notre-Dame de Bétharram est condamnée par le tribunal civil pour n'avoir pas « mis en œuvre les moyens nécessaires pour assurer la sécurité des élèves [et avoir] laissé se développer une ambiance malsaine propice à favoriser le passage à l’acte de l’un de ses membres sur les pensionnaires »[57].
Plaintes pour violences physiques, psychologiques et sexuelles depuis 2023
Résumé
Contexte
En , Alain Esquerre, ancien élève de Bétharram de 1980 à 1985, reconnaît dans le village de Lestelle-Bétharram, Patrick M., le surveillant qui l’a brutalisé en 1985, qui se trouve être toujours employé par l'établissement scolaire[85],[19],[55]. Le choc suscité par cette découverte l'amène à créer le un groupe Facebook « Les Anciens du collège et lycée de Bétharram, victimes alléguées de l’institution », qui atteint en près de 900 membres[20],[86]. Il reçoit alors de nombreux témoignages sur des violences vécues par d'anciens élèves de Notre-Dame de Bétharram s'étant tues jusque-là : « Des gens vous racontent leur détresse, des choses subies à l’âge de 10 ou 12 ans et qu’ils n’ont jamais racontées à personne. Ils se sont terrés dans leur silence alors que certains habitent à 10 kilomètres de là[87],[88]. »
Abus allégués
Deux cents plaintes sont déposées par d'anciens élèves pour des faits de violences s’étalant de 1950 à 2013. Des signalements pour des faits de violences sont relatés au cours de l'instruction de l'affaire en 2019 et en 2024[89].
Violences physiques
Le , l'institution Notre-Dame de Bétharram est condamné à verser une provision de 10 000 francs (environ 2 500 euros) pour dédommager un parent d'élève pour la perforation du tympan de son fils de 13 ans. L'établissement demande à la préfecture des Pyrénées-Atlantiques de participer au paiement de l'amende, par solidarité avec l'établissement privé catholique sous contrat d'association avec l'État[49].
En 1996[90], la presse révèle les différents types de châtiments infligés en cas de manquement à la discipline sur la base des témoignages recueillis : « la baffe », « la bouffe »[note 1], « la coco »[note 2],[91], « le perron »[note 3],[19] ou « le pied du lit »[note 4],[90].
Plusieurs châtiments corporels sont dénoncés, comme de violentes claques[92], des coups de pied, des coups de poing dans la tête[52], des coups de règle en bois sur les ongles, des fessées à même le corps[6], y compris avec une batte de cricket ; certains jeunes garçons se faisaient tirer les oreilles ou les cheveux[85], mettre à genoux sur une règle métallique jusqu’au sang[19],[26], arracher les ongles et les cheveux[93]. Des témoins décrivent « des tabassages en série », des « visages ensanglantés »[6], des « coups très violents »[9] et « des étranglements jusqu'à l'évanouissement »[94]. Ils relatent d'autres sévices physiques, comme des piqûres sous-cutanées à l’eau[95],[96] ou à l’alcool[97], sur l’avant-bras ou la fesse, réalisées à l’infirmerie[94],[98]. Les élèves pensionnaires pouvaient être punis pour le week-end, afin que les signes de maltraitance échappent à leur famille[9],[19],[97],[99].
La présence d’une « salle des fouets » où les châtiments corporels étaient infligés. En 1959, « On attachait les gamins sur une table et on les fouettait avec des verges en osiers ou en bois divers »[100].
Dans certaines familles du Sud-Ouest, l'institut Notre-Dame de Bétharram, surnommé « l’école des frères tapent dur », est brandi comme une menace contre les enfants jugés trop turbulents[101]. Les enfants de notables étaient épargnés. Parmi les victimes se trouvent plusieurs orphelins et enfants de parents divorcés. Certains élèves tentaient de s'évader de l'institution[85]. Plusieurs fugues d'enfant, notamment le mercredi, sont rapportés. Les mineurs étaient ramené par la gendarmerie de Nay, ou signalé par les habitants de la commune[102].
Violences psychologiques
Les élèves et internes dénoncent des violences psychologiques, un monde « de la rigueur et du silence », la moindre incartade estimée inappropriée, comme un clignement, un sourire, « c’était violence, punition, humiliation »[103]. Des proches relatent plusieurs suicides d'anciens élèves de l'établissement[93],[104],[105].
Un ancien professeur durant 18 ans relate le « climat de violence généralisé, de système de pression, d'emprise que certains avaient sur les élèves, notamment certains surveillants. [...] C'étaient des violences à tout bout de champ, des humiliations. On rabrouait les élèves, on leur donnait des claques ». Les « élèves brutalisés devenaient eux-mêmes des brutes »[49].
Plusieurs victimes reconnaissent en 2025 toujours ressentir des terreurs nocturnes[106] et des craintes au fait de boucler une valise.
Violences sexuelles
Selon plusieurs victimes, « Betharram était un repère idéal pour les pédophiles, il y avait de quoi consommer sur place dans un endroit isolé »[107]. Une autre évoque un « système de prédateurs étalé sur 35 ans »[108]. Alain Esquerre dénonce quant à lui « des connivences entre les laïcs et les pères pour abuser des enfants », un système de « pédophilie décomplexée ». Il avance que « tous les pères directeurs qui se sont succédé dans les années 80-90 étaient [des] agresseurs sexuels » qui « faisaient leur marché dans les dortoirs la nuit »[85],[104],[109],[110]. Selon lui, l'affaire est « probablement [l']un des plus grands scandales de pédophilie que la France ait jamais connus » dans un établissement catholique privé[49],[97],[104].
Sur les 76 premières plaintes, 38 sont de nature sexuelle[92],[111].
Chronologie
Janvier-février 2024 : 33 plaintes
En , le parquet de Pau ouvre une enquête préliminaire à la suite de vingt plaintes d’anciens élèves pour des faits de violences physiques, violences morales, viols et agressions sexuelles sur mineurs au sein de l'établissement, dans les années 1980[20],[52],[112]. Ces plaintes concernent des religieux et des laïcs[113],[107],[114].
En , treize autres sont déposées[115], dont dix pour des viols ou des agressions sexuelles[20],[86],[116]. Au total six religieux et deux laïcs sont accusés de crimes sexuels. Trois d’entre eux sont encore en vie[20]. Les plaintes doivent aussi être transmises à la Commission reconnaissance et réparation (CRR) de l’Église catholique, créée pour réparer les violences sexuelles commises par des membres d'instituts religieux[113]. Certaines de ces plaintes ont déjà fait l'objet d'une reconnaissance et d'une indemnisation[20],[117]. Sur les 33 plaintes, seules deux ne sont pas encore couvertes par la prescription[118].
Le , l’évêché de Bayonne organise un pèlerinage diocésain pour les vocations des jeunes prêtres depuis le sanctuaire de Notre-Dame de Bétharram. Plusieurs victimes s'indignent de cette procession[119]. Deux jours avant l’événement, le lieu de départ du pèlerinage est modifié, en réponse aux protestations[120].
Avril-mai 2024 : 43 nouvelles plaintes
Le , 43 nouvelles plaintes s'ajoutent au dossier[121],[122]. Les 76 plaintes portent sur plusieurs auteurs présumés et concernent des faits de violences physiques et psychologiques[94], des agressions sexuelles et des viols sur des mineurs[123],[124],[125],[126]. Une chronique de France Bleu Béarn Bigorre évoque « une bombe judiciaire » et s'étonne que ces affaires n'aient pas encore fait la une des grands médias nationaux[127].
96 victimes, dont 44 abusées sexuellement, sont recensées. La plus jeune victime, âgée de 33 ans, a été abusée à l'âge de 9 ans par un autre élève et un prêtre. Un quart des plaintes à caractère sexuel visent deux personnes[128].
Juillet 2024 : 20 nouvelles plaintes
Vingt nouvelles plaintes liées à l'institution Notre-Dame de Bétharram sont communiquées à la gendarmerie de Pau. Les faits dénoncés concernent pour la majorité des attouchements sexuels entre 1960 et 2011[58],[59].
En , un ancien pensionnaire de Notre-Dame de Bétharram entre 2002 et 2004 raconte publiquement avoir été tabassé, racketté, avoir subi des sévices et des violences sexuelles, des fellations et une sodomie, commises en réunion par d'autres collégiens plus âgés, alors qu'il avait 12 ans. Cet homme dénonce également des agressions sexuelles commises par certains prêtres retraités hébergés au sein de la maison de retraite de la congrégation, située juste en face de l'école[129]. Son signalement auprès du directeur de l'école reste sans suite. L'ancien pensionnaire précise également que le bus scolaire effectuant le trajet depuis Bordeaux jusqu'à Bétharram était lui-même « une véritable zone de non-droit », dans lequel « de nombreuses violences » étaient commises[47],[130].
En , Alain Esquerre affirme avoir reçu de nouvelles plaintes pour des violences physiques et des abus sexuels qui auraient été commis entre 2013 et 2016[131].
Au , plus de 100 signalements ont été fait et 77 plaintes déposées[132].
Février 2025 : 40 nouvelles plaintes
Au , selon le collectif de victimes de Bétharram, au total 112 anciens élèves de l'institution Notre-Dame de Bétharram se sont déclarées victimes et 72 ont formellement porté plainte pour des violences physiques et sexuelles[101],[133]. Cependant de nouvelles plaintes émergent les jours suivants[134],[135],[136]. Le , 40 plaintes sont à nouveau transmises à la justice[137],[138]. Au total le dossier comprend 152 plaintes[138].
Mediapart publie le douze signalements et plaintes ignorés ou classés entre 1993 et 2013. Le média dénombre au moins quatre élèves ayant eu le tympan perforé et recense de multiples témoignages, publiés en 1996 dans la presse quotidienne régionale, sur la violence au sein de l'établissement. Une plainte déposé par un ancien élève en 2000 contre Patrick M. est classé. En 2005, un ancien élève évoque des faits de viol et d’agression sexuelle commis par un personnel civil de l’institution. La plainte est classée sans suite, l’infraction ayant été considérée insuffisamment caractérisée par le parquet de Pau. Entre 2011 et 2013, un autre ancien élève dénonce des faits de viol et d’agression sexuelle commis par un autre membre de l’établissement. Le dossier est également classé sans suite « pour infraction insuffisamment caractérisée »[57].
Le , des témoins relatent avoir constatés des allers-retours incessants de cartons chargés à la hâte. Alain Esquerre dénonce le fait que la date de l'inspection est été communiqué à l'avance[139].
Avril 2025 : 48 nouvelles plaintes
Le , Alain Esquerre transmet 48 nouveaux témoignages à la justice[5]. 90 des 200 plaintes déposées depuis février 2024 portent sur des faits à caractère sexuel. Un premier viol en réunion est témoigné, de la part d'un père directeur et d'un autre prêtre[140].
Le , le collectif des victimes de Bétharram émet un appel international aux témoignages pour indentifier d’éventuelles victimes à l’étranger au sein de pays dans lesquels la Congrégation des pères de Bétharram sont implantées. Le communiqué est diffusé en quinze langues[141].
Demandes des victimes
Plusieurs victimes réclament la fin de la prescription[13],[48]. Certaines n'attendent rien[106].
Auteurs présumés
Selon France 2, 26 auteurs présumés sont visés par les plaintes de violences, viols et agressions sexuelles, dont 14 pédocriminels[66]. Onze sont toujours en vie[142],[143]. Neuf plaintes concernent des religieux[92]. Certaines plaintes sont prescrites[104].
Directeurs
Selon Alain Esquerre, « les prêtres directeurs des soixante-dix dernières années ont tous été agresseurs. »[102]. Libération précise que tous les prêtres directeurs de Bétharram en poste entre 1961 et 1993 sont mis en cause[144].
En , six des quatorze prêtres ciblés parmi les 200 plaintes, étaient des membres clés de l’organisme de gestion de l'enseignement catholique Notre-Dame de Bétharram[144].
Jean Tipy (début des années 1960 à 1987)
Jean Tipy est né à Hasparren. Il entre au noviciat de Balarin dans le Gers en août 1940 et poursuit ses études en Palestine. Il est ordonné prêtre à Bethléem le 4 juillet 1948 où il contribue avec d'autres pères de Bétharram à une mission d'éducation[145]. Il assure la direction du collège de Bétharram, entre le début des années 1960 et 1987[146], puis celle du collège Ozanam à Limoges, avant de devenir professeur de religion au collège Stanislas de Paris. Il prend sa retraite à la paroisse Saint-Amand du diocèse de Bayonne et décède le à Bétharram[145].
En mars 2025, il est mis en cause pour des viols et des agressions sexuelles pour des faits commis entre les années 1970 et 2000[146],[147],[148].
Beñat Ségure
Beñat Ségure est né à Itxassou le . Il réalise des études secondaires au Collège Notre-Dame de Betharram et son noviciat à Pau. Il passe son service militaire, 4 mois en Allemagne et 22 mois en Algérie. Il est ordonné prêtre le à Bordeaux. Il parti pour l'Afrique, suit une formation pastorale à la Haute-Volta , puis poursuit en Côte d'Ivoire à Ferkassedougou, puis à Katiola jusqu'en 1971. A son retour en Europe, il initie le Mouvement eucharistique des jeunes au Collège Ozanam de Limoges, avant d'être nommé supérieur du séminaire du Collège à Katiola[149].
De 1979 à 1984, il est directeur du collègue Notre-Dame de Betharram, où il cumule la présidence de l'Ogec de 1981 et 1986[144], puis de 1983 à 1990 directeur du Centre Etchecopar à Saint Palais. De 1994 à 2002, il est membre de la communauté de l'aumônerie avec les Servantes de Marie d'Anglet. En 2003, il rejoinds la maison de retraite de Bétharram, où il décède le [149].
En 2025, il est visé par 12 plaintes[144].
Pierre Silviet-Carricart (1987 à 1993)
Pierre Silviet-Carricart, professeur de philosophie et directeur de l'institution Notre-Dame de Bétharram de 1987 à 1993. Il a exercé également le mandat de président de l’Ogec en 1988[144]. Il est accusé d'avoir les mains baladeuses et de toucher les fesses[106].
Un ancien surveillant-élève d'un dortoir de 35 lits relate avoir vu un soir, le père Carricart mettre sa main entre les cuisses des enfants de 10-11 ans. Il relate que celui-ci visitait son dortoir une à trois fois par semaine, entre minuit et 2H00 du matin. Le jeune surveillant, raconte avoir trafiqué la serrure de la porte pour qu'elle couine quand la directeur l'ouvrait pour qu'il puisser l'entendre arriver et qu'il gardait sa lampe allumée jusqu'à 3H00 du matin. Il avoue ne pas avoir beaucoup dormi cette année scolaire 1979-1980[106].
Il est placé en détention provisoire dans l'affaire Silviet-Carricart en 1998, avant d'être placé en liberté conditionnelle. Le prêtre se suicide en 2000 lorsqu'il est convoqué dans le cadre d'une seconde plainte, ce qui met un terme à l'action pénale (voir supra).
En , une enquête canonique est menée par le diocèse de Bayonne, Lescar et Oloron concernant une accusation d'agression sexuelle sur un enfant, mais elle aboutit à un non-lieu[113],[117]. Le père Silviet-Carricart aurait abusé d'au moins cinq personnes, dont trois dans une même classe d'après les témoignages recueillis par la presse et les plaintes déposées[6],[56].
En , le père Silviet Carricart, est cité dans seize plaintes[85]. En , il est visé 24 plaintes pour agressions physiques, sexuelles et viols[144].
Salariés religieux et laïcs
Henri Lamasse
Le prêtre Henri Lamasse est enseignant au petit séminaire Notre-Dame de Bétharram, établissement privé catholique et surveillant de dortoir, à partir de 1957.
Il rejoint le diocèse de Limoges en 1980 au sein de la paroisse de Saint-Léonard-de-Noblat. De 1983 à 1988, il est animateur en pastorale au collège privé catholique Ozanam à Limoges, ainsi qu'à Saint-Jean et Jeanne d’Arc, deux établissements scolaires formant avec Ozanam, l'ensemble scolaire Charles de Foucauld. Le collège est alors dirigé par Jean Tipy, ancien directeur de Notre-Dame de Bétharram, également accusé de faits d'agressions sexuelles et de violences[150],[146],[10]. De 1988 à 1995, il est curé à Saint-André-de-Cubzac, avec deux autres prêtres de la congrégation[151]. Il rejoint ensuite Pessac, puis devient aumônier diocésain de l’Action catholique des milieux indépendants (ACI) en 1996. Trois ans plus tard, il quitte la Gironde pour intégrer l’équipe d’aumônerie du CHU de Limoges. Il est aussi prêtre auxiliaire de la paroisse Saint-Benoît[10],[152].
En 2010, il devient missionnaire de sa congrégation à Bethléem en Cisjordanie, puis devient supérieur de la communauté des Pères du Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram à Bethléem[153], assure l'aumônerie du Carmel de Bethléem[154].
Il rentre en 2018 à Lestelle-Bétharram pour y prendre sa retraite dans la maison de retraite de la communauté Maison Neuve de Bétharram au sein de sa congrégation[4],[155]. En , il y réside toujours[129], il y assure l'office hebdomadaire[8],[7], sans qu'aucune sanction canonique n'ait été prise à son encontre. Il nie les faits qui lui sont reprochés[128],[85].
Le , le parquet de Pau précise que le père de 94 ans n'a reconnu qu'« un seul fait d'agression sexuelle » commis entre 1957 et 1962[10],[156].
Dans le cadre de la médiation menée par l'Institut francophone pour la justice et la démocratie entre les victimes et leurs bourreaux, il a refusé de rencontrer ses victimes[7]. Il lui est interdit, à titre conservatoire, de « dire la messe » d'après Marc Aillet, le 13 mars[157].
Patrick M.
En , huit plaintes visent Patrick M., un laïc sexagénaire salarié du diocèse[158] surveillant à l’internat depuis [128],[58], toujours présent au sein du collège en [115],[158]. Au moins quatre le concernant portent sur des agressions sexuelles et des viols (attouchements[159], fellations et sodomie[160],[161]). Les faits qui auraient été commis dans l’établissement, ou à l'occasion de sorties et de voyages scolaires, ou encore lors de camps d'été des Scouts unitaires de France, remonteraient aux années 1980 et 1990[6],[104],[162].
À la suite de la pression médiatique[89], il est finalement suspendu de son poste le , selon les mots de la direction, « au nom du principe de précaution »[162],[163]. La direction signe une rupture conventionnelle de son contrat de travail fin mai[58]. Il est désigné comme l'auteur des faits les plus graves. Il avait dans les années 2000 déjà été convoqué par la gendarmerie pour des faits similaires dans l'affaire Pierre Silviet-Carricart classée sans suite[128],[104],[110].
En , le surveillant est cité dans 22 plaintes[85].
Patrick M. est mis en examen le pour « viol sur mineur de quinze ans par personne ayant autorité commis entre 1991 et 1994 », ainsi que pour « agression sexuelle sur mineur de quinze ans en 2002 et 2004 », selon le parquet. Il est placé en détention provisoire[156],[140].
Damien Saget
Un surveillant général, surnommé « Cheval » par les élèves[164], Damien Saget[165]. Les enfants internes se faisaient pipi dessus dans leur lit quand le surveillant retournait sa chevalière avant de frapper[106].
En 1988 (ou 1989), il est mis en cause pour une agression sexuelle sur un élève, sa mère somme le directeur Pierre Silviet-Carricart de le renvoyer[7],[59]. Le surveillant-censeur est licencié en 1989[166] puis muté à l’Institution Saint-Dominique de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) de à [167]. Il y aurait couvert les « gestes déplacés » d'un prêtre malgré le témoinage d'élèves[102]. Il exercera ensuite au lycée privé Saint-Paul-Bourdon-Blanc à Orléans (Loiret), et en 2005 au collège Léon XIII à Châteauroux (Indre), dont il prend la direction jusqu'à sa retraite en 2018[104],[165].
En mars 2025, il est visé par dix-huit personnes l’accusant d’agression sexuelle, 55 de violences volontaires et une de viol. Tous les plaignants étaient mineurs au moment des faits. En garde à vue, il reconnait avoir giflé des élèves mais nie les accusations de violences sexuelles[166]. Il est remis en liberté, les faits commis entre 1978 et 1989 étant prescrits[156],[168].
Gérard M. et Christian M.
Gérard M., né le à Paris, exerce comme surveillant laïc de 1960 à 1964, puis de 1970 à 1976 à Notre-Dame du Sacré-Cœur à Dax. Il est accusé de viols au sein de cet établissement. Celui-ci devient responsable de la catéchèse à Notre-Dame de Bétharram à partir de 1976 sous le nom de frère Christian M. Deux plaintes sont déposées contre le religieux pour attouchements et viols, pour des faits perpétrés entre 1984 et 1988. En 1993, il cofonde une société de taxi. Il est décédé le à Hendaye.
Le procureur de la République de Pau, Rodolphe Jarry, confirme auprès de Libération que Gérard M., surveillant à Cendrillon, et frère Christian M., religieux à Bétharram, sont une seule et même personne[169].
Ange Mur
Ange Mur est surveillant de 1979 à 1981. Il est diacre du diocèse de Tarbes et Lourdes depuis 1992, animateur pastoral, engagé auprès des chrétiens du monde rural, en Action catholique et au service de paroisses[170]. Il est maire de la commune de Jarret depuis [171].
En 2025, plusieurs temoignages relatent avoir été violenté par le surveillant. Violences sur des élèves de collège qu'il reconnait en partie auprès de Quotidien en [171]. Deux jours plus tard, il est suspendu à titre conservatoire de tout ministère diaconal par l’évêque Mgr Jean-Marc Micas le [172].
Procédure judiciaire
Henri Lamasse[147], Damien Saget[165],[note 5] et Patrick M.[173], sont placés en garde à vue le : ils sont soupçonnés de viols aggravés, agressions sexuelles aggravées et violences aggravées, susceptibles d'avoir été commis entre 1957 et 2004 au sein de l'établissement Notre-Dame de Bétharram[174]. Patrick M. est mis en examen pour « viol par personne ayant autorité » entre 1991 et 1994 et « agression sexuelle sur mineur de 15 ans » en 2004, il est placé en détention provisoire[173],[36]. Les deux autres sont relâchés, les faits étant prescrits[175]. Sur les 152 plaintes transmises à la justice, seules deux sont susceptibles d'être instruites, les autres tombant sous le coup de la prescription[176].
Réactions
Résumé
Contexte
Monde religieux
Évêques

Pierre Molères, évêque du diocèse de Bayonne, Lescar et Oloron entre 1986 et 2008, indique avoir téléphoné au supérieur provincial de l’ordre de Bétharram en 1998 quand il apprend, « par la presse » selon lui, les accusations de viol d'un élève à l'encontre de l'ancien directeur du collège de Bétharram, Pierre Silviet-Carricart. Il souhaite discuter avec lui d’éventuelles sanctions pour ce dernier. Puis il abandonne ce projet : « Carricart était déjà parti à Rome, et j’avais tellement de choses à faire… Cette histoire n’a pas pris tout le champ de ma conscience ». De plus, il reconnait « une certaine omertà »[177]. L'évêque Marc Aillet, qui lui a succédé, n'a pas, dans un premier temps, souhaité faire de commentaire[158], mais il indique le être « terriblement choqué » par ces révélations[178],[179]. Le diocèse pointe, le « cas particulier » de Notre-Dame de Bétharram, dont la tutelle est assurée par la congrégation religieuse des prêtres du Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram, sur laquelle le diocèse n’a « pas d’autorité »[36]. Puis Marc Aillet tient une conférence de presse le 13 mars 2025, où il affirme avoir « appris ces éléments dans la presse » concernant les établissements de Bétharram et Saint François-Xavier à Ustaritz. Il reconnait une omertà, « pour ne pas entacher l'image de l'institution ». Arnaud Gallais, président de l'association Mouv'Enfants, est présent à cette conférence et accuse Marc Aillet de mensonge. Il lui rappelle par ailleurs son refus d'ouvrir les archives du diocèse lors de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église[note 6],[182].
Dans un communiqué du [183], la Conférence des évêques de France « tient à rappeler vigoureusement que ces faits graves sont en contradiction totale avec l’esprit de l’enseignement catholique, fondé sur le respect de la personne humaine et de sa dignité »[184].
Jean-Marc Micas, évêque de Tarbes et Lourdes, annonce le qu'il suspend un ancien surveillant de Notre-Dame de Bétharram, Ange Mur, diacre permanent, qui avait justifié dans l'émission Quotidien les violences qu'il avait lui-même commises au sein de l'établissement[185].
Prêtres de la congrégation de Bétharram
Début , le prêtre Jean-Marie Ruspil, responsable de l'établissement, juge « très regrettable que de la violence ait pu être utilisée envers des enfants et des adolescents ». Il affirme que l'institution est « dans une autre dynamique avec un accompagnement et le respect de la personne au cœur du projet »[113],[116]. De son côté, la congrégation du Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram dit qu'elle « manifeste toute sa compassion à l’égard des victimes et s’associe aux mesures engagées par l’établissement »[104].
Les Pères de Bétharram prennent contact, en , avec l’Institut francophone pour la justice et la démocratie (IFJD), une ONG installée à Bayonne, afin d'apporter une aide aux victimes. Des rencontres entre celles-ci et des membres de la congrégation sont supervisées par l'ONG. Par ailleurs l'Association pyrénéenne d'aide aux victimes et de médiation (APAVIM), membre de France Victimes, apporte une aide juridique et un soutien à une quinzaine de personnes dans l’affaire Bétharram[186]. En , la direction de l'établissement envisage de se constituer partie civile et exprime sa volonté de collaborer à l'enquête. Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France, déplore cependant que « ni la congrégation de Bétharram, ni l'Église et ni le rectorat n'ont prêté attention aux signaux ». Alain Esquerre, quant à lui, estime possible le fait que la congrégation puisse cacher des agissements pédocriminels au sein de ses antennes à l'étranger et qu'elle protège les auteurs de ces faits[58].
Indemnisations des victimes
Par l'intermédiaire de la Commission reconnaissance et réparation (CRR), 19 victimes de religieux sont indemnisées par la congrégation pour un montant total de 700 000 €[187],[188],[189], dont une victime de Pierre Silviet-Carricart à hauteur de 50 000 €[109].
Le père Jean-Dominique Delgue, vicaire général de la communauté religieuse des prêtres du Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram, déclare à Mediapart que la CRR a, au , signé « 16 lettres de reconnaissance pour des victimes d’abus sexuels commis par des religieux dans l’établissement Notre-Dame de Bétharram » pour des abus de 1957 à 1997[8]. La congrégation annonce souhaiter indemniser également les victimes de laïcs et financer une commission indépendante pour enquêter sur les causes de ces abus[189].
Sphère politique
Le maire de Lestelle-Bétharram, Jean-Marie Berchon, relativise les faits en , invitant à ne pas « faire d’amalgame entre la dérive de quelques individus, religieux ou non, et les méthodes éducatives d’une époque »[190].
Le , les députés votent la création d'une commission d’enquête « sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires » publics comme privés[191].
Le scandale pousse le gouvernement à annoncer un renforcement des contrôles sur les établissements privés sous contrat[192].
Enseignement catholique
Philippe Delorme, secrétaire général de l'enseignement catholique, appele à ne pas faire de Bétharram « une affaire politique, une affaire d'opposition entre l'enseignement public et le privé »[192].
Protection de l'enfance
La Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) estime que « Bétharram n'est pas un cas unique ». Dès 2023, la Ciivise, chargée de conseiller le gouvernement pour la lutte contre la pédocriminalité, rappelle avoir préconisé « que le dispositif de remontées systématique d'alertes en cas de violences sexuelles dans les établissements sportifs soit étendu pour tous les lieux qui accueillent les enfants » et demandé un audit global sur les dispositifs d'alerte existants dans les établissements accueillant des enfants[192].
Libération de la parole sur les violences physiques et sexuelles au sein d'autres établissements privés catholique

À la suite de la forte médiatisation de l'affaire de Bétharram en , d'anciens élèves d'autres d’établissements privés catholique sous contrat avec l'État, s'expriment et dénoncent à leur tour, les violences physiques et sexuelles dont ils ont été victimes[193],[194]. C'est le cas à l'institution Notre-Dame-de-Garaison à Monléon-Magnoac (Hautes-Pyrénées)[195], au sein du collège Saint-Pierre du Relecq-Kerhuon (Finistère), dans le collège Saint-François-Xavier à Ustaritz (Pyrénées-Atlantiques), à l'institution Saint-Dominique de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine)[196] et à l'institution Notre-Dame-du-Sacré-Cœur, dite « Cendrillon » à Dax (Landes)[197],[198]. C'est dans cet établissement que Gérard M. (1938-2002) est accusé de viols alors qu'il était surveillant, avant d'exercer en 1976 sous le nom de frère Christian à Notre-Dame de Bétharram où il est accusé des mêmes faits. Contactée par les journalistes de Libération, la congrégation de Bétharram refuse d'évoquer ce religieux[169].
De même, à la suite de l'affaire Bétharram, une des victimes d'agressions au sein de l'institution Le Likès de Quimper gérée par les Frères des écoles chrétiennes, regrette, en , l'omertà sur cette affaire et demande à l'Église catholique d'intervenir[199]. Toujours en , le parquet de Limoges décide d'une enquête préliminaire, concernant les accusations d'agressions sexuelles de deux anciens élèves de l'école Ozanam, dans les années 1970, à l'encontre de deux prêtres du Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram. La procureure de Limoges est en contact avec son homologue de Pau, afin de coordonner leurs investigations si besoin[200],[201].
Une union des collectifs est organisée afin d’échanger sur les histoires de chaque établissement[202].
Analyses historiques
Alors que les chatiments corporels scolaires sont interdits dans le système scolaire français depuis la fin du XIXe siècle, Claude Lelièvre, historien de l'éducation, mentionne que les violences ont perduré plus longtemps dans le privé catholique que dans le public. Il considère que c'est en lien avec « l’héritage idéologique des deux congrégations issues de la Contre-Réforme qui ont longtemps structuré le paysage scolaire ». Claude Lelièvre cite les Jésuites et les Frères des écoles chrétiennes (qui enseignent à Bétharram), pour qui : « l’obéissance à une personne, un chef, a fortiori quand il est un lieutenant de Dieu, est une vertu cardinale » et le châtiment corporel est une des composantes de l'apprentissage[49],[202].
Conséquences politiques et académiques
Résumé
Contexte
Controverses sur le rôle supposé de François Bayrou
Intervention dans l'affaire Silviet-Carricart

Auprès du juge d'instruction
En , Christian Mirande juge d'instruction saisi en 1998 de l'affaire de violences sexuelles dans l'affaire Pierre Silviet-Carricart, assure avoir eu quelques discussions avec sa hiérarchie ou des élus locaux qui « s’inquiétaient de la situation du père Carricart ». Il relate avoir rencontré à sa demande, François Bayrou — alors député des Pyrénées-Atlantiques — lors de la détention provisoire du prêtre, après l’ouverture de l’information judiciaire[203]. Le magistrat rapporte au Monde : « Il est venu me parler toute une après-midi de cette affaire, au début de la procédure, de façon feutrée. Il n’arrivait pas à croire que Carricart ait pu avoir un tel comportement déviant. Pour lui, c’était un honnête homme. Il s’inquiétait au regard de la présence de son fils dans l’établissement »[19]. Lors de cet entretien, le juge confie avoir « confirmé à François Bayrou que les faits étaient patents et établis » concernant l'existence d'un cas de viol et d'une seconde affaire en cours d'instruction. Il rapporte que François Bayrou semblait incrédule face à ces révélations[203],[204],[205].
Auprès du procureur général de Pau
Dans une émission diffusée par TF1 le , l'ancien gendarme en charge de l'enquête dans l'affaire Pierre Silviet-Carricart, affirme qu'il y a eu « une intervention » de François Bayrou auprès du procureur général de Pau en 1998[206], ce que dément le Premier ministre : « Il n’y a jamais eu d’intervention de ma part, auprès de quiconque, ni sur cette affaire, ni sur aucune autre » ou connaissance approfondie des faits à cette époque[207],[208].
Christian Mirande assure à TF1 qu'« en aucun cas » François Bayrou ne lui a « demandé de modérer [s]es décisions ». L'ancien juge indique cependant qu'il a dû répondre à de nombreuses questions auprès du procureur général, qu'il qualifie de « demandes un peu déguisées »[209].
Connaissance et dénonciation des faits
Président du Conseil général des Pyrénées-Atlantiques entre 1992 et 2001 et ministre de l'Éducation nationale entre 1993 et 1997, François Bayrou conteste en avoir eu connaissance d'abus sexuels à Notre-Dame de Bétharram et se défend d'avoir interféré dans cette affaire à l'époque où il était ministre[210],[211]. Le président du MoDem nie avoir eu toute discussion sur le sujet avec le juge Mirande : « Je ne connaissais pas le père Carricart, si ce n’est peut-être de vue, se défend l’homme politique. Jamais je n’ai été au courant de cette histoire à ce moment-là, je n’ai jamais entendu parler des accusations de viol. »[19].
Révélations de Médiapart
Mediapart révèle dans un article paru le que François Bayrou, devenu Premier ministre depuis le , aurait été informé dès 1996 par une enseignante, Françoise Gullung, et par l'infirmière de l'établissement de violences physiques commises sur des élèves. Peu après qu'une plainte avait été déposée contre un surveillant général, Marie-Paul de Behr, il avait à l'époque défendu l'institution — où sa femme était catéchiste et où l'un de ses fils était scolarisé — en parlant d'« attaques » vécues par de nombreux Béarnais « avec un sentiment douloureux et un sentiment d’injustice », comme l'atteste un article de Sud Ouest de l'époque[39],[74],[75]. Mediapart révèle également le que François Bayrou a été destinataire en d'une lettre écrite par Jean-Marie Delbos, témoignant des abus dont il a été victime à la fin des années 1950, et soulignant la responsabilité de « notables locaux » dans l'omertà qui pendant des décennies a entouré l'institution[212].
Dénégations devant l'Assemblée nationale et le collectif de victimes
Interpellé le même jour par le député La France insoumise Paul Vannier lors des questions au gouvernement, François Bayrou affirme devant l'Assemblée nationale n’avoir « jamais été informé de violences, et a fortiori de violences sexuelles » dans l'institution Notre-Dame de Bétharram et annonce son intention de porter plainte pour diffamation[213],[214].
Le , le représentant du collectif de victimes confie : « Lorsqu’il dit ne pas avoir été au courant des violences sexuelles à Notre-Dame-de-Bétharram, je le crois sincère. Concernant les violences physiques, ce n’est pas possible. C’était dans l’ADN même de l’école »[101].
Sous la pression des victimes et des médias, il rencontre le à Pau, ville dont il est maire, les représentants des plaignants et réaffirme qu'il n'a jamais entendu parler de sévices sexuels ayant cours dans l'établissement[215],[216]. Il s’engage à examiner leurs demandes. Cette démarche est jugé tardive et insuffisante par les victimes, qui précise qu'« il ne s'est engagé à rien du tout »[205],[217],[101].
De nouveau interpellé le à l’Assemblée nationale, François Bayrou affirme que le procureur général a « tenu informé à quatre reprises, dans l’année 1998 », le ministère de la justice, dont la titulaire est à l'époque Élisabeth Guigou, au sein du gouvernement de Lionel Jospin. De plus, il considère que Claude Allègre, ministre de l’éducation nationale de l’époque et Ségolène Royal ministre de l’enseignement scolaire ont certainement été informés. Puis, François Bayrou renvoie aux députés de l’Assemblée leur question : « Qu’est-ce qui a été fait après les signalements du procureur général pour que soient entreprises les démarches [de protection des victimes] que vous recommandez ? ». Pour sa part, l’Agence France-Presse (AFP) indique détenir trois signalements écrits entre 1998 et 2000, adressés à Élisabeth Guigou, qui évoquent une « possible affaire de grande ampleur » au sein de Bétharram[218],[219].
Nouvelles révélations de Médiapart
Mediapart révèle le qu'un autre élève de l'établissement, âgé de 13 ans, a eu le tympan perforé en après des coups portés sur la tête par un surveillant, entraînant une incapacité totale de travail de 8 jours. En , le tribunal de grande instance de Pau avait condamné l'institution Notre-Dame de Bétharram à verser une provision de 10 000 francs au père de la victime, dans l'attente d'une évaluation complète du préjudice. Le directeur, Pierre Silviet-Carricart, avait alors saisi le préfet des Pyrénées-Atlantiques afin que l’État participe aux côtés de l'établissement, dans la mesure où il est sous contrat, à l'indemnisation du père de la victime. Mediapart souligne le fait que dans ce cas, bien que les services de l’État aient été mis au courant de cette affaire comme en 1996, François Bayrou, déjà ministre de l’Éducation nationale depuis neuf mois, n'a pas agi[45]. Françoise Gullung affirme qu'Élisabeth Bayrou a été avec elle témoin en 1994 d'une scène de violence sur un enfant. Elle dit avoir alerté François Bayrou à deux reprises. Son témoignage concernant les époux Bayrou est corroboré par plusieurs documents de l'époque[220]. Le Premier ministre et son entourage dénoncent à propos de ce témoignage relayé par Mediapart « une mécanique du scandale » et un « délire dangereux »[221]. Élisabeth Borne, ministre de l’Éducation nationale, dénonce quant à elle une « exploitation politique »[222].
Audition dans le cadre de la commission d'enquête parlementaire
Les auditions de l'ancien gendarme et du juge d'instruction en charge de l'enquête confirme sous serment, aupès de la commission d'enquête parlementaire, leurs propos sur la connaissance de François Bayrou des faits de violences physiques et sexuels au sein de l'institution Notre-Dame de d Bétharram[223]. En réaction, le concerné annonce qu'ils se trompent et « disent pas la vérité »[224].
Plaintes auprès de la Cour de justice de la République
Les députés Mathilde Panot et Jean-François Coulomme (LFI) adressent les et au procureur général près la Cour de cassation Rémy Heitz deux signalements « mettant en cause M. François Bayrou pour des faits qualifiés de non-dénonciation de mauvais traitement sur mineurs et d’abstention volontaire d’empêcher un crime ou un délit contre l’intégrité des personnes ». Le procureur général près la Cour de cassation annonce le classement sans suite des deux signalements[49],[225].
Plainte pour « entrave à la justice » et « recel de crime »
À la suite des propos de l'ancien gendarme sur une potentielle intervention de François Bayrou auprès du procureur général de Pau, l’avocat Jean-François Blanco, opposant politique de François Bayrou à la mairie de Pau, qui avait fait condamner en 1996 Marie-Paul de Behr, demande l’ouverture d’une enquête pour « entrave à la justice » et « recel de crime »[207] afin d'élucider les conditions de la libération sous contrôle judiciaire de Pierre Silviet-Carricart, huit jours après sa mise en examen et son placement en détention provisoire[209].
Attribution de financements publiques à l'institution
Le , Mediapart révèle que le département des Pyrénées-Atlantiques — présidé par François Bayrou — a engagé la collectivité dans le versement d’au moins 1 million de francs (soit plus de 230 000 €) de subventions d'investissements facultatives attribuées à l’institution Notre-Dame de Bétharram entre 1995 et 1999, et représentant la somme 1 million € entre 1995 et 2025. Le média précise que chaque subvention soumise au vote des élus du conseil départementale était précédée de la présentation d’un rapport par François Bayrou en personne, et que les délibérations étaient également signé de sa main. Mediapart pointe le conflit d'intérêts du président du département, alors que sa famille était directement liée à l'établissement scolaire[43].
Controverse sur le manque de contrôle au sein de l'Éducation nationale
Mediapart révèle le que l'établissement n'aurait jamais fait l'objet d'une inspection générale par le ministère de l’Éducation nationale, ni d'une inspection académique de la Direction des services départementaux de l'Éducation nationale. Sollicité, « le ministère de l’Éducation nationale et le rectorat n’ont pas de trace d’enquêtes qui auraient été menées », le secrétaire général de l'enseignement catholique confirme qu'« il n’y a pas eu d’inspection de la part du rectorat »[226]. Le ministère de l'Éducation nationale émet le lendemain un communiqué confirmant l'information[227] dans lequel il précise qu'il mène « des recherches pour retrouver d'éventuels contrôles relatifs à cet établissement. À ce stade, le ministère n'a pas au sein de ses services de tels éléments »[228].
Inspection pédagogique de 1996
Néanmoins, à la suite de l'affaire de Behr en 1996, les quotidiens Sud Ouest et La République des Pyrénées affirmait des « vérifications » qui, selon François Bayrou, avaient « toutes » été « positives » et « favorables » à l’établissement[226]. Le même jour, Le Figaro publie les conclusions de ce rapport d'inspection, daté du , que le journal s'est procuré[40]. François Bayrou exprime son soulagement[229].
Contenu du rapport
Le rapport de trois pages affirme que l’institution catholique béarnaise n'est « pas un établissement où les élèves sont brutalisés ». L'inspecteur ajoute que « tous ceux » qu’il a entendus, à l’exception d’un « plus nuancé », vivent leur scolarité « très normalement », « sans subir de châtiment corporel et dans un climat de confiance ». Il préconise qu’au vu du nombre « insuffisant » de surveillants, l’établissement « avait pris l’habitude de demander à des élèves de seconde ou de première de jouer le rôle de surveillant pour les élèves des petites classes », de la 6e à la 4e. Il recommande à l’établissement de mettre fin à cette pratique[40].
Le rapport expose cependant des difficultés relatives au nombre important d’internes au sein de grands dortoirs de plusieurs dizaines de lits qui « ne permettent pas de maintenir aisément une certaine discipline ». Il observe aussi que la réputation d’« établissement où les élèves sont tenus » nuit à l’institution, car elle accueille « des élèves renvoyés, souvent pour des raisons disciplinaires ». En conclusion, il recommande de demander à un surveillant de « reconsidérer sa conception de la discipline », d’améliorer les dortoirs et de « modifier l’image de Notre-Dame de Bétharram »[40].
Avis de l'inspecteur à postériori en 2025
L'inspecteur à l'origine du rapport reconnait le 19 février auprès de la cellule investigation de Radio France que le document qu'il a produit en 1996 « ne tient pas la route actuellement ». Il reconnait ne pas « savoir ce qui se passait dans les dortoirs ou dans des lieux de rencontre des élèves ». Il affirme avoir quitté l'établissement « en ignorant totalement ce qui est [aujourd'hui] reproché »[49]. Alain Esquerre exprime après ces déclarations sa sidération, les conclusions du rapport ayant « empêché les pouvoirs publics d'agir et d'aller plus loin sur ce dossier ». L'avocat du plaignant, Me Blanco est également sidéré par la prise de parole de l'inspecteur. Il fustige un « rapport de complaisance et hallucinant » confirmant qu'à l'époque « ces actes de violence, ce supplice du perron étaient acceptables ». Le , il demande au procureur de Pau d'ouvrir une enquête sur l'enquête[230].
Polémique sur la qualité de l'inspection
L'inspecteur affirme être intervenu à une date fixée en amont avec la direction. La professeure de mathématiques, Françoise Gullung, est décrite dans un « un état d’esprit très négatif » alors que celle-ci en arrêt maladie, n'a pas été interroger dans le cadre de ce rapport[49],[230].
Inspection académique de 2025
Le , Élisabeth Borne, ministre de l’éducation nationale déclenche une inspection académique à l'institution Notre-Dame de Bétharram, annoncé par anticipation pour le 17 mars[43]. Le ministère annonce avoir « demandé au rectorat de Bordeaux d’avancer ses opérations de contrôle [afin de] disposer d’éléments sur le fonctionnement actuel de cet établissement » et rappelle que la « politique de contrôle des établissements privés sous contrat [a été] renforcée » à la suite du rapport parlementaire de 2024, sur leur financement public qui précisait une certaine opacité[217].
Inspection générale
Le , plusieurs anciens recteurs, membres de cabinets ministériels, inspecteurs généraux, et directeurs de l'administration centrale, déclarent auprès du Monde n'avoir aucun souvenir du nom de cet établissement privé catholique des Pyrénées-Atlantiques. Jean-Marc Monteil, recteur de Bordeaux de 1997 à 2000 durant le ministère de Claude Allègre, affirme ne pas avoir été « sollicité ou alerté, ni par l’établissement lui-même ni par des élus », en ce qui concerne Notre-Dame de Bétharram. Aucune suite n'a été donnée à l'affaire Carricart, malgré la diffusion de la circulaire du 26 août 1997 portant instruction concernant les violences sexuelles par la ministre déléguée à l’enseignement scolaire, Ségolène Royal, rappelant aux agents de la fonction publique leur obligation de signaler tout crime ou délit et requérant la suspension disciplinaire immédiate à titre conservatoire des agents mis en cause. Aucune inspection de Bétharram n’a été demandée, ni par le recteur Jean-Marc Monteil, ni par ses successeurs selon Le Monde. « Sans signalement, il n’y avait pas d’enquête approfondie dans un établissement, et nous n’avons pas eu d’alerte », affirme Jean-Louis Nembrini, recteur de 2009 à 2013[36].
En , François Bayrou affirme avoir « fait organiser une inspection générale de l’établissement »[101]. Néanmoins, Mediapart précise le , que la ministre de l’éducation nationale refuse toujours de diligenter cette inspection, seule à même d’enquêter sur plus de trente ans de dysfonctionnements[43].
Le , elle demande à l’inspection générale une enquête sur Bétharram, à la suite du rapport académique 2025 qui formule des recommandations dont certaines font l’objet d’une mise en demeure avec une obligation de mise en conformité à court terme. Notamment concernant les agissements de deux enseignants, qui, de manière répétée et régulière, ont formulé des remarques blessantes et humiliantes vis-à-vis d’élèves en difficultés scolaires, ainsi qu'homis de signaler auprès du procureur de la République, deux faits agressions sexuelles subies en 2024 par des élèves de la part d’autres jeunes[231].
Commission d'enquête parlementaire sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires
Le , les députés votent la création d'une commission d’enquête « sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires » publics comme privés[191]. Les travaux de cette commission, dotée de pouvoirs d'enquêtes, débutent en mars pour une durée de 6 mois. Elle est présidée par la députée Fatiha Keloua Hachi (PS). Les personnes convoquées par la commission doivent obligatoirement se présenter et témoigner sous serment, « donc si elles mentent, elles seront poursuivies pénalement » précise Fatiha Keloua Hachi[232]. Les députés Violette Spillebout (Ensemble) et Paul Vannier (LFI) en sont les rapporteurs[233]. Ils indiquent le avoir trouvé dans les archives de Notre-Dame de Bétharram un signalement pour violence sexuelle datant des années 2020[234]. La commission auditionne le plusieurs victimes d'institutions catholiques, dont Éveline Le Bris, ancienne pensionnaire du Bon Pasteur[235].
Polémique sur les défauts de signalement interne à l'institution Notre-Dame de Bétharram
Françoise Gullung, professeur en poste de 1994 à 1996, a tenté d’alerter les autorités sur les violences commises envers les élèves. Elle relate auprès de la commission d'enquête parlementaire, le silence de certains responsables, et les menaces et les tentatives de la faire taire, jusqu’à son départ de l’établissement[236].
Début , Romain Clercq, le directeur de l'établissement scolaire est alerté directement et précisément par Alain Esquerre, des accusations criminelles qui pèsent sur l’un de ses surveillants, Patrick M. alors toujours en poste. Le directeur maintient le surveillant au contact des élèves[158], jusqu'à ce que la pression médiatique, le ravise à la suspention du poste du surveillant le [89].
Alain Esquerre évoque le devant la commission, que ses signalement auprès du directeur de l'établissement, des maires d’Igon et de Montaut, et du préfet, n'ont pu aboutir, malgré l’article 40 du code de procédure pénale. Il partage que c'est la pression médiatique qui est à l'origine de la suspension du surveillant[102],[237].
Commission d'enquête indépendante sur les causes systémiques des violences, du déni et de l'impunité
Le vicaire régional de l'institution religieuse, le père Jean-Marie Ruspil, après avoir reconnu pour la première fois le caractère « systémique » des violences, annonce le 15 mars 2025, en marge du forum consacré aux violences sexuelles à l'Université de Bayonne, la création d'une commission d'enquête indépendante sur « les causes du caractère systémique des violences ainsi que celles du déni et de l'impunité ayant entouré les violences » prise en charge par l'Institut francophone pour la justice et la démocratie (IFJD). Cette commission financée par la congrégation est chargée d'établir « un bilan exhaustif des violences physiques et sexuelles commises à Bétharram (...) et proposer des mesures de reconnaissance à l'égard des victimes dans un processus de réparation mémorielle » dans un délai d'un an. La commission devra apporter « réparation aux victimes qui ne pourraient obtenir réparation par la justice ou via la Commission de reconnaissance et réparation (CRR) »[238].
Notes et références
Voir aussi
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