Affaire des abus sexuels et violences dans l'institution Notre-Dame de Bétharram

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L'affaire des abus sexuels et violences dans l'institution Notre-Dame de Bétharram, couramment appelée l'affaire Bétharram, est une affaire de sévices sexuels et de violences physiques qui auraient été commis sur des élèves de l'institution Notre-Dame de Bétharram (Pyrénées-Atlantiques) par des religieux de la congrégation des prêtres du Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram, des membres du personnel laïc et des élèves de cet établissement catholique privé.

Faits en bref Chefs d'accusation, Pays ...
Affaire des abus sexuels et violences dans l'institution Notre-Dame de Bétharram
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Vue d'ensemble du sanctuaire et collège de Betharram.

Chefs d'accusation Violences, agressions sexuelles et viols sur mineurs
Pays France
Ville Lestelle-Bétharram
Date entre la fin des années 1950 et les années 2010
Nombre de victimes 114
Jugement
Statut Affaire en cours
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Les abus allégués se seraient déroulés entre la fin des années 1950 et les années 2010. Ils sont dénoncés à la justice en 2024 par plus d'une centaine de plaignants, donnant lieu à une enquête préliminaire du parquet de Pau.

La résonance médiatique et politique de l'affaire est amplifiée à la suite des publications, initiées par Mediapart, soulignant la proximité du Premier ministre François Bayrou avec le dossier.

Affaires médiatisées

Résumé
Contexte

Affaire Lamasse : Agressions sexuelles sur mineurs (1957)

En , le père Henri Lamasse est nommé enseignant au collège-lycée Notre-Dame de Bétharram, établissement privé catholique accueillant 70 enfants et adolescents âgés de 10 à 17 ans dans le cadre du petit séminaire. Surveillant du dortoir, le prêtre se serait livré à des masturbations et fellations sur des enfants pensionnaires de l'internat. C'est quatre ans plus tard que les premières victimes présumées de ces agressions sexuelles à caractère pédophile dénoncent les faits auprès du responsable de l'établissement[1],[2],[3].

Jean-Marie Delbos, plaignant dans l'affaire et orphelin âgé de 15 ans à l'époque, est peu après interné à l'hôpital psychiatrique militaire de la cité royale. Il dénonce une manœuvre des pères du Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram afin de discréditer son témoignage[3]. À sa sortie de l'hôpital, sa grand-mère, responsable légale de Jean-Marie Delbos, se voit menacer par trois prêtres de saisir ses biens si l'affaire venait à s'ébruiter[3],[4].

En , les faits dénoncés à la gendarmerie de Navarrenx sont prescrits par la Justice. Cependant, il raconte son témoignage dans une lettre envoyée au Saint-Siège. Henri Lamasse est alors muté en Cisjordanie à Bethléem cette même année[4]. S'ensuit, en , une rencontre entre Jean-Marie Delbos et Marc Aillet, évêque du diocèse de Bayonne où se sont produits les faits présumés. En , une enquête canonique est confiée à la Congrégation pour la doctrine de la foi, mais les faits sont considérés comme trop anciens pour être poursuivis[1],[4],[5].

En , Henri Lamasse, devenu supérieur de la communauté de Bethléem[6], revient à Bétharram pour y prendre sa retraite dans l'Ehpad communal, situé au sein de sa congrégation[4],[7]. Il assure l'aumônerie du Carmel de Bethléem[8].

En , Jean-Marie Delbos est reconnu victime puis indemnisé en par la Commission reconnaissance et réparation de l'Église catholique[3],[4]. Il juge cependant les mesures financières insuffisantes[5],[9]. À ce jour, Henri Lamasse réside encore à l'Ephad de Bétharram, sans qu'aucune sanction canonique n'ait été prise à son encontre et nie les faits qui lui sont reprochés[10],[11].

Affaire de Behr : Coups et blessures volontaires (1996)

Le , un adolescent de 14 ans est envoyé de nuit par zéro degré, en sous-vêtements (pieds nus, slip et t-shirt) sur le perron de l'établissement sur les bords du gave de Pau, à la suite d'un chahut puni par un élève plus âgé responsable de son dortoir[12]. L'adolescent rentre un quart d'heure plus tard, se plaignant du froid. Il est frappé et insulté par Marie-Paul de Behr, le surveillant général[13], puis est reconduit sur le perron pendant près d'une heure[14]. En état de choc, il est par la suite examiné par un médecin et obtient une incapacité totale de travail de 3 jours[15].

Jean-François Lacoste-Séris, le père de l'élève, signale les faits à l'Association des parents d'élèves de l'enseignement libre (Apel), alors que le surveillant général avait déjà commis un acte de violence à l'encontre de son fils en lui ayant causé une perforation du tympan entraînant une perte d'audition de 40 % en réprimande d'un verre cassé[12],[16],[17],[18],[19]. Le , le plaignant est destitué de ses fonctions de vice-président de l'Apel et invité à présenter ses excuses pour avoir partagé les faits au nom de l'association[17],[14],[15]. En réaction, il dépose une plainte pour « coups et blessures volontaires » et « traitements inhumains et dégradants » contre deux membres de l'encadrement[14],[20],[21] et assigne l'établissement au civil[22]. Les faits sont médiatisés en raison de la présence au sein de l'établissement de Calixte Bayrou, le fils de François Bayrou, ministre de l’Éducation de l’époque, et de deux petits-fils de son député suppléant[14],[23].

En , des faits de violence au sein de l'institution Notre-Dame de Bétharram sont évoqués par des journaux nationaux comme Libération. Il le sont également par des journaux locaux comme Sud Ouest. Cependant, le quotidien régional les qualifie de « rumeurs malsaines »[24],[14]. Françoise Gullung, enseignante de mathématiques entre 1994 et 1996, s'inquiétant du climat de violence à Bétharram, dont elle-même a été victime[25],[24], communique aux élèves de l'établissement le numéro d'appel d'urgence « 119 », Numéro Vert du service national d'accueil téléphonique pour l'enfance en danger[14],[17].

Jean-François Lacoste-Séris, avec une douzaine d’anciens élèves de Bétharram, tente alors de constituer une association de victimes : « Droits des enfants »[18],[26]. La direction de Bétharram déplore le « grave discrédit porté à l'institution »[14],[27]. D'anciens élèves, parmi lesquels Jean-Charles de Castelbajac et le député Michel Péricard, montent plusieurs comités de soutien pour défendre l'établissement[20],[28] à l'initiative de Serge Legrand  avocat du prêtre directeur de l'établissement[29]  avec huit avocats des barreaux de Pau et de Bayonne[21]. L'Apel de son côté soutient l'équipe éducative et ne cautionne pas la « généralisation et l'imprécision des faits tels qu'ils ont été rapportés, ni l'amalgame auquel ils ont servi dans le but évident de nuire à la réputation de l'établissement »[30]. Les méthodes pédagogiques de l'établissement font l'objet d'échange au sein de l'Apel du Pays basque. Marie-Christine Etchebers, la présidente, qualifie d'inadmissible les « mauvais traitements à enfants ». Mayté Irazoqui, directrice diocésaine de l'enseignement catholique, précise cependant que « les châtiments corporels ne constituent pas les fondements de la méthode pédagogique » de l'institution[31]. L'Inspection académique des Pyrénées-Atlantiques annonce l'envoi d'un inspecteur pédagogique régional « établissement et vie scolaire »[21],[30],[32].

En , François Bayrou et Philippe Douste-Blazy, ministres respectifs de l’Éducation nationale et de la Culture, se déplacent à Bétharram à l’occasion de la réception des travaux de réfection de la chapelle de l'établissement. François Bayrou intervient alors en défense de l'institution : « Nombreux sont les Béarnais qui ont ressenti ces attaques [contre Bétharram] avec un sentiment douloureux et un sentiment d’injustice. Ce n'est pas le ministre, ce n'est pas le parent d'élèves qui parle, c'est le Béarnais. ». Il ajoute en sa qualité de ministre de l’Éducation nationale : « Toutes les informations que le ministre pouvait demander, il les a demandées. Toutes les vérifications ont été favorables et positives. Le reste suit son cours. Les autres instances qui doivent s'exprimer le feront. »[33],[34],[35]. Fin , le rapport de l'Inspection académique conclut que « Notre-Dame de Bétharram possède suffisamment d'atouts et d'éléments positifs pour surmonter ces moments difficiles et réussir dans sa volonté de changement ». Le rapport préconise notamment l'abandon du principe des élèves-surveillants[22],[32],[36].

Le parquet poursuit Marie-Paul de Behr pour « violences n'ayant pas entraîné une incapacité temporaire de travail supérieure à huit jours sur mineur de 15 ans »[37] et le fait comparaître devant le tribunal correctionnel, le . L'ancien surveillant général affirme avoir « usé de son devoir de correction » afin de préserver la discipline de l'établissement[20]. Le procureur de la République admet « la nécessité de faire respecter l'ordre », tout en trouvant la punition « disproportionnée »[38]. Marie-Paul de Behr est relaxé pour la punition du perron, qui ne constitue pas une infraction au sens de la loi, tout en étant condamné à 5 000 francs d'amende avec sursis pour avoir infligé une gifle[16],[20]. En 1997, l'établissement connaît une baisse d'effectifs, passant de 520 à 400 élèves[39].

En 2024, la presse révèle les différents types de châtiments infligés en cas de manquement à la discipline sur la base des témoignages recueillis : « la baffe », « la bouffe »[note 1], « la coco »[note 2],[40], « le perron »[note 3],[17] ou « le pied du lit »[note 4],[41]. Le journal Mediapart explique également que l'affaire de Behr avait déjà été précédée en 1993 par le cas d'un autre élève qui avait eu aussi le tympan perforé à la suite de coups portés par un surveillant[42] (voir infra). Le scandale éclate, éclaboussant une grande part des notables locaux et nationaux (élus, fonctionnaires de Justice, de l'Éducation nationale...). L'inspecteur pédagogique régional ayant effectué une inspection à la suite de l'incident à Notre-Dame-de-Bétharram le 12 avril 1996 avoue n’avoir « pas cherché à savoir ce qui se passait » et admet que son rapport « ne tiendrait pas la route actuellement »[43]. Françoise Gullung revient sur les événements et signale avoir subi des pressions et des menaces de mutation de la part du père Vincent Landel, directeur le l'établissement à l'époque nommé par la suite en 2001 évêque de Rabat au Maroc. L'enseignante estime que « le poids des élites locales, politiques, administratives et religieuses a joué dans l'omertà autour de Bétharram »[44].

Affaire Silviet-Carricart : Accusations de viols et d'agressions sexuelles sur mineurs (1998)

Le , Pierre Silviet-Carricart, directeur de l'institution Notre-Dame de Bétharram depuis 1987, est mis en examen pour « viol et agression sexuelle sur mineur de moins de 15 ans par personne abusant de son autorité » pour des faits présumés entre janvier et , sur Franck, un élève du collège et pensionnaire de l'internat âgé de 10 ans et demi[18],[45]. Le prêtre aurait profité de la fragilité psychique de l'enfant, déstabilisé par la mort de son père, pour se livrer sur lui à des attouchements, le matin de l'enterrement, avant que sa mère ne vienne le chercher pour l'emmener aux obsèques[17],[19],[46]. Le directeur conteste les accusations[47] et dépose une plainte pour dénonciation calomnieuse[19]. Lors de cette affaire, trois personnes sont mises en cause, parmi lesquelles le père Silviet-Carricart et un surveillant, Patrick M. qui ne sera pas poursuivi[9],[48],[49],[50]. La communauté éducative de l'institution réagit avec « réserve et prudence » à la procédure judiciaire qui met en cause l'ancien directeur de l'établissement[51].

Placé sous mandat de dépôt, le prêtre reste deux semaines en détention provisoire à la maison d'arrêt de Pau, avant d'être remis en liberté le , à la suite d'une demande formulée en appel à la chambre d'accusation de la Cour d'appel de Pau, au motif « que la mise en détention n’est plus nécessaire à la poursuite de l’information »[52],[53]. Les motifs invoqués par la chambre d’accusation étaient « ceux qui habituellement justifiaient le maintien en détention » selon l'avocat du plaignant interrogé par Le Monde en [17]. Le juge d'instruction exprime rétrospectivement son étonnement devant cette décision inhabituelle au vu de l'aspect hors normes de l'affaire[54],[49],[52]. Sans faire état de pressions, il évoque néanmoins à l'époque les « nombreuses questions » de sa hiérarchie sur la suite qu'il compte donner au dossier et relate la visite de François Bayrou dans le laps de temps des 10 jours d'instruction de l'affaire. François Bayrou est alors parent d'élève, député des Pyrénées-Atlantiques, président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques, et ancien ministre de l'Éducation nationale. Ce dernier lui exprime « ses interrogations et ses doutes » sur la culpabilité du prêtre[54],[52].

Le , Pierre Silviet-Carricart est autorisé à quitter la France pour rejoindre le siège de sa congrégation à Rome[55],[56],[49]. La levée du contrôle judiciaire du religieux[52] est également jugée « insolite »[57]. Fin , Le procureur de la République convoque de nouveau l'ecclésiastique à la suite d'une seconde plainte contre lui de la part d'un ancien élève de Bétharram[17], orphelin de père, pour des faits d'agressions sexuelles[58],[59], dont il aurait été victime de la part du prêtre lui aussi, une douzaine d'années auparavant[55].Puis, à sa suite, une troisième victime se manifeste[11],[52]. Le , le prêtre âgé de 58 ans disparaît[60], une semaine avant de devoir se présenter devant le juge d'instruction[61]. Une lettre est retrouvée annonçant son suicide : « J'ai accompli mon chemin de croix, je suis au Golgotha, ma croix va se lever[62],[63]. » Celui-ci affirme qu'il n'a « violé aucun enfant », et que face à l'acharnement et au harcèlement dont il est l'objet, « sa vie sur terre s'achevait »[60].

Le , son corps en état de décomposition avancée est repêché dans le Tibre. Il est méconnaissable, mais ses vêtements, un chapelet et une carte d'identité à son nom sont retrouvés sur lui,[64]. Il est enterré en France dans le petit cimetière de la congrégation à Lestelle-Bétharram le , en présence d’Élisabeth Bayrou, l'épouse de François Bayrou[35],[52],[58],[65],[66]. Le , le corps du religieux est exhumé après que des doutes sur son identité ont été exprimés[67],[68],[69]. Le , l'identification visuelle de plusieurs témoins et l'identification ADN confirment que le corps enterré est bien celui de Pierre Silviet-Carricart mettant un terme à l'enquête et à la procédure pénale[70],[71],[72],[73],[74],[75]. En , l'avocat de la première victime annonce l'ouverture d'une procédure civile à l'encontre de la congrégation et une assignation de la direction de l'établissement pour défaut de surveillance devant le tribunal de grande instance[58].

En , une enquête canonique est menée par le diocèse de Bayonne, Lescar et Oloron concernant une accusation d'agression sexuelle sur un enfant mais aboutit à un non-lieu[76],[77]. Cependant, le père Silviet-Carricart aurait abusé d'au moins cinq personnes, dont trois dans une même classe d'après les témoignages recueillis par la presse et les plaintes déposées[5],[49].

Plus d'une centaine de plaintes pour violences, viols et agressions sexuelles (2024-2025)

Résumé
Contexte

En , Alain Esquerre, ancien élève de Bétharram de 1980 à 1985, reconnaît dans le village de Lestelle-Bétharram le surveillant qui l’a brutalisé en 1985, qui se trouve être toujours employé par l'établissement scolaire[11],[17],[54]. Le choc suscité par cette découverte l'amène à créer le un groupe Facebook « Les Anciens du collège et lycée de Bétharram, victimes alléguées de l’institution », qui atteint en près de 900 membres[18],[78]. Il reçoit alors de nombreux témoignages sur des violences vécues par d'anciens élèves de Notre-Dame de Bétharram s'étant tues jusque-là : « Des gens vous racontent leur détresse, des choses subies à l’âge de 10 ou 12 ans et qu’ils n’ont jamais racontées à personne. Ils se sont terrés dans leur silence alors que certains habitent à 10 kilomètres de là[79],[80]. »

Des violences physiques et sexuelles

Plusieurs châtiments corporels sont dénoncés, comme des claques violentes[81], des coups de pied, des coups de poing dans la tête[47], des coups de règle en bois sur les ongles, des fessées à même le corps[5], y compris avec une batte de cricket ; certains jeunes garçons se faisaient tirer les oreilles ou les cheveux[11], punir les genoux sur une règle métallique jusqu’au sang[17],[24], arracher les ongles et les cheveux[82]. Les témoins décrivent « des tabassages en série », des « visages ensanglantés »[5], des « coups très violents »[9] et « des étranglements jusqu'à l'évanouissement »[83]. Ils relatent d'autres sévices physiques, comme des piqûres sous-cutanées à l’eau[84],[85] ou à l’alcool[86], sur l’avant-bras ou la fesse, réalisées à l’infirmerie[83],[87]. Les mineurs pouvaient être punis pour le week-end, pour que les signes de maltraitance échappent à leur famille[9],[17],[86],[88].

Les enfants de notables étaient épargnés. Parmi les victimes se trouvent plusieurs orphelins et enfants de parents divorcés. Certains élèves tentaient de s'évader de l'institution[11]. D'anciens élèves relatent des suicides d'élèves au sein de l'établissement[82],[89].

Selon plusieurs victimes, « Betharram était un repère idéal pour les pédophiles, il y avait de quoi consommer sur place dans un endroit isolé »[90]. Une autre évoque un « système de prédateurs étalé sur 35 ans »[91]. Alain Esquerre dénonce quant à lui « des connivences entre les laïcs et les pères pour abuser des enfants », un système de « pédophilie décomplexée ». Il avance que « tous les pères directeurs qui se sont succédé dans les années 80-90 étaient [des] agresseurs sexuels » qui « faisaient leur marché dans les dortoirs la nuit »[11],[89],[92],[93]. Selon lui, l'affaire est « probablement [l']un des plus grands scandales de pédophilie que la France ait jamais connus »[86],[89].

Janvier-février 2024 : 33 plaintes

En , le parquet de Pau ouvre une enquête préliminaire à la suite de vingt plaintes d’anciens élèves pour des faits de violences physiques, violences morales, viols et agressions sexuelles sur mineurs au sein de l'établissement, dans les années 1980[18],[47],[94]. Ces plaintes concernent des religieux et des laïcs[76],[90],[95]. En , treize autres sont déposées par des anciens élèves contre l’institution Notre-Dame de Bétharram[96], dont dix pour des viols ou des agressions sexuelles[18],[78],[97].

Parmi ces plaintes, huit visent Patrick M., un laïc sexagénaire salarié du diocèse[98] surveillant à l’internat depuis [10],[48], toujours présent au sein du collège en [98],[17],[96]. Au moins quatre le concernant portent sur des agressions sexuelles et des viols (attouchements[99], fellations et sodomie[100],[101]). Les faits qui auraient été commis dans l’établissement, ou à l'occasion de sorties et de voyages scolaires[67], ou encore lors de camps d'été des Scouts unitaires de France, remonteraient aux années 1980 et 1990[5],[89],[102]. Patrick M. est finalement suspendu de son poste le , selon les mots de la direction, « au nom du principe de précaution »[18],[103]. Il est désigné comme l'auteur des faits les plus graves. Il avait dans les années 2000 déjà été convoqué par la gendarmerie pour des faits similaires dans une affaire classée sans suite[10],[89],[93].

Au total six religieux et deux laïcs sont accusés de crimes sexuels. Trois d’entre eux sont encore en vie[18]. Les plaintes doivent aussi être transmises à la Commission reconnaissance et réparation (CRR) de l’Église catholique, créée pour réparer les violences sexuelles commises par des membres d'instituts religieux[76]. Certaines de ces plaintes ont déjà fait l'objet d'une reconnaissance et d'une indemnisation[18],[77]. Sur les 33 plaintes, seules deux ne sont pas encore couvertes par la prescription[104].

Le , l’évêché de Bayonne organise un pèlerinage diocésain pour les vocations des jeunes prêtres depuis le sanctuaire de Notre-Dame de Bétharram. Plusieurs victimes s'indignent de cette procession[105]. Deux jours avant l’événement, le lieu de départ du pèlerinage est modifié, en réponse aux protestations[106].

Avril-mai 2024 : 43 nouvelles plaintes

Le , 43 nouvelles plaintes s'ajoutent au dossier[107],[108]. Les 76 plaintes portent sur plusieurs auteurs présumés et concernent des faits de violences physiques et psychologiques[83], des agressions sexuelles et des viols sur des mineurs[109],[110],[111],[112]. Une chronique de France Bleu Béarn Bigorre évoque « une bombe judiciaire » et s'étonne que ces affaires n'aient pas encore fait la une des grands médias nationaux[113].

Sur les 76 plaintes, 38 sont de nature sexuelle[81],[114]. Selon France 2, 21 auteurs présumés sont visés par les plaintes de violences, viols et agressions sexuelles, dont onze sont toujours en vie[115],[116]. Neuf plaintes concernent des religieux[81]. Au moins huit plaintes concernent un surveillant, Patrick M., présent dans l'institution jusqu'en [49],[89]. Certaines plaintes sont prescrites[89].

96 victimes, dont 44 abusées sexuellement, sont recensées. La plus jeune victime, âgée de 33 ans, a été abusée à l'âge de 9 ans par un autre élève et un prêtre. Un quart des plaintes à caractère sexuel visent deux personnes[10].

Le père Silviet Carricart, professeur de philosophie et directeur de l'institution pendant une dizaine d'années, est cité dans seize plaintes. Le surveillant Patrick M. est cité dans 22 plaintes[11].

Juillet 2024 : 20 nouvelles plaintes

Vingt nouvelles plaintes liées à l'institution Notre-Dame de Bétharram sont communiquées à la gendarmerie de Pau. Les faits dénoncés concernent pour la majorité des attouchements sexuels entre 1960 et 2011[48],[50].

Un surveillant général surnommé « Cheval », Damien Saget[117], est visé par 59 plaintes. En 1989, à la suite d'une agression sexuelle du surveillant sur un élève (Franck), sa mère somme le directeur, le père Carricart, de le renvoyer[50]. Le surveillant est alors muté au lycée privé Saint-Paul-Bourdon-Blanc à Orléans (Loiret), puis en 2005 au collège Léon XIII à Châteauroux (Indre), dont il prend la direction jusqu'à sa retraite en 2018[89],[117].

En , un ancien pensionnaire de Notre-Dame de Bétharram entre 2002 et 2004 raconte publiquement avoir été tabassé, racketté, avoir subi des sévices et des violences sexuelles, des fellations et une sodomie, commises en réunion par d'autres collégiens plus âgés, alors qu'il avait 12 ans. Cet homme dénonce également des agressions sexuelles commises par certains prêtres retraités hébergés au sein de l'EHPAD de la congrégation. Son signalement auprès du directeur de l'école reste sans suite. L'ancien pensionnaire précise également que le bus scolaire effectuant le trajet depuis Bordeaux jusqu'à Bétharram était lui-même « une véritable zone de non-droit », dans lequel « de nombreuses violences » étaient commises[44],[118].

En , Alain Esquerre affirme avoir reçu de nouvelles plaintes pour des violences physiques et des abus sexuels qui auraient été commis entre 2013 et 2016[119].

En , selon le collectif de victimes de Bétharram, au total 132 anciens élèves de l'institution Notre-Dame de Bétharram ont saisi la justice pour des violences physiques et sexuelles[120],[121],[122],[123].

Procédure judiciaire

Trois hommes (nés en 1931, en 1955 et en 1965), dont Damien Saget[117], sont placés en garde à vue le  : ils sont soupçonnés de viols aggravés, agressions sexuelles aggravées et violences aggravées, susceptibles d'avoir été commis entre 1957 et 2004 au sein de l'établissement Notre-Dame de Bétharram[124]. L'un des trois suspects est mis en examen pour viol et agression sexuelle aggravés et placé en détention préventive. Les deux autres sont relâchés, les faits étant prescrits[125].

Réactions

Résumé
Contexte

Monde religieux

Début , le prêtre Jean-Marie Ruspil, responsable de l'établissement, juge « très regrettable que de la violence ait pu être utilisée envers des enfants et des adolescents ». Il affirme que l'institution est « dans une autre dynamique avec un accompagnement et le respect de la personne au cœur du projet »[76],[97]. De son côté, la congrégation du Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram dit qu'elle « manifeste toute sa compassion à l’égard des victimes et s’associe aux mesures engagées par l’établissement »[89].

Les Pères de Bétharram prennent contact, en , avec l’Institut francophone pour la justice et la démocratie (IFJD), une ONG installée à Bayonne, afin d'apporter une aide aux victimes. Des rencontres entre celles-ci et des membres de la congrégation sont supervisées par l'ONG. Par ailleurs l'Association pyrénéenne d'aide aux victimes et de médiation (APAVIM), membre de France Victimes, apporte une aide juridique et un soutien à une quinzaine de personnes dans l’affaire Bétharram[126]. En , la direction de l'établissement envisage de se constituer partie civile et exprime sa volonté de collaborer à l'enquête. Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France, déplore cependant que « ni la congrégation de Bétharram, ni l'Église et ni le rectorat n'ont prêté attention aux signaux ». Alain Esquerre, quant à lui, estime possible le fait que la congrégation puisse cacher des agissements pédocriminels au sein de ses antennes à l'étranger et qu'elle protège les auteurs de ces faits[48].

Par l'intermédiaire de la Commission reconnaissance et réparation (CRR), une vingtaine de victimes sont indemnisées par la congrégation[127],[128], dont une victime de Pierre Silviet-Carricart à hauteur de 50 000 [92].

Marc Aillet, évêque du diocèse de Bayonne, Lescar et Oloron, qui dans un premier temps n'avait pas souhaité faire de commentaire[98], indique le être « terriblement choqué » par ces révélations[129],[130].

Dans un communiqué du [131], la Conférence des évêques de France « tient à rappeler vigoureusement que ces faits graves sont en contradiction totale avec l’esprit de l’enseignement catholique, fondé sur le respect de la personne humaine et de sa dignité »[132].

Dans un communiqué du , Jean-Marc Micas, évêque de Tarbes et Lourdes, annonce qu'il suspend un ancien surveillant de Notre-Dame de Bétharram, Ange Mur, diacre permanent, qui avait justifié dans l'émission Quotidien les violences qu'il avait lui-même commises au sein de l'établissement[133].

Sphère politique

Le maire de Lestelle-Bétharram, Jean-Marie Berchon, relativise les faits en , invitant à ne pas « faire d’amalgame entre la dérive de quelques individus, religieux ou non, et les méthodes éducatives d’une époque »[134].

Le , les députés votent la création d'une commission d’enquête sur le contrôle des établissements scolaires publics comme privés[135].

Controverse sur le rôle supposé de François Bayrou

Résumé
Contexte

Président du Conseil général des Pyrénées-Atlantiques (1992-2001) et ministre de l'Éducation nationale entre 1993 et 1997, François Bayrou conteste en mars 2024 avoir eu connaissance d'abus sexuels à Notre-Dame de Bétharram et se défend d'avoir interféré dans cette affaire à l'époque où il était ministre[136],[137].

Mediapart révèle dans un article paru le que François Bayrou, devenu Premier ministre depuis le 13 décembre 2024, aurait été informé dès 1996 par une enseignante, Françoise Gullung, et par l'infirmière de l'établissement de violences physiques commises sur des élèves. Peu après qu'une plainte avait été déposée contre un surveillant général, Marie-Paul de Behr, il avait à l'époque défendu l'institution  où sa femme était catéchiste et où l'un de ses fils était scolarisé  en parlant d'« attaques » vécues par de nombreux Béarnais « avec un sentiment douloureux et un sentiment d’injustice », comme l'atteste un article de Sud Ouest de l'époque. Il a aussi rencontré à sa demande en 1998 le juge d'instruction saisi de l'affaire de violences sexuelles dont était accusé le directeur de l'établissement, Pierre Silviet-Carricart. L'épouse de François Bayrou s'était rendue à ses obsèques en 2000[35],[138],[139]. Mediapart révèle également le que François Bayrou a été destinataire en d'une lettre écrite par Jean-Marie Delbos, témoignant des abus dont il a été victime à la fin des années 1950, et soulignant la responsabilité de « notables locaux » dans l'omertà qui pendant des décennies a entouré l'institution[140].

Interpellé le même jour par le député La France insoumise Paul Vannier lors des questions au gouvernement, François Bayrou affirme devant l'Assemblée nationale n’avoir « jamais été informé de violences, et a fortiori de violences sexuelles » dans l'institution Notre-Dame de Bétharram et annonce son intention de porter plainte pour diffamation[141],[142].

Mediapart révèle le que l'établissement n'aurait jamais fait l'objet d'une inspection à la suite de l'affaire de Behr, contrairement à ce qu'avaient affirmé en 1996 les quotidiens Sud Ouest et La République des Pyrénées. Le secrétaire général de l'enseignement catholique confirme qu'« il n’y a pas eu d’inspection de la part du rectorat »[143]. De son côté, le ministère de l'éducation nationale émet le lendemain un communiqué[144] dans lequel il précise qu'il mène « des recherches pour retrouver d'éventuels contrôles relatifs à cet établissement. À ce stade, le ministère n'a pas au sein de ses services de tels éléments »[145]. Sollicité à l'époque par Sud Ouest, François Bayrou avait évoqué des « vérifications » qui, selon lui, avaient « toutes » été « positives » et « favorables » pour l’établissement[143]. Le même jour, Le Figaro publie les conclusions de ce rapport d'inspection, daté du , que le journal s'est procuré[36]. François Bayrou exprime son soulagement[146]. Il rencontre le à Pau, dont il est maire, les représentants des plaignants et réaffirme qu'il n'a jamais entendu parler de sévices sexuels ayant cours dans l'établissement[147],[148].

Le , l'ancien gendarme en charge de l'enquête dans l'affaire Pierre Silviet-Carricart, affirme, dans une émission de TF1[149], que François Bayrou serait intervenu auprès du procureur. Ce témoignage amène l’avocat Jean-François Blanco, opposant politique de François Bayrou à la mairie de Pau, qui avait fait condamner en 1996 Marie-Paul de Behr, à demander l’ouverture d’une enquête pour « entrave à la justice »[150].

De nouveau interpellé le 18 février à l’Assemblée nationale, François Bayrou affirme que le procureur général a « tenu informé à quatre reprises, dans l’année 1998 », le ministère de la justice, dont la titulaire est à l'époque Élisabeth Guigou, au sein du gouvernement de Lionel Jospin. De plus, il considère que Claude Allègre, ministre de l’éducation nationale de l’époque et Ségolène Royal ministre de l’enseignement scolaire ont certainement été informés. Puis, François Bayrou renvoie aux députés de l’Assemblée leur question : « Qu’est-ce qui a été fait après les signalements du procureur général pour que soient entreprises les démarches [de protection des victimes] que vous recommandez ? » Pour sa part, l’Agence France-Presse (AFP) indique détenir trois signalements écrits entre 1998 et 2000, adressés à Élisabeth Guigou, qui évoquent une « possible affaire de grande ampleur » au sein de Bétharram[151],[152].

Mediapart révèle le qu'un autre élève de l'établissement, âgé de 13 ans, a eu le tympan perforé en après des coups portés sur la tête par un surveillant, entraînant une incapacité totale de travail de 8 jours. En , le tribunal de grande instance de Pau avait condamné l'institution Notre-Dame de Bétharram à verser une provision de 10 000 francs au père de la victime, dans l'attente d'une évaluation complète du préjudice. Le directeur, Pierre Silviet-Carricart, avait alors saisi le préfet des Pyrénées-Atlantiques afin que l’État participe aux côtés de l'établissement, dans la mesure où il est sous contrat, à l'indemnisation du père de la victime. Mediapart souligne le fait que dans ce cas, bien que les services de l’État aient été mis au courant de cette affaire comme en 1996, François Bayrou, déjà ministre de l’Éducation nationale depuis neuf mois, n'a pas agi[42]. Françoise Gullung affirme qu'Élisabeth Bayrou a été avec elle témoin en 1994 d'une scène de violence sur un enfant. Elle dit avoir alerté François Bayrou à deux reprises. Son témoignage concernant les époux Bayrou est corroboré par plusieurs documents de l'époque[153]. Le Premier ministre et son entourage dénoncent à propos de ce témoignage relayé par Mediapart « une mécanique du scandale » et un « délire dangereux »[154]. Élisabeth Borne, ministre de l’Éducation nationale, dénonce quant à elle une « exploitation politique »[155].

Notes et références

Voir aussi

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