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séance de l'Assemblée nationale constituante française, au cours de laquelle fut votée la suppression des privilèges féodaux De Wikipédia, l'encyclopédie libre
La nuit du [1],[2], ou simplement la nuit du 4 Août[3],[4], est la séance de l'Assemblée nationale constituante au cours de laquelle fut votée la suppression des privilèges féodaux. Débutée le à sept heures du soir, elle se prolonge après minuit, jusqu'à deux heures du matin[1]. C'est un événement décisif de la Révolution française, puisque, au cours de la séance qui se tenait alors, l'Assemblée constituante met fin au système féodal par les décrets des 4, 6, 7, 8 et 11 août 1789. C'est l'abolition de tous les droits et privilèges féodaux ainsi que de tous les privilèges des provinces, du Royaume de Navarre, des villes et des corporations, à l'initiative du Club breton, futur « Club des jacobins ».
Date | du (19 h) au (2 h) |
---|---|
Lieu | Hôtel des Menus-Plaisirs à Versailles |
Depuis la prise de la Bastille le s'est développé en France, notamment dans les campagnes, une vague de révoltes appelée la Grande Peur. Dans certaines régions, des paysans s'en prennent aux seigneurs, à leurs biens et à leurs archives, en particulier les livres terriers qui servent à établir les droits seigneuriaux.
La nuit du 4 août est une réponse à cette insurrection. L'Assemblée constituante est en train d'élaborer la future constitution ainsi que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen lorsqu'elle reçoit des récits inquiétants à propos de l'instabilité qui sévit en France. Face à cette crise, deux solutions sont alors envisagées. La première veut réaffirmer les valeurs de la propriété, et donc contrôler la révolte. Cette solution est vite rejetée, car elle n'aurait fait que renforcer l'opposition des paysans au système féodal. La seconde solution envisage d’instaurer un réseau de bureaux de secours, qui permettraient d'aider les plus pauvres. Mais cette solution ne répond pas à l’urgence de la situation.
Le , Armand-Désiré de Vignerot du Plessis lance au club breton l'idée d'une abolition des droits seigneuriaux.
Le , en fin de soirée, Louis Marie Antoine de Noailles propose à l'Assemblée nationale de supprimer les privilèges pour ramener le calme dans les provinces.
Armand-Désiré de Vignerot du Plessis propose l'égalité de tous devant l'impôt et le rachat des droits féodaux. En réponse, Pierre Samuel du Pont de Nemours réclame des mesures de rigueur contre la paysannerie, suscitant ce commentaire de l'historien Albert Mathiez : « Les nobles s'ouvraient à la pitié, le bourgeois blâmait l'inaction des autorités et il parlait d'envoyer des ordres sévères aux tribunaux »[5].
Tour à tour, dans une ambiance indescriptible, Guy Le Guen de Kerangal, Alexandre de Beauharnais, Jean-Baptiste-Joseph de Lubersac, l'évêque Anne-Louis-Henri de La Fare vont surenchérir en supprimant les banalités, les pensions sans titre, les juridictions seigneuriales, le droit de chasse, les privilèges ecclésiastiques.
François-Louis-Charles de Foucault fait une « motion vigoureuse contre l'abus des pensions militaires » et demande que « le premier des sacrifices soit celui que feront les grands, et cette portion de la noblesse, très opulente par elle-même, qui vit sous les yeux du prince, et sur laquelle il verse sans mesure et accumule des dons, des largesses, des traitements excessifs, fournis et pris sur la pure substance des campagnes ».
Le vicomte de Beauharnais propose « l'égalité des peines sur toutes les classes des citoyens, et leur admissibilité dans tous les emplois ecclésiastiques, civils et militaires ».
Jacques-Edme Cottin demande l'extinction des justices seigneuriales ainsi que celle de « tous les débris du régime féodal qui écrase l'agriculture ».
L'évêque de Nancy Anne-Louis-Henri de La Fare, s'emparant de la parole, après l'avoir disputée à l'un de ses confrères, demande, « au nom du clergé », que les fonds ecclésiastiques soient déclarés rachetables et « que [leur] rachat ne tourne pas au profit du seigneur ecclésiastique, mais qu'il en soit fait des placements utiles pour l'indigence ».
L'évêque de Chartres Jean-Baptiste-Joseph de Lubersac, présentant le droit exclusif de la chasse comme « un fléau pour les campagnes ruinées depuis plus d'un an par les éléments », en demande l'abolition, et en fait l'abandon pour lui, « heureux, dit-il, de pouvoir donner aux autres propriétaires du royaume cette leçon d'humanité et de justice ».
Jacques-Raymond de Richier de la Rochelongchamp, revenant sur l'extinction des justices seigneuriales, demande la gratuité de la justice dans tout le royaume, « sauf les précautions tendant à éteindre l'esprit de chicane et la longueur indéfinie des procès ».
Louis Marie Florent du Châtelet propose alors qu'une taxe en argent soit substituée à la dîme, « sauf à en permettre le rachat, comme pour les droits seigneuriaux ».
« Tout semblait fini. Une scène non moins grande commençait. Après les privilèges des classes, vinrent ceux des provinces. Celles qu’on appelait Pays d’État, qui avaient des privilèges à elles, des avantages divers pour les libertés, pour l’impôt, rougirent de leur égoïsme, elles voulurent être France, quoi qu’il pût en coûter à leur intérêt personnel, à leurs vieux et bons souvenirs. Le Dauphiné, dès 1788 (cf. Vizille après la journée des Tuiles), l’avait offert magnanimement pour lui-même et conseillé aux autres provinces. Il renouvela cette offre. Les plus obstinés, les Bretons, quoique liés par leurs mandats, liés par les anciens traités de leur province avec la France, n’en manifestèrent pas moins le désir de se réunir. La Provence en dit autant, puis la Bourgogne et la Bresse, la Normandie, le Poitou, l’Auvergne et l’Artois. La Lorraine, en termes touchants, dit qu’elle ne regretterait pas la domination de ses souverains adorés qui furent pères du peuple, si elle avait le bonheur de se réunir à ses frères, d’entrer avec eux dans cette maison maternelle de la France, dans cette immense et glorieuse famille ! Puis ce fut le tour des villes. »
— Jules Michelet, Histoire de la Révolution française, Flammarion, 1897-1898
Enfin, Gérard de Lally-Tollendal termine la séance en apothéose en proclamant Louis XVI « restaurateur de la liberté française ». En une nuit, les fondements du système par ordres s'effondrent. Les jours suivants, le clergé tente de revenir sur la suppression de la dîme, mais le président de l'Assemblée, Isaac Le Chapelier, n'ayant accepté que des discussions sur la forme, les décrets du 4 août sont définitivement rédigés le 11.
Dès le lendemain, Louis XVI écrit à l’archevêque d’Arles :
« Je ne consentirai jamais à dépouiller mon clergé, ma noblesse. Je ne donnerai pas ma sanction à des décrets qui les dépouilleraient ; c’est alors que le peuple français pourrait m’accuser d’injustice et de faiblesse. Monsieur l’archevêque, vous vous soumettez aux décrets de la Providence ; je crois m’y soumettre en ne me livrant point à cet enthousiasme qui s’est emparé de tous les ordres, mais qui ne fait que glisser sur mon âme. Si la force m’obligeait à sanctionner, alors je céderais, mais alors il n’y aurait plus en France ni monarchie ni monarque. »
Louis XVI n'accorde sa sanction à ces décrets que contraint et forcé, le 5 octobre. Ainsi disparaissent les privilèges des ecclésiastiques, des nobles, des corporations, des villes et des provinces.
Toutefois, les droits féodaux sont déclarés rachetables le 15 mars 1790, et leurs détenteurs ne sont pas tenus d'en prouver l'origine, ce qui, en pratique, conduit à leur maintien. Cependant, devant le refus de nombreuses communautés paysannes, l'Assemblée législative supprime le rachat, sauf présentation du titre primitif, pour les droits casuels le 18 juin 1792, puis pour l'ensemble des droits le 25 août suivant. Enfin, le 17 juillet 1793, la Convention vote leur abolition complète, sans indemnité, et le brûlement des titres féodaux[6],[7].
Par les décrets des 4, 6, 7, 8 et 11 août 1789 (nommés par la suite décret du 4 août - 3 novembre 1789[8] car entrés en vigueur seulement le 3 novembre 1789) , l'Assemblée nationale a aboli les privilèges féodaux[9],[10],[8]. Elle déclare « détruire entièrement le régime féodal ». Plus précisément :
Par ailleurs, le roi Louis XVI est proclamé « Restaurateur de la liberté française » (article 17).
Le décret du 4 août affirme l'abolition des privilèges féodaux, mais ne mentionne cependant pas précisément :
C'est pourquoi l'Assemblée nationale va donner ultérieurement naissance au décret du 15 mars 1790. Ce dernier va lui-même faire l'objet de précisions à travers :
Dans le décret du 17 juillet 1793, la Convention va finalement déclarer l'abolition de tous les privilèges féodaux sans indemnité ni contrepartie.
Le réformateur social Claude-Henri de Rouvroy de Saint-Simon (1760-1825) considérait dans les années 1818-1825 que la Révolution n'était pas achevée. Penseur de l'industrialisme, il a proposé une réorganisation de la société dans laquelle la société était hiérarchisée entre les scientifiques et industriels d'une part et la classe des non-propriétaires d'autre part. Saint-Simon pensait que la civilisation devait passer de l'âge théologique et féodal à l'âge positif et industriel, annonçant la loi des trois états d'Auguste Comte. Saint-Simon a été à l'origine du saint-simonisme, qui a participé à la mise en place de la société industrielle et à la révolution industrielle au XIXe siècle. Il a aussi influencé Auguste Comte, qui a été son secrétaire de 1817 à 1824[11].
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