Abbaye de Moutier-Grandval

abbaye suisse De Wikipédia, l'encyclopédie libre

L'abbaye de Moutier-Grandval (Münster-Granfelden en allemand), fondée par saint Germain de Trêves en , est une ancienne abbaye catholique romaine. Elle se situe dans l'actuelle ville de Moutier, dans le canton de Berne, en Suisse.

Faits en bref Présentation, Culte ...
Abbaye de Moutier-Grandval
Présentation
Culte Catholicisme
Type Abbaye
Rattachement Colombaniens (640-1000)

Bénédictins (1000-1801)

Début de la construction 640
Style dominant Détruite
Géographie
Pays Suisse
Canton Berne
Ville Moutier
Coordonnées 47° 16′ 50″ nord, 7° 22′ 19″ est
Géolocalisation sur la carte : Suisse
(Voir situation sur carte : Suisse)
Fermer

Histoire

Résumé
Contexte

Fondation de l'abbaye

Au VIIe siècle, le duché d'Alsace s'étendait au sud jusqu'au col de Pierre-Pertuis. Dans l'intention de rouvrir cette route déjà fréquentée à l'époque romaine, le duc Gundoin offre, vers , des terres à défricher dans la vallée de la Birse à Walbert, abbé du monastère colombanien de Luxeuil. Ce dernier, cherchant ainsi à renforcer l'influence de la maison d'Alsace dans cette région peu peuplée, qui risque d'être attirée par la Bourgogne, y fonde une abbaye, sur le site actuel de la ville de Moutier, qu'il place sous l'autorité du moine Germain de Trêves[1],[2]. Les défrichements sont dirigés par Fridoald, un des derniers survivants ayant connu Colomban qui avait fondé l'ordre colombanien[2]. Germain de Trêves y fait construire une église dédiée à Saint-Pierre, ainsi que le monastère et ses dépendances. Il aménage largement le passage de la vallée et établit une liaison directe entre le nord et le sud, reliant ainsi les vallées de Delémont et de Tavannes par les gorges de Moutier (de) et de Court.

Le successeur de Gondoin, le duc Etichon-Adalric d'Alsace, tente d'affermir son pouvoir sur les populations du Jura, mais une révolte s'organise. C'est dans ce contexte que Germain de Trêves et le moine Randoald (en), se rendent vers le duc, à la basilique Saint-Maurice de Courtételle, pour lui demander de ménager la population. Cependant, à leur retour, ils sont tués par des soldats dans les plaines de la Communance, le [2]. Leurs confrères emportent leurs dépouilles, après une veillée à l’église de Saint-Ursanne, jusqu’à l'église Saint-Pierre de Moutier pour les ensevelir. Dès lors, tous deux sont vénérés comme saints patrons depuis [3].

À sa fondation, l'abbaye de Moutier-Grandval, d'abord dédiée à Notre-Dame, fait vraisemblablement partie du diocèse de Strasbourg[2]. Elle est ensuite soumise au diocèse de Bâle vers et devient une abbaye royale après la disparition du duché d'Alsace cinq ans plus tard. Au fil du temps, nobles et grands seigneurs font donation de terres ou accordent des privilèges à l'abbaye. Carloman Ier, confirme en l'immunité accordée par ses prédécesseurs et la faveur royale du monastère. Ce privilège dispense les terres de l'abbaye des impôts et des charges publiques et permet d'affecter ses revenus à l'entretien des frères. Cette même année, une seconde église est fondée dédiée à la Vierge, puis à saint Germain dès .

L'empereur Lothaire Ier prend Moutier-Grandval sous sa protection en et l'offre au comte d'Alsace Liutfrid[2]. Le monastère, augmente alors ses possessions, tout en restant dans le giron alsacien et sous le contrôle des souverains carolingiens puis bourguignons[2]. En , Lothaire II lui garantit ses possessions. Le , l’empereur Charles III le Gros confirme les biens, droits, revenus et dîmes de l’abbaye, qui s’étendent jusqu’en Alsace. Comme elle menaçait de tomber aux mains de laïcs, sous le règne de Liutfrid III (es), le roi de Bourgogne Conrad se la fait adjuger par l'empereur Otton Ier en [1].

En , à la veille de l'an , hanté par l'idée de la fin du monde et du jugement dernier, Rodolphe III de Bourgogne, au mépris de l'immunité reconnue par les souverains carolingiens et mérovingiens, donne « l'abbaye de Sainte Marie et de Saint Germain que l'on nomme Granval »[2] à Adalbéron II, évêque de Bâle, consacrant ainsi son pouvoir temporel. Cette donation est à l'origine de la future principauté épiscopale de Bâle[1].

Chapitre collégial

Au tout début du XIe siècle, l'abbaye est transformée en un chapitre de chanoines bénédictins, marquant ainsi la naissance du chapitre de Moutier-Grandval[1].

Entre et , les moines détruisent l'église Saint-Germain et le monastère. Une nouvelle collégiale Saint-Germain est construite dans les hauteurs de Moutier[1]. Peut-être cherchaient-ils à s'éloigner des risques liés à la Birse et à son humidité, ou bien à cause de leur nouveau statut[4].

En apparaît le premier prévôt, Siginand, fondateur en de l'abbaye prémontrée de Bellelay[1]. Le chapitre reste néanmoins la propriété de l'évêque de Bâle, mais sait se défendre au XIIe siècle, comme le montre la confirmation de ses biens et de ses droits par le pape en , contre une soumission complète et surtout contre une mainmise de l'évêque sur les prébendes[1].

Thumb
Ruines de l'abbaye de collégiale Saint-Germain vers 1830 par E. Käppelin.

Au bas Moyen Âge, les liens personnels avec le chapitre cathédral de Bâle deviennent de plus en plus étroits. Berthold de Ferrette, Henri de Neuchâtel et Lüthold de Rötteln sont prévôts de Moutier-Grandval avant de revêtir la dignité épiscopale. Le chapitre signe des traités de combourgeoisie avec Soleure en et avec Bâle en . En , cinq candidats, certains munis de provisions pontificales, se disputent la charge de prévôt. Berne saisit l'occasion d'intervenir : elle occupe la prévôté, rendue la même année à l'évêque sous la pression de la Diète, et impose son protégé, Johannes Meyer de Büren. Celui-ci ne reste en fonction que jusqu'en , mais une combourgeoisie s'établit alors entre Berne et la prévôté, si bien qu'à la Réforme protestante, quatre cinquièmes des gens de la prévôté embrassent la foi nouvelle prônée par les Bernois. Le chapitre se réfugie d'abord à Soleure en , puis à Delémont, où il s’installe définitivement en . Il est supprimé en fait par l'invasion française du sud de l'évêché en et en droit par le concordat de 1801 entre Bonaparte et le pape Pie VII[1].

Bâtiments

Résumé
Contexte

Église Saint-Pierre

Il s’agit de la première église de fondation colombanienne, placée sous le patronage de Saint-Pierre[3]. De plan rectangulaire et possédant une abside à l'est, elle est située à la Rue Centrale, au niveau de l'ancien Hôtel du Cerf (47° 16′ 46″ N, 7° 22′ 20″ E ). Le bâtiment mesure 19 m par 9 m; ses murs ont une épaisseur de 0,8 m[5].

Selon l'historien Auguste Quiquerez, il s'agit de la première église fondée à Moutier en par Germain de Trêves. Elle est l'église primitive du monastère de Moutier-Grandval. C’est dans cette église que les corps de saint Germain et de Saint Randoald ont, dans un premier temps, reposé avant d’être déplacés[3]. L’église Saint-Pierre devient alors un lieu de pèlerinage en leur mémoire. Peu à peu, cette pratique se répand parmi le peuple, transformant l’église Saint-Pierre en une église funéraire entourée d’un cimetière[3].

En , l'église Saint-Pierre est agrandie avant d'être définitivement démolie en [6].

Monastère

Ne disposant que de peu d'informations sur le monastère et ses dépendances, il est difficile de connaître leur emplacement exact. Mais des fouilles menées en et à la Rue Centrale ont permis d'identifier les bases d'un bâtiment prestigieux, peut-être également un palais abbatial, à la hauteur du chemin piéton menant au tribunal de Moutier (47° 16′ 47″ N, 7° 22′ 23″ E )[4].

Sa destruction remonte au début du XIe siècle, tout comme celle de l'église Saint-Germain[3].

Église Saint-Germain

Une seconde église est fondée en . D’abord placée sous le patronage de la Vierge, elle adopte en le vocable de Saint Germain. Elle succède probablement à l’église Saint-Pierre, devenue une église funéraire, en tant qu’église liturgique[3].

Détruite en même temps que le monastère au début du XIe siècle, elle ne laisse aucune trace permettant de la localiser avec certitude, bien qu’elle ait dû se situer à proximité immédiate de l’abbaye. À sa disparition, ses vocables sont transmis à la nouvelle église construite sur l’esplanade de Moutier : la collégiale.

Collégiale Saint-Germain

L'église collégiale est édifiée à la fin du XIe siècle ou au début du XIIe siècle, lorsque les moines déplacent leur abbaye pour s'établir sur les hauteurs de Moutier (47° 16′ 50″ N, 7° 22′ 19″ E). D'architecture romane, elle est brûlée et restaurée plusieurs fois; gravement endommagée durant la guerre de Souabe en , elle est reconstruite puis détruite en avant d'être à nouveau reconstruite. Désaffectée en , dès l'adoption de la Réforme protestante, elle est d'abord utilisé comme temple puis abandonnée car les protestants utilisent déjà l'église Saint-Pierre. Le bâtiment tombe en ruines, endommagé par la foudre le . Toutefois, il demeure la propriété d'une famille prévôtoise, les Moschard. Enfin, une donation intervient entre le pasteur Henri-Louis Moschard et la paroisse réformée en , stipulant l'obligation de restaurer et reconstruire la collégiale pour en faire un temple protestant. Elle est donc reconstruite entre et [6].

La collégiale actuelle est construite très exactement sur les fondations de l'ancienne église Saint-Germain, dont il a repris les plans et en partie la volumétrie[4]. En effet, en 1956, avant d'entreprendre la restauration de la collégiale, l'architecte Charles Kleiber fit faire quelques sondages sur les piliers. Et, sous le plâtre dont ils étaient recouverts, on vit apparaître de belles pierres de taille couronnées de chapiteaux anciens. Cette pierre put être retrouvée jusqu'à la frise courant de chaque côté de la nef. Ainsi, au siècle passé, on avait rebâti en utilisant les ruines de l'ancienne collégiale. Seule la tour à l'ouest avait été détruite tandis que l'abside centrale était reconstruite[6].

Notoriété

La renommée de Moutier-Grandval s'étend à toute l'Europe, en tant que centre de science et de foi. L'école rattachée à l'abbaye, attirant des élèves venus d'horizons lointains, dispense notamment l'enseignement de l'écriture et de la médecine. Les onguents d'Ison, un religieux du couvent de Saint-Gall ayant séjourné à Moutier, se révèlent particulièrement efficaces contre les affections oculaires causées par la fumée des foyers. L'abbaye atteint alors un apogée culturel, dont témoigne la Bible de Moutier-Grandval[2].

Trésors de saint Germain

Résumé
Contexte

Le chapitre de Moutier-Grandval hérite de l’abbaye d'un important trésor, dont il ne reste plus que quelques objets de valeur. Toujours mis en sûreté au cours des guerres qui dévastent le pays, les restes du trésors sont conservé dans l’église Saint-Marcel et au Musée jurassien d'art et d'histoire, à Delémont.

Les reliques de saint Germain et de saint Randoald

Les squelettes de saint Germain et de saint Randoald, reposent jusqu’en dans un caveau situé sous et derrière le maître-autel de la l'église collégiale Saint-Germain de Moutier. En , le corps de saint Germain est déposé dans une châsse d’argent doré, œuvre d’un orfèvre de Neuenburg am Rhein, tandis que le squelette de saint Randoald est placé dans une châsse de bois doré, réalisée par le peintre Simon de Saint-Hippolyte. En , les deux reliques sont exposées à la vénération des fidèles dans deux niches vitrées. Aujourd’hui, elles demeurent visibles de part et d’autre du chœur de l’église Saint-Marcel, à Delémont[7].

La Bible de Moutier-Grandval

Au IXe siècle, l'abbaye de Moutier-Grandval reçoit de l'abbaye Saint-Martin de Tours une bible enluminé et illustrée, confectionnée vers . Joyau d'art scriptuaire carolingien, elle comporte 449 folios en parchemin, soit 898 pages. En , la Bible suit les religieux à Delémont, Moutier ayant adopté la Réforme protestante[8].

En , avec l'arrivée des troupes révolutionnaires françaises, la Bible est abandonnée dans un grenier à Delémont, où des enfants la retrouvent en . Elle est vendue pour 25 batz (environ 3,70 francs) le , puis cédée à un marchand bâlois, qui la revend 750 livres sterling au British Museum de Londres en . Elle appartient depuis à la British Library[9].

La crosse de Saint Germain

Thumb
La crosse de Saint Germain.

La crosse de Saint Germain est un bâton en bois de coudrier dont sa partie supérieure se recourbe en bec-de-corbin. Il mesure 119 cm de long, avec un diamètre de 24 mm en haut, légèrement réduit vers la base. Son bois est entièrement revêtu de feuilles d’argent battu[7].

Le calice dit de Saint Germain

Ce calice datant d'autour , en argent doré, mesure 15 cm de hauteur. Son pied est orné d’une rosace, tandis que la coupe atteint un diamètre de 12,5 cm et la patène également à 12,5 cm[7].

Les sandales de Saint Germain

« Elles sont bien dans le style des chaussures liturgiques de cette époque. Leur confection offre une particularité très remarquable, en ce sens que chaque sandale est formée d’une seule pièce de basane, découpée de telle sorte que cet unique morceau constitue la semelle, l’empeigne, les côtés et le quartier. Une croix est parfaitement tracée sur la languette des souliers de saint Germain. D’ailleurs, ces souliers ont été portés, mais rarement et sans doute sur un sol uni et sec. »

 Auguste Quiquerez, historien et archéologue

Ils ont appartenu à un individu de petite taille ou doté de petits pieds, puisqu’ils ne mesurent que 260 millimètres de long sur 94 de large. Ces dimensions correspondent exactement à la taille et à la morphologie du squelette[7].

Fouilles archéologiques

Les premières fouilles effectuées en par Auguste Quiquerez permettent de découvrir des vestiges à la Rue Centrale, dans les caves de l'ancien Hôtel du Cerf[4]. D'autres fouilles effectuées également par Auguste Quiquerez mais en permettent de découvrir plusieurs sarcophages en calcaire et en tuf, ce qui laisse supposer que Saint Germain y a été inhumé, comme le rapporte le moine Bobolène dans sa Vita Sancti Germani. Treize tombes sont dégagées : cinq au moins sont orientées au nord, les autres à l'est. Un sarcophage placé devant l'abside renferme un corps portant un vêtement orné de paillettes d'or, peut-être celui d'un haut dignitaire religieux. D'autres tombes découvertes à l'extérieur de l'église suggèrent l'existence d'un cimetière[5].

Notes et références

Liens externes

Loading related searches...

Wikiwand - on

Seamless Wikipedia browsing. On steroids.