Les racines grecques sont des radicaux linguistiques ayant pour origine le grec ancien. Très répandues dans les langues occidentales modernes, leur déformation par l'usage est parfois telle qu'il n'est pas évident de les reconnaître [voir par exemple aimant, boutique, écureuil, église, paroisse, police (d'assurance ou de caractères), prêtre, taie, ou encore l'anglais surgeon].
Depuis la Renaissance, la langue française en fait grand usage en les associant entre elles pour la construction de mots savants et de néologismes. Les nouveaux mots ainsi formés (téléphone, cinématographe, pédiatre…) sont de ce fait compréhensibles d'emblée par un public lettré. La grande majorité de ces mots relèvent du vocabulaire scientifique, technique ou médical.
Mais, à l'instar de Umberto Eco, on peut, par humour, inventer des mots de fantaisie constitués selon le même procédé de juxtaposition, comme l'illustrent les exemples suivants (dont certains sont peut-être appelés à devenir, comme chronophage, d'usage courant) : chronophage, hippocampéléphantocamélos, orchidoclaste, podoclaste (pour « casse-pieds »), pseudopyge (pour « faux-cul »), tétrapilectomie, myiosodomite ou encore xyloglossie (pour « langue de bois »), etc.
Le français, contrairement aux autres langues latines dont l'Orthographe est majoritairement phonologique, s'efforce de respecter assez fidèlement, notamment depuis le XIXe siècle, et selon des normes de translittération relativement rigoureuses (surtout en ce qui concerne les consonnes), l'orthographe originelle des mots grecs. C'est ainsi que l'on écrit en français chlorophylle, dysenterie, dysphagie, orthographe, philosophie, phytothérapie, polyglotte, psychologie, thermodynamique, xénophobie et xylophone, alors que l'on rencontre, dans leurs lexiques respectifs, les mots roumain clorofilă, sicilien dissintirìa, italien disfagia, asturien ortografía, romanche filosofia, occitan fitoterapia, espagnol políglota, catalan psicologia, sarde termodinàmica, portugais xenofobia et galicien xilófono. Toutefois, cette rigueur orthographique (encore maintenue en anglais ou en allemand) a connu quelques assouplissements puisque l'on écrit aujourd'hui Ophtalmie, Diphtérie, Phtisie et Rythme, et non plus ophthalmie, diphthérie, phthisie et rhythme, comme les écrivait Littré dans son dictionnaire ; quant aux mots anglais correspondants, ils s'écrivent : ophthalmia, phthisis, diphteria et rhythm.
Il arrive assez fréquemment qu'un mot français dérive d'un mot grec par l'intermédiaire d'un mot latin. Dans ce cas, le mot français est indiqué, dans l'une des 24 listes classées ci-dessous par initiale, en regard du mot grec originel ; voir par exemple, dans l'une de ces listes, les racines augm-, -carcér-, -cléri-, cupr-1, cygn-, purpur- ou prêtr-.
La langue grecque a pris l'habitude, fréquente au moins depuis Homère, de forger des mots par juxtaposition de deux racines grecques (comme le fait l'allemand moderne, mais plus subtilement, car le grec respecte rigoureusement certaines règles phonologiques concernant une éventuelle élision[1] à la fin du premier mot ou bien une modification[2] de l'éventuelle voyelle initiale du second mot). On rencontre ainsi, dans l'Odyssée, l'adjectif ῥοδοδάκτυλος [ῥόδο(ν)-δάκτυλος, aux doigts de rose, qualificatif de l'Aurore Ἠώς] ou le surnom γλαυκῶπις [γλαυκ(ός)-ὦπις, aux yeux pers, qualificatif de la déesse Athéna Ἀθηνᾶ]. S'inspirant du même procédé, la grande majorité des mots savants français issus du grec ont été et sont encore forgés à partir de deux mots grecs. Certains mots scientifiques ont même été formés en juxtaposant plus de deux mots grecs ; parmi ces cas très exceptionnels, on peut citer Hypsilophodon (formé à partir des racines grecques hypsi- [ὕψος], loph- [λόφος] et -odon [ὁδούς, -όντος]), Triceratops (où l'on reconnaît les racines grecques tri- [τρεῖς], -cera- [κέρας, -ατος] et -ops [ὤψ]) ou même Nanobiotechnologie (à partir des quatre racines nano- [νᾶνος], -bio- [βίος], -techno- [τέχνη] et -logie [λόγος]).
Il arrive aussi qu'on ait forgé certains mots français en faisant suivre une racine d'origine latine par une racine d'origine grecque ou inversement, bien qu'il ait longtemps été interdit de juxtaposer ainsi une racine latine et une racine grecque (et ce tabou est encore très largement respecté par les puristes qui qualifient de « monstre » de tels hybrides) ; certains auteurs le font cependant intentionnellement pour donner au terme ainsi forgé une connotation péjorative (par exemple, le terme méritocratie, forgé en 1958 par le sociologue anglais Michael Dunlop Young). Les premiers mots à faire exception à cette règle implicite furent, après fructidor et messidor (proposés par Fabre d'Églantine), les deux mots sociologie (par Auguste Comte) et homosexualité (par Karl-Maria Kertbeny). L'une des plus répandues de ces exceptions est automobile.
Le site web du Robert comporte une liste des principales racines grecques utilisées dans les langues européennes[3].
Racines grecques classées par initiale
Voir aussi
Bibliographie
- Anatole Bailly, Dictionnaire Grec-Français[4], Librairie Hachette, Paris, 1950, 2 231 p.
- François Balsan, ÉTUDE MÉTHODIQUE DU VOCABULAIRE LATIN-FRANÇAIS[5], Librairie Hatier, Paris, 1935, XXIV-378 p. ASIN : B003PWGQ8U.
- en:Robert_S._P._Beekes, ETYMOLOGICAL DICTIONARY OF GREEK[6], Brill, Leiden, 2010, 2 volumes, 1 808 p. (ISBN 978-9004174184)!
- Oscar Bloch et Walther von Wartburg, DICTIONNAIRE ÉTYMOLOGIQUE de la LANGUE FRANÇAISE[7], troisième édition, Presses universitaires de France, Paris, 2008, 682 p. (ISBN 978-2-13-056621-2)
- Michel Bréal et Anatole Bailly, DICTIONNAIRE ÉTYMOLOGIQUE LATIN[8], Librairie Hachette, Paris V, 1885, 463 p.
- Pierre Chantraine, DICTIONNAIRE ÉTYMOLOGIQUE DE LA LANGUE GRECQUE[9] : Histoire des mots, Éditions Klincksieck, Paris, 1977, 1 387 p.. Réédition en 2009 (ISBN 2252036818)
- Albert Dauzat et Charles Rostaing, DICTIONNAIRE ÉTYMOLOGIQUE DES NOMS DE LIEUX EN FRANCE, Paris, 1963 (publication posthume), 742 + XXIV p. (BNF 37370106)
- Alfred Ernout et Antoine Meillet, DICTIONNAIRE ÉTYMOLOGIQUE de la LANGUE LATINE[10] : Histoire des mots, Librairie C. Klincksieck, Paris VII, 1967, 828 p.
- Félix Gaffiot, DICTIONNAIRE LATIN FRANÇAIS[11], Hachette, Paris, 1934, 1 728 p., (ISBN 2-01-000535-X).
- en:Charlton Thomas Lewis et Charles Short, A LATIN DICTIONARY[12], Clarendon Press, Oxford
- Henri Georges Liddell, Robert_Scott et en:Henry Stuart Jones, A GREEK ENGLISH LEXICON[13], Harper & Brothers, Franklin square, 1883.
- Émile Littré, DICTIONNAIRE de la LANGUE FRANÇAISE[14], Hachette Gallimard, Paris, 1958, 7 tomes, (ISBN 2070103110).
- Julius Pokorny, INDOGERMANISCHES ETYMOLOGISCHES WÖRTERBUCH[15], 1959, 2 Bde. Francke, Bern/München 1947-66 (1. Aufl.). 2005 (5.Aufl.) (ISBN 3772009476).
- Alain Rey, DICTIONNAIRE HISTORIQUE DE LA LANGUE FRANÇAISE, Le Robert, Paris, 2011 (ISBN 978-232-100013-6).
- Michel de Vaan, ETYMOLOGIC DICTIONARY OF LATIN AND THE OTHER ITALIC LANGUAGES[16], Brill, Leiden, 2008, 837 p. (ISBN 978-9004167971)
- Trésor informatisé de la langue française[17]
Articles connexes
- Étymologie
- Racine latine
Notes et références
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