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La présidence de Franklin Delano Roosevelt débuta le , date de l'investiture de Franklin Delano Roosevelt en tant que 32e président des États-Unis, et prit fin à la mort de ce dernier le . Membre du Parti démocrate, Roosevelt accéda à la présidence dans une Amérique frappée par la Grande Dépression. Après avoir remporté une victoire écrasante sur son rival républicain, le président sortant Herbert Hoover, il fut réélu pour trois mandats consécutifs et devint un acteur central de la scène internationale au cours de la Seconde Guerre mondiale. Son programme d'aide sociale, de réformes et de redressement économique, baptisé le New Deal (« Nouvelle donne »), déboucha sur un rôle considérablement accru du gouvernement fédéral en matière de régulation de l'économie. Sous son autorité, le Parti démocrate construisit une « coalition du New Deal » composée de syndicats, de grandes villes, d'ethnies blanches, d'Afro-Américains et de sudistes blancs ruraux qui transforma radicalement la vie politique américaine dans les décennies suivantes sous l'ère du cinquième système des partis et qui jeta les bases du libéralisme américain contemporain.
32e président des États-Unis
Type | Président des États-Unis |
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Résidence officielle | Maison-Blanche, Washington |
Système électoral | Grands-électeurs |
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Mode de scrutin | Suffrage universel indirect |
Élection |
1932 1936 1940 1944 |
Début du mandat | |
Fin du mandat |
(décès) |
Durée | 12 ans 1 mois et 8 jours |
Nom | Franklin Delano Roosevelt |
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Date de naissance | |
Date de décès | |
Appartenance politique | Parti démocrate |
Durant les cent premiers jours de son mandat, Roosevelt fit voter des réformes législatives d'une ampleur sans précédent et ratifia toute une série d'ordres exécutifs visant à instaurer le New Deal. Cette politique se traduisit par des mesures permettant de venir en aide aux catégories les plus démunies (emplois publics pour les chômeurs), de relancer la croissance économique et de modifier les réglementations vis-à-vis du secteur financier, des banques et des transports. Après la victoire de son parti aux élections de mi-mandat en 1934, Roosevelt fit adopter une autre série de lois fédérales qui furent à l'origine de la sécurité sociale, de la mise en place de l'assurance chômage et du « bureau national pour les relations au travail » (National Labor Relations Board). Une fois réélu, Roosevelt chercha à agrandir la Cour suprême mais sa proposition fut rejetée par le Congrès. Le président fut également moins heureux dans l'application de son agenda législatif pour ce second mandat, une coalition conservatrice bipartite bloquant la plupart de ses projets de loi, à l'exception de la loi sur les normes du travail équitable (Fair Labor Standards Act). Lorsque la guerre éclata et que le chômage fut pratiquement résorbé, le Congrès supprima les principaux dispositifs d'aides sans pour autant abroger de nombreux autres programmes et agences créés par le New Deal.
La situation internationale se dégrada progressivement dans les années 1930 en raison de l'attitude belliqueuse du Japon, de l'Italie et de l'Allemagne nazie. Bien que la plupart des Américains fussent farouchement isolationnistes, Roosevelt apporta un soutien diplomatique et financier à la Chine, au Royaume-Uni, à la France et à l'URSS, notamment grâce à la loi Prêt-Bail. Les États-Unis entrèrent dans la guerre après l'attaque par le Japon de la base navale américaine de Pearl Harbor. Aidé de son principal conseiller Harry Hopkins et bénéficiant d'un large soutien populaire, Roosevelt travailla en étroite collaboration avec le Premier ministre britannique Winston Churchill, le dirigeant soviétique Joseph Staline et le généralissime chinois Tchang Kaï-chek à la tête des Alliés durant la Seconde Guerre mondiale. Il supervisa la mobilisation de l'économie américaine en soutien de l'effort de guerre, cette dernière mettant fin au chômage de masse qui subsistait depuis la Grande Dépression. Roosevelt mit par ailleurs en œuvre une stratégie militaire sur deux fronts qui se solda par la défaite des puissances de l'Axe et par le développement de la première bombe nucléaire au monde. Sa santé déclina toutefois fortement pendant le conflit et il mourut en . Sa disparition intervint quelques mois avant la fin des hostilités, mais ses efforts en faveur de la reconstruction du monde d'après-guerre contribuèrent de façon décisive à la création des Nations unies et à la ratification des accords de Bretton Woods. Roosevelt fut remplacé par le vice-président Harry S. Truman qui présida à la fin de la guerre en .
Sous la présidence de Roosevelt, le Parti démocrate revint au premier plan de la scène politique et les États-Unis connurent une période de prospérité ; en outre, deux adversaires majeurs, l'Allemagne et le Japon, furent vaincus militairement durant cette période. Roosevelt est généralement considéré par les universitaires, les historiens et le grand public comme l'un des trois plus grands présidents américains, aux côtés d'Abraham Lincoln et de George Washington.
Après la sévère crise économique consécutive au krach boursier de 1929, bon nombre de démocrates espéraient assister, lors de l'élection présidentielle de 1932, à la première victoire d'un candidat de leur camp depuis 1916. Le gouverneur de New York Franklin Delano Roosevelt, triomphalement réélu à ce poste en 1930, s'affirma très vite comme le principal prétendant à l'investiture démocrate. Avec l'aide de Louis Howe et de James Farley, Roosevelt rallia tout à la fois une partie de ceux qui avaient soutenu les réformes progressistes de l'administration Wilson et une frange de l'électorat conservateur, ce qui lui permit de s'implanter solidement dans le Sud et l'Ouest. La principale opposition à la candidature de Roosevelt émanait des progressistes du Nord-Est comme Al Smith, un ancien allié de Roosevelt qui avait été choisi pour représenter le Parti démocrate lors de l'élection présidentielle de 1928. L'objectif de Smith était d'empêcher son rival de rassembler la majorité des deux tiers nécessaire pour décrocher la nomination et de lui ravir l'investiture à l'issue d'un scrutin à rallonge[1].
Roosevelt arriva à la convention du parti avec une avance confortable en termes de délégués compte tenu de sa victoire aux primaires démocrates mais la plupart des délégués ne savaient pas encore pour quel candidat ils allaient voter. Au premier tour de scrutin, plus de la moitié des délégués se prononcèrent en faveur de Roosevelt, qui rata ainsi de peu la majorité des deux tiers, tandis que Smith arrivait loin derrière en deuxième position. Le président de la Chambre des représentants John Nance Garner, qui contrôlait les votes des délégations du Texas et de la Californie, apporta son soutien à Roosevelt après le troisième tour de scrutin et ce dernier rafla la nomination au tour suivant. Garner fut ensuite désigné pour briguer la vice-présidence. Sitôt informé de sa victoire, Roosevelt s'envola de New York pour se rendre à la convention et fut, ce faisant, le premier candidat présidentiel d'un grand parti à accepter l'investiture en personne[1].
L'adversaire de Roosevelt au scrutin général était le président républicain en exercice Herbert Hoover. Dans une campagne qui le mena d'un bout à l'autre du pays, Roosevelt promit d'accroître le rôle du gouvernement dans l'économie et d'abaisser les droits de douane dans le cadre d'un programme connu sous le nom de New Deal (« Nouvelle donne »). De son côté, Hoover affirma que l'effondrement de l'économie était en grande partie dû à des causes extérieures et il accusa Roosevelt de s'ériger en apôtre de la lutte des classes. Le président, dont le marasme économique avait déjà fait chuter la popularité, vit ses chances de réélection se réduire comme peau de chagrin à la suite de la marche de la Bonus Army qui se solda par la répression brutale de plusieurs milliers d'anciens combattants venus réclamer une revalorisation de leur pension[2].
Le jour de l'élection, Roosevelt arriva en tête avec 472 votes de grands électeurs (sur 531) et 57,4 % du vote populaire, ce qui fit de lui le premier démocrate à remporter la majorité des suffrages populaires depuis 1876 ; en outre, il réalisa le plus gros score d'un candidat démocrate depuis la création du parti en 1828. Lors des élections législatives qui se déroulèrent à la même période, les démocrates prirent le contrôle du Sénat et consolidèrent leur majorité à la Chambre[2]. Même si les sudistes conservateurs étaient surreprésentés parmi les chefs du parti au Congrès, près de la moitié des élus du 73e Congrès ne siégeaient que depuis 1930 et nombre de ces parlementaires étaient désireux de lutter efficacement contre la Grande Dépression, même au prix d'une remise en cause de l'orthodoxie politique qui avait prévalu jusqu'alors[3].
Roosevelt fut investi en tant que 32e président des États-Unis le , sous l'autorité du juge en chef Charles Evans Hughes[4]. Dans son discours inaugural, Roosevelt attribua la responsabilité de la crise aux banquiers et aux financiers, à la quête effrénée du profit et au ressort fondamentalement égoïste du capitalisme :
« La raison principale en est que les dirigeants de l'échange des biens de l'humanité ont échoué par leur propre entêtement et leur propre incompétence, qu'ils ont admis leur échec et qu'ils ont abdiqué. Les pratiques des changeurs de monnaie sans scrupules sont mises en accusation devant le tribunal de l'opinion publique, rejetées par le cœur et l'esprit des hommes. Il est vrai qu'ils ont essayé, mais leurs efforts se sont inscrits dans le cadre d'une tradition dépassée. Face à l'échec du crédit, ils n'ont proposé que de prêter davantage d'argent. Privés de l'appât du gain pour inciter notre peuple à suivre leur fausse direction, ils ont eu recours à des exhortations, implorant avec larmes le rétablissement de la confiance […]. Les changeurs de monnaie ont fui leurs sièges élevés dans le temple de notre civilisation. Nous pouvons maintenant restaurer ce temple selon les anciennes vérités. Cette restauration se mesurera à l'aune de l'application de valeurs sociales plus nobles que le simple profit monétaire[5]. »
Au soir de l'investiture de Roosevelt, les banques de 32 des 48 États ainsi que celles du district de Columbia avaient fermé leurs portes[6].
Roosevelt nomma des hommes influents aux postes-clés du cabinet mais s'assura de garder la haute main sur toutes les décisions importantes, quelque fussent les conséquences en termes de retard, d'inefficacité ou d'amertume. Dans son analyse du style de gouvernement de Roosevelt, l'historien James MacGregor Burns écrit :
« Le président resta maître de son administration […] en s'appuyant pleinement sur ses pouvoirs formels et informels de chef de l'exécutif ; en fixant des objectifs, en créant une dynamique, en inspirant une loyauté personnelle, en obtenant le meilleur des gens […], en encourageant délibérément parmi ses collaborateurs un sens de la compétition et un choc des volontés qui conduisirent au désarroi, au chagrin et à la colère, mais qui déclenchèrent aussi des impulsions d'énergie exécutive et des étincelles de créativité […], en distribuant un même travail à plusieurs hommes et en confiant plusieurs travaux à un seul homme, et en renforçant de la sorte sa propre position qui était celle d'une cour d'appel, d'un dépositaire d'informations et d'un outil de coordination ; en ignorant ou en contournant les organismes de prise de décision collective, tels que le cabinet […] et toujours en persuadant, flattant, jonglant, improvisant, remaniant, harmonisant, conciliant, manipulant[7]. »
Le premier secrétaire d'État de Roosevelt fut Cordell Hull, un célèbre homme politique du Tennessee qui avait siégé dans les deux chambres du Congrès. Même si Hull ne revendiquait aucune expertise dans le domaine de la politique étrangère, il était depuis longtemps favorable à une réduction des droits de douane, jouissait du respect des autres sénateurs et ne nourrissait aucune ambition pour la présidence. Le premier cabinet Roosevelt était, en outre, composé de plusieurs républicains éminents tels que le secrétaire au Trésor William H. Woodin, un industriel qui entretenait de bonnes relations avec le président, le secrétaire à l'Intérieur Harold L. Ickes, un républicain progressiste qui joua un rôle important dans la mise en œuvre du New Deal, et le secrétaire à l'Agriculture Henry Wallace qui avait participé à la campagne de Roosevelt en tant que spécialiste des questions agricoles. Roosevelt nomma également à la tête du département du Travail Frances Perkins qui fut la première femme membre d'un cabinet présidentiel. Farley, nommé ministre des Postes, se chargea de distribuer de nombreux postes de l'administration à des militants démocrates en vertu de ses pouvoirs de patronage ; quant à Howe, il servit Roosevelt en qualité de secrétaire particulier jusqu'à sa mort en 1936[8]. Le candidat initial pour le poste de procureur général, le sénateur du Montana Thomas J. Walsh, mourut peu avant l'investiture de Roosevelt et fut remplacé au pied levé par Homer S. Cummings[9].
Les nominations de Hull, Woodin et du secrétaire au Commerce Daniel C. Roper apaisèrent les craintes du monde des affaires tandis que celles de Wallace, Perkins et Ickes furent bien accueillies par la gauche du spectre politique[10]. La plupart des membres du premier cabinet de Roosevelt demeurèrent en place jusqu'en 1936 mais Woodin fut contraint de démissionner pour des raisons de santé en 1933 ; son successeur fut Henry Morgenthau qui devint en peu de temps le plus puissant membre du cabinet[11]. Roosevelt ne réunissait toutefois que rarement ses ministres dont, à l'exception de Morgenthau et de Perkins, il n'était pas très proche et préférait s'appuyer sur le Brain Trust, un aréopage d'experts, d'universitaires et d'économistes qui l'aidaient à orienter sa politique et lui prodiguait de nombreuses recommandations dans tous les domaines. Parmi ce groupe de conseillers informels figuraient Raymond Moley, Adolf A. Berle, Rexford Tugwell, Bernard Baruch, Sam Rayburn ou encore Harry Hopkins[12], mais aussi Thomas G. Corcoran, Marriner Eccles et Felix Frankfurter[13]. Roosevelt entretint en revanche des relations assez distantes avec ses vice-présidents successifs, Garner, dont il déplorait le conservatisme, Wallace, médiocre politique à ses yeux, et Truman qu'il n'eut pas le temps de bien connaître avant sa mort[14].
Cabinet Roosevelt | ||
Fonction | Nom | Dates |
Président | Franklin D. Roosevelt | 1933-1945 |
Vice-président | John Nance Garner | 1933-1941 |
Henry Wallace | 1941-1945 | |
Harry S. Truman | 1945 | |
Secrétaire d'État | Cordell Hull | 1933-1944 |
Edward R. Stettinius Jr. | 1944-1945 | |
Secrétaire au Trésor | William H. Woodin | 1933 |
Henry Morgenthau | 1934-1945 | |
Secrétaire à la Guerre | George Dern | 1933-1936 |
Harry H. Woodring | 1936-1940 | |
Henry L. Stimson | 1940-1945 | |
Procureur général | Homer S. Cummings | 1933-1939 |
William F. Murphy | 1939-1940 | |
Robert Jackson | 1940-1941 | |
Francis Biddle | 1941-1945 | |
Postmaster General | James Farley | 1933-1940 |
Frank C. Walker | 1940-1945 | |
Secrétaire à la Marine | Claude A. Swanson | 1933-1939 |
Charles Edison | 1939-1940 | |
Frank Knox | 1940-1944 | |
James Forrestal | 1944-1945 | |
Secrétaire à l'Intérieur | Harold L. Ickes | 1933-1945 |
Secrétaire à l'Agriculture | Henry Wallace | 1933-1940 |
Claude R. Wickard | 1940-1945 | |
Secrétaire au Commerce | Daniel C. Roper | 1933-1938 |
Harry Hopkins | 1938-1940 | |
Jesse H. Jones | 1940-1945 | |
Henry Wallace | 1945 | |
Secrétaire au Travail | Frances Perkins | 1933-1945 |
Faute d'avoir pu ajouter de nouveaux sièges à la Cour suprême des États-Unis, Roosevelt se contenta de remplacer les juges les plus anciens au fur et à mesure de leur départ à la retraite. En 1937, il eut l'occasion de nommer son premier juge à la Cour lorsque Willis Van Devanter, l'un des « quatre cavaliers » conservateurs, annonça son intention de se retirer[15]. Le candidat de Roosevelt, le sénateur de l'Alabama Hugo Black, était très clivant ; en effet, outre qu'il était un fervent partisan du New Deal, Black n'avait presque aucune expérience dans le domaine judiciaire et le Ku Klux Klan figurait parmi ses soutiens en Alabama. Black garda le silence à ce sujet mais ses amis démentirent son appartenance à cette organisation. Après sa confirmation par le Sénat, il fut cependant révélé qu'il avait bel et bien adhéré au Klan ce qui déclencha une importante controverse. Celle-ci finit néanmoins par s'apaiser et Black se fit connaître par la suite comme un champion des libertés civiles[16].
La démission de Van Devanter fut suivie de plusieurs autres vacances[15]. Au moment de terminer son second mandat en , Roosevelt avait ainsi procédé aux nominations des juges Stanley Forman Reed, Felix Frankfurter, William O. Douglas et William F. Murphy[17],[18]. Le juge en chef Charles Evans Hughes et le juge associé James Clark McReynolds démissionnèrent peu après et Roosevelt put alors effectuer trois nominations supplémentaires. Il éleva Harlan F. Stone, un républicain qui avait été nommé à la Cour par le président Calvin Coolidge en 1925, au poste de juge en chef et désigna ensuite deux démocrates, le sénateur James F. Byrnes de Caroline du Sud et le procureur général Robert Jackson, pour occuper les sièges de Stone et de McReynolds restés vacants. Les sensibilités progressiste de Jackson, centriste de Stone et conservatrice de Byrnes facilitèrent la confirmation de ces trois juges par le Sénat. Byrnes ne se plut cependant pas à la Cour qu'il quitta dès 1942 en échange d'un poste haut placé au sein de l'administration Roosevelt[19]. Il fut remplacé par le juge fédéral progressiste Wiley Rutledge qui siégea jusqu'à sa mort en 1949[20]. À la fin de l'année 1941, Owen Roberts était le dernier juge de la Cour à n'avoir pas été nommé par Roosevelt[21].
Les historiens divisent généralement le New Deal de Roosevelt en trois catégories distinctes : l'aide sociale, dont plusieurs dizaines de millions de chômeurs avaient un besoin urgent, le redressement, qui signifiait le retour à une économie saine, et la réforme qui visait à conjurer les origines de la crise et en particulier les dérives du système bancaire et financier. Roosevelt expliqua directement sa politique au peuple américain dans une série d'entretiens radiophoniques connues sous le nom de « causeries au coin du feu » (fireside chats)[22]. Comme son prédécesseur Herbert Hoover, Roosevelt considérait que la crise économique résultait d’un manque de confiance qui se traduisait par une baisse de la consommation et de l’investissement[23].
Pour faire adopter les réformes qu'il souhaitait mener pour le pays, le président s'appuya sur des sénateurs de poids tels que George W. Norris, Robert F. Wagner et Hugo Black ainsi que sur ses conseillers du Brain Trust[23]. Il put également compter sur un Congrès à forte majorité démocrate ainsi que sur le soutien de nombreux républicains progressistes[24]. Entre le et le , période de cent jours qui correspond à la durée de la session du Congrès, son administration fit passer un nombre record de projets de loi[25]. Selon Georges Ayache, « Roosevelt n'eut jamais l'intention de mettre fin au régime capitaliste en Amérique. Ses débuts tonitruants à la présidence firent néanmoins figure de révolution car il jetait par-dessus bord près d'un siècle et demi de certitudes bien ancrées dans la société américaine »[26].
La réforme bancaire fut la première urgence à laquelle fut confrontée l'administration Roosevelt. À la suite de la crise, des milliers de petites banques avaient mis la clé sous la porte ou étaient sur le point de faire faillite et nombre d'épargnants souhaitaient récupérer leurs avoirs par peur de les perdre en cas de fermeture de leur banque. Dans les mois qui suivirent l'élection de Roosevelt, plusieurs gouverneurs décrétèrent des jours fériés dans leur État de sorte que les établissements bancaires fussent fermés et que leurs fonds ne pussent être retirés[27]. L'ampleur de la crise était telle que, au moment de l'investiture de Roosevelt, 32 États avaient déjà procédé à la fermeture totale de leurs banques. La situation n'était pas vraiment meilleure dans les autres États où de nombreuses banques avaient posé le bilan et où les déposants n'étaient autorisés à retirer, quand ils le pouvaient, que 5 % de leurs économies[28]. Sitôt arrivé au pouvoir, Roosevelt annonça que le serait un jour férié fédéral ce qui entraîna la fermeture de toutes les banques du pays. Certains observateurs contestèrent la légalité de cette décision mais la sévérité de la crise fit que l'initiative du nouveau président ne souleva guère de controverses dans l'immédiat[27]. En concertation avec l'ancien secrétaire au Trésor de Hoover Ogden L. Mills, l'administration Roosevelt consacra les jours suivants à élaborer un projet de loi destiné à renflouer le secteur bancaire[29].
À l'ouverture de la session spéciale du Congrès le , les parlementaires adoptèrent sans difficulté l'Emergency Banking Relief Act. Contrairement aux espérances de certains radicaux et aux craintes de nombreux conservateurs, la loi ne nationalisait pas l'industrie financière mais prévoyait d'utiliser des fonds fédéraux pour stabiliser les banques privées[30]. Lorsque les banques rouvrirent le lundi , le cours des actions à la bourse avait bondi de 15 % et le nombre de dépôts bancaires excédait celui des retraits, ce qui mit fin à la panique[31]. Une autre mesure visant à restaurer la confiance des Américains dans leur système financier fut le Glass-Steagall Act qui avait pour but de freiner la spéculation en plafonnant le montant des sommes pouvant être investies par les banques de dépôt et en instaurant une séparation entre les banques de dépôt et les banques d'investissement[32].
Lorsque Roosevelt entra en fonction en 1933, 25 % de la population active était au chômage[33]. La nécessité de venir en aide aux chômeurs fut donc au centre des préoccupations du New Deal. Dans ce domaine, Roosevelt se contenta d'imiter les programmes qu'il avait instauré durant son mandat de gouverneur de New York et de poursuivre ceux que Hoover avait initié[34]. Le plus important de ces programmes fut, de 1933 à 1935, la Federal Emergency Relief Administration (FERA) dont l'une des missions consistait à distribuer de l'argent aux municipalités pour permettre à ces dernières d'entreprendre des travaux susceptibles d'être confiés aux chômeurs dans le besoin. La FERA était dirigée par Harry Hopkins qui avait déjà piloté un programme similaire dans l'État de New York[35].
Une autre organisation gouvernementale, la Public Works Administration (PWA), fut créée afin de financer la construction d'infrastructures publiques ; elle fut placée sous la responsabilité du secrétaire à l'Intérieur Harold Ickes, l'un des plus fervents partisans du New Deal[36]. Soucieux d'accroître le rôle du gouvernement fédéral dans la lutte contre le chômage, Hopkins obtint gain de cause avec la mise en place de la Civil Works Administration (CWA) qui se proposait de fournir du travail à toute individu sans emploi. En moins de quatre mois, la CWA embaucha quatre millions de personnes et déploya, pendant ses cinq mois d'existence, une activité frénétique en construisant ou rénovant 200 piscines, 3 700 terrains de jeux, 40 000 écoles, 400 000 km de routes et plus de 3 500 km de canalisations d'égout[37]. En dépit de la très grande popularité du programme, Roosevelt y mit fin en pour des raisons budgétaires mais aussi parce qu'il ne voulait pas du principe d'un État fédéral considéré comme « employeur en dernier ressort »[38].
La plus populaire des institutions du New Deal, qui était aussi la préférée de Roosevelt, fut le Civilian Conservation Corps (CCC)[39]. Créé le , celui-ci recrutait des jeunes chômeurs âgés de 18 à 25 ans pour réaliser, moyennant rétribution, des travaux d'entretiens dans les forêts publiques et les parcs nationaux du pays. Les Noirs étaient acceptés, contrairement aux filles. En tout, le CCC mobilisa chaque année quelque 500 000 jeunes hommes[40], jusqu'à sa disparition en [41].
Roosevelt accorda une attention toute particulière aux questions agricoles[42]. Les fermiers constituaient, à cette époque, environ 30 % de la main-d'œuvre totale du pays et les réformateurs du New Deal pensaient qu'un relèvement de l'agriculture serait profitable à l'économie en général[43]. Le pilotage des programmes agricoles de la nouvelle administration fut confié au secrétaire à l'Agriculture Henry Wallace[44]. La crise agricole qui persistait depuis les années 1920 fut exacerbée par la Grande Dépression et les saisies hypothécaires étaient monnaie courante chez les fermiers criblés de dettes[45]. Ces derniers étaient prisonniers d'un cercle vicieux qui les incitaient à accroître leur production pour compenser le faible niveau des prix, ce qui avait pour résulter de faire baisser encore davantage les prix en augmentant les stocks de denrées disponibles. L'administration Hoover avait mis en place le Bureau agricole fédéral (Federal Farm Board) pour procéder au rachat des surplus agricoles et résoudre ainsi le problème de la surproduction, mais cela ne fut pas suffisant pour stabiliser les prix[46]. Tout au long des années 1930, les fermiers du Midwest furent en outre sévèrement affectés par une série de violentes tempêtes de sable, connues sous le nom de Dust Bowl, qui poussa nombre d'entre eux à quitter leurs terres pour s'installer ailleurs[47].
En fut voté l'Agricultural Adjustment Act (AAA) qui donnait naissance à l’Agricultural Adjustment Administration. L'objectif de cette nouvelle agence était d'obtenir une contraction artificielle de l'offre et donc une hausse des prix des denrées agricoles. Pour ce faire, l'AAA fixa des quotas maximums pour la production du maïs, du coton, des produits laitiers, de la viande de porc, du riz, du tabac et du blé ; en retour, elle accordait des subventions pour les agriculteurs qui acceptaient de ne pas cultiver une partie de leurs terres. Le financement de ces subventions fut assuré par l'introduction d'une nouvelle taxe sur la transformation des produits alimentaires. Conformément à cette politique, 10 millions d'acres (soit 40 000 km2) de champs de coton furent détruits (soit un quart de la production totale), d'abondantes récoltes laissées à l'abandon et six millions de porcelets abattus[48],[49]. Les revenus des fermiers augmentèrent significativement durant les trois premières années du New Deal du fait de la hausse des prix constatée[50]. À l'inverse, les métayers pâtirent souvent du nouveau système car un certain nombre de propriétaires terriens empochèrent les subventions fédérales distribuées pour maintenir les terres en jachère[51].
L'AAA fut le premier dispositif fédéral conçu pour venir en aide aux fermiers et constitua la première étape d'une ingérence accrue du gouvernement dans le domaine de l'agriculture au cours des décennies suivantes[49]. La loi fut cependant invalidée pour des motifs techniques par la Cour suprême en 1936. Avec l'adoption de la loi d'ajustement agricole de 1938, l'AAA fut remplacé par un programme similaire qui obtint cette fois l'approbation de la Cour. Plutôt que de rémunérer les agriculteurs en échange de friches, les autorités fédérales accordèrent à ces derniers des subventions pour développer la culture de plantes fourragères telles que la luzerne, réputée pour ses qualités d'amélioration des sols, qui ne seraient pas mises en vente sur le marché. La réglementation gouvernementale de la production agricole fut par la suite modifiée à de nombreuses reprises mais le principe de base qui consistait à subventionner les agriculteurs fut maintenu[52].
À l'époque de Roosevelt, nombre de familles des régions rurales vivaient dans une grande pauvreté, particulièrement dans le Sud. Des agences comme la Farm Security Administration, qui succéda à la Resettlement Administration, s'efforcèrent de venir en aide aux migrants et aux paysans marginaux dont les conditions de vie difficiles furent mises en lumière par le roman à succès de John Steinbeck Les Raisins de la colère, publié en 1939 et adapté au cinéma l'année suivante par John Ford. Les responsables du New Deal refusèrent néanmoins d'allouer des crédits aux citoyens pauvres désireux d'acquérir une ferme car ils estimaient que les agriculteurs étaient déjà trop nombreux[53]. En revanche, l'administration Roosevelt consacra d'importantes sommes à la remise en état des établissements de santé qui accueillaient les malades dans les régions les plus défavorisées[54]. De son côté, la Farm Credit Administration refinança de nombreux prêts hypothécaires ce qui eut pour effet de diminuer l'ampleur des saisies. En 1935, le gouvernement fédéral mit sur pied la Rural Electrification Administration (REA) qui intensifia la construction de lignes électriques dans les zones rurales et permit de la sorte à des millions de personnes d'avoir accès pour la première fois à l'électricité[55]. Dans la décennie qui suivit la création de la REA, le pourcentage de fermes reliées au réseau électrique passa de moins de 20 % à près de 90 %[56].
Sur les instances du sénateur progressiste du Nebraska George W. Norris, Roosevelt fédéralisa le barrage de Muscle Shoals, dans le Tennessee, afin de développer l'électrification de la région[57]. En fut créée la Tennessee Valley Authority (TVA) dont l'un des principaux objectifs était de multiplier la construction de barrages afin de juguler les inondations, produire de l'électricité et moderniser les exploitations agricoles les plus pauvres de la vallée du Tennessee[58],[59]. Grâce au recours à l'emprunt et à la coopération entre les autorités fédérales et locales, la TVA donna naissance à une zone « expérimentale » s'étendant sur plus de 100 000 km2, au Tennessee et au-delà ; celle-ci fut rapidement dotée de toute une panoplie d'infrastructures comme des barrages ou des canaux qui contribuèrent à relancer l'activité économique[60]. Sous la direction d'Arthur Ernest Morgan, la TVA fonda également plusieurs villes nouvelles telles que Norris, dans le Tennessee, qui devaient encourager le développement d'un mode de vie coopératif et égalitaire. Même si les projets les plus ambitieux de la TVA ne furent pour la plupart jamais concrétisés, cette dernière était devenue le premier producteur d'électricité du pays en 1940[61]. L'administration Roosevelt lança par ailleurs la Bonneville Power Administration qui remplissait des fonctions identiques à celles de la TVA dans le Nord-Ouest Pacifique, bien qu'à une échelle plus restreinte[62].
Pour diriger le Bureau des affaires indiennes, Roosevelt fit appel à John Collier qui mit en œuvre une nouvelle politique à l'égard des Amérindiens, notamment en assouplissant l'exigence d'assimilation culturelle. Les membres des communautés autochtones furent par ailleurs admis au sein du Civilian Conservation Corps ainsi que dans d'autres programmes du New Deal, dont le nouveau Service de préservation des sols (Soil Conservation Service)[63].
Sous la présidence de Roosevelt, la National Recovery Administration (NRA) fut, avec l'AAA, l'un des deux grands programmes destinés à rétablir la prospérité économique du pays[64]. La NRA avait été fondée par le National Industrial Recovery Act (NIRA) de 1933 et avait pour but d'introduire des réformes dans le secteur industriel[65]. Les concepteurs de la NRA furent très influencés par les travaux de Charles R. Van Hise, un universitaire progressiste qui considérait les trusts comme une caractéristique incontournable de toute société industrialisée. Plutôt que de se prononcer en faveur des lois antitrust visant à empêcher l'existence de ces monopoles, Hise avait, en son temps, recommandé la création d'organisations gouvernementales chargées de réguler les trusts[66]. La NRA tenta de mettre fin à la concurrence sauvage en obligeant les différents secteurs de l'industrie à élaborer des codes de bonne conduite qui fixaient des règles de fonctionnement pour toutes les entreprises d'un secteur concerné, telles que l'instauration de prix et de salaires minimaux, des accords de non-concurrence et des restrictions de production. La négociation des codes par les dirigeants de l'industrie se fit avec l'approbation et les conseils des fonctionnaires de la NIRA. D'autres dispositions de la loi encourageaient la formation de syndicats et suspendaient la législation antitrust en vigueur[67].
Roosevelt nomma à la tête de la NRA l'ancien général Hugh S. Johnson qui avait participé au pilotage de l'économie nationale pendant la Première Guerre mondiale. Johnson souhaitait maintenir les salaires à un niveau élevé et s'efforça d'enrayer la surproduction industrielle ainsi que la compétition sauvage au moyen d'une baisse des prix[68]. Au total, deux millions de chefs d'entreprise promirent à la NRA de mettre en place et de respecter les codes réclamés par cette dernière et les logos Blue Eagle (« aigle bleu »), qui indiquaient qu'une entreprise coopérait avec la NRA, se mirent à fleurir un peu partout[69]. La NRA cibla particulièrement dix secteurs d'activité jugés essentiels à la reprise économique, dont, par ordre décroissant d'importance, l'industrie textile, le charbon, le pétrole, l'acier, l'automobile et le bois. Quoique réticents à imposer directement leurs exigences aux firmes, les responsables du programme incitèrent fortement les entreprises à adhérer aux codes et encouragèrent les consommateurs à acheter les produits des sociétés qui respectaient les nouvelles normes[67]. Dans la mesure où chaque branche de l'industrie devait faire l'objet d'un code spécifique, les représentants de la NRA déléguèrent la rédaction des codes aux patrons qui se retrouvèrent dans bien des cas avantagés par rapport à leurs ouvriers[70].
Cette forme de microgestion accentua l'impopularité de la NRA au sein de l'opinion publique et de nombreux membres de l'administration Roosevelt se mirent à douter de l'efficacité du programme[71]. En , la Cour suprême invalida à l'unanimité le National Recovery Act et le programme disparut dans une quasi-indifférence[72]. Jacques Portes note cependant que « malgré cet échec, consommé dès 1934 et en dépit du départ de Johnson, le NIRA permet au gouvernement fédéral de faire admettre son intervention dans l'économie et d'imposer le respect de certaines réglementations sociales souvent oubliées »[57]. À la suite de la disparition de la NRA, plusieurs agences furent créées ou renforcées afin de permettre la régulation de certains secteurs d'activité. En 1934, le Congrès mit ainsi sur pied la Commission fédérale des communications pour encadrer le développement de la radio et de la téléphonie. Cette initiative fut suivie quatre ans plus tard par le Civil Aeronautics Board chargé de réglementer l'aviation commerciale en plein essor. Enfin, en 1935, l'autorité de l'Interstate Commerce Commission fut étendue au transport routier tandis que la Federal Trade Commission reçut de nouvelles prérogatives[73].
Au sein de l'Agricultural Adjustment Act figurait l'amendement Thomas qui autorisait le président à réduire la teneur en or du dollar, à frapper des pièces de monnaie en argent et à émettre pour 3 milliards de dollars de monnaie fiduciaire non adossée à l'or ou l'argent. En , Roosevelt mit fin à l'étalon-or[74]. La parité dollar-or, qui était alors de 20,67 $ l'once, fluctua dans les mois suivants entre 27 et 35 $[75]. Cette politique inflationniste était destinée d'une part à maîtriser la forte chute des prix si préjudiciable à l'économie nationale et, d'autre part, à réduire le volume de la dette publique et privée[76]. Le , le Congrès vota la fin des paiements en or dans les transactions commerciales[77]. Dans ce contexte, Roosevelt torpilla la Conférence économique de Londres qui souhaitait stabiliser les taux de change[76]. Le message « explosif » adressé par la Maison-Blanche à la conférence condamna toute tentative concertée de la part des puissances internationales de mettre fin à la dépression, tout en assurant à Roosevelt de garder la haute main sur la politique économique des États-Unis[78].
Même si le président était disposé à se montrer plus souple au sujet des droits de douane, il refusa le principe d'un régime de change fixe ainsi que la réévaluation des dettes contractées par les pays européens au cours du premier conflit mondial[79]. En , l'administration Roosevelt décida d'augmenter ses stocks d'or afin de stimuler l'inflation. Quoique fortement critiquée par des observateurs tels que Keynes ou par des partisans de la monnaie forte comme Dean Acheson, l'initiative fut globalement bien accueillie dans les communautés rurales[80]. De fait, cet afflux d'or déboucha, entre 1933 et 1936, sur une augmentation de 17 % du volume de monnaie en circulation aux États-Unis et contribua à la relance de l'activité[81]. Le dollar fut quant à lui dévalué de 40 % en , son taux de conversion étant désormais fixé à 35 $ l'once[82]. Avec l'adoption de la loi bancaire de 1935, le Federal Open Market Committee fut placé sous l'autorité directe du Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale, qui accentua ainsi sa mainmise sur le contrôle de la masse monétaire et la formulation des stratégies à adopter en fonction des cycles économiques[83].
Le Securities Exchange Act of 1934 permit la création de la Securities and Exchange Commission (Commission des titres financiers et des bourses ou SEC) qui devait réglementer plus sévèrement les marchés financiers[84]. Roosevelt nomma à la tête de la SEC Joseph P. Kennedy, qui s'était lui-même enrichi grâce à la spéculation, avec pour mission de « nettoyer » Wall Street. Kennedy rassembla aussitôt une équipe de réformateurs dont faisaient partie William O. Douglas et Abe Fortas qui entrèrent par la suite à la Cour suprême. La SEC avait quatre objectifs : le premier, et le plus important, était de restaurer la confiance des investisseurs dans le marché des titres, qui s'était pratiquement effondré en raison des doutes émis sur l'intégrité du système et les prétendues menaces externes causées par la présence d'individus hostiles aux milieux d'affaires au sein de l'administration Roosevelt. Deuxièmement, la SEC devait se débarrasser des petites escroqueries reposant sur la diffusion de fausses informations, l'existence de dispositifs frauduleux et le recours à des méthodes douteuses censées garantir un enrichissement rapide. Troisièmement, et sur une échelle bien plus large que la précédente, l'agence devait mettre un terme aux délits d'initiés dans les grandes firmes, grâce auxquels des investisseurs disposant d'informations confidentielles sur la situation d'une entreprise étaient en mesure de déterminer le moment le plus favorable pour l'achat ou la vente de leurs propres titres. Enfin, la SEC procéda, grâce à un système complexe, à l'enregistrement de tous les titres boursiers vendus sur le territoire américain, avec un ensemble précis de règles et de lignes directrices applicables à tous[85]. L'obligation, imposée par la SEC, de divulguer des informations sur les entreprises et de permettre ainsi aux investisseurs de prendre leurs décisions en connaissance de cause contribua fortement à rétablir la confiance de ces derniers[86].
Dans les cent premiers jours de son administration, Roosevelt fit adopter le Securities Act de 1933 qui étendait les pouvoirs de la Federal Trade Commission et exigeait des sociétés émettrices de valeurs mobilières de divulguer des informations au sujet de ces titres[87]. Une autre loi de régulation financière majeure fut le Public Utility Holding Company Act de 1935 qui démantelait les grandes sociétés holdings opérant dans les services publics. En effet, ces groupes étaient suspectés d'avoir cherché à extraire des profits des filiales de service public au détriment des clients[88].
Diverses propositions furent avancées pour relancer la construction de logements qui était généralement perçue comme une composante fondamentale de la reprise économique. Dans ce domaine, Keynes et le sénateur Wagner suggérèrent de lancer un programme de logements sociaux à grande échelle mais l'administration Roosevelt était plus intéressée par les mesures destinées à favoriser l'accession des citoyens à la propriété privée. En 1933, Roosevelt créa la Home Owners' Loan Corporation pour refinancer les habitations menacées de saisie immobilière. La Federal Housing Administration, active dès 1934, fixa des normes nationales pour la construction des maisons et fournit des assurances pour les prêts hypothécaires de longue durée. Une autre institution du New Deal, la Federal National Mortgage Association, rendit quant à elle le crédit immobilier plus attrayant pour les prêteurs en facilitant la titrisation des hypothèques. La mise en place de ces différentes agences n'entraîna pas une augmentation sensible de la construction de logements dans les années 1930 mais joua en revanche un rôle décisif dans le boom immobilier de l'après-guerre[89].
Alors que Roosevelt s'était longtemps abstenu de tout commentaire au sujet de la prohibition, il épousa la tendance majoritaire de son parti et de l'opinion publique qui réclamait son abolition lors de la campagne de 1932. Durant les cent premiers jours de sa présidence, il promulgua la loi Cullen-Harrison qui fixait le taux maximal de concentration en alcool de la bière à 3,2 %. La prohibition fut définitivement abrogée avec la ratification, en , du 21e amendement de la Constitution. Roosevelt ne fut pas impliqué dans l'élaboration du texte mais le mérite de son adoption lui fut en grande partie attribué. La fin de la prohibition augmenta les recettes fiscales des autorités fédérales, étatiques et locales et permit à Roosevelt de tenir une promesse de campagne auxquels de nombreux Américains étaient très attachés. Elle eut également pour conséquence d'affaiblir les gangs criminels des grandes villes et les bootleggers ruraux qui avaient largement profité de la contrebande illégale d'alcool[90],[91].
En 1935, la croissance de l'économie était de 21 % supérieure à son nadir, quoique toujours inférieure de 11 % au pic de 1929. Ce dernier seuil fut finalement dépassé en 1936 mais le taux de chômage, établi à 20 %, était loin d'être résorbé. Les revenus des fermiers étaient cependant en augmentation[92]. Alors que la dépression économique se poursuivait, et à la suite du raz-de-marée démocrate aux élections de mi-mandat de 1934, Roosevelt mit en œuvre un « second New Deal » dont les programmes devaient non seulement assurer le retour à la prospérité mais également assurer la stabilité et la sécurité économiques à long terme pour les Américains ordinaires[93].
En , le Congrès vota l’Emergency Relief Appropriation Act qui, contrairement aux mesures d'aide sociale instaurées en 1933, faisait du gouvernement fédéral un acteur essentiel de la lutte contre le chômage ; Roosevelt, comme certains de ses conseillers, estimait en effet que le secteur privé ne serait plus jamais en mesure de garantir le plein emploi. Le principal organisme institué à la suite de l'Emergency Relief Appropriation Act fut la Works Progress Administration (WPA) dont la direction fut confiée à Harry Hopkins[94]. La WPA finança la construction d'hôpitaux, d'écoles et de routes et employa plus de 8,5 millions de personnes qui bâtirent en tout un million de kilomètres d'autoroutes et d'infrastructures routières et 125 000 édifices publics ainsi que des ponts, des réservoirs et des systèmes d'irrigation[95]. La WPA s'imposa rapidement comme le plus important dispositif d'aide sociale du New Deal, devant la PWA d'Harold Ickes qui continua néanmoins de fonctionner[96]. Même si elle n'était censée prendre en charge que les projets dont le coût avoisinait les 25 000 $, la WPA contribua financièrement à d'autres programmes tels que le Federal Writers' Project[97].
Tout comme la CWA et le CCC, la WPA reposait sur la coopération entre le gouvernement fédéral et les autorités locales qui fournissaient les plans, le site et le matériel nécessaire au chantier tandis que Washington se chargeait de recruter la main-d'œuvre. L'aménagement des parcs publics fut au cœur des préoccupations de la WPA et plusieurs dizaines de milliers d'installations sportives et de loisirs furent construites en zone urbaine et rurale. Ces projets avaient pour principal objectif de fournir du travail pour les chômeurs mais ils répondaient également au développement d'une société de loisirs où les citoyens étaient de plus en plus soucieux d'entretenir leur condition physique. La WPA dépensa en tout 941 millions de dollars pour l'édification d'infrastructures dédiées aux loisirs, parmi lesquelles 5 900 terrains de sport et de jeux, 770 piscines, 1 700 parcs et 8 300 centres récréatifs[98],[99]. Avec la disparition du chômage de masse au cours de la Seconde Guerre mondiale, la WPA fut supprimée par le Congrès en 1943[100].
Lorsque Roosevelt entra en fonction en 1933, les États-Unis étaient le seul pays industrialisé en proie à la dépression économique qui ne disposait d'aucun système de sécurité sociale. Quelques États avaient certes mis en place des programmes de retraite pour les personnes âgées mais le financement de ces derniers étaient très insuffisant[101]. Quant au gouvernement fédéral, en dehors des pensions distribuées aux vétérans de la Première Guerre mondiale et d'autres conflits passés, il n'était guère familiarisé avec les programmes d'assurance sociale[102]. De fait, pour la plupart des travailleurs américains, la retraite liée à l'âge n'était pas une perspective envisageable[103]. Dans les années 1930, le médecin Francis Townsend attira l'attention avec sa proposition relative à l'octroi d'une pension publique de retraite dont le montant s'élèverait à 200 $ par mois[104]. Roosevelt était sensible à la philosophie du projet de Townsend qui, tout en garantissant la subsistance de ceux qui n'étaient plus capables de travailler, stimulerait la demande économique et diminuerait l'offre de main-d'œuvre[105]. En 1934, Roosevelt chargea le Comité sur la sécurité économique, présidé par la secrétaire au Travail Frances Perkins, d'élaborer un programme de retraite pour les personnes âgées, un système d'assurance chômage et un régime national d'assurance santé. Cette dernière suggestion fut finalement écartée mais le comité n'en conçut pas moins une assurance chômage, dont la gestion reposerait en grande partie sur les États, et un système de pensions de retraite qui, sur l'insistance de Roosevelt, devait être financé par les cotisations individuelles des travailleurs[106].
En , Roosevelt proposa le Social Security Act (« loi sur la Sécurité sociale ») qui différait en partie du plan de Townsend. Après une série d'audiences menée par le Congrès, la loi fut promulguée en août de la même année[107]. Au cours du débat parlementaire sur la Sécurité sociale, le programme fut amendé pour permettre le versement d'allocations aux veuves et aux personnes à charge des bénéficiaires des nouvelles prestations[108]. Un certain nombre de catégories professionnelles étaient toutefois exclues du programme parmi lesquelles les agriculteurs, les domestiques et les employés du gouvernement ainsi qu'une bonne partie des enseignants, infirmières, membres du personnel hospitalier, libraires et travailleurs sociaux[109]. Le dispositif de sécurité sociale fut financé par une nouvelle taxe sur les salaires, versée à parts égales par les employés et les employeurs et dont la collecte était assurée par les autorités étatiques[110]. En raison du caractère régressif de cet impôt et du fait que le montant des prestations dépendait du niveau de cotisation individuel, le programme ne déboucha pas sur une véritable politique de redistribution des revenus, au grand dam de certains réformateurs dont Perkins[111]. En plus de la Sécurité sociale, le Social Security Act mit également en place un système d'assurance chômage géré par les États et un programme d'« aide aux enfants à charge » (Aid to Dependent Children) destiné à soutenir financièrement les mères de famille célibataires[112]. Si le Social Security Act était plutôt conservateur en comparaison des dispositifs d'assurance sociale en vigueur dans les pays d'Europe de l'Ouest, c'était la première fois que le gouvernement fédéral garantissait une forme de protection sociale pour les personnes âgées, les chômeurs temporaires, les enfants à charge et les handicapés[113]. Analysant la portée de la loi sur la Sécurité sociale, le biographe de Roosevelt Kenneth S. Davis qualifia cette dernière de « plus importante mesure de législation sociale de toute l'histoire américaine »[114].
En dépit des efforts du Comité sur la sécurité économique pour promouvoir une couverture maladie à l'échelle nationale, le Social Security Act ne subventionnait que faiblement les soins de santé à destination des communautés rurales et des personnes handicapées[115]. Roosevelt refusa ainsi toute réforme majeure du système de santé au motif que celle-ci n'était pas réclamée avec insistance par l'opinion publique, le Congrès ou les divers groupes de pression. La stratégie du président était, en la matière, d'attendre de disposer d'un courant majoritairement favorable à une réforme et, si cette réclamation était suffisamment forte à ses yeux, de lui apporter son soutien. Pour Jaap Kooijman, Roosevelt parvint de la sorte à « pacifier les opposants sans pour autant décourager les réformateurs ». Durant la Seconde Guerre mondiale, un groupe de parlementaires soumit le projet de loi Wagner-Murray-Dingell qui suggérait d'instaurer une assurance santé universelle entièrement financée par le gouvernement fédéral ; toutefois, en l'absence de soutien de Roosevelt, le texte n'avait que peu de chance d'aboutir face au bloc conservateur majoritaire. Intégrée au Fair Deal du successeur de Roosevelt, Harry S. Truman, la proposition fut finalement rejetée par le Congrès[116],[117].
Le National Labor Relations Act (NLRA) de 1935, aussi connue sous le nom de loi Wagner, garantissait aux travailleurs le droit de négocier des conventions collectives par l'intermédiaire du syndicat de leur choix. Il mettait également fin aux pratiques de travail déloyales telles que la discrimination à l'encontre des syndicalistes. La loi établissait en outre le National Labor Relations Board (« Bureau national des relations au travail » ou NLRB) afin de faciliter les accords salariaux et arbitrer les conflits du travail. La nouvelle législation n'allait pas jusqu'à contraindre les patrons à s'entendre avec leurs employés mais son entrée en vigueur, combinée avec celle de la loi Norris-La Guardia de 1932, créa un environnement politique et juridique favorable aux syndicats[118]. D'autres facteurs comme la représentation des luttes de la classe laborieuse dans la culture populaire, l'apaisement des rivalités ethniques et la formation du comité La Follette pour enquêter sur les abus dont étaient victimes les syndicats accentuèrent le basculement de l'opinion publique en faveur des ouvriers[119].
L'une des conséquences de ce phénomène fut l'augmentation vertigineuse du nombre de travailleurs syndiqués, particulièrement dans le secteur de la fabrication de masse[120]. Lorsque la grève sur le tas de Flint mit en péril la chaîne de production de General Motors, Roosevelt brisa une tradition présidentielle bien établie en refusant toute intervention du gouvernement fédéral ; la grève entraîna finalement une vague de syndicalisation au sein de General Motors et de ses rivaux de l'industrie automobile américaine[121]. À la suite de la grève de Flint, U.S. Steel reconnut officiellement le Steel Workers Organizing Committee (« Comité d'organisation des travailleurs de l'acier »)[122]. Le nombre total de travailleurs syndiqués passa de trois millions en 1933 à huit millions à la fin de la décennie, même si le Sud fut beaucoup moins concerné par cette hausse que les autres régions du pays[123].
Dans l'esprit de Roosevelt, les programmes fédéraux mis en œuvre pour aider les plus défavorisés ne devaient être que temporaires et il rejeta les propositions d'économistes comme Keynes qui suggéraient de relancer l'activité par le creusement du déficit budgétaire[124]. Conformément à sa promesse de campagne, il s'efforça au contraire de réduire la dépense publique, à commencer par le budget des armées qui chuta de 752 millions de dollars en 1932 à 531 millions en 1934. Il s'en prit également aux pensions des anciens combattants dont le volume fut diminué de 40 %, tant par la réduction du montant des pensions que par la radiation pure et simple de 500 000 vétérans et veuves de guerre de la liste des bénéficiaires. Il baissa enfin le salaire des fonctionnaires et amputa les crédits alloués à l'éducation et la recherche. Les anciens combattants, bien organisés, protestèrent néanmoins avec virulence et la plupart des pensions furent restaurées ou revalorisées en 1934[125].
Au milieu de l'année 1935, Roosevelt se consacra à la préparation d'une importante réforme fiscale afin de taxer plus fortement les hauts revenus, augmenter l'impôt sur les successions, instaurer un impôt progressif sur les sociétés et taxer les dividendes reversés à des entreprises[126]. Le projet, défendu à l'origine par le secrétaire au Trésor Morgenthau, permit au président de rivaliser sur sa gauche avec le sénateur de Louisiane Huey Long dont les propositions en la matière étaient plus radicales que les siennes[127]. En réponse, le Congrès adopta le Revenue Act of 1935 qui n'augmenta pas significativement les recettes du gouvernement fédéral mais accentua le poids de l'impôt sur les plus riches. Un taux d'imposition maximal de 79 % fut fixé pour les revenus supérieurs à cinq millions de dollars, ce qui, en 1935, ne concernait qu'un seul individu, John D. Rockefeller[126]. Dans les premiers mois de 1936, après l'adoption du Bonus Act, Roosevelt chercha de nouveau à augmenter les impôts sur les bénéfices des entreprises ; les élus du Congrès validèrent alors une proposition de loi qui, bien qu'inférieure aux attentes du président, créait une taxe sur les bénéfices non distribués des sociétés[128].
La politique éducative du New Deal se distinguait radicalement des pratiques antérieures. Elle était spécifiquement destinée aux plus pauvres et portée dans une large mesure par des femmes bénéficiaires des programmes d'aide sociale ; elle ne reposait pas sur le professionnalisme, ni n'était élaborée par des experts. Au contraire, elle reposait sur la notion « antiélitiste » qu'un bon professeur n'avait pas besoin du diplôme adéquat, que l'apprentissage ne se résumait pas à la seule salle de classe et que l'éducation du tiers le plus pauvre de la population devait être une priorité. Les directeurs des écoles publiques, qui furent tenus à l'écart aussi bien des nouvelles décisions que des subventions du New Deal, furent outrés par ces mesures. Quoique dans une situation financière tout à fait délicate à la suite de l'effondrement de l'économie nationale, ils étaient bien organisés et tentèrent à plusieurs reprises, en 1934, 1937 et 1939, de faire abolir les programmes éducatifs du New Deal, en vain. Au sein même du gouvernement fédéral, Roosevelt amputa le budget et les effectifs du Bureau de l'éducation, pourtant composé d'individus hautement qualifiés, et refusa de s'entretenir avec son responsable, John Ward Studebaker[129]. Par ailleurs, les compétences dispensées aux jeunes hommes sans emploi par le Civilian Conservation Corps étaient strictement encadrées afin d'empêcher toute mise en concurrence avec les travailleurs syndiqués au chômage. Le CCC disposait de ses propres classes, accessibles sur la base du volontariat ; les cours avaient lieu après les heures de travail et se concentraient principalement sur l'enseignement de la lecture et de l'écriture aux jeunes hommes qui avaient quitté l'école avant le lycée. La National Youth Administration ouvrit également ses propres lycées qui fonctionnaient indépendamment des écoles publiques sous contrôle étatique[130].
La condition des femmes s'améliora sous la présidence de Roosevelt. Celles qui étaient soutiens de famille furent éligibles aux programmes d'aide sociale, alors qu'une idée communément acceptée dans l'Amérique des années 1930 était que, compte tenu de la pénurie d'emplois, il n'était pas juste de la part du gouvernement d'embaucher à la fois un homme et son épouse[131]. Malgré cela, les agences fédérales du New Deal ne négligèrent pas la présence des femmes qui furent 500 000 à travailler pour la WPA. De ce total, 295 000 furent employées à des travaux de couture qui débouchèrent sur la fabrication de 300 millions de vêtements et de matelas à destination de personnes en détresse et d'institutions publiques telles que les orphelinats. De nombreuses femmes furent également affectées dans les cantines scolaires[132],[133]. De 1929 à 1939, le pourcentage de femmes nommées à des postes de fonctionnaires passa de 14,3 % à 18,8 % tandis que la main-d'œuvre de la WPA était presque à moitié féminine[134] ; de même, le nombre de femmes salariées était de 13 millions en 1940 contre 10,5 millions en 1930, soit une augmentation de 24 %. Si les travailleuses étaient encore peu présentes dans les secteurs à fort taux de chômage comme l'industrie minière, elles se taillèrent en revanche une place de choix dans les emplois de bureau ou dans certaines branches de l'industrie légère telles que l'agroalimentaire[135].
Roosevelt nomma plus de femmes à des postes de la fonction publique que n'importe lequel de ses prédécesseurs. La secrétaire au Travail Frances Perkins fut ainsi la première femme à siéger au sein d'un cabinet présidentiel[136]. Florence E. Allen, désignée par Roosevelt pour intégrer la Cour d'appel pour le sixième circuit en 1934, fut également la première femme à servir au sein d'une cour d'appel fédérale[137]. Quant à la Première dame Eleanor Roosevelt, elle eut un rôle très remarqué dans l'édification d'un réseau de femmes investies de responsabilités consultatives et dans la défense des programmes d'aide sociale. De fait, sous l'ère du New Deal, les Américaines accédèrent à la vie publique dans des proportions qui demeurèrent inégalées jusqu'aux années 1960[138]. À partir de 1941, Eleanor Roosevelt coprésida ― en tandem avec le maire de New York Fiorello La Guardia ― le Bureau de la défense civile (OCD), une agence civile destinée à prémunir les populations d'une attaque sur le sol américain. Elle chercha notamment à accroître l'implication des femmes à l'échelon local, mais ses différends avec La Guardia et une controverse sur les salaires jugés excessifs de plusieurs intervenants engagés par l'OCD précipitèrent sa démission en [139]. D'une manière générale, l'historien Alan Brinkley considère que l'égalité des sexes ne figurait pas encore à l'ordre du jour :
« Le New Deal n'a pas, non plus, fait bien plus qu'un effort symbolique dans son approche des problèmes liés à l'égalité des sexes […]. Les programmes du New Deal (même ceux conçus par les femmes du New Deal) continuèrent la plupart du temps à refléter les préjugés traditionnels sur les rôles des femmes et ne répondirent que très timidement aux aspirations de celles qui recherchaient l'indépendance économique et des opportunités professionnelles. L'intérêt pour les droits individuels et collectifs, devenu si central dans le progressisme d'après-guerre […], était faible, et parfois presque inexistant, dans le cadre même du New Deal[140]. »
Tout au long du premier mandat de Roosevelt, les juges de la Cour suprême furent divisés entre les « trois mousquetaires » progressistes, les « quatre cavaliers » conservateurs et les deux magistrats non affiliés, le juge en chef Charles Evans Hughes et le juge associé Owen Roberts[141]. Les membres les plus conservateurs de la Cour adhéraient aux principes de l'ère Lochner au cours de laquelle les tribunaux s'étaient opposés à de nombreuses lois réglementant le travail au nom de la liberté contractuelle[142]. Certains réformistes comme Theodore Roosevelt s'étaient élevés en leur temps contre ce « gouvernement des juges » et il était évident que les ambitieux programmes économiques et sociaux de Franklin Roosevelt allaient être examinés avec attention par la Cour. Celle-ci invalida une première composante du New Deal dans l'arrêt de 1935 A.L.A. Schechter Poultry Corp. v. United States. L'année suivante, elle se prononça en faveur de l'abrogation de l'Agricultural Adjustment Act (arrêt United States v. Butler)[143]. La constitutionnalité de la loi sur la Sécurité sociale et du National Labor Relations Act devait également être vérifiée par la Cour au début de l'année 1937[144].
Ces décisions furent critiquées par une importante frange du spectre politique qui souhaitait réduire l'influence de la Cour au moyen d'un amendement constitutionnel ; cependant, modifier la Constitution était chose complexe et Roosevelt se mit en quête d'une solution législative[145]. Après sa réélection en 1936, il soumit un projet de loi sur la réforme des procédures judiciaires (Judicial Procedures Reform Bill of 1937) qui devait lui permettre de nommer un juge supplémentaire pour chaque juge en fonction dont l'âge était supérieur à 70 ans, ce qui était le cas de six d'entre eux en 1937. Depuis sa création, l'effectif de la Cour suprême avait été modifié à sept reprises par le Congrès, le dernier changement en date remontant à la loi judiciaire de 1869 qui avait fixé à neuf le nombre de juges[146]. Si Roosevelt vanta le bien-fondé de sa réforme au nom de l'efficacité du processus judiciaire, il était clair pour tout le monde que son véritable objectif était de nommer des juges favorables à sa politique[147].
De fait, ce que le président considérait comme un projet de loi nécessaire et mesuré fut assez largement ressenti dans le pays comme une atteinte au principe de l'indépendance de la justice et ses détracteurs eurent tôt fait de qualifier l'initiative de Roosevelt de « plan de bourrage de la Cour » (court packing plan)[148]. La proposition de Roosevelt fut farouchement contestée jusque dans les rangs de son propre parti, notamment par le vice-président Garner[149]. Une coalition bipartisane de progressistes et de conservateurs se forma alors pour empêcher l'adoption du projet de loi tandis que le juge en chef Hughes sortit de sa réserve pour dénoncer publiquement la réforme. Les derniers espoirs de faire adopter le Judiciary Procedures Reform Bill s'évanouirent avec la mort du chef de la majorité démocrate au Sénat Joseph Taylor Robinson en . La défaite fut cuisante pour Roosevelt qui avait épuisé une grande partie de son capital politique dans la bataille[150]. Sa tentative de contourner l'hostilité de la Cour lui coûta par ailleurs le soutien d'éminents progressistes tels que le sénateur du Montana Burton K. Wheeler[151] ou le journaliste Walter Lippmann[152].
En , alors que le débat sur la réforme des procédures judiciaires faisait rage, la Cour rendit l'arrêt West Coast Hotel Co. v. Parrish qui, par cinq voix contre quatre, approuvait une hausse du salaire minimum à l'échelon étatique, alors que la Cour s'était prononcée contre une telle augmentation l'année précédente. Cela était dû à une volte-face du juge Roberts qui, depuis ce premier jugement, avait révisé sa position. La décision des juges fut généralement interprétée comme une évolution majeure de la philosophie judiciaire de la Cour ; le vote de Roberts, en particulier, fut qualifié dans un journal de « revirement qui a sauvé les neuf », dans la mesure où il rendait définitivement caduque toute velléité d'expansion de la Cour. Toujours en 1937, cette dernière entérina le National Labor Relations Board et les principales dispositions de la loi sur la Sécurité sociale[15].
Profitant de la faiblesse momentanée de Roosevelt à la suite de l'échec de sa réforme judiciaire, les démocrates conservateurs se joignirent aux républicains pour empêcher la mise en œuvre de nouveaux programmes du New Deal[153]. Sous l'impulsion du sénateur Josiah Bailey, un groupe de parlementaires bipartisan rédigea un « manifeste conservateur » qui accusait le New Deal d'avoir favorisé la montée en puissance des syndicats, l'augmentation des impôts, la réglementation de l'activité économique et le développement des programmes d'aide sociale[154].
Roosevelt parvint malgré tout à faire adopter certains textes qui recueillaient l'approbation d'au moins une partie des républicains. La loi sur le logement de 1937, qui permit en deux ans la construction de 270 000 logements sociaux, et la seconde loi d'ajustement agricole, qui rétablissait l'Agricultural Adjustment Administration (AAA) et bénéficiait du soutien du puissant lobby des fermiers, étaient dans ce cas[155]. En 1938, le Congrès adopta la loi sur les normes du travail équitable (FLSA) qui interdisait le travail des enfants, établissait un salaire minimum fédéral et instaurait une rémunération des heures supplémentaires pour les employés qui travaillaient plus de 40 heures par semaine ; ce fut la dernière grande réforme du New Deal[156]. Elle fut votée par certains élus républicains du Nord qui s'inquiétaient de la concurrence des bas salaires en vigueur dans les usines du Sud[157].
Le brusque effondrement du marché boursier en 1937 fut à l'origine de la récession de 1937-1938 qui se produisit alors même que la Grande Dépression n'était toujours pas résorbée. Sous l'influence d'économistes comme John Maynard Keynes, Marriner Eccles et William Trufant Foster, Roosevelt se départit alors de son conservatisme fiscal pour s'engager franchement en faveur d'un plan de relance économique. En augmentant les dépenses fédérales, le président espérait en effet entraîner une hausse de la consommation qui devait à son tour permettre aux employeurs du secteur privé de recruter davantage de main-d'œuvre et de diminuer ainsi le taux de chômage. Au milieu de l'année 1938, Roosevelt autorisa l'octroi de nouveaux prêts à l'industrie privée par l'intermédiaire de la Reconstruction Finance Corporation et obtint l'aval du Congrès pour allouer plus de 4 milliards de dollars de crédit à la WPA, la FSA, la PWA et d'autres programmes similaires[158].
Les nombreuses réformes engagées par Roosevelt eurent pour effet d'augmenter considérablement la taille et le poids du gouvernement fédéral. Ainsi, 65 agences exécutives furent créées rien que durant les deux premières années de sa présidence et le nombre de fonctionnaires civils fédéraux passa de 610 000 en 1931 à 954 000 en 1939[159]. En 1936, Roosevelt mit sur pied le comité Brownlow pour recommander des changements dans la structure de la branche exécutive. En conclusion de leurs travaux, les membres du comité rappelèrent que les différentes agences gouvernementales avaient gagné en puissance et en indépendance au fil du temps et qu'il était nécessaire pour le président de reprendre en main la situation. Ils élaborèrent pour ce faire un plan qui suggérait de fusionner une centaine d'agences en seulement douze départements dont la gestion serait confiée à des assistants du président. En 1939, le Congrès vota la loi de réorganisation qui reprenait les propositions formulées par le comité Brownlow[160].
Roosevelt créa dans la foulée le Bureau exécutif du président afin d'affermir encore davantage le contrôle du chef de l'État sur la branche exécutive. En outre, il amalgama plusieurs organismes gouvernementaux dédiés aux politiques de travaux publics et d'aide sociale pour donner naissance à l'Agence fédérale des travaux et à l'Agence fédérale de sécurité sociale. Enfin, il rattacha le très influent Bureau du budget, qui dépendait jusqu'alors du département du Trésor, au Bureau exécutif présidentiel[160]. Pour André Kaspi et Hélène Harter, ce transfert fut important en ce qu'il permit à Roosevelt « d'avoir l'initiative financière et, par conséquent, de définir les actions prioritaires au détriment du Congrès »[161]. La nouvelle loi autorisait par ailleurs la mise en place d'un Bureau de gestion des urgences (Office of Emergency Management) qui déboucha sur la création d'une multitude d'autres agences durant la guerre. La réorganisation de 1939 est surtout connue pour avoir donné au président la possibilité de s'entourer d'un essaim d'assistants et de conseillers en tout genre qui jouissaient d'une autonomie assez importante dans leurs champs de compétence respectifs, en particulier pour ceux qui disposaient d'un solide réseau au Congrès[162].
De tous les ministres de Roosevelt, seuls Ickes et Perkins gardèrent leur poste du début à la fin.
Roosevelt effectua un voyage international en tant que président-élu et vingt autres tout au long de ses quatre mandats présidentiels[163].
Dates | Pays | Lieux | Raisons du déplacement | |
---|---|---|---|---|
1 | 6 au 14 février 1933 | Bahamas | Séjour de pêche (visite en tant que président-élu). | |
2 | 29 juin au 1er juillet 1933 | Canada | Île Campobello | Vacances. |
3 | 29 mars au 11 avril 1934 | Bahamas | Elbow Cay Gun Cay[164] |
Séjour de pêche. |
4 | 5 au 6 juillet 1934 | Haïti | Cap-Haïtien | Visite informelle dans le cadre d'un déplacement à Hawaï. |
10 juillet 1934 | Colombie | Carthagène | ||
11 au 12 juillet 1934 | Panama | Panama | ||
5 | 27 mars au 6 avril 1935 | Bahamas | Cat Cays Lobos Cay Inagua Crooked Island[164] |
Séjour de pêche. |
6 | 16 octobre 1935 | Panama | Balboa | Visite informelle de retour d'un voyage sur la côte Ouest des États-Unis. Rencontre avec le président Harmodio Arias. |
7 | 24 mars au 7 avril 1936 | Bahamas | Inagua Nassau |
Séjour de pêche. Déjeuner avec le gouverneur Bede Clifford et le président du Conseil législatif George Johnson[165]. |
8 | 28 au 30 juillet 1936 | Canada | Île Campobello | Vacances. |
31 juillet 1936 | Québec | Visite officielle. Rencontre avec le gouverneur général John Buchan. | ||
9 | 21 novembre 1936 | Trinité-et-Tobago | Port-d'Espagne | Escale lors d'un voyage vers l'Amérique du Sud. |
27 novembre 1936 | Brésil | Rio de Janeiro | Discours au Congrès national brésilien. | |
30 novembre au 2 décembre 1936 | Argentine | Buenos Aires | Session de la Conférence panaméricaine pour le maintien de la paix. | |
3 décembre 1936 | Uruguay | Montevideo | Visite officielle. Rencontre avec le président Gabriel Terra. | |
11 décembre 1936 | Trinité-et-Tobago | Port-d'Espagne | Escale lors du voyage de retour aux États-Unis. | |
10 | 4 au 5 août 1938 | Panama | Balboa | Visite informelle au président Juan Demóstenes Arosemena lors d'un séjour de vacances aux Caraïbes. |
11 | 18 août 1938 | Canada | Kingston | Réception d'un diplôme honorifique de l'Université Queen's et inauguration du pont des Mille-Îles en compagnie du Premier ministre William Lyon Mackenzie King et du lieutenant-gouverneur de l'Ontario Albert Edward Matthews. |
12 | 14 au 16 août 1939 | Canada | Île Campobello Sydney |
Vacances. |
17 au 20 août 1939 | Dominion de Terre-Neuve | Baie des Îles Bonne Baie | ||
21 au 23 août 1939 | Canada | Halifax | ||
13 | 27 février 1940 | Panama | Cristóbal Balboa |
Rencontre informelle avec le président Augusto Samuel Boyd lors d'un séjour de vacances. |
14 | 5 décembre 1940 | Jamaïque | Kingston | Visite de bases militaires britanniques en vue d'une éventuelle utilisation par l'armée américaine. |
8 décembre 1940 | Sainte-Lucie | Visite de bases militaires britanniques en vue d'une éventuelle utilisation par l'armée américaine. | ||
8 décembre 1940 | Martinique | Fort Saint-Louis | Rencontre avec des hauts fonctionnaires américains. | |
9 décembre 1940 | Îles-sous-le-Vent britanniques | Antigua | Visite de bases militaires britanniques en vue d'une éventuelle utilisation par l'armée américaine. | |
12 au 13 décembre 1940 | Bahamas | Eleuthera | Visite de bases militaires britanniques en vue d'une éventuelle utilisation par l'armée américaine. Rencontre avec le duc de Windsor, gouverneur de l'archipel. | |
15 | 9 au 12 août 1941 | Dominion de Terre-Neuve | Argentia | Rencontre avec le Premier ministre britannique Winston Churchill à bord du cuirassé HMS Prince of Wales et du croiseur lourd USS Augusta dans la baie de Plaisance. Promulgation de la charte de l'Atlantique à l'issue de la conférence[166]. |
16 | 11 janvier 1943 | Trinité-et-Tobago | Port-d'Espagne | Escale de nuit lors d'un voyage vers l'Afrique. |
12 janvier 1943 | Brésil | Belém | ||
13 janvier 1943 | Gambie | Bathurst | ||
14 au 25 janvier 1943 | Protectorat français au Maroc | Casablanca | Conférence de Casablanca en compagnie du Premier ministre britannique Winston Churchill. | |
25 janvier 1943 | Gambie | Bathurst | Escale de nuit au retour de Casablanca. | |
26 et 27 janvier 1943 | Liberia | Monrovia | Visite informelle. Rencontre avec le président Edwin Barclay. | |
28 janvier 1943 | Brésil | Natal | Visite informelle. Rencontre avec le président Getúlio Vargas. | |
29 janvier 1943 | Trinité-et-Tobago | Port-d'Espagne | Escale de nuit au retour de Casablanca. | |
17 | 20 avril 1943 | Mexique | Monterrey | Rencontre dans le cadre de visites réciproques transfrontalières avec le président Manuel Ávila Camacho. |
18 | 17 au 25 août 1943 | Canada | Québec Ottawa |
Première conférence de Québec en compagnie du Premier ministre William Lyon Mackenzie King et du Premier ministre britannique Winston Churchill. Discours aux sénateurs, aux membres de la Chambre des communes et à la population à l'extérieur du Parlement[167]. |
19 | 20 au 21 novembre 1943 | Algérie française | Oran | Débarquement. |
21 au 22 novembre 1943 | Protectorat français de Tunisie | Tunis | Escale de nuit. | |
22 au 26 novembre 1943 | Royaume d'Égypte | Le Caire | Première conférence du Caire en compagnie du Premier ministre britannique Winston Churchill et du dirigeant chinois Tchang Kaï-chek. | |
27 novembre au 2 décembre 1943 | Iran | Téhéran | Conférence de Téhéran avec le dirigeant soviétique Joseph Staline et le Premier ministre britannique Winston Churchill. | |
2 au 7 décembre 1943 | Royaume d'Égypte | Le Caire | Seconde conférence du Caire avec le Premier ministre britannique Winston Churchill et le président turc İsmet İnönü. | |
7 au 9 décembre 1943 | Protectorat français de Tunisie | Tunis | Rencontre avec le général Dwight D. Eisenhower. | |
8 décembre 1943 | Malte | La Valette | Visite des fortifications militaires alliées. | |
8 décembre 1943 | Italie | Castelvetrano | Visite des fortifications militaires alliées. | |
9 décembre 1943 | Sénégal | Dakar | Rembarquement pour les États-Unis. | |
20 | 11 au 16 septembre 1944 | Canada | Québec | Seconde conférence de Québec en compagnie du Premier ministre britannique Winston Churchill et des chefs d'état-major combinés de l'armée alliée. |
21 | 2 février 1945 | Malte | Floriana | Conférence de Malte avec le Premier ministre Winston Churchill. |
3 au 12 février 1945 | Union soviétique | Yalta | Conférence de Yalta avec le dirigeant soviétique Joseph Staline et le Premier ministre britannique Winston Churchill. | |
13 au 15 février 1945 | Royaume d'Égypte | Grand lac amer Canal de Suez Alexandrie |
Rencontre avec le roi Farouk, l'empereur éthiopien Haïlé Sélassié, le roi d'Arabie saoudite Ibn Saoud et le Premier ministre britannique Winston Churchill. | |
18 février 1945 | Algérie française | Alger | Brief des ambassadeurs américains au Royaume-Uni, en France et en Italie au sujet de la conférence de Yalta. |
Le , eurent lieu les premières élections de mi-mandat de la présidence de Roosevelt. Alors que ce scrutin était généralement défavorable pour l'administration au pouvoir, le Parti démocrate remporta une victoire écrasante à la Chambre des représentants en remportant 322 sièges contre 103 pour le Parti républicain, 7 pour le Parti progressiste et 3 pour le Farmer Labor. En ce qui concerne les élections sénatoriales, elles furent également largement remportées par les démocrates avec 69 sièges contre 25 pour les républicains, 1 au Farmer-Labor et également 1 pour les progressistes.
De fait, ces premières élections de mi-mandat furent les plus concluantes jamais remportées par un parti au pouvoir au cours du XXe siècle. Les partisans du New Deal surmontèrent l'opposition des républicains, des milieux d'affaires tels que la Chambre de commerce des États-Unis et des démocrates déçus comme Al Smith qui venait de fonder l'American Liberty League, très hostile à Roosevelt. De plus, le scrutin amorça un recentrage des démocrates dans les zones urbaines du Nord plutôt que dans leur bastion traditionnel du Sud ; le futur président Harry S. Truman fut ainsi élu comme sénateur dans le Missouri[168].
Ceci, combiné aux nombreuses pertes essuyées par les républicains conservateurs à travers le pays, donna un puissant coup de fouet au programme politique de Roosevelt et ce fut à cette époque que les Noirs commencèrent à basculer dans le giron démocrate. Un exemple de cette évolution était Arthur Wergs Mitchell qui fut le premier élu démocrate noir du Congrès[169].
Roosevelt avait longtemps craint que la possible candidature d'Huey Long ou d'un républicain progressiste à l'élection présidentielle de 1936 ne divisât le vote de gauche. Cependant, le second New Deal ainsi que l'assassinat de Long en empêchèrent le déroulement d'un tel scénario[170]. En conséquence, Roosevelt et Garner furent reconduits à l'unanimité sur le ticket démocrate lors de la convention nationale du parti de 1936. Ce fut à cette occasion que fut abolie la « règle des deux tiers » qui imposait pour le prétendant à l'investiture de rassembler les deux tiers des délégués au lieu d'une majorité simple, ce qui revenait à doter les États du Sud d'un véritable droit de veto sur le choix du candidat à la présidence[171].
Compte tenu du rejet déjà palpable suscité par les réformes progressistes du New Deal dans les milieux conservateurs, Roosevelt effectua un virage à gauche et critiqua avec force les agissements du grand capital. Son adversaire républicain était le gouverneur du Kansas Alf Landon, un progressiste qui, tout en étant globalement favorable au New Deal, dénonçait l'hostilité de ce dernier aux entreprises et la gabegie financière engendrée par les nouveaux programmes fédéraux. Roosevelt fut largement réélu avec 60,8 % du vote populaire et fut proclamé vainqueur dans l'ensemble des États à l'exception du Maine et du Vermont[172]. Il obtint en outre 523 votes de grands électeurs contre seulement 8 pour Landon, ce qui était le plus important écart de ce type depuis l'élection de 1820. Lors des élections législatives qui se déroulèrent à la même période, les démocrates raflèrent près des trois quarts des sièges à la Chambre des représentants et au Sénat[173].
Le , eurent lieu les élections de mi-mandat du second mandat du président Roosevelt. Le Parti démocrate remporta 262 sièges à la Chambre des représentants contre 169 au Parti républicain, 8 pour le Parti progressiste et 1 pour le Farmer-Labor. Le Parti démocrate remporta également les élections sénatoriales en gagnant 77 sièges contre 23 aux républicains, 2 au Farmer-Labor, 1 seul progressiste et 1 indépendant.
Les élections de mi-mandat du , au milieu du troisième mandat de Roosevelt furent les premières élections de mi-mandat à se dérouler en temps de guerre depuis celles de 1918, sous la présidence de Woodrow Wilson. Le principal sujet de la campagne électorale fut donc l'intervention des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale. La Chambre des représentants resta aux mains des démocrates qui conservèrent de justesse la majorité avec 222 sièges contre 209 aux républicains, 2 aux progressistes, 1 au Farmer-Labor et 1 aussi pour l'American Labor. Quant au Sénat, il resta largement aux mains du Parti démocrate qui remporta 57 sièges. Le Parti républicain en remporta 38 et le Parti progressiste un seul.
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