Loading AI tools
De Wikipédia, l'encyclopédie libre
En linguistique, la négation (du latin negare, nier)[1] est une opération qui consiste à désigner comme fausse une proposition préalablement exprimée ou non ; elle s’oppose à l’affirmation.
Bien que nécessairement liés aux différents concepts de négation en logique, les multiples faits de langue correspondants posent des problèmes d’interprétation spécifiques, qui sont étudiés dans un cadre non strictement syntaxique ou monolinguistique. Les points de vue des linguistes sont variés, discutés et parfois contradictoires.
Comme beaucoup de termes abstraits similaires, le mot négation prend plusieurs sens qui, plutôt qu'à des cas d'homonymie ou même de polysémie, correspondent aux différents aspects d'un même concept :
On l’utilise aussi parfois pour représenter un morphème ou lexème employé pour exprimer la négation, quoique dans ce cas l'on parle plutôt de négateur.
Si la notion même de négation apparaît comme l’une des plus fondamentales de l’esprit humain (« toutes les langues actuellement décrites comportent un (ou plus d'un) morphème négatif, analogue au français ne... pas »)[4], sa définition linguistique fait l’objet d’interprétations diverses. Elle peut notamment être considérée comme :
D’une façon générale et quelle que soit la langue, la négation est toujours marquée, c’est-à-dire qu'une assertion non marquée est considérée, par défaut, comme affirmative. Le statut linguistique de la négation n’est donc pas équivalent à celui de l’affirmation.
En fait, comme le remarque Antoine Culioli[5], « il n'existe pas, dans quelque langue que ce soit, de marqueur unique d'une opération de négation » : le terme de négation recouvre donc une réalité multiple.
Par rapport à la négation logique ou mathématique (voire désormais informatique), la négation linguistique apparaît comme beaucoup plus complexe. On peut remarquer :
En grammaire traditionnelle, on distingue habituellement[6] trois (ou quatre) types principaux de phrases simples :
La négation peut se superposer au moins aux trois premiers types (on parle de forme négative, ou de transformation négative) ; il s’agit donc d’une notion complémentaire, qui ne se situe pas sur le même plan (même si Maurice Grevisse par exemple[7] distingue du point de vue de la forme des propositions affirmatives, négatives, interrogatives et exclamatives) :
On remarque toutefois que dans le cas de la phrase interrogative, la transformation négative n’a généralement de sens que pour une question de type oui / non (interrogation « totale »), et non pour les interrogations dites « partielles » :
De surcroît, même lorsque la négation est acceptable, la valeur illocutoire de l’interrogation lui attribue souvent une signification ou une nuance particulière (politesse, etc. ; voir plus bas).
La phrase injonctive négative peut exprimer la défense, l'exhortation (Ne jetez pas vos déchets n'importe où, Ne nourrissez pas les animaux), l'interdiction (« prohibitif », fréquemment avec l'infinitif en français : Ne pas jeter de déchets), mais aussi le conseil, etc. (Ne crois pas tout ce qu'il raconte). Dans bon nombre de langues, comme le sanskrit (voir plus bas), le grec ancien, l'arménien, le morphème négatif utilisé dans ce cas diffère du morphème utilisé dans les déclaratives.
La phrase exclamative, lorsqu’elle ne constitue pas simplement une emphatisation d’une déclarative (ex : On a gagné !) pose également des problèmes de négativation, du moins en français :
Dans le cas des phrases complexes, la négation peut s’appliquer à une proposition particulière (principale ou subordonnée), ce qui rend épineuse la question de la valeur de vérité de la phrase dans son ensemble :
La nature grammaticale des morphèmes utilisés pour exprimer la négation varie selon les langues et le contexte d'énonciation. On peut mentionner :
On peut distinguer négation lexicale (impossible) et négation grammaticale (il ne viendra pas)[10].
On voit que les morphèmes de la négation sont aussi bien incidents à la phrase ou au verbe (c'est le cas des adverbes négatifs) qu'au lexème (c'est le cas des affixes).
Les adverbes de négation sont parfois regroupés dans la catégorie des adverbes d'opinion, au même titre que les adverbes d'affirmation (ex. oui, certes, parfaitement) et de doute (ex. probablement, vraisemblablement)[11].
À titre indicatif, une analyse de fréquence sur un corpus composite en langue russe de plus d'un million de mots[12] indique que le mot ne (« ne pas ») est 3e en russe (1,82 % du total), derrière v (« dans », 4,06 %) et i (« et », 3,43 %) – et ce sans compter les nombreux adjectifs et adverbes commençant par les préfixes ne- ou ni-. Net (« non » ou "si") arrive 51e (0,20 %), ni (« ni ») 79e (0,14 %) et bez (« sans ») 81e (0,13 %). Ničto / ničego, nel'zja, nikto, nikogda (« rien, il ne faut pas, personne, jamais ») représentent chacun entre 0,03 % et 0,06 % du total.
Selon Willard van Orman Quine, « le critère sémantique de la négation est qu'elle change toute phrase courte qui serait de nature à inciter à l'assentiment en une autre qui inciterait au dissentiment, et vice versa »[13].
Dans sa quête des primitives sémantiques universelles, Anna Wierzbicka[14] admet que, parmi les universaux lexicaux, la négation (qu’elle définit comme un « métaprédicat ») est « probablement celui qui est le moins sujet à controverse ». Pourtant, elle n’a introduit NOT dans sa liste de primitives que tardivement : les versions initiales (1972, 1980) incluaient à la place « don’t want », ou « diswant » (littéralement « veux pas »), la négation étant considérée avant tout comme un rejet.
Ce qui l’a conduite à réviser sa position (« ‘not’ is simply ‘not’, and it cannot be reduced to anything else »[15]) fut l’étude de l’acquisition du langage par les enfants. Elle aboutit, avec Lois Bloom[16], à considérer trois usages fondamentaux de la négation chez l’enfant :
Toutefois, elle conserve une réticence à considérer la négation comme équivalente entre les oppositions Je veux / je ne veux pas et Je sais / je ne sais pas.
Culioli[5] oppose l'opération primitive de négation à l'opération construite de négation, étudiée à partir de l'analyse des marqueurs de négation et de leur évolution. Ces opérations mettraient toutefois toutes deux en évidence deux aspects fondamentaux : celui du rejet, qualitatif et subjectif, et celui, quantitatif, de l’absence ou plus largement du hiatus (ou discontinuité). Il évoque aussi l’altérité (« ce n'est pas cela qui est le cas »).
La notion de négation est intimement liée à celle de vérité, envisagée comme l'adéquation entre une représentation mentale (ou son expression), et son objet dans un monde référent ; on parle de sémantique vériconditionnelle.
La question de la vérité par elle-même dépasse le cadre de la discussion : tout énoncé linguistique peut bien sûr être entaché d'erreur ou d'approximation, ou encore être volontairement faux (mensonge).
En logique classique, toute proposition est considérée, soit comme vraie, soit comme fausse (principe du tiers exclu), ce qui s’énonce : (le symbole représentant la négation, définie comme un connecteur logique). La négation de la négation de A est équivalente à A. Il n'existe donc que deux valeurs de vérité possibles.
La logique est atemporelle : elle ne prend pas en compte l'évolution possible dans le temps des valeurs de vérité.
Dans les domaines basés sur la logique classique, comme la géométrie, il y a toutefois lieu de préciser dans quel cadre on se situe. Ainsi, « la somme des angles d'un triangle est égale à 180° » est une proposition toujours vraie en géométrie euclidienne, mais non dans l'espace, en raison de la courbure spatiale.
Outre le symbole (Unicode U+00AC), on utilise parfois pour représenter la négation :
En logique intuitionniste le statut de la négation est différent de celui de la logique classique puisque le tiers exclus n'y est pas reconnu et une proposition n'est pas équivalente à sa double négation. Plus précisément, dans cette logique on a , mais on n'a pas .
La logique linéaire propose une notion de négation linéaire ( ou ).
Divers systèmes ont été proposés[20] pour prendre en compte des situations plus complexes, et des valeurs de vérité multiples. Ce sont essentiellement les logiques à 3 valeurs[21] qui ont trouvé des applications en intelligence artificielle ; toutefois, la valeur intermédiaire (ici notée i) prend des significations différentes selon les systèmes. Ainsi :
Par ailleurs, on peut aussi associer un degré, ou coefficient (de fiabilité, de vraisemblance, de précision... ; représenté par exemple par une valeur comprise entre 0 et 1) à une proposition, comme dans les systèmes experts de diagnostic médical, mécanique ou autre (voir Logique floue).
La langue, dont le référent est le monde perçu comme réel et non un sous-système logique, ne peut se contenter d'exprimer une opposition absolue de type vrai / faux, ni même d'utiliser une logique comportant un nombre prédéterminé de valeurs (d'où la frustration que peut ressentir la personne devant répondre à un sondage d'opinion ne comportant que des questions de type oui / non, celles-ci n'étant destinées qu'à faciliter le traitement des réponses).
La négation au sein d'un énoncé peut notamment concerner :
De plus, même lorsqu'à première vue une négation linguistique semble s'apparenter à une formulation logique, son interprétation n'est pas forcément la même. Elle n'a pas manqué une séance se comprend généralement comme "elle n'en a manqué aucune" ( "une" étant compris comme article indéfini : nombre de séances manquées < 1), alors qu'en « logique pure » on peut facilement formuler une combinaison des deux sens possibles de "une", article ou adjectif numéral cardinal en écrivant: (nombre de séances manquées < 1) OU (nombre de séances manquées > 1).
Enfin, contrairement aux langages logiques, les langues naturelles comportent toujours une part d'ambigüité, consciente ou non dans l'esprit du locuteur.
Tous les langages informatiques comportent un opérateur booléen NOT, ou son équivalent. Il s'agit d'un opérateur unaire (i.e., qui n'accepte qu'un seul argument). Placé devant un opérande unique, il inverse la valeur booléenne de cet opérande (il la transforme en son complément logique). Pour inverser la valeur d'une expression plus complexe, comprenant des AND et des OR par exemple, on joue habituellement sur les parenthèses.
Généralement, il existe aussi un opérateur de comparaison spécifique, incorporant la négation. ex. : != ou ne pour signifier not equal (donc différent), qui s'oppose à == ou eq (equal, égal). La comparaison distingue parfois entre l’égalité (même valeur) et l’identité (approximativement : même valeur et même type) : on utilise alors des opérateurs différents.
Par ailleurs, il peut exister un opérateur spécial réalisant le « complément bit à bit » (comme en JavaScript: ~). Celui-ci représente en quelque sorte une variété particulière de négation, spécifiquement informatique.
Enfin, il existe dans certains langages des valeurs particulières, dont la prise en compte oblige à élargir les tables de vérité booléennes habituelles. ex. : Null (peut indiquer que la variable n'a pas encore été initialisée), NaN (Not a Number) (résultat d'une opération incompatible avec les règles arithmétiques)...
Par polarité, on entend habituellement une manière d’envisager un concept unique comme soumis à deux directions antinomiques, appelées pôles. Chacun des deux concepts polaires ne peut se définir que par rapport à son opposé, il n’a pas d’existence en soi. Ainsi il ne peut y avoir de pôle nord sans pôle sud, de pôle + sans pôle -, de Yáng sans Yin, etc. Selon les cas, on parlera d’opposé, d’inverse, de contraire, de contradictoire, de complémentaire, d’antinomie, d’antagonisme, de disjonction, de dichotomie, la différence entre ces termes n’étant pas toujours très nette. (Le terme de polarité est parfois entendu dans le sens restreint du seul « statut positif ou négatif de l'existence d'un événement »[22]).
Dans la langue, il est facile de relever des couples de termes de ce type, notamment parmi les adjectifs :
La polarité est souvent orientée conceptuellement, c'est-à-dire que dans de tels couples, l'un est connoté positivement, l'autre négativement. La connotation peut-être soit quasi universelle (fort # faible, gai # triste), soit culturelle (ex: gauche est connoté négativement dans de nombreuses cultures, le latin sinister signifiant gauche, mauvais, pervers, défavorable)[23]. Les manifestations linguistiques de la dissymétrie des termes entrant en relation de polarité sont très variées, allant du sens à la combinatoire des vocables : le fr. nuit peut souvent se définir comme « absence de jour », le fr. jour comme « l'absence de nuit » (même si l'absence de jour peut être seulement l'obscurité), mais c'est aussi l'espace de temps de 24h contenant l'absence de nuit et l'absence de jour ; on dit « haut comme trois pommes » pour marquer la petite taille, haut fonctionnant alors à l'instar d'un hyperonyme[24],[25].
Lorsqu’il existe des termes intermédiaires (tiède) ou dont la force excède celle des termes habituels (brûlant, glacé), on introduit la notion de scalarité (voir plus bas). Sinon, il s’agit d’antinomies considérées comme exclusives[26].
En linguistique, on parlera d’antonymie, de plusieurs types selon la nature du concept considéré : complémentaire, scalaire, dual... L’application de la négation linguistique à un terme « polaire » ne produira un résultat logiquement prévisible que s’il s’agit d’une antonymie complémentaire (pas présent signifie bien absent). Si le concept est scalaire, le résultat est bien plus nuancé : pas chaud ne signifie pas forcément froid par exemple ; pas blanc ne peut signifier noir que dans des contextes particuliers... Dans le cas de l’antonymie duale (termes considérés comme opposés par l’usage), ce que signifie la négation de l'un des termes dépend fortement du contexte : pas de soleil peut signifier pluie ou lune, pas manger : boire ou jeuner, etc.
La négation appliquée à un quantificateur (tout, jamais, un, certains...) pose également des problèmes (voir plus bas), ces concepts ne semblant pas être bipolaires, mais tri- ou quadripolaires.
Enfin, pour un grand nombre de termes (dont la plupart des substantifs et des verbes), le concept de polarité ne s’applique pas, et la négation ne peut donc s’interpréter dans ce cadre : pas de papier ne signifie ni le contraire, ni l’inverse de papier (ce qui n’aurait pas de sens), mais : absence de papier ; ne pas écrire signifie s’abstenir d’écrire ou faire autre chose qu’écrire ; pas bleu signifie d’une couleur, quelle qu’elle soit, qui ne peut être qualifiée de bleue (et non pas orange)[27].
En logique, deux termes sont dits contradictoires s'ils « englobent tout ce qui existe et excluent tout moyen terme » (ceci rejoint la notion de complémentaire), alors que deux termes contraires « ont un ou plusieurs moyens termes »[28] (voir ci-après : La scalarité).
Otto Jespersen fait remarquer[28] que les termes contradictoires sont souvent exprimés par des dérivés (malheureux, impossible, désordre, non-violence), alors que pour les termes contraires, on utilise très souvent des paires de mots de racines différentes : jeune / vieux, bon / mauvais, grand / petit. L'espéranto constitue une exception remarquable à cette règle, puisqu'il utilise systématiquement le préfixe mal- pour former les contraires (et ne- pour les contradictoires ; voir plus bas).
Un concept est dit scalaire (du latin scala, échelle) lorsque les termes qui en relèvent peuvent être disposés de façon ordonnée sur un axe orienté (symétrique ou non) ; on parle aussi de gradation[29]. Exemples :
D'un point de vue logique, ces termes sont liés par une relation d'implication :
Selon certains, dans le cadre de la négation descriptive[30], une loi d'abaissement s'appliquerait généralement :
Cette loi s'appliquerait également aux valorisations chiffrées :
et aux quantificateurs :
Il n'est cependant pas difficile de trouver des contre-exemples :
Il faut également prendre garde à l'orientation argumentative. Ainsi, le terme peu (de) est orienté négativement (contrairement à quelques, un peu), et donc :
L'utilisation de [et] même permet de repérer une gradation :
À la forme négative, il est plus naturel d'inverser l'ordre des termes doit (loi d'inversion argumentative) :
Il faut se rappeler que l'interprétation de qualificatifs tels que grand, haut... dépend de la classe d'objets considérés :
La rhétorique joue fréquemment sur l'ambigüité de la signification de la négation, selon qu'on se place dans le cadre des contradictoires ou de la scalarité.
Ainsi accepter et refuser semblent contradictoires, mais ne le sont pas si l'on envisage des situations intermédiaires telles que j'accepte, mais je ne prends pas la responsabilité des conséquences négatives éventuelles de cette acceptation, j'accepte, mais je ne pourrai agir en conséquence qu'au bout d'un certain temps, etc.
Dans La nuit, tous les chats sont gris, le prédicat sont gris représente la négation de ont une couleur discernable. La publicité télévisée où deux ménagères exhibent chacune une chemise, l'une tellement blanche qu'elle est en fait légèrement bleue et l'autre tellement grise qu'elle paraît légèrement jaune, repose sur une notion de « gris » opposé à « blanc », donc sur une logique binaire. La marque concurrente, qui promeut un produit qui laverait « plus blanc », cherchera à utiliser les mêmes mots, mais en se plaçant dans une autre perspective, en remplaçant l'alternative blanc ou gris par un continuum dans lequel blanc n'est pas non-gris, mais l'une des extrémités d'une gamme qui s'étendrait d'un blanc idéal à un gris sale, synonyme de « comme s'il n'y avait rien eu de fait ».
Laurence R. Horn, à la suite de Jespersen, a mis en évidence[31] une particularité remarquable des langues naturelles, en rapport avec le carré logique des oppositions : s'il existe des mots pour les quantificateurs universels affirmatifs (tous, chaque), universels négatifs (aucun, nul), particuliers affirmatifs (quelques, certains), on ne trouve dans aucune langue de terme élémentaire pour les particuliers négatifs (angle O du carré). Il faut recourir à des contournements négatifs telles que : pas tous les, ce qui fait ressortir un « trou lexical » systématique.
À partir de l'exemple :
Horn conjecture que (2) diffère de (1) au niveau de ce qui est dit (les conditions de vérité), mais pas au niveau de ce qui est communiqué (implicature), puisque dans les deux cas, la proposition communique :
Et donc que les langues ont tendance à ne pas lexicaliser les valeurs complexes, telles que : quelques... ne... pas, pas toujours, pas les deux, pas... et...
Jacques Moeschler fait remarquer[31] que contrairement aux affirmations, les négations ne se positionnent pas sur une échelle quantitative (scalarité). Son interprétation est que les trous lexicaux détectés ont pour cause « l'absence de rendement [efforts cognitifs-effets cognitifs] dans le calcul des explicatures (spécifications) dans des expressions faibles négatives » : les langues n'auraient en fait pas besoin de mots pour exprimer (O), cette notion n'étant pas ressentie comme suffisamment « pertinente ».
Dès le XVIIIe siècle, dans l'Encyclopédie de d'Alembert et Diderot, Nicolas Beauzée distinguait « mots négatifs » et « mots privatifs »[32] :
La notion d'absence ou de privation peut être notamment exprimée par un préfixe (ex : apatride), par l'expression pas de ou par une préposition, comme sans, qui peut s'appliquer à un nom comptable ou non.
Monneret et Rioul[10] font remarquer que dans le cas d'un nom comptable, le substantif suivant sans sera au singulier ou au pluriel en fonction de son prototype. Ainsi, dans ce passage de Jules Supervielle :
bras et jambes sont au pluriel, tête au singulier, conformément à l'idée qu'on se fait d'une statue ; tandis qu'on écrira plutôt :
Lorsque le prototype n'est pas marqué quant à la partie dont sans signifie l'absence, il y a hésitation :
Dans la phrase suivante, le choix se fera en fonction du présupposé :
(On mettra faute au pluriel pour signifier « il a su éviter les fautes », au singulier pour effectuer un simple constat : « zéro faute dans la copie »).
Déclarer à quelqu'un : « Je ne vous aime pas » dénote habituellement, sinon une haine, du moins une hostilité ou un mépris à l'encontre de l'interlocuteur, donc un sentiment généralement considéré comme inverse de l'amour. Toutefois dans un autre contexte, dire de quelqu'un qu'on ne l'aime pas peut signifier simplement qu'on éprouve une absence d'amour à son endroit, ce qui peut signifier que le sentiment est limité à de l'amitié, à de la sympathie, à un certain intérêt, ou encore à une indifférence totale.
La négation peut donc, selon le cas :
La question de la portée (anglais : scope) de la négation dans une phrase revêt une importance cruciale, notamment pour la traduction automatique et l'intelligence artificielle. Noam Chomsky par exemple interprétait initialement[34] la phrase « Pierre n'aime pas Marie » comme « Pierre aime Marie + transformation négative ». Dans la version étendue de sa grammaire générative et transformationnelle (1965), il constate que cette phrase peut aussi correspondre à : Pierre n'aime pas Marie (il aime Suzanne) ; Pierre n’aime pas Marie (il l'adore) ; Pierre n'aime pas Marie (c'est Hector qui aime Marie). La sémantique déborde sur la syntaxe, la question étant : qu'est-ce qui est nié au juste ?
On distingue entre la négation de phrase, ou phrastique, ou totale, et la négation de constituant, ou partielle. La négation de phrase, réputée « plus facile à représenter comme modale », peut s'interpréter[4] comme « une sorte de refus » appliqué à « la proposition complète », qui peut se paraphraser en faisant précéder la proposition niée de Il est faux que, à l'instar de ces langues où la négation est un verbe mis en tête de l'énoncé[35]. Toutefois, la distinction n'est pas toujours évidente (exemples de Ducrot) :
s'oppose bien à :
mais ces exemples rejoignent le problème général de la négation des quantificateurs (certains, tous) ; d'autre part :
serait une négation de constituant, alors que :
serait une négation de phrase, au motif que ne pas aimer les femmes ne dénoterait pas « une horreur particulière pour les femmes » et que cette phrase se présenterait comme « rejetant une opinion préexistante, admise ou au moins vraisemblable » (interprétation polyphonique).
Ces distinctions affectent le degré de détermination des groupes nominaux et sont parfois marquées. Le russe oppose ainsi deux formes de complément d'objet des verbes nié, suivant que ce complément est intégré à la portée (complément au génitif) ou exclu (complément à l'accusatif ; cf. également infra).
Selon le linguiste Nølke, Larrivée[36] il faudrait distinguer portée et foyer de la négation, le foyer étant, selon Nølke, « un segment de l'énoncé qui véhicule une parcelle d'information marquée comme essentielle », résultant de l'acte de focalisation. Touratier remarque que ce constituant apporte souvent « l'élément informatif central et le plus important de l'énoncé », ou encore le plus rhématique. Ainsi, selon la structure de la phrase, le foyer serait normalement :
Il est facile de voir que le cas des quantificateurs doit être traité à part :
ainsi que celui des adverbes modalisateurs, qui ne sont pas des circonstants :
De fait, les typologues (cf. par ex. l'ouvrage de Claude Hagège cité en note) relèvent que dans près de la moitié des langues connues, la négation s'accompagne d'une réorganisation des indices aspecto-temporels (cf. infra l'exemple de la relation négation/accompli en mandarin).
La négation d'une proposition simple peut s'interpréter de plusieurs manières (d'après Ducrot[4] ; NEG représentant une modalité négative) :
Selon Ducrot, l'interprétation (1) est généralement préférée par les linguistes, en raison des spécificités de la négation, alors que (2) est préférée par les logiciens (dont Frege). La formulation (3) s'appliquerait par exemple à la négation métalinguistique.
John Searle distingue[30] deux éléments de la structure syntaxique de la phrase : le marqueur de contenu propositionnel (indiquant la proposition exprimée) et le marqueur de force illocutionnaire (indiquant l'acte illocutionnaire accompli). Ceci lui permet de rendre compte de la distinction entre négation illocutionnaire et négation propositionnelle, comme dans les exemples suivants [représentation formelle entre crochets] :
Sigmund Freud, cité par Émile Benveniste[38], considérait que la négation pouvait traduire un refoulement, dans le sens d'un refus d'admission préalable :
Selon Benveniste, « le facteur linguistique est décisif dans ce procès complexe », et « la négation est en quelque sorte constitutive du contenu nié, donc de l'émergence de ce contenu dans la conscience et de la suppression du refoulement » ; si le sujet conserve une répugnance à s’identifier au contenu, il n'a pas de pouvoir sur l’existence de ce contenu.
La négation déclarative n'est pas une formulation neutre. Elle répond habituellement, pour la réfuter ou la désapprouver, à une assertion, selon le cas :
Dans le sens où la négation se présente alors comme un « jugement sur un jugement », sa définition en tant que modalité paraît justifiée.
Lorsque l'assertion niée était elle-même à la forme négative, sa réfutation prend, grammaticalement, une forme affirmative.
Il n'existe pas dans toutes les langues de terme équivalent au si français. En russe par exemple, on utilisera plutôt da pour signifier qu'on est d'accord avec la proposition énoncée (qu'elle soit à la forme affirmative ou négative), et net [n'et] pour exprimer son désaccord (voir aussi plus bas le cas du japonais).
Ducrot oppose à la négation polémique la négation descriptive, qui ne constituerait pas une réfutation, mais une information de type négatif. L'exemple mentionné par Touratier[36] :
paraît toutefois douteux, dans le sens où : 1/ cet énoncé est ambigu ou incomplet hors contexte, 2/ devoir est un verbe à valeur modale (déontique ou épistémique selon le cas). On peut interpréter cet énoncé comme :
Ces deux négations sont aussi en jeu dans les deux usages de mais, ainsi que dans les différents usages de non (voir article détaillé : Négation en français).
Dans une logique binaire, la négation d'une négation devrait revenir à l'affirmation initiale. Ce n'est pas forcément le cas en linguistique[30] :
Divers autres indices montrent que négation et affirmation n'ont pas le même statut. C'est le cas du « ou asymétrique », introducteur, selon Chih-Ying Chiang[31], d'un « contexte négatif » empêchant la permutation des deux termes :
même s'il existe des contre-exemples :
Par ailleurs, la négation déclarative est généralement moins informative que l'affirmation, du moins quand il ne s'agit pas de termes simplement contradictoires.
Il existe des mots ou des expressions qui ne peuvent normalement s'employer qu'à la forme négative : on dit qu'ils ont une polarité négative[31]. Ainsi, en français :
Tyvaert suggère[31] que de telles expressions sont conçues directement sous leur forme négative, contrairement au fonctionnement habituel de la négation dans l'esprit (d'abord le concept, puis sa négation) : ce seraient « des propositions négatives considérées pour elles-mêmes (sans renvoi à autant de propositions positives qui permettraient de les obtenir par composition) ».
Certaines de ces locutions ont toutefois d'autres emplois possibles (hypothèse, interrogation) :
S'il est possible de nier l'existence de quelque chose, il n'est en revanche pas possible de nier un déictique[40] :
En anglais, cette distinction requiert une plus grande attention, du fait de la proximité des formes[41] :
Les propositions du type L'actuel roi de France est / n'est pas chauve (ou équivalent) ont fait couler beaucoup d'encre. Quelle est leur valeur de vérité, et que signifie leur négation[30] ?
Russell et Strawson se rejoignent toutefois sur la notion d’ambigüité des énoncés négatifs : il y aurait deux sortes de négation, soit sur un plan lexical, soit sur le plan de la portée.
On a fait appel dans le cadre de cet exemple canonique à la notion de portée large vs portée étroite (il n'y a pas de roi de France # la propriété d'être chauve n'est pas satisfaite par l'individu dont on dit qu'il est roi de France), ou encore de négation interne (qui n'attaque pas les présuppositions) vs négation externe (les attaquant).
Toutefois, Jacques Moeschler[30] fait remarquer que la légitimité de cette distinction est posée, puisqu'on ne trouve pas, dans les langues naturelles, d'exemple de réalisation de ces deux types de négation. Par contre, il y aurait « une différence entre la vérité d'une proposition et son assertabilité » ; Laurence R. Horn propose ainsi de considérer une négation descriptive, vériconditionnelle, et une négation métalinguistique, non vériconditionnelle). La négation serait en fait sémantiquement univoque, mais aurait différents types d'emploi (point de vue pragmatique).
Ducrot[43] utilise ces mêmes termes (négation « descriptive » et « métalinguistique ») à propos des exemples suivants :
et conclut que « lorsque la négation est employée de façon descriptive, il ne fait guère de doute qu'elle conserve les présupposés, notamment les présupposés d'existence », suggérant que les exemples habituels (le roi de France...) sont mal choisis et faussent la discussion.
Selon Moeschler, « la négation est certainement l’exemple le plus spectaculaire pour montrer la divergence entre signification vériconditionnelle et sens pragmatique (non vériconditionnel) du connecteur. »[30] Dans les exemples suivants, la négation n'affecte pas la valeur de vérité de la proposition, mais un autre aspect de l'énoncé (il s'agit donc de négation métalinguistique) :
On remarque que ces énoncés sont auto-référentiels, et aussi (même si Moeschler ne le fait pas) que dans plusieurs de ces exemples, l'expression apparaît au premier abord comme paradoxale, précisément parce qu'on est davantage habitué à l'usage vériconditionnel de la négation. De telles phrases peuvent être considérées comme des effets de style, provoquant la surprise du destinataire, ou encore des clins d'œil[45]. Fréquemment, on marquera dans de tels cas le terme nié, soit oralement, par l'intonation, soit typographiquement, par l'usage du gras (voir le 1er exemple), des guillemets, etc :
La négation est aujourd'hui fréquemment analysée selon la théorie psychomécanique du langage de Gustave Guillaume. Les termes négatifs sont alors comparés et classés en fonction de leur charge négative : il existerait en effet, au cours de la construction de la négation en pensée, un mouvement de négativation, mouvement stoppé plus ou moins précocement selon que la négation est inachevée (comme la négation explétive) ou complète (comme la négation par non).
La négation est parfois utilisée dans les phrases interrogatives de la conversation comme une marque de politesse. Otto Jespersen[28] mentionne la phrase suivante, naturelle en danois, mais parfois surprenante pour un étranger :
Elle semble correspondre dans ce cas à une atténuation de la formulation, ou à la suggestion courtoise d'une réponse dans le sens attendu. Ainsi, en français :
On parle d’interrogation rhétorique, ou oratoire, lorsqu'on feint de poser une question pour mieux en suggérer la réponse, positive ou négative :
L'usage de la négation participe de l'attitude actuellement répandue du politiquement correct, qui consiste notamment à utiliser des euphémismes et des périphrases pour éviter de nommer trop crûment certaines réalités. Ainsi, on dira un non-voyant de préférence à un aveugle, un SDF (« sans domicile fixe ») plutôt qu’un clochard, etc. Louis-Jean Calvet fait remarquer que l'évolution vers des termes tels que malentendants (au lieu de sourds) consiste, non plus à dire les choses différemment, mais à dire des choses différentes, donc à aboutir à une véritable distorsion de la réalité[51].
La négation est fréquemment utilisée dans le registre de l'ironie, où l'on sous-entend l'inverse de ce que l'on exprime[52]:
et de la litote, où il faut entendre davantage que la signification littérale :
On peut parler de négation implicite[28] dans le cas de certaines formulations comme :
Le terme « double négation » s’emploie à propos de trois types de préoccupations différentes :
La seconde préoccupation étant développée plus bas, seules la première et la troisième sont traitées ci-après.
Certaines langues, telles le latin ou l’allemand, permettent de nier la négation en présence d’un seul verbe (y compris ses auxiliaires) dans une proposition.
Pour le latin,
par exemple, une grammaire[55] indique que « deux négations, placées dans la même proposition, valent une affirmation »
L'affirmation est renforcée, quand une négation composée précède une négation simple.
Nemo non venit | il n'est personne qui ne soit venu. |
= tout le monde est venu |
L'affirmation est atténuée dans le cas inverse.
Non nemo venit | ce n'est pas que personne ne soit venu. |
= il n'est pas venu grand monde |
En allemand,
une règle similaire s'applique, comme dans l'exemple suivant[56] :
Ich habe nie keine Beschwerden | Il ne m'arrive jamais de n'avoir à me plaindre de rien. |
= J'ai toujours à me plaindre de quelque chose |
En français,
pour reproduire la même logique avec deux négations, il faut deux verbes :
D’autres langues, telles le français, l’anglais ou le russe, excluent la double négation logique en présence d’un seul verbe (y compris ses auxiliaires) dans une proposition. Dans ce cas, l’utilisation de certains mots, intrinsèquement négatifs, ou prenant un sens négatif dans un contexte négatif ou privatif est soumise à des règles variées qui dépendent de la langue considérée et de son état d’évolution. Ainsi, elle est aujourd’hui normale en français (ne rien dire à personne) ; en espagnol, on trouve concurremment no decir nada (a ninguno), « ne rien dire (à personne) » et ninguno lo dice, « personne (ne) le dit ». En russe, elle est obligatoire : ona nikomu ničego ne skazala (« elle n'a rien dit à personne »)[57], contrairement à l'allemand (keinem / niemandem etwas sagen) ou à l'anglais (to say nothing to anybody). Dans cette dernière langue, la double négation est généralement considérée comme un solécisme ou une marque de langage relâché, alors que dans les textes en vieil anglais et en moyen anglais on la trouve assez couramment[28] :
En anglo-américain populaire d’aujourd’hui, on trouve la forme ain’t no (pour « there is not no ») :
Lorsqu’elle est utilisée, la double négation a généralement un effet expressif de renforcement (Jespersen la nomme « négation cumulative »). Ce n’est pas le cas toutefois dans des expressions telles que :
qui représente une forme atténuée de C’est possible. Jespersen explique que « chaque fois que deux éléments négatifs partiels s’appliquent à une même idée ou à un même mot, on a un résultat affirmatif », ce principe se vérifiant dans « toutes les langues », mais que « l’expression qui comporte la double négation a toujours un sens affaibli ».
En grec ancien, une négation simple (οὐ ou μὴ) suivant une autre négation simple ou composée (comme οὐδείς, « personne ») produit une affirmation, alors qu’une négation composée qui suit une négation simple ou composée renforce la négation[58] :
En français, la locution : « vous n’êtes pas sans ignorer que » doit s’interpréter comme « vous ignorez que » ; elle est fautive si elle veut exprimer « vous ne pouvez pas ignorer », c'est-à-dire quand elle est confondue avec la formulation « vous n’êtes pas sans savoir ». Il s’agit d’une faute signalée comme « grossière et néanmoins courante » dans certains dictionnaires de difficultés du français[59].
Joseph Vendryes fait remarquer[60] que les morphèmes permettant d'exprimer la négation, contrairement par exemple aux noms concrets, qui évoquent des images visuelles, ne sont pas ceux qui frappent en premier lieu l'esprit du destinataire du message ; la conséquence lors de l'utilisation esthétique du langage est que certains écrivains auraient commis « de véritables contresens rythmiques ». Il cite en exemple ces vers d'un « poète contemporain » :
« Et d'entre les rameaux que ne meut nul essor
d'ailes et que pas une brise ne balance, (...) »
et commente : « Ces vers sont bien faits pour donner l'impression du battement des ailes d'un oiseau ou du balancement de la brise, et l'emploi de la négation n'écarte pas cette impression de l'esprit du lecteur. »
L'expression de la négation n'est pas immuable dans une langue, considérée dans une perspective diachronique.
Ainsi, pour le français :
Pour l'anglais, Jespersen[28] indique l'évolution suivante : « Ic ne secge → I ne seye not → I say not → I do not say → I don't say ». (Dans le cas du verbe to know « savoir », on pourrait aujourd'hui ajouter une étape supplémentaire I don't know → I dunno). Le not anglais résulte de : ne (marqueur d'orientation inversée) + ā « "toujours » + wiht « chose »[5].
L'afrikaans semble être la seule langue de la famille germanique occidentale à utiliser la double négation (dans son registre normé)[n 1] :
En allemand, la tournure française pas de + nom est généralement rendue par l'article indéfini négatif kein- ; le pronom keiner (litt. aucun) s'emploie fréquemment au lieu de niemand (personne)[61] :
Le préfixe négatif un- (ex. : unsicher « incertain ») peut dans certains cas prendre un autre sens, à la fois péjoratif et évoquant quelque chose de très éloigné de la moyenne :
L'ancien français[62] possède des forclusifs de temps orientés respectivement vers le passé (onque, unc...) et vers le futur (ja, souvent renforcé par mais, qui aboutira à l'actuel jamais, indifférencié) :
En anglais, dans la négation de phrase, le négateur not doit se placer après une marque explicite de prédication[63], qui peut être un auxiliaire de conjugaison ou un auxiliaire modal. Il est d'ordinaire inaccentué (mais peut toutefois prendre l'accent en cas d'emphase) et s'amalgame à l'auxiliaire dans la prononciation ; ces contractions sont notées à l'écrit en style familier.
Les modalités de l'ordre et de l'autorisation posent des problèmes particuliers : la négation de must, modal de l'obligation, ne produit pas une absence d'obligation mais une interdiction. L'absence d'obligation s'exprime par la négation du modal du besoin need.
La négation de may / might, modal de l'autorisation et de la probabilité, est particulièrement ambigüe : elle peut s'interpréter comme une défense ou comme une probabilité de non-réalisation de l'énoncé. À l'oral, l'ambigüité peut se lever par la mise en relief prosodique de l'un ou l'autre élément.
Dans les phrases interro-négatives, construites par inversion entre l'auxiliaire et le sujet, la contraction du négateur avec le modal en entraîne le déplacement :
L'anglais possède un déterminant duel both « [tous] les deux » doté d'une forme négative : neither « ni l'un ni l'autre »[64] :
La forme not both signifie, elle, « l'un ou l'autre, mais pas les deux » :
En basque[65], la négation ez a tendance à fusionner avec le verbe. Entre la négation et le verbe, on ne peut trouver que certaines particules modales comme othe (interrogatif), ba (conditionnelle), bait (causale), omen (« paraît-il »), etc. :
En breton[66], la négation s'exprime par ne + verbe + ket. Cette forme impose que le verbe soit conjugué en "conjugaison personnelle", avec les marques de personne en fin de verbe :
Quand le sujet est un groupe verbal au pluriel, s'il est placé avant le verbe celui-ci s'accorde en nombre, sinon il reste au singulier. La phrase « les enfants ne sont pas sages » peut donc se dire ar vugale n'int ket fur : sujet avant le verbe, celui-ci est à la 3e personne du pluriel (int), ou n'eo ket fur ar vugale : sujet après le verbe, celui-ci est à la 3e personne du singulier (eo).
Selon une autre interprétation[67], l'opposition se fait entre base verbale et forme conjuguée ; le cas du sujet placé en apposition, derrière le verbe, rejoint le cas où il est placé devant :
La particule ne provoque la mutation adoucissante : krediñ « croire », ne gredan ket « je ne crois pas » : mutation k/g.
À l'impératif, na remplace ne ; la relative négative[67] utilise également na plutôt que ne :
À l'oral, les particules ne et na sont néanmoins souvent élidées dans de nombreux dialectes. On pourra ainsi entendre :
La particule négative 不 bù (bú) du chinois est placée devant le groupe verbal ou insérée devant un second élément verbal (zhăo bú dào chercher nég. trouver = « ne pas pouvoir trouver »). Elle est en concurrence avec 没有 (méi yŏu) [litt. "nég y-avoir"], parfois réduit à 没 (méi), lorsque le groupe verbal positif comporte une particule dite « finale » ou « modale » (ou encore « suffixe »[68]). Cette seconde négation peut amalgamer négation et valeur d'accompli, entraînant la disparition des particules correspondantes de la forme positive :
La négation est utilisée dans l'un des procédés de construction des interrogatives fermées, proche pour la forme (sinon le sens) de fr. Il est venu ou pas et Il est venu, non ? :
En espagnol[69], la négation no peut être renforcée par des mots tels que jamás, nunca, nada... ; des expressions comme en mi vida peuvent en arriver à exprimer la négation par elles-mêmes :
En espéranto[70], les contraires se forment avec le préfixe mal-, ce qui a pour effet de diviser par deux, dans ce contexte, le nombre de racines à retenir[71] :
C’est très généralement le terme connoté négativement qui est marqué par le préfixe, mais pas toujours :
Les contradictoires se forment avec ne- :
La notion de sans se forme avec sen :
En finnois, comme dans de nombreuses langues ouraliennes, la négation s'exprime par un verbe auxiliaire marqué pour la personne : en (1re sg.), et (2e sg.), ei (3e sg.), emme (1re pl.), ette (2e pl.), eivät (3e pl.), suivi selon le temps grammatical exprimé soit d'une forme figée, soit d'un participe passé du verbe lexical[72].
Le verbe négatif prend des formes spéciales à l'impératif pour exprimer la défense : älä (2e sg.), älköön (3e sg.), älkäämme (1re pl.), älkää (2e pl.), älkööt (3e pl.).
En géorgien, les trois principaux morphèmes négatifs s'opposent sur le plan modal : ver marque la négation d'impossibilité, ar marque la négation comme choix (donc, éventuellement, comme volonté de ne pas), nu s'emploie dans les injonctions négatives. On les retrouve dans les trois traductions suivantes de fr. « ne... plus »[73] :
En grec ancien[74], les deux principaux adverbes de négation sont οὐ (οὐκ, οὐχ, respectivement devant voyelle à esprit doux et voyelle à esprit rude) (déclaratives...) et μή (souhait, éventualité, défense...) Dans les subordonnées, μή est fréquemment suivi du subjonctif.
En hébreu moderne, la négation des verbes d'action nominalisés s'exprime par un morphème spécifique, différent du négateur habituel לא (lo)[75] :
L'indonésien formel a deux formes de négation de base :
L'italien[76] a conservé pour l'adverbe meno (« moins ») l'implication négative du terme latin originel minus, dans l'expression o meno (« ou non »). On peut ainsi dire :
Il fait également parfois apparaitre une négation dans une portion de phrase implicitement négative, par exemple après « plus que » :
La marque de la négation en japonais est un morphème suffixal verbal :
Ces morphèmes contenant [n], remarquables exemples du caractère agglutinant de cette langue, sont sans conteste intégrés au verbe, comme le montre l'affixation possible du verbe par une terminaison marquant le passé :
Le non japonais, comme dans beaucoup d'autres langues et contrairement au français, ne confirme jamais une prédication négative. Une confirmation est toujours oui (hai) et une infirmation, toujours non (iie), quelle que soit la polarité du prédicat sur lequel porte l'adverbe oui ou non :
Un équivalent japonais possible de la phrase française « Il faut manger » est tabenakereba narimasen, littéralement « si manger n'est pas le cas, ça n'est pas bon » (ou : « ça ne convient pas » ; -nakereba étant la forme conditionnelle de nai « n'existe pas, n'est pas le cas »)[5].
Les langues sames, de la même manière que le finnois et l'estonien, ont un verbe de négation, qui se conjugue selon le mode, la personne et le nombre (mais pas le temps).
Le latin permet la double négation logique en présence d’un seul verbe dans une proposition, ainsi que cela a été indiqué plus haut.
Il existe des coordonnants négatifs[77] : neque (ou nec) dans les déclaratives, neve (ou neu) pour coordonner deux phrases impératives négatives ou deux propositions subordonnées conjonctives :
Dans une double interrogation, on peut trouver la forme necne quand le second membre est l'exact contraire du premier:
Le latin possède également des verbes modaux négatifs : nolo « je ne veux pas », nescio « je ne sais pas »... ; l'impératif noli / nolite, suivi de l'infinitif, sert de semi-auxiliaire dans l'expression de la défense. Son emploi est obligatoire. Exemple :
Le latin n'a pas d'équivalent direct de l'adverbe français « non » en réponse à une question :
En néerlandais, pas est généralement traduite par l'adverbe niet ; le pronom geen (litt. aucun) s'emploie fréquemment pour dire pas de, personne se traduit par niemand :
ne... plus est traduit par niet meer et geen meer et il s'emploie très souvent :
Le préfixe négatif on- (ex. : onvergetelijk « inoubliable ») peut comme en allemand et en anglais prendre un autre sens, à la fois péjoratif et évoquant quelque chose de démesuré :
Le néerlandais possède un déterminant duel beide (both en anglais) « tous les deux, à la fois » doté d'une forme négative : geen... van beide " ni l'un ni l'autre, aucun des deux " :
Le niet beide signifie, « l'un ou l'autre, mais pas les deux » :
En paluan[78], le morphème négatif est fréquemment suivi d’un marqueur d’une forme appelée « hypothétique » ou « subjonctif » selon les linguistes, et qu’Alain Lemaréchal interprète comme un « changement d’orientation ». Cette forme « hypothétique » apparaît aussi dans un contexte conditionnel, impératif, modal, (parfois) temporel, et de thématisation d’un terme autre que le sujet. Lemaréchal oppose :
en expliquant que dans le premier cas, la négation (díak) porte sur le prédicat nominal (ngálęk ęr a skúul) à la forme dite hypothétique (k-, à la 1re pers.sg.), alors que dans le second cas, le prédicat est la négation elle-même, au sens de « n’existe pas » (= ma voiture n’existe pas) [ng étant le préfixe personnel sujet 3e pers.sg., -k le suffixe possessif 1re pers.sg.] Il signale aussi :
En pandunia, la négation, quel que soit son sens, est introduite par le mot ni[79].
Avant l’objet de la négation, qu’il s’agisse d’un nom, d’un verbe, d’un adjectif, ni peut même jouer le rôle du verbe dans les phrases où le sujet et le prédicat sont courts :
Le mot ni renvoie ainsi également la notion « pas », et la tournure « il n’y a pas de » :
Il sert enfin à répondre par « non » aux questions :
En quéchua[80], la négation se construit avec le terme négatif mana « non » et la particule -chu (également utilisée pour exprimer l'interrogatif). Ces deux éléments encadrent la partie de la phrase qui est l'objet de la négation, mana portant en outre la marque de la modalité (assertif, citatif, conjecturel, dubitatif) :
En russe, la négation s’exprime par ne. Lorsqu’elle porte sur un constituant, ne se place immédiatement devant lui[81] :
Il en va de même dans les phrases signifiant l'inexistence ou l'absence (phrases impersonnelles) : la particule négative précède le verbe être et fusionne avec lui au présent : ne bylo (passé), ne budet (futur), net (présent : ne-t < ne + est' , également comme mot-phrase : « non »).
« Non plus » se dit tože (« aussi »), avec répétition éventuelle de la proposition à la forme négative :
Le russe connaît des expressions négatives figées comme nel'zja « il ne faut pas » :
La double négation est de rigueur avec les pronoms indéfinis négatifs (nikto = personne, ničto = rien) :
L'expression française « faillir... (faire qqch) » se traduit en russe par čut' ne, edva ne :
Enfin, au ne explétif des subordonnées conjonctives françaises répond une véritable négation, les subordonnées russes correspondantes étant des propositions semi-indépendantes :
Le suédois possède trois adverbes de négation correspondant à « ne... pas... » : inte, icke et ej. Les différences d’emploi nécessitent parfois des précisions à l’usage des Suédois eux-mêmes[85].
Exemple d’utilisation des trois termes dans une phrase :
En tamazight, la négation est exprimée par la particule ur (variantes régionales : wer, wel) placée avant le verbe.
Mais dans certains dialectes comme le taqbaylit ou le tachawit, il existe une double négation exprimée par ur... ara ou ur... ec.[réf. nécessaire]
Le tamoul possède dans son paradigme verbal deux flexions distinctes, positive et négative[22]. Exemples[86]:
En tchèque[87], la négation (ne) est systématiquement soudée en tête du verbe, il n'y a pas se traduisant par není (sg.) ou nejsou (pl.) :
En turc, la négation (-me- ou -ma-) peut être incorporée dans la forme verbale, comme dans diverses autres langues[88]. Elle se place après les marques éventuelles du réfléchi / réciproque, du factitif et du passif :
La négation de l'adjectif s'obtient en faisant suivre celui-ci de değil, qui signifie alors « n'est pas » :
Le võro, parlé dans le sud-est de l'Estonie, utilise des particules négatives différentes selon le temps, qui s'ajoutent à la fin du verbe, alors que l'estonien standard fait précéder le verbe d'une forme verbale négative invariable (ei) :
Ces particules se conforment de plus aux règles de l'harmonie vocalique.
Dans les différentes langues des signes[89], la négation est habituellement exprimée par des « particules » (signes indépendants) accompagnées d'une mimique ou d'un mouvement de la tête, en général en fin de phrase. Il existe toutefois des formes négatives irrégulières, en nombre variable selon la langue (jusqu'à 25 environ), qui, soit dérivent du signe habituel (par exemple en LDS allemande, l'expression de « ne pas pouvoir » combine un mouvement de la main simultané au signe « pouvoir » ; en LDS ougandaise, « ne pas aimer » fait suivre le signe « aimer » d'un mouvement spécifique de la main), soit se substituent à lui (comme en LDS russe, où les signes représentant « vouloir » et « ne pas vouloir » sont complètement différents). Certaines LDS n'utilisent aucune ou quasiment aucune forme négative irrégulière, comme les LDS d'Asie du Sud. Les irrégularités concernent surtout des verbes comme savoir, comprendre, vouloir, aimer, pouvoir, devoir, avoir, exister, obtenir, des temps ou aspects (futur, passé, accompli), et des évaluateurs (juste / vrai, possible, assez).
Seamless Wikipedia browsing. On steroids.
Every time you click a link to Wikipedia, Wiktionary or Wikiquote in your browser's search results, it will show the modern Wikiwand interface.
Wikiwand extension is a five stars, simple, with minimum permission required to keep your browsing private, safe and transparent.