Jean Couy naît le dans le 4earrondissement de Paris[2]: il est le fils unique de commerçants exerçant dans le Marais (lui breton, elle normande).
Conservant à jamais en mémoire une longue maladie qui, à l'âge de huit ans, l'immobilise en même temps qu'il s'y nourrit de lectures et de rêves, Jean Couy, à l'âge de quinze ans, suit ses parents dans une nouvelle installation à Chatou où il est commis épicier en même temps qu'il commence à pratiquer le dessin avec ferveur dans des flâneries en solitaire sur les berges de la Seine.
En 1929, il expose deux paysages au Salon des indépendants[3] puis, de 1930 à 1934, est élève du graveur Antoine François Dezarrois à l'École nationale supérieure des beaux-arts[4], commençant simultanément à pratiquer la peinture de façon indépendante. C'est l'époque où il rencontre Marguerite Bayon (1911-2005), également étudiante à l'École des beaux-arts où elle fréquente pour sa part l'atelier de gravure de Jacques Beltrand[4], qui deviendra son épouse le [5] et qui lui fera découvrir Saint-Léon, dans l'Allier, où elle conserve des attaches familiales[6]: le couple fera du village son autre lieu de vie, Jean Couy s'y aménageant plus tard un second atelier. Le jardin de l'artiste à Saint-Léon, au Vignot (au nord du bourg), que, «sa vie durant, il arpenta, cultiva et peignit», sera ainsi perçu par son biographe Jacques Leenhardt comme «l'espace expérimental situé entre l'incontrôlable effervescence végétale et l'ordonnancement des allées et des tailles qui nourrit toute l'œuvre de Couy», comme «le théâtre même devant lequel l'artiste, assis sur son banc, se laisse pénétrer par le spectacle de l'art»[6].
En 1935, Jean Couy est nommé professeur de dessin au lycée de garçons de Rennes, aujourd'hui lycée Émile-Zola[7]. Mobilisé dans les chars en Lorraine en 1939, il refusera de participer à toute manifestation artistique pendant l'Occupation. Son atelier de Rennes est totalement détruit dans les flammes lors des bombardements qui accompagnent la libération de la ville en 1944.
De retour à Paris en 1945, Jean et Marguerite Couy s'installent définitivement au 17, rue Campagne-Première dans le quartier du Montparnasse. Nommé alors professeur de dessin au lycée Lakanal de Sceaux (il y enseignera jusqu'en 1971), Jean Couy renoue avec la gravure - domaine où, selon Jean-Eugène Bersier, il est alors «praticien de première force, se servant souvent de la couleur pour animer une surface aux déchirures disciplinées, en utilisant le demi-relief ou d'autres disciplines»[8] -, exposant dès 1945 au Salon de la Jeune Gravure contemporaine auquel il demeurera fidèle toute sa vie. Sa première exposition personnelle à Paris, à la Galerie Breteau, a lieu en 1950. De 1951 date son amitié pour Roger Bissière et son fils Marc-Antoine, dit Louttre (qui plus tard adoptera la signature de Louttre.B), auprès de qui il effectuera plusieurs séjours à Boissièrette, de 1958 son expérience de la tôle émaillée auprès de Jean et Élisabeth Deville à Charleville-Mézières.
Si Jean Couy est défini comme un peintre et graveur de l'abstraction lyrique[4] ou de l'expressionnisme abstrait[10], cette approche est tempérée par Jean-Pierre Delarge qui range l'artiste dans l'abstraction impressionniste au début des années 1950 pour le voir revenir, à la fin de la décennie 1960, vers une figuration où le végétal domine, avec «des géométries planes étalées entre les bosquets et les futaies et traitées en sépia qui le disputent au violacé»[11]. Alors qu'en 1967 Georges Boudaille observe qu'ainsi «il est tenu à l'écart aussi bien par les purs abstraits, qui ne peuvent admettre l'inspiration bucolique de ses tableaux, que par le clan figuratif, radicalement opposé à la formulation d'une pensée en peinture par des moyens spécifiquement plastiques»[12], René Huyghe et Jean Rudel peuvent, en 1970, situer Jean Couy avec Gérald Collot, Géula Dagan, Olivier Debré, Paul Kallos, Robert Lapoujade et Georges Romathier du côté d'une «synthèse pure» où le souci de l'artiste «n'est plus de représenter une nature imitée, copiée, mais de fixer une perception du monde au centre des éléments»[13]. Dans cette même voie, au terme d'abstraction pure Lydia Harambourg substitue celui de «figuration stylisée»[14], Gérard Xuriguera parlant pour sa part de «figurations douces, enrichies de leur passage par l'abstraction» où il situe Jean Couy, aux côtés de peintres comme Claude Garache, François Jousselin, Louttre.B, Xavier Valls ou Jacques Vimard, dans une «approche de l'observé non inféodée au document photographique, non objectivisée par l'œil enregistreur d'un regard froid», dans ce charme qui, «d'après Vladimir Jankélévitch, est non seulement toujours absent et toujours ailleurs, mais en outre perpétuellement plus tard»[15].
Contributions bibliophiliques
Henri Classens, Aux portes de l'imaginaire, dix-sept eaux-fortes originales de Jean Couy, deux cent quatre-vingt cinq exemplaires numérotés, Éditions de la Caravelle, 1952.
Alfred de Musset, Historien om en vit trast (histoire du merle blanc), burins originaux de Jean Couy, Bibliofile Klubben, Stockholm, 1952.
Arthur de Gobineau, Livet pa resa, burins originaux de Jean Couy, Bibliofile Klubben, Stockholm, 1953.
Selma Lagerlöf, Le merle blanc, burins originaux de Jean Couy, La Maison du chagrin, 1953.
Jules Laforgue, Quelques poèmes, vingt burins originaux de Jean Couy, cent soixante exemplaires numérotés, Bibliophiles et graveurs d'aujourd'hui, 1958[16].
De Bonnard à Baselitz - Dix ans d'enrichissements du cabinet des estampes, cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale de France, 1992[31].
Un arbre, une œuvre, des fruits - Gravures, Mairie de Saint-Léon (Allier), octobre-novembre 2012[32].
Vingt graveurs, quarante gravures - Portugal, France, médiathèque de Fontenay-aux-Roses, mai 2016; musée municipal Amadeo de Souza-Cardoso(pt), Amarante, août-septembre 2016; musée municipal Santos Rocha(pt), Figueira da Foz, octobre 2016 - janvier 2017[33].
Les artistes de la Galerie Le Soleil dans la tête (Jean Couy, Michel Moskovtchenko, Atila Biro, Franta...), Maison de la culture et des loisirs de Saint-Étienne, novembre-décembre 2016.
L'âme du paysage, espace Art et Liberté, Charenton-le-Pont, septembre-octobre 2022.
Auprès de nos arbres, médiathèque André-Malraux, Maisons-Alfort, octobre-décembre 2023.
«Partant du motif concret, diffusant la lumière à l'extrême, Jean Couy parvient au non-figuratif. Une peinture d'une poésie délicate, équilibrée, saine, fraîche, d'une subtile finesse linéaire, atteignant la transparence par l'élégance des tons employés, presque pastellisés; bleu, orange, beige, tel est en général son chromatisme.» - Henry Galy-Carles[19]
«Sa peinture doit beaucoup à sa gravure. Tant dans le sujet que dans sa facture, sa technique. Imagier, Jean Couy cherche dans la gravure l'accord le plus juste des noirs et blancs, son dessin module la lumière qu'il crée, qu'il circonscrit, qu'il enveloppe d'ardeur végétale, de plans d'ombres.» - Jean-Jacques Lévêque[34]
«La figuration stylisée, voire transposée, ne dissimule pas l'exigeante discipline plastique qu'il s'impose. D'où son travail sur le noir et blanc et la pratique quasi-exclusive du burin. Il parvient à un assouplissement des rythmes qui naît de stries répétitives. Cette structure, il la transpose dans ses huiles, dans lesquelles il lui faut allier construction et couleurs. Sa palette très personnelle privilégie la gamme des ocres, des verts rehaussés de rouges et de bleus. Inspiration lyrique et poétique traduite en termes plastiques purs pour évoquer des paysages dictés par la réalité mais toujours repensés. Avec les années, la lumière introduit une nouvelle dimension.» - Lydia Harambourg[14]
«Couy n'a jamais peint le spectacle qui s'offrait à lui parce qu'aucun spectacle ne s'offre. Toute chose qui est vue est construite, confusément d'abord dans la mémoire, sciemment ensuite, sur le tableau. Alors autant le savoir et construire vraiment sa vision, et aucun peintre n'a construit autant ses paysages que Jean Couy. Sans doute dira-t-on que ceux de Jacques Villon sont plus géométrisés, que ceux de Claude Monet sont plus unifiés, que ceux de... Pourtant, aucun paysagiste n'a poussé plus loin que Jean Couy la volonté de construire.» - Jacques Leenhardt[6]
«Jean Couy reste attaché à la réalité ou tout au moins au souvenir du regard qu'il planifie selon les rythmes équilibrés de l'abstraction... Ses œuvres, fondées sur la réalité, cherchent à unir plastique et poétique. L'abstraction n'est pas son but premier, lui-même avoue ne pas être un véritable abstrait, mais avoir bénéficié de la liberté du geste et de la couleur qui lui a permis l'abstraction.» - Alain Pizerra[4]
Lors de la Biennale de l'estampe de Saint-Maur, l'Association des amis de Jean Couy décerne tous les deux ans le prix Jean-Couy, créé en 2014 et réservé aux jeunes graveurs de moins de 40 ans.
Josette Gallègue (avant-propos de Marie-José Salmon, préface de Jean-Jacques Lévêque), Jean Couy, 1910-1983, Éditions du Musée départemental de l'Oise, 1991.
Françoise Woimant, Marie-Cécile Miessner et Anne Mœglin-Delcroix, De Bonnard à Baselitz, estampes et livres d'artistes; B.N.F., 1992.
Patrick-F. Barrer, L'histoire de Salon d'automne de 1903 à nos jours, Arts et Images du Monde, 1992.
Aurélie Guénolé, Jean Couy (1910-1983), l'impressionnisme abstrait, Master recherche histoire et critique des arts, art contemporain, Université Rennes-II, 2007.
Bernadette Boustany et Émile Ruffin, Jean Couy - Images enchantées, Éditions du Musée de Saint-Maur-des-Fossés, 2008.
Radiophonie
Émission Pont des arts, interview de Jean Couy par Michel Bydlowsky, France-Culture, .