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peintre espagnol De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Eduardo Pisano (ou Eduardo López Pisano) est un artiste peintre expressionniste espagnol né le à Torrelavega (Cantabrie)[1] où l'École d'art ainsi qu'une rue portent aujourd'hui son nom. Établi à Montparnasse en 1947, il est une figure reconnue de l'École de Paris[2]. Il est mort à Paris le .
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Quatrième et dernier enfant (après Manuela, Felipe et Mercedes) d'Eduardo López et de Joaquina Pisano, modestes horticulteurs à Torrelavega[3], Eduardo Pisano, qui se révèle très vite d'un tempérament certes affectueux mais ombrageux et solitaire, est placé dès l'âge de huit ans par ses parents dans un collège religieux (colegio de los Sagrados Corazones, Torrelavega) où rigueur et sévérité ne compromettent pas la passion avec laquelle il y découvre les maîtres de la peinture espagnole classique[2], en premier lieu Diego Vélasquez. En 1926, Eduardo est l'élève d'Hermilio Alcalde del Río (es) à l'École des arts et métiers de Torrelavega (enseignement très classique mais auquel il demeurera toujours profondément reconnaissant) où il se lie d'amitié avec Mauro Muriedas Diez (1908-1991) qui y est son condisciple[4]. En 1931, sans doute à la suite de l'immense chagrin que lui cause la mort subite de son père, âgé de 56 ans, le , il gagne Madrid où il fréquente les musées et où, parallèlement à la peinture, il fait l'apprentissage de la gravure en suivant les cours du soir de Manuel Castro Gil[5] à l'École des arts graphiques de Madrid[3].
Eduardo Pisano accomplit son service militaire à l'aérodrome militaire (es) de La Virgen del Camino, dans la province de León, puis revient à Madrid où, dans la suite de la Révolution asturienne de 1934, une guerre civile - ce sera la Guerre d'Espagne - sera bientôt pressentie. Il rejoint alors les rangs de l'armée républicaine et participe à l'offensive de Catalogne. Dans la suite de cette défaite, il rejoint Barcelone qui est prise par l'armée franquiste en . Il est, à l'instar de Luis Vidal Molné et d'Antoni Clavé, cité par Francesco Agramont Lacruz dans l'histoire des artistes d'Espagne qui est alors liée à celle de l'exil républicain forcé vers la France[6] : comme Molné et Clavé, Pisano - « l'un de ces milliers de soldats vaincus, éreintés, désemparés »[3] - quitte l'Espagne en 1939 et, après des internements dans le camp de concentration d'Argelès-sur-Mer et dans le camp de Gurs, après aussi qu'il ait participé durant « trois années d'enfer dantesque »[3] aux travaux forcés de la construction du Mur de l'Atlantique, le débarquement allié lui donne enfin l'opportunité de la fuite et d'« être rendu à Bordeaux, après douze ans de dangers, de souffrances et de privations, à la liberté en laquelle il ne croyait plus »[3].
Un modeste emploi de manutentionnaire dans une entreprise de bois à Arcachon offre à Eduardo Pisano les ressources de renouer avec la peinture, dans un style expressionniste qui dit la désespérance et l'âpreté de sa vie. Il va rester deux années en Aquitaine qui est réceptive à son art, participant en 1946, aux côtés de Pablo Picasso, Hernando Viñes, Ginés Parra et Óscar Domínguez, à l'exposition commémorative du deuxième centenaire de Goya au Musée des Beaux-Arts de Bordeaux[7]. Arrivant très démuni à Paris en 1947, il vend ses tableaux aux terrasses des cafés, et un soutien d'amateurs lui permet de s'installer au 33, rue Vercingétorix[8]. En , il participe (son premier accrochage à Paris) à l'exposition Artistes espagnols en exil à la Galerie La Boétie[9],[10].
Le , Eduardo épouse Maria Amalia Vieita Arevalo, d'origine cubaine, et le couple s'installe à Enghien-les-Bains. Après la mort de Francisco Franco en , notre artiste revient régulièrement à Torrelavega où une École d'art Eduardo Pisano est inaugurée en 1978[11]. En même temps, sa peinture se rapproche de l'abstraction, Eduardo s'adonnant à la gouache et l'huile sur papier[Note 1] dans un libre tachisme qui, suggérant la représentation et non l'objectivant, n'a d'autre objet que son plaisir ludique du lyrisme et de la couleur[8]: après un expressionnisme énonçant une vision souffrante et tourmentée du monde, peut-être là le signe festif, au soir de la vie d'Eduardo Pisano, d'un grand apaisement, d'une joie de vivre retrouvés en même temps que les racines de Cantabrie.
Eduardo Pisano, qui eut toute sa vie pour maxime « Todo por el arte »[7], s'éteint en et repose dans le cimetière sud d'Enghien-les-Bains. Peintre reconnu alors que sa postérité ne le préoccupait guère[2], il est revendiqué aujourd'hui tant par Santander et Torrelavega où sont ses racines (les deux villes commémorèrent le centenaire de sa naissance en 2012 par des expositions-hommages) que par Paris où, en , une exposition où l'Institut Cervantes accrocha ses œuvres (voir Expositions collectives ci-dessous) a rééclairé l'historicité d'un « Montparnasse espagnol »[12].
L'œuvre porte la marque d'un lourd vécu de chaos et de tourments : le jeune Eduardo Pisano n'aimait pas l'expressionnisme, or il devint un peintre expressionniste, tandis qu'il se détacha de son émerveillement initial pour Vélasquez afin d'admirer El Greco et Francisco Goya. Ses sujets de prédilection sont les corridas, le cirque, les scènes de flamenco et les nus baudelairiens qui sont des réminiscences de 1931 et de sa vie madrilène, mais aussi des natures mortes portant la sombre gravité d'un Raymond Guerrier, des paysages pastoraux aux évocations tant bibliques que de la Cantabrie, des Christ en croix, des Pietà et même un Chemin de Croix en quatorze tableaux-stations qui, exposés en la chapelle du collège des Jésuites d'Eu en 2015 avant d'être fixés en l'église de la Vierge grande de Torrelavega (es), énoncent la persistance d'une profonde ferveur religieuse.
Ses années d'« enfer dantesque » demeurent la grande blessure d'Eduardo, elles hantent ses rêves et il l'exprime : son tableau le plus historique, son Guernica à lui, intitulé Le rêve du soldat, mêle le fantasme et le cauchemar (Éros et Thanatos), énonce les grands effrois, les grandes privations et la proximité de la mort dans leur interminable vécu quotidien[7].
À l'instar d'un autre expressionniste, l'Italien Bernard Damiano, Eduardo ne datait pas ses toiles[13]. Une partie substantielle de l'œuvre, renvoyant en cela aux années difficiles de l'après-guerre, a pour support le panneau d'isorel, « ce matériau pauvre utilisé par les peintres en pénurie de toiles »[7]. Ses couleurs sont les bruns, les ocres, les rouges et les jaunes, de larges cernes noires définissant les formes tout en réaffirmant une vision tragique de l'humanité. Ainsi, peut analyser Lydia Harambourg, « progressivement intégré à la société cosmopolite des Montparnos, Eduardo Pisano n'en conserve pas moins son hispanité. Des scènes de tauromachie ou de flamenco sont peintes avec force, comme tous ses thèmes où l'homme se voit l'acteur d'un drame personnel. La misère se cache sous le maquillage et les costumes de lumière du clown; les "masques comiques" de Pisano rappellent d'ailleurs Georges Rouault »[8].
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