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Le crime organisé est une structure humaine relativement stable de plusieurs personnes respectant les ordres d'un chef ou d'un comité de direction pour faire des profits par des méthodes illégales et dans tous les domaines.
Il existe au moins deux définitions internationalement reconnues de l'organisation criminelle :
Le Code criminel du Canada ne contient pas de définition du terme « crime organisé », mais par contre, il contient une définition du terme connexe d'organisation criminelle, laquelle définition est utilisée dans les poursuites pénales contre les acteurs du crime organisé[3] :
« Organisation criminelle Groupe, quel qu’en soit le mode d’organisation :
a) composé d’au moins trois personnes se trouvant au Canada ou à l’étranger;
b) dont un des objets principaux ou une des activités principales est de commettre ou de faciliter une ou plusieurs infractions graves qui, si elles étaient commises, pourraient lui procurer — ou procurer à une personne qui en fait partie — , directement ou indirectement, un avantage matériel, notamment financier. »
Suivant leur origine, les organisations criminelles portent différents noms :
La plupart de ces organisations peuvent opérer en dehors de leur région d'origine. C'est ainsi que la mafia s'est durablement installée aux États-Unis durant les années 1920. On parle dès lors de criminalité transnationale.
Selon un rapport (2024) d'Europol, titré Décoder les réseaux criminels les plus menaçants de l'UE, le crime organisé est « une menace majeure pour la sécurité intérieure » de l'Union européenne[4]. Europol note que 34 % d'entre eux « sont actifs depuis plus de dix ans, capables de maintenir leur influence et leur pouvoir, même si leurs dirigeants et leurs membres sont détenus »[4],[5].
Ce rapport dresse une cartographie de ce qu'on sait d'environ 821 organisations criminelles jugées les plus menaçantes dans l'Union européenne et pour l'Union européenne (modes d'organisation, types et lieux d'activités, degré de contrôle territorial…), présentes en 2024 en Europe, avec un total d'environ 25 000 membres a minima.
Selon Catherine De Bolle (directrice d'Europol) : « Les criminels évoluent dans le secret, mais nous sommes en train de changer les choses. Ce rapport d'Europol est l'étude la plus exhaustive sur les principaux réseaux criminels jamais entreprise au niveau européen par les forces de l'ordre. Grâce à la collaboration de tous les États membres de l'UE et de 17 pays partenaires d'Europol, nous levons le voile sur les activités des réseaux criminels les plus menaçants de l'UE. Ces données, désormais centralisées par Europol, conféreront aux forces de l'ordre l'avantage dont elles ont besoin pour mieux cibler et mener les enquêtes criminelles transfrontalières »[5] ; le commissaire européen à la Justice ajoutant : « la Commission soutiendra les propositions en faveur d'un nouveau réseau judiciaire de l'UE, rattaché à Eurojust, qui se concentrera sur la criminalité organisée, y compris sur les cibles de haut niveau »[5].
En France, quelques jours plus tard (le 14 mai 2024), la commission d'enquête sur l'impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier (créée en 2023) rend son rapport.
Il est par définition difficile d'évaluer les gains et les pertes d'une économie cachée[6], mais il est évident que différents trafics (narcotiques en particulier) mettent en jeu des sommes considérables.
Les organisations criminelles fonctionnent désormais comme des entreprises tournées vers le profit[réf. nécessaire]. Il y a là une nette évolution, puisque, jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, la mafia sicilienne privilégiait le contrôle de la société et du territoire. Le parrain est désormais un boss, ce qui va de pair avec une violence accrue[7].
Qu'il s'agisse de trafic de stupéfiants, d'armes, de fausse monnaie, d'êtres humains (enfants, immigration clandestine, prostitution, etc.), d'organes humains ou d'espèces protégées, les organisations criminelles tirent profit de l'illégalité même de leurs trafics, qui leur permet d'organiser la rareté, d'asseoir leur monopole par la violence ou d'autres moyens sur un marché soustrait au droit, tout en laissant de simples sous-fifres assumer les risques[réf. nécessaire]. La majorité des fraudes aux subventions de l'Union européenne (estimée parfois à plus de 8 milliards d'euros par an) est également le fait du crime organisé, comme le détournement de l'aide au développement ou de l'aide humanitaire[réf. nécessaire]. Dans le Mezzogiorno italien, les mafias ont décuplé leurs profits dans les années 1970 grâce aux détournements de subventions de l'État italien.
Les organisations criminelles ont suivi le mouvement de mondialisation. Tout en tirant profit des frontières qui ralentissent encore les enquêtes et protègent des poursuites, l'économie criminelle prospère grâce à la déréglementation et au relâchement des contrôles (libéralisme ; absence de contrôle de l'État dans le tiers monde et l'ex-Union soviétique). L'économie de régions et de pays entiers se voit contrôlée par des organisations criminelles, qui se sont substituées à l'État, ou l'ont pénétré. Des organisations révolutionnaires glissent de la guérilla à la criminalité organisée. Les capitaux issus de l'économie illégale circulent sans entrave, tandis que les banquiers s'abritent derrière le secret bancaire[réf. nécessaire]. Elles mêlent sans difficulté les filières illicites à des activités légales, en particulier les marchés financiers, note Jean de Maillard[8]. Blanchiment et trafics ne sauraient d'ailleurs se dérouler sans un minimum de complicité, consciente ou non, de la part des acteurs de l'économie légale. Il faut bien affréter les navires qui transportent les clandestins ou encore les avions qui transportent la drogue entre la Colombie et le nord du Mexique. Les Colombiens, rappelle Jean-François Boyer[9], ont ainsi acheté à La Rochelle des dizaines de catamarans. L'industriel, écrit Maillard[8], l'avocat, le banquier, l'assureur, le policier, le fonctionnaire qui mettent leur savoir, leur pratique ou leur pouvoir au service des mafias sont des « criminels à temps partiel ». C'est au travers de leur exercice professionnel qu'ils basculent dans la délinquance, et non pas en s'en écartant. Le chiffre d'affaires du crime rémunère toutes ces prestations indispensables. Ainsi se développe une culture de corruption qui fait vaciller toute une société[8].
Les organisations criminelles ne se contentent pas de mettre en œuvre des activités de façade. Elles intègrent activités illégales et légales. Comme au Japon, où vingt-quatre mille affaires seraient sous contrôle du yakuza[réf. nécessaire], les membres des organisations criminelles mettent leurs méthodes au service de leurs activités légales : Pino Arlacchi[7] explique qu'ils découragent la concurrence par la violence, compriment les salaires. Leurs ressources financières occultes leur confèrent également un avantage décisif sur les concurrents[réf. nécessaire]. En Russie, 55 % du capital des entreprises privatisées appartiendraient aux membres d'une organisation criminelle.[réf. nécessaire]
Contrairement à la criminalité individuelle ou aux simples gangs, les réseaux criminels sécrètent une forte accumulation de capitaux qui ne peuvent plus être absorbés par la seule économie criminelle. Le blanchiment de l'argent ne sert d'ailleurs pas tant à le réintégrer dans l'économie légale qu'à le soustraire aux investigations[réf. nécessaire]. Isabelle Sommier[10] considère que cette nouvelle stratégie se dessine à la charnière des années 1970 et 1980. Entre 1977 et 1998, ce sont plus de mille huit cents milliards de dollars qui ont disparu des comptabilités nationales[réf. nécessaire]. L'économie légale dépend désormais de ces capitaux[réf. nécessaire]. Le système financier est en effet en quête permanente de capitaux nomades : les narcodollars ont en quelque sorte pris la place des pétrodollars[réf. nécessaire]. Comme le montrent le cas des paradis fiscaux et des zones franches des pays industrialisés, la question criminelle et la question financière sont désormais indiscernables. Maillard[8] pointe le cas du Japon. En refusant toute perte financière et en bloquant le recouvrement des créances, les yakuzas ont conduit à leur chute la grande maison de titres Nomura et la banque Dai Ichi.
Il est difficile d'estimer le chiffre d'affaires d'une activité criminelle, et donc occulte, ou encore le produit criminel brut mondial. Le FMI propose pour estimer le chiffre d'affaires annuel des activités criminelles dans le monde une fourchette de 700 à 1 000 milliards de dollars, soit trois fois le budget de la France en 1996. Maillard[8] estime le seul chiffre d'affaires de la drogue à 400 milliards de dollars, dont 180 servent à rémunérer les trafiquants et les professionnels de la sphère légale. Restent 220 milliards qui représentent le profit net des organisations criminelles.
L'estimation est plus difficile en ce qui concerne les autres activités criminelles. Il estime néanmoins que 320 milliards de dollars de profits constitue un chiffre minimum, auquel il faut encore ajouter 160 milliards encaissés par les complices de la société légale. En outre, les revenus du crime organisé provenant de la sphère légale ne font qu'augmenter[réf. nécessaire]. Pino Arlacchi[7] estime à 1 milliard de dollars par jour le montant des profits criminels injectés dans les marchés financiers du monde entier.
Dans les années 2000 et 2010, via des activités aussi variées que le commerce et l'industrie du pétrole et de l'armement et le trafic d'armes, l'orpaillage illégal, les cultures, la transformation et le commerce de drogues, le commerce issu de la pêche illégale (qui contribue à la surpêche), le trafic d'espèces protégées et exotiques ou encore, depuis peu via le commerce illégal du bois, et en Afrique du charbon de bois[11] qui contribue à renforcer et accélérer la déforestation illégale, le trafic de déchets et notamment de déchets toxiques ou radioactifs, le trafic d'or et d'autres métaux ou minéraux précieux (diamant, rubis...), pétrole, gaz, foncier agricoles et forestiers, eau, gibier et produits agricoles, cigarettes et médicaments, y compris via des flux commerciaux effectués en violation des sanctions des Nations unies[12] selon l'organisation internationale de police criminelle Interpol, « le crime organisé transnational est devenu une menace qui pèse lourdement sur l'environnement et un problème qui demande une réponse légale internationale forte, efficace et innovante, et ce afin de protéger les ressources naturelles, de lutter contre la corruption et la violence liée à ce type d'activité qui peut également affecter la stabilité et la sécurité d'un pays ». L'achat puis la revente de ressources environnementales (dont hydrocarbures fossiles, forêts, ressources touristiques, etc.) comptent parmi les moyens de blanchiment de l'argent sale. Ils se font généralement avec conjointement une augmentation de la corruption, des fraudes et les vols, des meurtres au détriment notamment des peuples autochtones[13].
Pour mieux identifier, classer, hiérarchiser et punir les crimes et atteintes à l'environnement, Interpol a mis en place, outre un formulaire « Environmental Crime »[14], un système de formulaires dits « écomessages »[15] permettant de communiquer des données dans un format standard, via des liaisons sécurisées (à chaque étape de transmission) et avec copie de chaque message transmise au Secrétariat général d’Interpol, pour permettre, via les bases de données d'Interpol sur le « crime environnemental » organisé, d'éventuels rapprochements avec d’autres informations. Les « écomessages » proviennent des services de polices et sont destinés à d'autres services de polices, mais sont aussi ouverts à toutes les « autorités désignées jouissant de pouvoirs d'enquête, telles que les services chargés de la protection de l'environnement ou les autorités chargées de la protection des espèces sauvages ». S'il s'agit d'informations sensibles obtenues dans le cadre d’une enquête, les fonctionnaires doivent suivre une procédure de transmission par voie hiérarchique devant passer par l'« unité nationale chargée du renseignement » pour Interpol qui remplira et transmettra l'écomessage au Bureau central national d'Interpol qui le transmettra aux Bureaux centraux nationaux des pays concernés via son système de communication sécurisée, avec copie au Secrétariat général d'Interpol à fin d'enregistrement dans la base de données mondiale de l'organisation. Interpol encourage « le public à contacter les services nationaux chargés de l’application de la loi (police, douanes ou services chargés de la lutte contre les atteintes à l’environnement) s’ils détiennent des informations sensibles et souhaitent aider aux enquêtes grâce au système d'écomessage ».
En 2018, Interpol, l'ONG « Global initiative against transnational organized crime » et l'ONG norvégienne RHIPTO (un centre de collaboration norvégien des Nations-Unies) publient un rapport intitulé L'Atlas mondial des flux financiers illicites[12] (publié le 26 sept 2018), montrant que dans les zones de conflits, ce n'est plus le trafic de drogue ou d’arme qui est la première source de financement des mafias internationales, des groupes rebelles et terroristes ; ce sont les trafics et taxations illégales de ressources naturelles. Leur première ressource est devenu le trafic d’humains (réfugiés, migrants climatiques…), de ressources naturelles et le « crime environnemental » via l’exploitation illégale et le racket appliqué à ces ressources[16]. Il y a plusieurs décennies que des ONG environnementales alertent sur ces questions (braconnage et exploitation de l’or et d’autres métaux et minéraux précieux), mais le phénomène prend des proportions sans précédent. La protection de l’environnement et des ressources naturelles implique donc aussi de lutter contre le crime organisé confirment les auteurs du rapport qui identifient plus de 1 000 itinéraires de contrebande et d’autres flux illicites, se superposant souvent aux routes commerciales[12],[16].
Du 04 au , à Lyon, Interpol a organisé une « Conférence mondiale sur la criminalité forestière », réunissant près de 200 experts des forces de l’ordre, de l’industrie du bois, d'institutions financières et d'ONG, venus de 51 pays membres d’INTERPOL, avec plusieurs organismes onusiens, pour mieux détecter et combattre le bois illégal dans la chaîne d'approvisionnement mondiale, grâce aux progrès de technologies dédiées[17]. Le premier Conseil d’administration du Groupe de travail sur la criminalité forestière y a été lancé (des pays africains, américains, asiatiques et européens y sont représentés).
En matière de lutte contre le crime organisé, le renseignement criminel joue un rôle important à trois niveaux: stratégique, tactique et opérationnel[19].
L'un des leviers importants est financier. Il existe en France depuis 2010 une Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc). À la suite du rapport parlementaire de 2019 sur la mission de cette agence, la loi Warsmann du 24 juin 2024 a renforcé les possibilités de saisies et de confiscations d'avoirs criminels, avec notamment une confiscation automatique de certains biens saisis (ceux qui sont l'objet, le produit ou l'instrument de l'infraction ; « Le parquet et les juges, quel que soit le stade de la procédure, pourront prononcer la confiscation du produit de l'infraction, y compris en cas de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. Par exemple en cas de décès de la personne mise en cause, il n'est pas envisageable de restituer le produit de l'infraction à ses héritiers […] La peine complémentaire de confiscation générale du patrimoine est étendue aux infractions de corruption et trafic d'influence passifs et actifs punies de 10 ans de prison. Une telle peine, particulièrement dissuasive, permettra aux juridictions de prononcer la confiscation de l'entier patrimoine du condamné […] La loi ajoute à la CJIP un troisième type d'obligation : le dessaisissement au profit de l'État de tout ou partie des biens saisis dans le cadre de la procédure. En effet, aujourd'hui, lorsque des biens ont été saisis au cours de l'enquête ou de l'instruction, ils sont restitués pour payer l'amende fixée par la CJIP. Le texte instaure la même obligation de dessaisissement pour les CJIP dites environnementales, dans le cadre de délits prévus par le code de l'environnement », commente le site Vie-publique.fr)[20]. Ceci facilitera l'action des enquêteurs, des juges et de l'Agrasc. En 2023, plus de 1,4 milliard d'euros (+ 87 % sur un an) avaient été saisis, et 175,5 millions d'euros confisqués, ce qui restait modeste au vu par exemple du seul « chiffre d'affaires » du narcotrafic en France estimé à 3,5 milliards d'euros par an au moins. Certains des biens mobiliers saisis peuvent être gratuitement confiés aux services judiciaires, de police et de gendarmerie (prioritaires) ; à l'Office français de la biodiversité (OFB) ; aux services du budget effectuant des missions de police judiciaire, et depuis la mi-2024 aux services déconcentrés de l'administration pénitentiaire et à l'Agrasc. De plus, l'indemnisation des victimes pourra plus facilement et plus largement se faire en profitant de biens confisqués[20]… En outre, la confiscation d'un bien immobilier vaut désormais expulsion de la personne condamnée (mais pas des locataires ou occupants de bonne foi)[20].
Le délai au cours duquel les victimes peuvent solliciter une indemnisation auprès de l'Agrasc est allongé à six mois (contre deux auparavant).
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