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oeuvre de Tite-Live De Wikipédia, l'encyclopédie libre
L'Histoire de Rome depuis sa fondation (en latin Ab Urbe condita libri, littéralement « les livres depuis la fondation de la Ville » [Urbs, la Ville est toujours Rome]) est une œuvre de l'historien Tite-Live dont il entame la rédaction aux alentours de De cette œuvre immense qui couvre en 142 livres, des origines de Rome jusqu'à la mort de Drusus en , seul le quart, soit trente-cinq livres, nous est parvenu, le reste est connu par des abrégés.
Ab Urbe condita libri | |
Ab Vrbe condita imprimé en 1493 | |
Auteur | Tite-Live |
---|---|
Pays | Empire romain |
Genre | annales |
Version originale | |
Langue | latin |
Titre | Ab Urbe condita libri |
Lieu de parution | Rome antique |
Date de parution | Ier siècle av. J.-C. |
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L'analyse des premiers livres pour en évaluer la date de publication est compliquée par la forte probabilité d'une ou plusieurs rééditions de ces livres avec quelques retouches de son auteur, dont, selon Jean Bayet, l'inclusion au début du livre II d'une préface générale de l'ouvrage dont le style élaboré contraste avec le texte des cinq premiers livres[1]. Dans la narration au premier livre (I, 19,3) de la fondation du temple de Janus et de l'instauration du rituel de fermeture de ses portes en l'absence de guerre, Tite-Live rappelle la répétition de ce rite par Auguste, titre qu'il n'adopte qu'en l'an 27 avant notre ère. La fermeture des portes du temple de Janus ayant eu lieu en puis à nouveau en , ce passage a été écrit peu après cette dernière date[2].
Selon Jean Bayet, la précédente et première rédaction du livre I se situerait entre 31 av. J.-C. et 29 av. J.-C., lors de la restauration par Auguste du temple de Jupiter Férétrien : Tite-Live évoque cette restauration au livre IV (20, 7) mais n'en fait aucune mention à la fondation par Romulus, citée au livre I (0, 6-7)[2].
En conclusion, les historiens situent communément une première rédaction du livre I après la bataille d'Actium en , suivie d'une édition remaniée des premiers livres, vraisemblablement du livre I au IV, entre et [3].
Pour la suite de la parution, la rédaction des livres VI à CXX s'échelonne entre environ et 14 ap. J.-C., moment de la mort d'Auguste, soit en moyenne à peu près deux livres et demi par an[4]. Le rythme s'accélère ensuite jusqu'au dernier livre CXLII et au décès de Tite-Live situé en 17 ap. J.-C., soit vingt et un ou vingt-deux livres en trois ans, une production qui témoigne de la hâte et de la virtuosité d'un écrivain âgé rapportant des faits qui lui étaient contemporains[5]
Cette œuvre est organisée en groupes de 10 livres (parfois en groupes de 5), traditionnellement nommés « décades » au Moyen Âge, terme que Tite-Live n'emploie jamais et qui n'est attesté qu'à partir de 496, par une lettre du pape Gélase Ier. Il est possible que ce regroupement soit motivé par des raisons d'édition, lorsque les copistes ont substitué la présentation en codex groupant plusieurs livres aux séries de volumen d'un livre chacun[6].
Les livres qui sont restés concernent l'histoire des premiers siècles de Rome depuis sa fondation jusqu'en , puis, dans les troisième, quatrième et cinquième décades, le récit de la deuxième guerre punique et de la conquête par les armes romaines de la Gaule cisalpine, de la Grèce, de la Macédoine, et d'une partie de l'Asie Mineure. Le dernier événement important qui s'y trouve relaté est le triomphe de Paul Émile à Pydna en [7].
Dans sa préface, Tite-Live dit « Quant aux récits relatifs à la fondation de Rome ou antérieurs à sa fondation, je ne cherche ni à les donner pour vrais ni à les démentir : leur agrément doit plus à l'imagination des poètes qu'au sérieux de l'information ». Il se montre critique vis-à-vis de ce qu’il juge comme une décadence de Rome (qui n’a pas encore atteint son apogée) et exalte les valeurs qui ont fait la Rome éternelle.
Cette préface livre l'objectif de Tite-Live : commémorer les hauts faits de Rome, la cité devenue maîtresse du monde, présenter les hommes et les mœurs et les moyens à l'origine de la grandeur de la ville et la décadence morale à l'époque des guerres civiles, de façon que les lecteurs puissent tirer les enseignements de l'Histoire[8]. C'est donc à la fois un ouvrage de dialectique et de morale. Ses méthodes sont celles du Grec Isocrate, du IVe siècle av. J.-C.
Selon la pratique habituelle des auteurs antiques, Tite-Live ne cite pas ses sources, sauf lorsqu'il lui parait nécessaire de les discuter et choisir une version parmi plusieurs divergentes, ce qui donne ponctuellement quelques noms comme Fabius Pictor, qu'il oppose à Calpurnius Pison, ou Valerius Antias, dont il moque des détails d'une précision invraisemblable[9]. Ses sources sont les annalistes romains antérieurs ou des historiens grecs, dont les œuvres sont le plus souvent perdues. Il se fie surtout aux sources écrites, mais ne recourt que rarement aux archives originales : par exemple, lorsqu'il constate une divergence d'indication des consuls de l'année entre Lucius Aelius Tubero et Caius Licinius Macer, il ne se reporte pas aux livres de lin des archives officielles et considère la question comme insoluble[10]. À la décharge de Tite-Live, Jean Bayet rappelle que cette paresse à refaire le travail des historiens antérieurs s'est poursuivie chez les chroniqueurs du Moyen Âge[11].
Des philologues allemands du XIXe siècle comme Heinrich Nissen (1839-1912) et Wilhelm Soltau (1846-1924) ont mené une recherche minutieuse, dite du Quellenvorschung (« Recherche des sources »), pour identifier les textes des annalistes utilisés dans les récits de Tite-Live, essentiellement dans les livres les mieux connus, des quatrième et cinquième décades. Selon Soltau, Tite-Live ne pouvait consulter qu'un auteur à la fois, étant donné l'impossibilité de manipulation de plusieurs rouleaux (volumen) en même temps. Donc chaque passage de Tite-Live serait transcrit à partir d'un seul auteur, pour ensuite copier un autre en changeant de volume. Pour Jean Bayet, cette hypothèse simplificatrice ne cadre pas avec l'homogénéité de style de Tite-Live, difficile à maitriser en passant sans arrêt d'une transcription à une autre. De surcroit, elle oublie la technique de travail à partir d'extraits, communément pratiquée dans l'antiquité, et elle sous-estime chez Tite-Live les capacités de mémorisation d'auteurs lus préalablement. Les études postérieures à Soltau admettent que Tite-Live a procédé par synthèse de sources multiples[12].
Pour la troisième décade sur la deuxième guerre punique, Tite-Live a largement utilisé Polybe, mais aussi Lucius Coelius Antipater, auteur d'un ouvrage consacré à cette guerre, Valerius Antias, Quintus Claudius Quadrigarius, vraisemblablement Fabius Pictor et Lucius Cincius Alimentus, contemporains du conflit, peut-être Caius Acilius et le poète Ennius, et d'autres annalistes dont on ignore le nom[13].
Dans les quatrième et cinquième décades, l'utilisation de Polybe est certaine pour les événements de l'Orient hellénistique. Soltau croit identifier Calpurnius Pison et Valerius Antias pour les faits urbains propres à la ville de Rome, le même Antias et Quadrigarius pour les interventions en Espagne et en Italie du nord. Enfin Caton l'Ancien aurait été mis à contribution dans plusieurs chapitres des livres XXXIV et XXXIX[14].
Enfin, pour la première décade, l'incertitude est grande : l'influence des annalistes du Ier siècle av. J.-C. Lucius Aelius Tubero, Caius Licinius Macer et Quintus Claudius Quadrigarius semble prouvée, mais la restriction de Soltau à ces seuls auteurs avec des traces nombreuses de Fabius Pictor et de Valerius Antias n'est pour Jean Bayet qu'un minimum. De surcroit, Bayet critique l'analyse simplificatrice de Soltau du premier livre, pour lequel il ne retient que des contributions d'Antias et de Tubero, et exclut la possibilité de celles de Fabius Pictor, de Cincius, de Cassius Hemina, de Pison, de Macer et de Varron[15].
Le plan de l'ouvrage se repère lorsque Tite-Live insère dans certains livres des préfaces ou des préambules, synthèses servant de transition. En revanche, préfaces et préambules sont omis des Periochae. La répartition proposée par Jean Bayet est la suivante[16] :
Dans cette Histoire de Rome se trouve également la première uchronie connue au livre IX : Tite-Live imagine le monde si Alexandre le Grand était parti conquérir l'Occident et non l'Orient.
Trente-cinq livres seulement sur 142 sont parvenus à l'époque moderne : la première décade (livres I à X), la troisième, la quatrième et la moitié de la cinquième décade (livres XXI à XLV)[18]. On sait que l'œuvre complète fut lue jusqu'en 401. Selon la thèse de plusieurs auteurs, bien qu'aujourd'hui assez controversée, les pertes viendraient de Grégoire le Grand qui aurait fait brûler bon nombre de manuscrits favorables au paganisme, Tite-Live inclus[19],[20]. Une autre version indique qu'une purge massive de l'historien fut décidée par l'empereur Caligula. De l'antiquité jusqu'à l'époque contemporaine, plusieurs témoignages ont signalé à tort la découverte des livres disparus de l'Histoire, le « Tite-Live perdu »[21].
Les autres livres ne sont connus que par des fragments et des citations d'auteurs postérieurs, Tite-Live fut beaucoup lu, notamment par Florus, Eutrope, Justin et Orose. Il est fort probable que vu sa grande taille, l'Histoire fut souvent résumée et abrégée[22], les abréviations, pourtant pas mentionnées par les contemporains, se substituant souvent à l'œuvre complète[20].
Près de 85 fragments sont comptabilisés comme ceux de Tite-Live (ce nombre inclus quatre fragments considérés comme douteux et quatre fragments de Sénèque l'Ancien et Quintilien sur l'œuvre oratoire de Tite), le nombre paraît faible face à la popularité de l'œuvre. Les fragments ne sont considérés comme tels que si le rédacteur cite explicitement Tite-Live. Le problème étant que l'historien sert plus comme nom d'autorité, les citations sont souvent trop brèves pour une découverte majeure et sont parfois retranscrites de façon assez libre. Le fragment le plus long, que des historiens jugent « décevant », étant celui du livre XIC. Il fut découvert en 1772 sur un palimpseste de la bibliothèque vaticane et raconte les événements de -77 et -76 durant la guerre sertorienne)[23].
Un résumé nous parvint, qu'on nomme épitomé ou periochae. Ce résumé, avec des longueurs variables (2 à 95 lignes), abrège livre par livre (sauf les livres CXXXI et CXXXII mais il semble que leurs résumés auraient été en partie transférés dans la periocha du livre CXXLI), et permet de cerner le contenu, à la manière d'une table des matières ou d'un résumé bref[24]. L'auteur est anonyme, bien que des savants attribuent le travail à Florus, Tite-Live lui-même ou ses fils. Ces periochae furent composées sous l'empire romain. La méthode de travail de l'abréviateur est aussi inconnue, car seul le quart de l'œuvre est conservé et peut donc être croisé. Le texte des abrégés est progressivement lacunaire, les hypothèses hésitent entre les livres de Tite-Live plus courts ou l'abréviateur qui accéléra la tâche. Il existe de nombreux points de divergences entre les periochae, les livres conservés et les historiens citant Tite-Live. Il s'agit très probablement de variations de la tradition historique, influencées par l'époque de rédaction de l'abrégé. Une hypothèse, aujourd'hui décriée bien qu'en vogue au XIXe et XXe, soutenue notamment par Théodore Mommsen, indiquerait que ces abrégés dérivent d'une Epitome Liuiana, théorisant une source intermédiaire entre les periochae conservées et les livres complets[20].
Un autre abrégé, sans aucun lien avec la tradition manuscrite, fut retrouvé de manière très fragmentaire sur le papyrus d'Oxyrhynque 688[20].
Quinze manuscrits de la première décade sont parvenus à l'époque moderne[25] :
Pour ce qui est des abrégés, un total de 87 manuscrits fut comptabilisé[20].
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