XXe siècle
Tu as gagné, psychiatrie, tu as GAGNE et il te dépasse. La fourmilière du rêve agace ses membres en sommeil. Un rassemblement de volontés adverses le détend, élevé en lui comme de brusques murailles. Le ciel s'effondre avec fracas. Que sent-il
? Il a dépassé le sentiment de soi-même. Il t'échappe par mille et mille ouvertures. Tu crois le tenir et il est libre. Il ne t'appartient pas.
Il ne t'appartient pas, DENOMINATION. Ta mauvaise sensibilité vise à quoi ? A le remettre entre les mains de sa mère, à faire de lui le conduit, l'égout de la plus petite confrérie mentale possible, du plus petit dénominateur commun conscient ?
Sois tranquille. IL EST CONSCIENT.
- Repris dans le présent recueil, L'Osselet toxique figura initialement dans La Révolution Surréaliste N° 11, revue datée de mars 1928.
L'Ombilic des Limbes suivi du Pèse-nerfs et autres textes,
Antonin Artaud, éd. Gallimard, coll.
«
Poésie/Gallimard
»,
1956, partie Textes de la période surréaliste,
«
L'Osselet toxique
»,
p.
235
Dans le règne de l'imagination, l'air nous libère des rêveries substantielles, intimes, digestives. Il nous libère de notre attachement aux matières : il est donc la matière de notre liberté. A Nietzsche, l'air n'apporte rien. Il ne donne rien. Il est l'immense gloire d'un Rien. Mais de rien donner n'est-il pas le plus grand des dons. Le grand donateur aux mains vides nous débarrasse des désirs de la main tendue. Il nous habitue à ne rien recevoir, donc à tout prendre. [...] l'air est la véritable patrie du prédateur. L'air est cette substance infinie qu'on traverse d'un trait, dans une liberté offensive et triomphante, comme la foudre, comme l'aigle, comme la flèche, comme le regard impérieux et souverain. Dans l'air on emporte au grand jour sa victime. On ne se cache pas.
L'Air et les Songes — Essai sur l'imagination du mouvement (1943), Gaston Bachelard, éd. Le Livre de Poche, coll.
«
Biblio Essais
»,
1992
(ISBN 978-2-253-06100-7), partie III,
chap. V. «
Nietzsche et le psychisme ascensionnel
»,
p.
175
D’un petit bout de chaîne
Depuis que j’ai tâté,
Mon cœur en belle haine
A pris la liberté.
Fi de la liberté !
À bas la liberté !
De la Liberté, « Œuvres complètes de P.J. de Béranger, tome II »,
Pierre-Jean de Béranger, éd. Perrotin, 1834, p.
348
Georges Bernanos, La France contre les robots, 1944
Il ne s’agit pas de savoir si cette liberté rend les hommes heureux, ou si même elle les rend moraux. Il ne s’agit pas de savoir si elle favorise plutôt le mal que le bien, car Dieu est maître du Mal comme du Bien. Il me suffit qu’elle rende l’homme plus homme, plus digne de sa redoutable vocation d’homme, de sa vocation selon la nature, mais aussi de sa vocation surnaturelle, car celui que la Liturgie de la Messe invite à la participation de la Divinité — divinitatis consortes — ne saurait rien renoncer de son risque sublime.
La France contre les robots,
Georges Bernanos, éd. Robert Laffont, 1947, chap. 2,
p.
45
Capitalistes, fascistes, marxistes, tous ces gens là se ressemblent. Les uns nient la liberté, les autres font encore semblant d’y croire, mais qu’ils y croient ou n’y croient pas, cela n’a malheureusement plus beaucoup d’importance, puisqu’ils ne savent plus s’en servir. Hélas ! le monde risque de perdre la liberté, de la perdre irréparablement, faute d’avoir gardé l’habitude de s’en servir... Je voudrais avoir un moment le contrôle de tous les postes de radio de la planète pour dire aux hommes : « Attention ! Prenez garde ! La Liberté est là, sur le bord de la route, mais vous passez devant elle sans tourner la tête. »
[...] elle mordit avec délices dans les étonnantes stratifications blanches qui restaient à sa disposition, les baguettes de craie, et celles-ci écrivirent le mot amour sur l'ardoise de sa bouche. Elle mangea ainsi un véritable petit château de craie, d'une architecture patiente et folle, après quoi elle jeta sur ses épaules un manteau de petit gris et, s'étant chaussée de deux peaux de souris, elle descendit l'escalier de la liberté, qui conduisait à l'illusion de jamais vu.
André Breton, in La Révolution surréaliste n°9-10, 1927
C'est à trop juste titre que Masson se méfie de l'art où plus que partout ailleurs les pièges se déplacent dans l'herbe et où les pas de tout être qui tient à rester libre ou à n'aliéner sa liberté qu'à bon escient, sont comptés.
Les surréalistes — Une génération entre le rêve et l'action (1991), Jean-Luc Rispail, éd. Gallimard, coll.
«
Découverte Gallimard Littérature
»,
2000
(ISBN 2-07-053140-6), chap. Témoignages et documents,
André Breton, in
La Révolution surréaliste, n°9-10,
p.
191
La liberté à l'égard des autres êtres, la liberté à l'égard de celui qu'on a été semble ne se faire(...) si tentante que pour mieux m'accabler de ses défis.
J'en suis quitte brusquement avec ces représentations antérieures qui menaçaient tout à l'heure de me réduire, je me sens libérée de ces liens qui me faisaient croire encore à l'impossibilité de me dépouiller, sur le plan affectif, de mon personnage de la veille. Que ce rideau d'ombres s'écarte et que je me laisse conduire sans crainte vers la lumière ! Tourne, sol, et toi, grande nuit, chasse de mon cœur tout ce qui n'est pas la foi en mon étoile nouvelle !
Discours sur la question proposée par l'académie de Châlons-sur-Marne —
Quels seraient les meilleurs moyens de perfectionner l'éducation des femmes ?
Ô femmes, approchez et venez m'entendre ! Que votre curiosité dirigée une fois sur des objets utiles, contemple les avantages que vous avait donnés la nature et que la société vous a ravis. Venez apprendre comment, nées compagnes de l'homme, vous êtes devenues son esclave ; comment, tombées dans cet état abject, vous êtes parvenues à vous y plaire, à la regarder comme votre état naturel ; comment enfin, dégradées de plus en plus par votre longue habitude de l'esclavage, vous en avez préféré les vices avilissants, mais commodes, aux vertus plus pénibles d'un être libre et respectable.
Robert Desnos, La liberté ou l'amour !, 1927
Corsaire Sanglot sentait croître une estime nouvelle pour lui-même et en lui-même. Depuis qu’il avait compris et accepté la monotonie de l’Éternité, il avançait droit comme un bâton à travers les aventures, lianes glissantes, qui ne l’arrêtaient pas dans sa marche. Une exaltation nouvelle avait succédé à la dépression. Une espèce d’enthousiasme à rebours qui lui faisait considérer sans intérêt l’échec de ses plus chères tentatives. La liberté du temps l’avait enfin conquis.
Il faut être sans lois pour écouter la loi nouvelle. O délivrance ! O liberté ! Jusqu'où mon désir peut s'étendre, là j'irai.
- Cette citation provient d'une revue dirigée par André Breton.
«
Les Nouvelles Nourritures
»,
André Gide,
Littérature, nº
1,
Mars 1919, p.
4
La liberté est un rêve d'esclaves.
Dans notre système patriarcal occidental, la jeune fille non mariée appartient à son père, mais en des temps plus reculés, et comme c'est encore le cas dans certaines communautés primitives, elle était sa propre maîtresse jusqu'à son mariage. Le droit de disposer de soi-même jusqu'à ce qu'on se marie fait partie du concept primitif de la liberté. Une protection générale est accordée aux jeunes filles dans les sociétés primitives, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la tribu [...]. Cette liberté d'action implique le droit de refuser les privautés aussi bien que celui de les accepter. Une fille appartient à elle-même tant qu'elle est vierge, célibataire, et l'on ne peut l'obliger ni à conserver sa chasteté ni à consentir à une étreinte non désirée. En tant que vierge elle n'appartient qu'à elle-même, elle est une.
- Le mot vierge est à entendre dans le sens de jamais mariée.
Les Mystères de la femme (1953),
Mary Esther Harding (trad. Eveline Mahyère), éd. Payot & Rivages, coll.
«
Petite Bibliothèque Payot
»,
2001
(ISBN 2-228-89431-1), chap. VII. La lune mère,
p.
170
Carl Gustav Jung, Dialectique du Moi et de l'inconscient, 1933
Plus un corps social est petit, plus est garantie l'individualité de ses membres ; plus sont grandes leur liberté relative et les possibilités d'une responsabilité consciemment assumée. Hors de la liberté, point de moralité.
Dialectique du Moi et de l'inconscient (1933),
Carl Gustav Jung (trad. Docteur Roland Cahen), éd. Gallimard, coll.
«
Folio Essais
»,
1964
(ISBN 2-07-032372-2), partie I. Des effets de l'inconscient sur le conscient,
chap. II. Les conséquences de l'assimilation de l'inconscient,
p.
75
C'est dans la victoire remportée sur la psyché collective que réside la vraie valeur, la conquête du trésor, de l'arme invincible, du précieux talisman ou de tous autres biens suprêmes inventés par le mythe. Quiconque donc s'identifie à la psyché collective et s'y perd — c'est-à-dire, en langage mythique, se laisse engloutir par le monstre — va par conséquent se trouver au voisinage immédiat du trésor que garde le serpent, mais au détriment de toute liberté.
Dialectique du Moi et de l'inconscient (1933),
Carl Gustav Jung (trad. Docteur Roland Cahen), éd. Gallimard, coll.
«
Folio Essais
»,
1964
(ISBN 2-07-032372-2), partie I. Des effets de l'inconscient sur le conscient,
chap. IV. Tentatives pour extraire et libérer l'individualité de la psyché collective,
L'identification avec la psyché collective,
p.
109
Annie Le Brun, Les châteaux de la subversion, 1982
[...] cette confusion des lieux de peur et des lieux de plaisir dans l'imaginaire européen, qui donne à chacun l'occasion de se rendre fantasmatiquement maître de l'espace destiné à l'asservissement du nombre, préfigure paradoxalement la fête révolutionnaire alors conçue comme « l'éveil d'un sujet collectif qui naît à lui-même, et qui se perçoit en toutes ses parties, en chacun de ses participants ». Et quand la première fête révolutionnaire aurait été la prise de la Bastille, c'est-à-dire la prise de possession collective d'un lieu clos ou bien l'abolition d'un décor qui sépare, le roman noir propose la même fête, mais à l'intérieur d'un décor où la séparation ne se serait maintenue que pour exalter la souveraineté de tous ceux qui s'en rendent fantasmatiquement maîtres. Ainsi niant à la fois le caractère exclusif de la fête aristocratique et le caractère collectif de la fête révolutionnaire, l'architecture noire ouvre un espace de subversion où le nombre délimite négativement le champ d'affirmation de l'unique pour en faire une prison, de même que l’unique y vient nier la possibilité d'un plaisir partagé, excluant tout ce qui s'oppose à sa propre satisfaction. Car illustrant l'idée fort répandue en cette fin de siècle que « l’extrême liberté de quelques-uns attente à la liberté de tous », les demeures du roman noir exposent aussi que la liberté de tous porte atteinte à la liberté de chacun dont elles esquissent les perspectives illimitées.
- Annie Le Brun cite ici à deux reprises Jean Starobinski (in l'Invention de la liberté).
Les châteaux de la subversion,
Annie Le Brun, éd. Garnier Frères, coll.
«
Folio Essais
»,
1982
(ISBN 2-07-032341-2), partie III,
Sans lieu ni date,
p.
222
La liberté n'est ni une invention juridique ni un trésor philosophique, propriété chérie de civilisations plus dignes que d'autres parce qu'elles seules sauraient la produire ou la préserver. Elle résulte d'une relation objective entre l'individu et l'espace qu'il occupe, entre le consommateur et les ressources dont il dispose.
La liberté est une rupture. Elle n’est pas une affaire de courage, mais d’amour.
L’homme de droite honnête parle de la liberté comme d’un axiome de droit public, et non comme d’une réalité vivante et quotidienne. Il fait un beau discours, rentre chez lui et dort en paix. On devine qu’il sera très surpris le jour où la liberté, passant sous sa fenêtre, chantera le «Ça ira».
Michel Onfray
Lorsque
Barbey d'Aurevilly écrit sur Brummell, c'est pour extraire une théorie de ce qu'après
Balzac on pourrait appeler la vie élégante. La plus belle réussite d'un dandy est l'emploi de son temps, et non son argent. Car il méprise l'or dans lequel croupissent les bourgeois. Son chef-d'œuvre est sa liberté, l'acquisition de sa liberté. Je me souviens d'une belle phrase de
Nietzsche qui écrivait qu'un homme qui ne dispose pas des deux tiers de son temps pour son propre usage n'est pas un homme libre.
Le Désir d'être un volcan — Journal hédoniste,
Michel Onfray, éd. Grasset, coll.
«
Le Livre de Poche Biblio Essais
»,
1996
(ISBN 2-253-94263-4), chap. 9. Baudelaire, encore,
p.
76
La plus belle réussite d'un dandy est l'emploi de son temps, et non son argent. Car il méprise l'or dans lequel croupissent les bourgeois. Son chef-d'œuvre est sa liberté, l'acquisition de sa liberté. Je me souviens d'une belle phrase de
Nietzsche qui écrivait qu'un homme qui ne dispose pas des deux tiers de son temps pour son propre usage n'est pas un homme libre.
Le Désir d'être un volcan — Journal hédoniste, Michel Onfray, éd. Grasset, coll.
«
Le Livre de Poche Biblio Essais
»,
1996
(ISBN 2-253-94263-4), chap. 9. Baudelaire, encore,
p.
76
La liberté, c’est la liberté de dire que deux et deux font quatre. Lorsque cela est accordé, le reste suit.
Karl Popper, La Quête inachevée, 1976
Je suis resté socialiste pendant plusieurs années encore, même après mon refus du marxisme. Et si la confrontation du socialisme et de la liberté individuelle était réalisable, je serais socialiste aujourd'hui encore. Car rien de mieux que de vivre une vie modeste, simple et libre dans une société égalitaire. Il me fallut du temps avant de réaliser que ce n'était qu'un beau rêve ; que la liberté importe davantage que l'égalité ; que la tentative d'instaurer l'égalité met la liberté en danger ; et que, à sacrifier la liberté, on ne fait même pas régner l'égalité parmi ceux qu'on a asservis.
On a publié quelques notes de son
Journal de voyage qui se rapportent à son séjour de Londres. Il ne se fait point d'illusion en beau sur l'état du pays et des institutions
; il juge au vrai la corruption des mœurs politiques, la vénalité des consciences et des votes, le côté positif et calculateur, cette peur d'être dupe qui mène à la dureté. S'il voit le mal,
Montesquieu apprécie très bien les avantages qui le compensent
:
L'Angleterre est à présent le pays le plus libre qui soit au monde, je n'en excepte aucune république. Un coup d'œil de divination perce comme un éclair dans [une] phrase jetée en passant et qui prédit l'émancipation de l'Amérique anglaise.
Les lumières et les salons — Anthologie établie et présentée par Pierre Berès,
Charles-Augustin Sainte-Beuve, éd. Hermann (éditeurs des sciences et des arts), coll.
«
Collection savoir
: lettres
»,
1992
(ISBN 2-7056-6178-6), partie
Montesquieu,
18 et 25 octobre.
Causeries du lundi, t. VII,
p.
120
Edith Stein, La Crèche et la Croix, 1941
La sainte obéissance entrave nos pieds pour qu'ils ne suivent plus leur propre chemin mais les chemins de Dieu. Les enfants du monde appellent « liberté » le fait de n'être soumis à aucune volonté étrangère, et de n'être restreints par personne dans la satisfaction de leurs désirs et de leurs inclinations. Pour ce rêve de liberté, ils se jettent dans des combats sanglants, sacrifiant leur vie et leurs biens. Par liberté, les enfants de Dieu entendent tout autre chose : suivre sans entrave l'Esprit de Dieu ; ils savent bien que les plus grands obstacles ne sont pas à l'extérieur mais en nous. Quand la raison et la volonté poussent l'homme à être son propre maître, il ne remarque pas à quel point il se laisse abuser et asservir par ses désirs naturels.
Ian Watson
La liberté, c'est l'action.
Orgasmachine, Ian Watson, éd. Chute libre, 1976, p. 116
Religion ! — Promenade des séminaristes, 1929
[...] insulter les prêtres n'a pas d'autre but, mise à part la satisfaction morale que cela procure sur le moment, que de vous entretenir dans cet état d’esprit qui vous permettra, le jour où vous serez libres, d'abattre par jour, en vous jouant, deux ou trois tonnes de dangereux malfaiteurs.
Les surréalistes — Une génération entre le rêve et l'action (1991), Jean-Luc Rispail, éd. Gallimard, coll.
«
Découverte Gallimard Littérature
»,
2000
(ISBN 2-07-053140-6), chap. Témoignages et documents,
Jean Koppen —
Religion ! — Promenade des séminaristes, in
La Révolution surréaliste, n°12, 15 décembre 1929,
p.
169
Littérature, Enquête — Pourquoi écrivez-vous ?, 1919
Pourquoi j'écris ? Pour essayer de voir plus clair en moi et pour regarder avec plus de passion attentive les spectacles de beauté. Par besoin de formuler pour soi-même mes émotions et de combattre pour mes idées, par amour des mots vivants clairs et colorés de la langue française, par goût de l'action libre. Car il n'est aucun mode d'expression qui donne aussi bien le sentiment de la pleine liberté. Devant son papier blanc, l'écrivain a la joie et la fierté de sentir qu'il ne dépend que de lui-même. Et c'est une des plus nobles joies.
- George Lecomte, Président de la Société des Gens de Lettres, donne suite à une enquête concernant son statut d'écrivain menée par le mensuel surréaliste Littérature, ce sur plusieurs numéros.
« Notre enquête — Pourquoi écrivez-vous ? », George Lecomte, Littérature, nº 10, Décembre 1919, p. 23
XXIe siècle
Heureusement que nos libertés sont restreintes ! Si j’avais envie d’agresser physiquement quelqu’un, la loi me l’interdirait. Ma liberté est limitée pour le bien commun. Il devrait en être de même pour la planète : limiter la folie humaine, qui détruit la vie, serait juste et rationnel. Nous avons construit un système dans lequel le fait de privilégier la vie par rapport à l’argent apparaît comme extrême ! C’est délirant.
(fr) «
Aurélien Barrau, du cosmos infini à la fragile Terre
», Aurélien Barrau [entretien avec Noémie Matos],
L'uniscope, le magazine du campus de l'UNIL, nº
646,
2 septembre 2019, p.
16-17 (
lire en ligne)
Un amant, un homme, ce n'est rien, quelques kilos à peine qu'il faut hydrater et nourrir. Le Désir, lui, c'est tout autre chose. Le Désir doit pouvoir courir en liberté. Seul sous le ciel, se frotter le dos contre les écorces dures, se rouler par terre. De grands espaces, il lui faut.
De hautes falaises.
Alberto Eiguer, Psychanalyse du libertin, 2010
Paul Valéry rappelle avec pertinence :
« A Rome, les hommes libres, s'ils étaient nés de parents libres, s'appelaient ingénus ; s'ils avaient été libérés, on les disait libertins. Beaucoup plus tard on appela libertins ceux dont on prétendait qu'ils avaient libéré leur pensée ; bientôt ce beau titre fut réservé à ceux qui ne connaissaient pas de chaînes dans l'ordre des mœurs. Valéry, Regards sur le monde actuel » (Le Robert, 1988).
Psychanalyse du libertin,
Alberto Eiguer, éd. Dunot, coll.
«
Psychismes
»,
2010
(ISBN 978-2-10-054958-0), partie Introduction,
chap. Liberté génère trois mots proches mais différents
: libertin, libertaire, libéral,
p.
7
La liberté effraie certains d'entre nous, qui ont un besoin capital soit de sécurité, soit de tirer profit des failles du système, soit de se replier sur soi.
Psychanalyse du libertin,
Alberto Eiguer, éd. Dunot, coll.
«
Psychismes
»,
2010
(ISBN 978-2-10-054958-0), partie Introduction,
chap. Liberté génère trois mots proches mais différents
: libertin, libertaire, libéral,
p.
8
Personne d'autre que
Spinoza n'a trouvé meilleure solution à l'idée d'un épanouissement de sa personne en accord avec son plaisir et sa quête de bonheur. L'homme qu'il présente est un homme libre et sans crainte de pêcher. Aucune divinité ne le surveille
; seules sa conscience et sa vie intérieure le conduisent.
Psychanalyse du libertin,
Alberto Eiguer, éd. Dunot, coll.
«
Psychismes
»,
2010
(ISBN 978-2-10-054958-0), partie I. Libertinage, le plaisir et la joie,
chap. Le libertinage épousant l'histoire,
Les libertins érudits du XVIIe siècle,
p.
63
Le XVIIIe siècle peut être considéré comme l'apogée du libertinage. Non sans peine ni extravagances. Les idées libertines s'y affirment avec force ; les principes deviennent plus clairs et infiltrent nombre de nouveaux domaines. Cela devient une arborescence où la liberté s'articule à la sensualité, à la raison, au matérialisme, et bientôt à la remise en question de toute oppression : une rupture avec l'omnipotence du dieu unique, du roi unique, du propriétaire féodal et du maître de la maison — le père.
Psychanalyse du libertin,
Alberto Eiguer, éd. Dunot, coll.
«
Psychismes
»,
2010
(ISBN 978-2-10-054958-0), partie I. Libertinage, le plaisir et la joie,
chap. Le libertinage faisant l'histoire,
L'époque des lumières,
p.
71
Cécile Guilbert, Les ruses du professeur Nabokov, 2010
Ce «
ronronnement suprême de plaisir produit par l'impact d'une pensée voluptueuse qui est une autre façon de définir l'art authentique
»,
Nabokov le nomme aussi «
frisson
». A cet égard, ne jamais oublier que le mot se dit en italien
capriccio, d'où «
caprice
», fantaisie, liberté.
Littératures (1980),
Vladimir Nabokov, éd. Robert Laffont, coll.
«
Bouquins
»,
2010, Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov,
p.
XXX
Jean-Paul II, Mémoire et identité, 2005
La dangerosité de la situation dans laquelle on vit aujourd’hui réside dans le fait que, avec l’usage de la liberté, on prétend faire abstraction de la dimension éthique, c’est-à-dire de la considération du bien et du mal moraux. Une certaine conception de la liberté, qui trouve présentement un large écho dans l’opinion publique, détourne l’attention de l’homme de sa responsabilité éthique. Ce sur quoi on s’appuie est la liberté seule. On dit : ce qui importe, c’est d’être libres, d’être délivrés de tout frein et de tout lien, de manière à se mouvoir selon ses propres jugements qui, en réalité, ne sont souvent que des caprices. Il est clair qu’un libéralisme de ce genre ne peut être qualifié que de primitif. Son influence est donc potentiellement dévastatrice.
C’est le prix à gagner pour être libre... [...]
La liberté n’est pas un passeport que l’on délivre à la préfecture, ammou. Partir où l’on veut n’est pas la liberté. Manger à sa faim n’est pas la réussite. La liberté est une conviction profonde ; elle est mère de toutes les certitudes. [...]
Il n’y a pas de bonheur sans dignité, et aucun rêve n’est possible sans liberté...
L’Attentat, Yasmina Khadra, éd. Pocket, 2005, p. 219-220
Marc Lévy, Le premier jour, 2009
Elle expliqua que l’
homme ne serait jamais libre d’aller où il le souhaitait tant qu’il n’aurait pas appris d’où il venait.
Le premier jour, Marc Levy, éd. Pocket, 2009, p. 170
Jean-Paul Marthoz
[…] la survie de la démocratie et de la liberté ne passe jamais par l'arrangement avec des forces ténébreuses, qui inévitablement, donnent le « la » et mènent le bal.
«
Quand Churchill et Kay Graham entraient en dissidence
», Jean-Paul Marthoz,
Le Soir, 16 février 2018, p.
18-19
Filippo Mignini, Dieu tout-pensant, 2010
La philosophie de Spinoza a pour but ultime de montrer les conditions d'une vie humaine digne d'être vécue en ce monde, autrement dit aussi libre et aussi sereine que possible.
- Cette citation provient d'un dossier coordonné par Maxime Rovere concernant la philosophie spinozienne.
« Dieu tout-pensant », Filippo Mignini, Le Magazine Littéraire, nº 493, Janvier 2010, p. 76
La liberté consisterait à se mettre en marche vers l'inéluctable. L'acceptation comme expression de la liberté peut sembler lugubre, à nous autres, nomades modernes. Elle se montre étrangère à notre psyché où nous glorifions l'autonomie individuelle.
Mais c'est une idée très belle. Car, après tout, nous allons mourir. Nous ne savons ni le jour ni l'heure mais nous savons que le voile tombera. Cela nous empêche-t-il d'entrer dans la danse ?
On veut tous être libres mais on ne sait pas que la liberté se résume à faire autre chose que ce qu'il faut.