(Linguistique) Unité fonctionnelle du langage, composée de plusieurs mots graphiques, appartenant à la langue et devant être apprise en tant que forme globale non divisible.
La morale des surveillants se bornait à menacer de leurs cannes, tantôt tirant le revolver pour donner plus de force aux locutions d’arsouille dont ils avaient l'habitude de se servir. Voilà la vie du bagne.—(Alexis Trinquet, Dans l'enfer du bagne: Mémoires d'un transporté de la Commune, présenté par Bruno Fuligni, éd. Les Arènes, 2014)
Pour les locutions, il était insatiable de renseignements, car, leur supposant parfois un sens plus précis qu’elles n’ont, il eût désiré savoir ce qu’on voulait dire exactement par celles qu’il entendait le plus souvent employer: la beauté du diable, du sang bleu, une vie de bâtons de chaise, le quart d’heure de Rabelais, être le prince des élégances, donner carte blanche, être réduit à quia, etc., et dans quels cas déterminés il pouvait à son tour les faire figurer dans ses propos. À leur défaut il plaçait des jeux de mots qu’il avait appris.—(Marcel Proust, Un amour de Swann, 1913, réédition Le Livre de Poche, page 21)
Les paysans du Nivernais ont accoutumé de dire de leurs voisins du Berry que «quatre-vingt-dix-neuf moutons et un Berriat (ou Berrichon) font cent bêtes», locution que les Berrichons ou Berriats ne manquent pas de transformer à l’usage des Limousins […] —(Franc-Nohain, Guide du bon sens, Éditions des Portiques, 1932)
Les adverbes «soudain» ou «brusquement» ne sont jamais utilisés par les Morvandiaux qui leur préfèrent, de loin, la locution «tout par un coup» […] —(Henri Micaux, On m’a dit… dans le Morvan: histoires presque vraies, 2004, page 87)
Notes
Considérations grammaticales
Le sens d’une locution excède celui de ses composants:
Une assiette anglaise est autre chose qu’une pièce de vaisselle fabriquée en Grande-Bretagne.
La locution est pourvue d’une fonction grammaticale, se décline selon les règles de celle-ci et peut se substituer dans le discours aux syntagmes de même fonction:
Accablé par la douleur, il errait comme un malheureux / une âme en peine. (âme en peine: locution nominale).
Le guerrier l’emporta cruellement / à la pointe de l’épée (à la pointe de l’épée: locution adverbiale).
Avec son air vainqueur / de chien battu, tout le monde cède à ses caprices. (de chien battu: locution adjectivale).
La mauvaise nouvelle était tombée. Les larmes aux yeux, ils s’inclinèrent / avalèrent la pilule sans protester. (avaler la pilule: locution verbale).
Majesté, vos troupes ont capitulé. Ah! / Par exemple! s’écria le Prince. (Par exemple!: locution interjective.)
Œil pour œil, dent pour dent. (locution-phrase qui ne s’intègre pas grammaticalement dans le discours: voir expression ci-dessous).
De nombreuses locutions nominales figées sont plutôt considérées comme des syntagmes nominaux: pomme de terre, pardessus, avant-guerre, entr’acte, entrechat, sans-abri sont généralement traités comme des mots plutôt que comme des locutions mais la frontière entre locution nominale et mot est indécise.
Une expression est une locution figée qui ne possède pas de fonction grammaticale permettant de l’intégrer dans la phrase. Elle a souvent un caractère métaphorique ou proverbial. Elle est à ce titre plutôt utilisée comme incise ou comme citation. Voici quelques exemples:
Œil pour œil, dent pour dent;
Loin des yeux, loin du cœur;
Les chiens aboient, la caravane passe
La frontière entre expression, dicton et proverbe est floue et tient plus à l’usage qu’à la forme.
Les locutions sont des modes d’agencement privilégiés des mots au sein d’une langue et d’une grammaire données. À ce titre, ce sont des composants de la phraséologie et plus généralement de la stylistique de la langue.