Les Variations Goldberg ou Aria avec quelques variations pour clavecin à deux claviers, sont une œuvre pour clavecin composée par Jean-Sébastien Bach portant le numéro 988 dans le catalogue BWV. Composée au plus tard en 1740, cette œuvre constitue la partie finale de la Clavier-Übung publiée à Nuremberg par Balthasar Schmidt. Elle est un exemple accompli de la forme «thème avec variations», et une des pièces écrites pour clavier les plus notoires.
L'œuvre comprend un grand nombre de formes, d'harmonies, de rythmes et de raffinements techniques, le tout fondé sur une technique contrapuntique qui atteint la virtuosité. Écrite vers le début des dix dernières années de la vie de Bach, elle inaugure la série des œuvres mono-thématiques et contrapuntiques de sa musique instrumentale. L'exemplaire imprimé personnel du compositeur, annoté de sa main — découvert en 1974 à Strasbourg par Olivier Alain —, atteste l'importance de ces variations: parmi les additifs et corrections, Bach a ajouté une série de «quatorze canons sur les huit premières notes fondamentales de l'Aria», dont le principe se retrouve dans ses œuvres plus tardives, telles que L'Offrande musicale et L'Art de la fugue.
Elle est initialement écrite pour un clavecin à deux claviers, l'usage fréquent de croisements de mains rendant son interprétation difficile sur un seul clavier.
Les Variations Goldberg (BWV 988) ont été publiées à Nuremberg, durant l'automne 1741, comme quatrième partie du Clavier-Übung, sous le titre Aria avec différentes variations pour clavecin à deux claviers[1]. Selon la tradition, inspirée de la biographie de Bach qu'écrivit Johann Nikolaus Forkel en 1802[2], elles furent commandées au compositeur par le comte Herman von Keyserlingk. Bach était en voyage à Dresde en novembre 1741, et on peut soupçonner qu'il ait présenté à son protecteur, c'est-à-dire précisément le comte Keyserling, une copie des Variations Goldberg qui venaient d'être imprimées. Peut-être Johann Gottlieb Goldberg, l'apprenti claveciniste et élève extrêmement doué de Jean-Sébastien Bach et de Wilhelm Friedemann Bach, a-t-il joué ces variations à son maître le comte pour distraire ses longues nuits d'insomnies, et pour l'accompagner jusque dans les bras de Morphée[3].
Cette légende est néanmoins largement contestée au début du XXIesiècle, du fait de l'absence de dédicace au frontispice de l'édition de 1741, très en coutume à l'époque, et de l'absence, dans l'inventaire des biens de Bach après sa mort, de traces des riches cadeaux faits par Keyserling à Bach, selon Forkel (une coupe en or remplie de cent louis d’or).
Cependant, Goldberg, qui était un claveciniste accompli et un élève estimé de Bach, les lui a sans doute interprétées[4],[5].
À partir de l'Aria introductive, une sarabande lente et ornée, fondée sur le motif de basse très répandu de la gagliarda italiana (gaillarde italienne), Bach crée un univers en développement, qui regroupe de nombreux styles musicaux: canons, inventions, fugues, gigues, arias ornées à l'italienne, etc. Ce développement se compose de trente variations, séparées en deux grandes parties de quinze variations, la seconde partie commençant par une ouverture. Après ces trente variations dans lesquelles Bach emploie de nombreux moyens pour partir du même point et pour revenir au même point (chaque variation correspond à une mesure de l'aria), il clôt le cycle par une réitération de l'aria. Le nombre de mesures et la tonalité des mouvements (Aria, 30 variations, Aria da Capo) concordent.
En plus de la division en deux parties, ces variations se regroupent également en dix ensembles de trois, fournissant pour support une gradation contrapuntique: chaque troisième mouvement est un canon, les intervalles d'imitation montant successivement de l'unisson (dans la variation 3) à la neuvième (variation 27). Au lieu du prévisible canon à la dixième, la variation 30 est un quodlibet qui combine avec fantaisie plusieurs thèmes populaires en contrepoint: «Ich bin so lange nicht bei dir gewest, rück her, rück her» («Il y a si longtemps que je ne suis plus auprès de toi, rapproche-toi, rapproche-toi»); et «Kraut und Rüben haben mich vertrieben / Hätt’ mein’ Mutter Fleisch gekocht, so wär’ ich länger blieben)» («Choux et raves m’ont fait fuir, Si ma mère avait fait cuire de la viande, je serais resté plus longtemps»). La première mélodie était très répandue au XVIIesiècle comme Kehraus (dernière danse), morceau que l'on jouait pour faire comprendre que la soirée dansante se terminait.
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Noms des variations issus du manuscrit original
Aria
Variatio 1. a 1 Clav.
Variatio 2. a 1. Clav.
Variatio 3. Canone all Unisuono à 1 Clav.
Variatio 4. à 1 Clav.
Variatio 5. a 1 ô vero 2 Clav.
Variatio 6. Canone alla Seconda a 1 Clav.
Variatio 7. à 1. ô vero 2 Clav. (al tempo di Giga)
Variatio 8. a 2 Clav.
Variatio 9. Canone alla Terza. a 1 Clav.
Variatio 10. Fugetta. a 1 Clav.
Variatio 11. a 2 Clav.
Variatio 12. Canone alla Quarta.
Variatio 13. a 2 Clav.
Variatio 14. a 2 Clav.
Variatio 15. andante. Canone alla Quinta. a 1 Clav.
Variatio 16. a 1 Clav. Ouverture
Variatio 17. a 2 Clav.
Variatio 18. Canone alla Sexta. a 1 Clav.
Variatio 19. à 1 Clav.
Variatio 20. a 2 Clav.
Variatio 21. Canone alla Settima.
Variatio 22. a 1 Clav. alla breve
Variatio 23. a 2 Clav.
Variatio 24. Canone all Ottava a 1 Clav.
Variatio 25. a 2 Clav.
Variatio 26. a 2 Clav.
Variatio 27. Canone alla Nona. a 2 Clav.
Variatio 28. a 2 Clav.
Variatio 29. a 1 o vero 2 Clav.
Variatio 30. a 1 Clav. Quodlibet.
Aria da Capo è Fine
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Parmi les interprétations les plus connues sont celles, au piano, de Glenn Gould (quatre interprétations, les deux plus connues étant celles de 1955 et de 1981). Elles ont été de nombreuses fois enregistrées, au piano, au clavecin, à l'orgue, à l'accordéon à basses chromatiques, ainsi qu'adaptées pour trio à cordes, trio de jazz, et pour orchestre (par exemple par Józef Koffler).
En 2012, le projet Open Goldberg Variations[8] permet l'enregistrement des Variations Goldberg jouées par la pianiste Kimiko Ishizaka et la mise à disposition dans le domaine public des enregistrements[9] ainsi que des partitions réalisées avec le logiciel MuseScore[10].
Vladimir Feltsman - 26 octobre 1991, prise directe au Conservatoire de Moscou - Musical Heritage Society[14] 513260T - DDD - piano - toutes les reprises
Pierre Hantaï - juin 1992, Opus 111 OPS 30-84 - DDD - clavecin
Blandine Verlet - septembre 1992, Astrée Auvidis E 8745 - DDD - clavecin
Pascal Vigneron-Dimitri Vassilakis-Christine Auger - 2010, Quantum - DDD QM7035 - clavecin, orgue et piano — première version comparée sur les trois instruments
Kreisleriana de E.T.A. Hoffmann, dans le chapitre I, Souffrances musicales du maître de chapelle Johannès Kreisler. On y voit Kreisler jouer les Variations pour clavecin de Jean-Sébastien Bach devant un public qui «croit que ce sont de jolies petites variations». Hoffmann décrit avec humour les réactions du public éprouvé, de la variation 3 à la variation 30.
La Nuit de la Saint-Jean[17] (1935) de la Chronique des Pasquier de Georges Duhamel. Cécile Pasquier joue les Variations Goldberg lors d'une fête familiale pour l'inauguration de la maison de son frère Joseph, et l'auteur nous invite successivement à partager les sentiments et émotions de chacun des convives.
Liberty Street (2008) de Bertrand Puard, Nouveau Monde Éditions. Dans ce roman, les Variations Goldberg ponctuent la vie de Tristan Thackeray, un jeune financier, surdoué du piano.
Contrepoint (2010) de Anna Enquist, «retrace l'histoire de sa fille, décédée depuis peu, au travers des Variations Goldberg.»
Goldberg Variations, chorégraphie de Jerome Robbins (1971)
Goldberg Variations 1-15 - Goldberg Variations 16-30. Improvisations de Steve Paxton filmées par Walter Verdin.
bODY_rEMIX[18] les Variations Goldberg, œuvre chorégraphique de Marie Chouinard (2006), variations jouées par Glenn Gould et remixées par Louis Dufort.
Golderg-Variationen, chorégraphie de Heinz Spoerli (1995), dernière production pour le ballet de la Scala de Milan (2018).
«Clavier Übung consistant dans un air et de nombreuses variations pour clavecin à deux claviers, publié par Balthasar Schmidt, à Nuremberg. Cette œuvre se compose de trente variations dans lesquelles se trouvent entremêlés des canons combinés à toutes sortes d'intervalles et de mouvements, depuis l’unisson jusqu’à la neuvième; la mélodie en est facile et coulante. Il se trouve aussi une fugue régulière à quatre parties et d’autres variations très brillantes pour deux clavecins [sic Variationen für 2 Claviere, sous entendu «clavecin à deux claviers»], enfin un quodlibet, comme il l’appelait, et qui suffirait à lui seul à rendre son auteur immortel. Il n’occupe pourtant point le premier rang de ce recueil.
Ces variations sont un modèle d’après lequel toutes les variations du monde devraient être faites, quoique, pour des raisons faciles à comprendre, la chose n’ait jamais été tentée par personne. Nous en sommes redevables au comte Kayserling, ancien ambassadeur de Russie à la cour de l’Électeur de Saxe. Il résidait souvent à Leipzig et amenait avec lui Goldberg, que nous avons cité ci-dessus comme ayant reçu de Bach des leçons de musique. Le comte, plein d’infirmités, avait de nombreuses nuits d’insomnie. À cette époque, Goldberg vivait dans la maison de l’ambassadeur et couchait dans une chambre attenante à celle de ce dernier, pour être prêt à lui jouer quelque morceau s’il s’éveillait. Le comte dit un jour à Bach qu’il aurait aimé avoir pour Goldberg quelques morceaux de clavecin. Ces morceaux devaient être d’un caractère plutôt calme et plutôt joyeux, afin qu’ils le pussent récréer pendant ses nuits de repos. Bach pensa que ce but serait atteint à souhait à l’aide de variations. Il avait considéré jusqu’alors comme un travail bien ingrat ce genre de composition, dans lequel l’harmonie a périodiquement des tours semblables: mais il était dans cette phase de son existence où il ne pouvait toucher une plume sans produire un chef d’œuvre. Les variations subirent le même sort; elles sont l’unique modèle de ce genre qu’il nous ait laissé. Toujours, le comte les appelait ses variations. Il ne se lassait jamais de les entendre, et dans la suite, pendant ses longues insomnies, il avait coutume de dire: «Cher Goldberg, jouez-moi donc, je vous en prie, une de mes variations». Jamais peut-être Bach ne reçut pour aucun de ses ouvrages une aussi belle récompense; car le comte lui fit cadeau d’un gobelet d’or empli de cent louis d’or. Mais la valeur de cet ouvrage, comme œuvre d’art, ne se pouvait payer, le cadeau eût-il été mille fois plus considérable encore. Il est important d’observer que les planches gravées de ces variations portent des errata importants que l’auteur s’est empressé de corriger sur son exemplaire.»
Les rouleaux pour les dispositifs Duo-art, Ampico et Welte-Mignon, lesquels étaient connus comme pianos reproducteurs, pouvaient assez précisément reproduire le toucher et la dynamique de l'artiste.
Un des enregistrements les plus connus: Glenn Gould au piano lors de ses débuts. Gould lui-même finira par en critiquer le style lyrique et l'interprétation «hors tempo», tout en émettant des réserves générales sur son style (le manque d'unité temporelle par exemple).
Une des rares œuvres ré-enregistrées par Gould. Interprétation plus classique, plus sobre et plus lente que celle de 1955 – et avec la plupart des reprises. Le minutage est de 38 min 26 s pour l'enregistrement de 1955 et 51 min 14 s pour celui de 1981. Les séances d'enregistrement ont donné lieu à un film de Bruno Monsaingeon.
Manuscrit des variations numérisé par la BNF: Exemplaire de l'édition originale ayant appartenu au compositeur, avec corrections manuscrites de sa main; contient aussi l'appendice manuscrit des 14 canons, BWV 1087. sur le motif initial des 8 premières mesures. Ce manuscrit original n'a été découvert en Alsace qu'en 1974.