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le syndicalisme révolutionnaire propose une stratégie de rupture avec le capitalisme basée sur l'auto-organisation des travailleurs et l'autonomie ouvrière, couplée à l'action directe et à la grève générale expropriatrice De Wikipédia, l'encyclopédie libre
L'expression syndicalisme révolutionnaire désigne une pratique syndicale conçue en France dans les syndicats de la CGT entre 1895 et 1914 et alimentée par son application dans les syndicats d'autres pays industrialisés (États-Unis, Italie, Espagne…) jusqu'à nos jours.
Origine |
Mouvement autonome des travailleurs syndiqués et des Bourses du travail |
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Type |
Syndicat, Tendance syndicale, Pratique syndicale |
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Objectif |
Établissement du socialisme |
Méthode |
Personnes clés | |
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Publication |
L'Action directe, La Vie Ouvrière, La Bataille syndicaliste, La Révolution prolétarienne, Syndicaliste !, La batalla |
Le syndicalisme révolutionnaire propose une stratégie révolutionnaire pour établir le socialisme, avec une confrontation contre le capitalisme par l'auto-organisation des travailleurs et l'autonomie ouvrière, couplée à l'action directe et à la grève générale expropriatrice.
Le syndicalisme révolutionnaire est aussi appelé syndicalisme d’action directe, notamment par Jacques Julliard[1],[2].
La doctrine du syndicalisme révolutionnaire est plurielle car elle intègre à la fois les influences du marxisme (dans une version révisionniste de gauche[3]) et de l'anarchisme (dans sa version proudhonienne[4]), et n'a pas eu de stricte structuration internationale.
Les contributeurs théoriques sont, en France, Fernand Pelloutier, le précurseur[5], Hubert Lagardelle, Georges Sorel, Édouard Berth, Émile Pouget, Pierre Monatte, en Italie, Arturo Labriola et Enrico Leone, et aux Pays-Bas Christiaan Cornelissen.
Ce courant se distingue et s'oppose aussi bien au syndicalisme réformiste qu'aux partis politiques, par son adhésion au vieux principe : « L'émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ».
Le syndicalisme révolutionnaire a représenté un état d'esprit dominant dans la CGT française entre 1895 et 1920. En fédérant différentes sensibilités qui défendaient l'autonomie ouvrière contre les arrière-pensées politiques des socialistes guesdistes, il est reconnu comme un courant majoritaire lors du congrès de Bourges en 1904, puis lors du congrès d'Amiens en 1906 où fut votée une motion célèbre qui sera appelée plus tard la Charte d'Amiens.
Après la révolution russe, de nombreux syndicalistes révolutionnaires adhèrent à l'Internationale Syndicale Rouge qui servira de concentration des expériences syndicalistes révolutionnaires dans le monde et renouvellera la doctrine à l’orée de la montée du fascisme. La révolution russe aura un attrait particulier pour de nombreux syndicalistes révolutionnaires, mais sera un repoussoir pour d'autres. De nombreux syndicalistes révolutionnaires se tourneront vers le communisme ou fonderont l'anarcho-syndicalisme.
Ce type de syndicalisme est encore présent dans différents pays du monde, en France à travers des éléments minoritaires au sein de la CGT, de Solidaires et de la FSU organisé en tendance comme les Comités syndicalistes révolutionnaires ou Emancipation !, ou des confédérations, comme s'en réclament les CNT de France (CNT-F et CNT-SO). Dans le monde anglo-saxon (USA, UK, NZ…) et germanophone, les IWW mettent en pratique le syndicalisme révolutionnaire sans s'en réclamer explicitement.
La pratique syndicaliste révolutionnaire née dans les Bourses du travail, elle s'organise à travers des outils d'autonomie prolétarienne comme l'éducation populaire et professionnelle, la sociabilité et la culture ouvrière[6].
La stratégie syndicaliste révolutionnaire connaît plusieurs développements:
Dans la CGT, le syndicalisme révolutionnaire se théorise autour de notions particulières: l'indépendance par rapport au capital et à l'état, l'action directe et la préparation au socialisme. De ces notions découlent plusieurs tactiques qui furent mise en pratique avec la construction de la CGT:
L'action directe désigne le fait de ne pas passer par un représentant. Tourné directement contre les partis politiques parlementaires, l'action directe constitue le refus de la délégation de pouvoir à des partis politiques ou à l'État[8]. L'action directe est donc directement corrélée à l'indépendance du syndicat. Le syndicat ne doit pas avoir d'attache avec l'État, avec les partis politiques et ne doit pas se référer à une idéologie politique[9],[10], et ce, afin d'être libre des jeux institutionnels, de ne pas subir de tutelle d'appareil et de pouvoir accueillir tous les travailleurs quelle que soit leur opinion[11].
Le syndicalisme d'industrie (industrial unionism en anglais) est une forme de structuration syndicale, où tous les travailleurs sont regroupés dans un syndicat à l'échelle de l'industrie (de la branche professionnelle). Elle s'oppose à des conceptions plus corporatives. Celle du syndicalisme de métier (craft union) qui était la norme au début du XXe siècle et l'est toujours dans certains pays. Elle s'oppose aussi au syndicalisme d'entreprise (company union), fortement associé au syndicalisme jaune à l’époque, qui voit les travailleurs séparés selon leur capitaliste respectif. Ces deux conceptions divisent les travailleurs, ce qui favorise le camp capitaliste et renferme des travailleurs sur eux-mêmes.
Au contraire, le syndicalisme d'industrie regroupe tous les travailleurs d'une même branche professionnelle. Les syndiqués sont donc coordonnés à l'échelle du territoire par les syndicats locaux d'industrie, et à l’échelle nationale par les fédérations d'industrie. Ils sont alors en mesure de connaître, de coordonner toutes les entreprises du territoire, et collectivement sont à même de contrôler la production puis de la réorganiser une fois la grève générale expropriatrice/la révolution prolétarienne advenue.
Les Bourses du travail sont avant tout des bâtiments alloués aux syndicats par les municipalités républicaines à des fins de bureau de recrutement. Cependant, elles deviennent vite le creuset d'une formidable vie collective. En plus de gérer les embauches, elles gèrent aussi les diverses caisses de secours ouvrières (chômage, maladie, viaticum…) et y sont domiciliées des associations culturelles ouvrières (clubs nature, de langue, de sport…). Elles servent également à l'éducation populaire et professionnelle, peuvent constituer le siège de coopératives socialistes ou encore de lieux de spectacle[12],[13],[14].
La grève générale est l'arrêt du travail par une majorité des travailleurs d'un territoire. Son but est la transition entre le capitalisme et le socialisme, car une fois assuré de sa force, le prolétariat est censé reprendre en main la production. La grève générale est quelque peu mythifié par les syndicalistes révolutionnaires, mais au début du XXe siècle aucune n'as encore eu lieu. Le terme de grève générale, utilisé au début du siècle à perdus de sa valeur, et il est maintenant plus précis de parler de grève générale expropriatrice. La grève générale n'est pas théorisé comme spontanée, mais comme l'aboutissement d'une démarche de renforcement du prolétariat et doit être préparée[7].
Après la révolution russe, de nombreux syndicalistes révolutionnaires rejoignent l’Internationale Syndicale Rouge. Cela leur permet de mettre en commun les expériences dans les différents pays, mais aussi les nouvelles expériences avec la montée de partis communistes et du fascisme.
Avant même la Première Guerre mondiale, certains pays connaissent déjà une division syndicale, par exemple le CNT et l'UGT en Espagne. Toutefois, les tensions dans les partis ouvriers lors et à la suite de la Première Guerre mondiale occasionnent la scission ou la création de nouveaux organes ouvriers. Le Front unique est alors le travail en commun de toutes les organisations de classe pour obtenir une situation révolutionnaire. Une traduction directe du front unique est la volonté d'unification ou de réunification des syndicats et des travailleurs, quelle que soit leur école politique[16],[17].
Le front commun Uníos Hermanos Proletarios (UHP) a mené la révolution Asturienne en 1934[18].
L'arrivée du fascisme pose de nouveaux problèmes. En plus de la répression légale, ce mouvement autonome s'affronte fortement avec les organisations ouvrières. Les travailleurs italiens sont les premiers à en faire les frais, mais permettront d'avoir un premier recul sur la matière avec les actions unitaires des Arditi del Popolo, minés par une division politique. Le fascisme est analysé comme une contre-révolution, le prolétariat italien ayant perdu le Biennio Rosso, il permet la création d'un nouveau mouvement par des classes moyennes autonomes[19].
Un antifascisme violent et autonome de l'État est assumé afin de se protéger et de combattre le fascisme[20]. Le fascisme est analysé plus en profondeur avec les études de Daniel Guérin entre 1933 et 1936[21]. Daniel Guérin analyse l'origine du fascisme, de ses troupes et la mystique qui les anime; sa tactique offensive face à celle, trop légaliste, du mouvement ouvrier ; le rôle des plébéiens qui le rejoignent ; son action anti-ouvrière et sa politique économique (une économie de guerre en temps de paix). Le mouvement ouvrier est pris de court par le fascisme, et la seule issue pour sa sauvegarde est de gagner le pouvoir plus vite que les fascistes. Guérin montre aussi l'adaptation du fascisme en fonction de sa proximité du pouvoir, partant d'un groupe très radical aux prétentions anticapitalistes, pour se transformer en une force d'opposition parlementaire ne remettant plus en cause que les mauvais capitalistes et enfin un parti unique coopérant avec les capitalistes nationaux[22].
Alors que les confédérations syndicales d'avant guerre étaient en majorité syndicalistes révolutionnaires, et que de nombreuses actions pacifistes et anti-militaristes étaient organisées par les tenants du syndicalisme révolutionnaire, elles ne s'y sont pas opposées en action. Dans la CGT l'analyse faite par ces derniers est que cela avait été dû à la non-organisation des Syndicalistes Révolutionnaires, ne se coordonnant qu'à travers leurs publications. Après guerre, les syndicalistes révolutionnaires, d’abord avec l'initiative de Marie Guillot, se regroupent en Comités syndicalistes révolutionnaires (CSR)[23], afin de se regrouper et de faire vivre une tendance dans les syndicats, et d'arracher la direction de la confédération à des réformistes qui ont cautionner la guerre. Quelques années plus tard, des CSR sont créés en Espagne sur le même modèle, afin de combattre l'influence anarcho-syndicaliste grandissante de la FAI dans la CNT.
La tendance syndicaliste révolutionnaire a comme but de développer les tactiques du syndicalisme révolutionnaire, en regroupant les syndiqués qui s'en revendiquent, ce qui permet d'analyser la situation et de réactualiser les tactiques employées et de former ses membres, notamment par la collectivisation des expériences[24].
La structuration internationale des syndicalistes révolutionnaires a été tentée quelquefois, cependant elle n'a jamais eu lieu. L'ISR a permis cette structuration et la réflexion alimentée par des expériences dans divers pays permet une amélioration. De plus, la situation du prolétariat d'un pays est très dépendante de celle du reste de la planète.
Le syndicalisme naît en Allemagne et au Royaume-Uni, il organise dans un premier temps les ouvriers qualifiés issus des métiers de l'artisanat et de la petite mécanique, mais aussi les manœuvres polyvalents du bâtiment et de l'usine, les terrassiers et, en Italie, les ouvriers agricoles, puis les mineurs. Au niveau mondial, l'Association internationale des travailleurs (AIT) ou première internationale est une première organisation des travailleurs pour eux-mêmes, et sert d'embryon de syndicat en France alors que la coalition est interdite[25]. Les orientations de l'AIT avant l'exclusion du courant libertaire seront partagées par les Syndicalistes Révolutionnaires, qui voient dans la CGT la filiation de cette AIT[26], notamment le regroupement sur une base de classe et non politique et parlementaire, sur une forme fédérative plutôt que centralisé et sur un internationalisme farouche[27].
Les syndicats allemands et du Royaume-Uni donnent lieu à la création de partis politiques travaillistes, mais en France la répression de la Commune et l'interdiction des coalitions ouvrières fait que syndicats et partis politiques se sont créés en même temps. Jean Barberet tente de fédérer les groupes ouvriers dans le Cercle de l'Union syndicale à partir de 1872, mais celui est écarté au congrès de 1879[10], et l'accord se porte sur une base d'opposition au parlementarisme.
Les groupes politiques se regroupent plus rapidement que les syndicats. Mais regroupant sur une base d’opinion plutôt que de classe, les partis politiques sont vite divisés, et en France existe alors quatre partis politiques (PSOR Allemaniste, POF guesdiste, CRC blanquiste, FTSF Broussiste/Possibiliste) en 1882. La vraie coupure entre politique et syndicat se passe en 1886, où un congrès ouvrier est réservé aux délégations syndicales en vue de créer une fédération[10], la Fédération nationale des syndicats. Celle-ci est cependant vite contrôlé par le POF.
En parallèle se créent de nombreuses Bourses du travail[28] en France, et s'y investissent les militants Allemanistes du PSOR[29], qui ont une approche plus syndicale que politique. Les Bourses du travail se fédèrent en 1892, leur nombre passe de 10 à leur fédération à 157 en 1910[7]. L’essor syndical, et le potentiel d'autonomie que donne les bourses, couplé à des décennies de propagande par le fait qui donne peu de résultat résulte en l'investissement des anarchistes dans le monde syndical[30]. Le syndicat devient alors le creuset de la pensée révolutionnaire, les socialistes révolutionnaires apportant la grève générale et l’antimilitarisme, les anarchistes y ajoutant le fédéralisme et l'autonomie.
La CGT est née en 1895 pour inciter les travailleurs à s'émanciper selon les modalités définies par la Première Internationale (AIT). Dans un premier temps, ces modalités prennent la forme du projet de grève générale insurrectionnelle, dans le but d'abolir le salariat et de renverser la société bourgeoise.
Cependant, cette politique change en 1902, car la grève générale n'arrive pas, les différentes fédérations ne se mettant pas d'accord entre elles,une série d’événements poussant certaines fédérations à plus de combativité que d'autres. Ces fédérations de la CGT produisent alors de nombreuses grèves partielles qui éclatent dans toute la France. Désormais, et c'est la particularité du syndicalisme révolutionnaire, le syndicat se doit d'être à la fois l'organe de l'amélioration du quotidien du travailleur et l'organe qui accouchera de la société future à travers la révolution, société égalitaire et fraternelle.
En 1906, la Charte d'Amiens confirme le rejet de toute affiliation politique et proclame l'indépendance irréductible de la confédération par rapport aux partis socialistes et groupes anarchistes. C'est une autre particularité du syndicalisme révolutionnaire : le syndicat n'est pas envisagé comme un relais d'un parti politique, contrairement aux syndicalismes anglais et allemand. La charte d'Amiens est une victoire des SR, et est voté à 830 voix sur 839, mais cela ne représente pas pour autant une hégémonie des Syndicalistes Révolutionnaires dans la CGT. En effet, elle est votée par les délégués Syndicalistes Révolutionnaires, mais aussi pas les délégués réformistes, et ce en opposition aux délégués guesdistes, qui prônent un lien entre parti et syndicat. C'est sur la notion d'autonomie syndicale, et non sur celle révolutionnaire que se fait le consensus.
Le syndicalisme français marque fortement les esprits. Alors que les partis sociaux-démocrates se tournent vers un réformisme institutionnel (Kautsky et cie.) ou que les syndicats de métiers ne regroupent que les ouvriers qualifiés, de nombreux militants entretiennent des relations avec la CGT. Durant cette période, des organisations et des tendances syndicalistes révolutionnaires naîtront dans tous les pays industrialisés :
En France, le syndicalisme révolutionnaire entre en crise en 1908-09, avec la grève de Draveil-Villeneuve-Saint-Georges, violemment réprimée par Clemenceau. Plusieurs grévistes sont tués, à bout portant, par l'armée. Clemenceau fait arrêter les principaux cadres de la CGT, absents lors du Congrès de Marseille d'octobre 1908. Avec l'adhésion de l'importante Fédération des métallurgistes, plus modérée, les syndicalistes révolutionnaires perdent du terrain. Après l'emprisonnement des leaders de la CGT en représailles de la grève de Draveil, Louis Niel, réformiste est élu en tant que secrétaire confédérale à une voix près[43]. L'année suivante, c'est Léon Jouhaux, alors syndicaliste révolutionnaire qui le remplace. Mais Jouhaux ne reste pas fidèle au SR, et passe au réformisme.
L'indépendance de la CGT par rapport aux autres organisations politiques est mise à rude épreuve : d'un côté la SFIO cherche des électeurs pour arriver au pouvoir et a une assise importante dans de nombreuses fédérations, de l'autre les anarchistes veulent faire triompher une ligne radicale et anti-autoritaire.
À partir de 1910 environ, le syndicalisme révolutionnaire épouse la restructuration industrielle en cours en se transformant en syndicalisme d'industrie, c'est-à-dire en organisant les ouvriers non plus par métier, mais par branche dans des syndicats locaux d'industries. Les ouvriers spécialisés, notamment dans la mécanique et l'industrie lourde, devinrent alors le fer de lance de ce syndicalisme de combat[réf. nécessaire]. Cette évolution, moins nette en France, fut très marquée en Italie, aux États-Unis et, dans les années 1920, en Argentine[réf. nécessaire].
Lorsque la Première Guerre mondiale, la CGT se rallie à l'« Union sacrée ». Devant le cercueil de Jean Jaurès fraîchement assassiné Jouhaux proclame : « Avant d'aller vers le grand massacre, au nom des travailleurs qui sont partis, au nom de ceux qui vont partir, dont je suis, je crie devant ce cercueil toute notre haine de l'impérialisme et du militarisme sauvage qui déchaînent l'horrible crime. » abandonnant alors la promesse des grèves générales insurrectionnelles auparavant prônées par Gustave Hervé dans La Guerre sociale afin de mettre en échec les stratégies « bourgeoises » et « nationalistes ». La CGT avec Jouhaux ne s'oppose donc pas à la mobilisation le . Sans protestation ni grève l'appareil syndical s'est rallié à l'Union sacrée ; ses militants les plus en vue sont exemptés du Front[44]. De leur côté, les syndicats allemands contrôlés par le SPD, ne mobilisent pas, trahissant comme la CGT la solidarité internationale entre travailleurs. La FVdG est rapidement censuré et réprimé pour ses positions antimilitaristes. En Italie, l'USI est dirigée par l'aile favorable à l'intervention de l'Italie dans la Première Guerre Mondiale aux côtés de l'Entente, qu'elle jugeait défendre les intérêts de la démocratie contre la "barbarie" du Reich allemand. De nombreux membres de l'IWW s'opposèrent à la participation des États-Unis au premier conflit mondial. L'organisation vota une résolution contre la guerre à son congrès de novembre 1916[45], mais depuis début 1914 ils subissent une forte répression, les milices patronales travaillant de concert avec la police pour réduire les IWW au silence.
Après 1913, avec l'ISEL, le NAS et la FVdG montrent leurs premiers intérêts internationalistes. Mais il y a au début des difficultés d'organisation et la CGT, la plus grande organisation syndicale, refuse de participer car elle est déjà adhérente de la Fédération syndicale internationale de tendance social-démocrate. Le premier congrès syndicaliste international a lieu du 27 septembre au à Londres, au Holborn Town Hall[46]. Les délégués présents sont allemands, britanniques, suédois, danois, néerlandais, belges, français, espagnols, italiens, cubains, brésiliens et argentins et des liens vers des organismes norvégiens, polonais et américains. Fritz Kater est avec Jack Wills (plus tard, Jack Tanner (en)) élu président du Congrès. Le congrès parvient difficilement à un accord sur beaucoup de points, notamment sur la division comme c'est déjà le cas en Allemagne et aux Pays-Bas. Les allemands et les néerlandais sont d'avis que les syndicats doivent choisir entre le syndicalisme et le socialisme, tandis les Français, les Espagnols et les Italiens, comme Alceste De Ambris de l'USI, ne veulent pas de nouvelles divisions. En conséquence, le congrès se demande si son sens consiste à renforcer les relations entre les organisations syndicalistes ou si une Internationale syndicaliste va diviser. Le différend aboutit en faveur des opposants à une nouvelle organisation, mais il est convenu de mettre en place un bureau d'information. Le siège du bureau sera à Amsterdam et publiera un Bulletin international du mouvement syndicaliste (en). La plupart des membres, dont De Ambris, considère le congrès comme un succès. Un deuxième congrès est prévu deux ans plus tard mais n'a pas lieu à cause de la Première Guerre mondiale. Le Bulletin paraît dix-huit fois puis s'arrête avec la guerre.
C'est à partir de 1915, année de Zimmerwald, qu'une poignée de militants de La Vie ouvrière, avec Pierre Monatte, tenus en marge et jusque-là privés de moyens d'expression, commencent à se faire entendre. Jamais durant toute la guerre la direction de la CGT ne relèvera le drapeau de l'antimilitarisme qu'elle tenait pourtant déployé avant.
L'Espagne reste neutre durant la Première Guerre mondiale. Les partis dit dynastiques restent déconnectés de la société civile et des aspirations populaires, le Parti socialiste, les républicains, les nationalistes catalans et basques l'expriment davantage. L'année 1917 est celle des révoltes : l'armée s'agglomère autour des Juntes de défense ; républicains et socialistes s'unissent pour offrir une alternative au régime ; nationalistes catalans et basques font de même et l'état d'urgence est déclaré. La grève révolutionnaire d'août-septembre provoque de graves affrontements entre les syndicats et les forces de l'ordre.
Le quotidien des IWW, l'Industrial Worker, écrivait, juste avant l'entrée en guerre des États-Unis : « Capitalistes d'Amérique, nous nous battrons contre vous, pas pour vous ! Il n'existe aucune force au monde qui puisse forcer la classe ouvrière à se battre si elle ne le veut pas. ». Pourtant, quand la déclaration de guerre fut votée par le Congrès américain en avril 1917, Bill Haywood, secrétaire général et trésorier des IWW, devint fermement persuadé que l'organisation devait adopter un profil bas, afin d'éviter les menaces perceptibles contre son existence. Elle cessa toute activité anti-guerre, comme l'impression d'affichettes et de documents opposés à la guerre. L'opposition à la guerre ne fit plus partie de la politique officielle du syndicat. Après bien des débats au Directoire Général des IWW, Haywood prônant le profil bas, tandis que Frank Little soutenait la poursuite de l'agitation, Ralph Chaplin trouva un compromis. La déclaration qui en résulta dénonçait la guerre, mais les membres des IWW étaient invités à exprimer leur opposition en utilisant les procédures légales de la conscription. On les conseillait de se faire enregistrer, en indiquant leur demande d'exemption par « IWW, opposé à la guerre ».
Bien que les IWW ait modéré son opposition verbale, la presse traditionnelle et le gouvernement américain réussirent à dresser l'opinion publique contre elle. En juillet 1917, la Bisbee Loyalty League d'Arizona rafla 1 200 Wobblies supposés (environ 350 étaient en réalité syndiqués à l'AFL), les enferma dans des wagons à bestiaux et les expédia dans le désert du Nouveau-Mexique, où ils furent gardés 36 heures sans eau ni nourriture ; ensuite, ils furent enfermés trois mois dans une prison fédérale, sans aucun procès. Frank Little, l'opposant de l'IWW le plus virulent à la guerre, fut lynché à Butte dans le Montana en août 1917.
Le gouvernement saisit l'occasion de la Première Guerre mondiale pour briser l'IWW. En septembre 1917, des agents du département de la justice menèrent des opérations simultanées contre quarante-huit locaux de réunion de l'IWW à travers tout le pays. En 1917, cent soixante-cinq dirigeants du syndicat furent arrêtés pour conspiration visant à entraver la conscription, à encourager la désertion, et intimider les autres dans les cas de conflits du travail, conformément à l'Espionage Act ; cent un passèrent en jugement devant le juge Kenesaw Mountain Landis en 1918. Ils furent tous reconnus coupables — même ceux qui n'appartenaient plus au syndicat depuis des années — et reçurent des peines de prison allant jusqu'à vingt ans. Condamné à de la prison, mais laissé en liberté provisoire sous caution, Haywood s'enfuit en Union soviétique, où il séjourna jusqu'à sa mort.
Dans son livre The Land That Time Forgot (traduction du titre : La terre que le temps oublia), publié en 1918, Edgar Rice Burroughs présentait un membre des IWW comme un traître et un vaurien particulièrement méprisable. Cette vague de dénigrement poussa, en de nombreux endroits, des groupes d'auto-défense à attaquer les IWW. À Centralia le 11 novembre 1919, l'American Legion attaqua le siège des IWW.
Après la guerre, la répression continua. Des membres des IWW furent poursuivis pour infraction à différentes lois fédérales et gouvernementales, et les Palmer Raids de 1920 sélectionnaient les membres de l'organisation qui étaient nés à l'étranger. En une série d'opérations de police commencées le 7 novembre 1919 dans 70 grandes villes, 10 000 militants ouvriers (membres ou non des IWW) furent arrêtés ; 250 d'entre eux sont expulsés vers l’étranger. En Californie, des provocateurs de la police placèrent une bombe devant la résidence du gouverneur, justifiant ainsi les arrestations de 46 Wobblies. Leurs conditions de détentions étaient si dures que 5 d'entre eux moururent avant le procès, au cours duquel les survivants furent condamnés à 10 ans de prison. Au milieu des années 1920, le nombre d'adhésions avait déjà décliné en raison de la répression gouvernementale, déclin qui s'accrut encore de façon substantielle lors du schisme de 1924, causé par des querelles au sein de l'organisation, lorsque le syndicat se divisa entre les "Occidentaux" et les "Orientaux" à propos d'un certain nombre de questions, comme le rôle de l'administration générale (souvent présenté de façon simplificatrice comme une lutte entre les "centralisateurs" et "décentralisateurs") et les tentatives du Parti communiste USA de contrôler l'organisation par le noyautage. En 1930, les Woblies étaient descendus aux environs de 10 000.
Au retour de la guerre, le courant syndicaliste-révolutionnaire français se réorganise et crée les Comités syndicalistes révolutionnaires (CSR)[23], dirigés au départ par Monatte. Le courant ne redevient pas majoritaire et nombre de syndicalistes révolutionnaires se rapprochent des idées de Lénine. La direction de la CGT prenant peur de perdre son pouvoir face à la montée du bolchevisme et ne voulant pas perdre ses relations cordiales avec le gouvernement français qui avait accepté quelques propositions émanant de la CGT, tandis que les syndicalistes révolutionnaires de plus en plus influencés par la révolution bolchevique espèrent écarter les réformistes. Les tensions montent dans la CGT, mais le courant minoritaire gagne en audience, et en adhésion. C'est bien ces adhésions qui seront la cause de la scission, car sont acceptées dans les CSR des adhésions d’organes de la CGT (comprendre des syndicats, fédération ou union locales) et pas seulement d'adhérents.
En 1921, les CSR convoquent un congrès pour préparer le congrès de la CGT de 1921 qui devrait voir le basculement de la minorité à la majorité, mais un congrès des organisations de la CGT non appelé par la CGT est jugé comme anti-statutaire par la direction de la CGT. Les syndicats ayant participé au congrès sont donc exclus, et vont former la Confédération générale du travail unitaire (CGTU) qui prétend représenter l'unité du mouvement ouvrier et rejeter la faute de la scission sur la CGT.
C'est à cette occasion qu'est créé le terme d'« anarcho-syndicalisme » par Alexandre Lozovski, précisément pour discréditer la minorité de la CGTU hostile à l'adhésion à l'Internationale syndicale rouge (ISR). Ces minoritaires finiront par créer la CGT-SR (Confédération générale du travail - syndicaliste révolutionnaire). Le courant syndicaliste révolutionnaire perdra de son influence au profit du Parti communiste auquel se rallie la majorité d'entre eux.
En Espagne, le courant Syndicaliste révolutionnaire est omniprésent dans la CNT jusqu’en 1919, alors que la révolution socialiste en Europe s'est limitée à l'URSS. L'activité industrielle de l'Espagne s'est aussi considérablement agrandie, sans que l’Espagne ait transformé en profondeur son économie agraire.
Les premières oppositions vont naître en Catalogne, avec le début de l’anarcho-syndicalisme. C'est au même moment que le pistolérisme débute, ce qui accroit la répression sur les militants de la CNT. Cristallisée autour du but révolutionnaire, la CNT se déchire entre un but socialiste neutre pour les syndicalistes révolutionnaires et un communisme anarchiste pour les anarcho-syndicalistes, et c'est l’inscription du but de Communisme libertaire qui triomphe lors du congrès de 1919[47].
La revue Lucha Social, lancée en 1919 et dirigée par Joaquin Maurin à partir d'avril 1920, devient vite une référence pour les syndicalistes révolutionnaires de toute l’Espagne, et sera le lieu de réflexion et de propagande. Dans la CNT, l'affrontement se renforce, en 1921, c'est la question de l'adhésion à l'Internationale Syndicale Rouge - Profintern (ISR) qui divise syndicalistes révolutionnaires et anarcho-syndicalistes. L'année suivante, les anarcho-syndicalistes font rallier la CNT à l'AIT aux dépens de l'ISR. C'est à ce moment que les syndicalistes révolutionnaires espagnols décident de former des « groupes syndicalistes » pour coordonner leurs actions.
Les groupes syndicalistes organisent le 24 décembre 1922 une Conférence des Groupes syndicalistes révolutionnaires, qui verra la fondation des Comités Syndicalistes Révolutionnaires[48]. Y participent des délégués des Asturies, de Biscaye, de Burgos, de Catalogne et de Valence. Le journal La Lucha Social de Lerida et L'Accion Sindicalista de Valence fusionnent pour former un journal officiel des CSR : La Batalla (es).
Avec le pronunciamiento de Primo de Rivera, les CSR se trouvent privés d'un milieu syndical normal. Les effectifs de la CNT s’effondrent avec son interdiction, alors que l'UGT a exclu de ses rangs tous les travailleurs favorables à l'ISR. Certaines fédérations régionales de la CNT votent leur autodissolution, ce qui favorise les anarcho-syndicalistes habitués à la clandestinité et au pistolérisme, alors que la stratégie des syndicalistes révolutionnaires se base sur l'action syndicale. Des syndicats et fédérations sous influence des CSR se maintiennent ou passent à l'autonomie. La pression des anarcho-syndicalistes se renforce contre les militants des CSR, à qui on empêche de parler lors des plenums des syndicats, et qui sont parfois exclus par la force. Les syndicats encore sur la ligne des CSR sont dissous par les dirigeants anarcho-syndicalistes.
En Italie, la fin de la Première Guerre Mondiale voit le peuple Italien meurtri, et n'ayant gagné qu'une faible victoire par rapport aux promesses d'un nouveau Risorgimento irrédentiste, la victoire amère se transforme en revendication sociale. La révolution russe attirant les travailleurs, les deux années suivant 1919 seront appelées le Biennio rosso. La politique Italienne est bouillonnante, et les groupes et partis mêlent les influences. En 1919, l'Italie est secouée par plus de 1600 mouvements de grèves, et les paysans occupent les terres. En septembre, Gabriel d'Annunzio, poète, artiste et aventurier part à la tête d'une troupe d'Arditi (Anciennes troupes de choc pendant la guerre, regroupées en associations après celle-ci) pour rattacher la ville de Fiume, alors enclave au statut flou à l'Italie. L'épopée de Fiume voit la naissance d'un micro-état, aux allures lyriques et satiriques, où la "Charte de Carnaro" qui sert de constitution voit se mêler les influences syndicalistes révolutionnaires d'Alceste de Ambris qui la rédige, au républicanisme, au socialisme et au corporatisme.
Les influences diverses des syndicalistes révolutionnaires italiens, des interventionnistes et des nationalistes vont donner matière à Mussolini pour créer le fascisme, au travers du Faisceaux italiens de combat, ici aussi une organisation d'anciens combattants. Mussolini reçoit le soutien de nombreux syndicalistes révolutionnaires lors de cette création, qui seront vite retirés cependant.
Dans la péninsule, le mouvement des masses ouvrières et paysannes amène à des occupations de terres dès 1919, puis en 1920 à des occupations d'usines, qui culminent en une grève générale. À chaque fois, des affrontements violents se déroulent, entre syndiqués et jaunes, entre paysans et propriétaires.
En août, l'occupation des usines débute, dirigée par les syndicats rouges, et en peu de temps, 300 usines de Turin, Milan et Gênes sont occupées par plus de 400 000 travailleurs. Les travailleurs organisent des milices armées et poursuivent la production dans la plupart des usines selon les directives de la Fédération des ouvriers et employés métallurgistes (it)(FIOM). Les milices ouvrières doivent s'affronter aux bandes patronales organisées, à la mafia ou aux organisations nationalistes (les Squadristes). L'occupation devait être pour beaucoup le début d'une révolution, mais l'absence de stratégie et de l'incapacité d'étendre le mouvement y met fin.
La fin violente du biennio rosso (227 morts et 1072 blessés en 1920), fait craindre aux industriels et aux bourgeois une possible révolution socialiste. Elle brise l'élan du mouvement ouvrier, qui se retrouve alors sur la défensive lors de ce qui va s’appeler le biennio nero, la période d'arrivée au pouvoir du Parti National Fasciste nouvellement formé.
L'absence de stratégie des organisations ouvrières est toujours présente, le PSI se réfugie derrière la légalité parlementaire alors que ses parlementaires sont assassinés et ses locaux saccagés[49], et qu'une scission a créé le PCI. Alors que les Arditi del Popolo nouvellement créés pour remplacer les diverses milices ouvrières obtiennent leurs premières victoires sur les fascistes à Livourne, Viterbe ou Sarzana par exemple, le PSI et sa puissante CGL se désengage de la participation à ce front commun antifasciste au faveur d'une trêve avec les chemises noires. Cette trêve de courte durée permet à Mussolini de reprendre l'initiative et d'établir des têtes de ponts puis de partir à la conquête des villes rouges italiennes, comme à Ravenne. Le PCI favorise quant à lui la création de ses propres groupes antifascistes. La résistance ouvrière divisée, elle est brisée, ville par ville, et seuls les Arditi del Popolo encore unitaires (bien qu'animés en majorité par des syndicalistes révolutionnaires et anarchistes) leur tiennent tête. C'est finalement à Parme en aout 1922 que les Arditi del Popolo obtiennent une victoire écrasante, qui incarnera le dernier événement du Biennio Nero, car en octobre 1922 a lieu la Marche sur Rome.
Le fascisme s'est montré un nouvel adversaire, et il nécessite l'adaptation de nouvelles stratégies. Au sein de l'ISR, l'expérience italienne est analysée, et le rapport de Nin sur le fascisme en Italie montre l'efficacité des Arditi del Popolo, de l'organisation unitaire antifasciste.
En France, après l'exclusion du PCF, les syndicalistes révolutionnaires se retrouvent sans organe de concertation. En 1926, La Révolution Prolétarienne publie le manifeste Pourquoi ce malaise ? signé par des militants de la CGT et de la CGTU, notamment par Maurice Chambelland. En mai, les signataires du manifeste de mars fondent une Ligue Syndicaliste. En juillet, la Révolution Prolétarienne publie un document théorique, Ce qu’est, ce que veut la Ligue Syndicaliste[50]. De numéro en numéro, le texte s’étoffe et se modifie. En juillet 1927[20], il trouve sa forme définitive, ses objectifs sont les suivants: réunification syndicale en France et à l'internationale, ramener l'indépendance syndicale, contrer les esprit idéologique dans les syndicats au profit de l'esprit de classe et former au syndicalisme[51]. Contrairement aux CSR, la Ligue syndicaliste ne fait pas d'adhésion collective, pratique qui avait provoqué les tensions dans le CGT d'après-guerre.
L'influence du syndicalisme-révolutionnaire participera à la réunification syndicale de la CGT qui aboutira en 1936 notamment grâce à l'initiative de la Ligue syndicaliste qui lance le Comité des 22 regroupant dès 1930 des militants connus de la CGT, la CGT-U et des syndicats autonomes.
Par rejet de l'influence excessive des partis sur le mouvement syndical mais aussi de la bureaucratie syndicale, de nombreux militants syndicalistes reviennent régulièrement à la pratique syndicaliste-révolutionnaire comme ceux qui quitteront le PCF dans les années 1930 par refus du Front populaire et de l'alliance avec des bourgeois de gauche (SFIO). Ces militants fonderont les Cercles syndicalistes lutte de classe en 1937.
En Espagne, la CNT est l'un des moteurs de la résistance contre les nationalistes au début de la guerre d'Espagne, symbolisée par la figure de la syndicaliste Pepita Laguarda Batet, première milicienne morte au front[52].
Les syndicalistes révolutionnaires paient un lourd tribu pendant la guerre, notamment les femmes, comme les Fusillées de Roges des Molinar, exécutées par les franquistes à Palma en 1937[53].
En France, des militants de la CNT espagnole en exil, des anciens membres de la CGT-SR (SR pour syndicaliste-révolutionnaire), ainsi que des jeunes ayant participé à la Résistance, qui quittent la CGT du fait de la mainmise du PCF sur cette organisation, fondent la Confédération nationale du travail (CNT), qui prend son nom en référence à son homologue espagnole. La CNT intègre dans ses statuts la charte d'Amiens (1906, CGT), la charte de Lyon (1926, CGT-SR) et la charte de Paris (1946, CNT). Elle se réclame de la CGT des origines, de la CGT-SR et de l'expérience anarcho-syndicaliste de la révolution sociale espagnole de 1936.
La CNT est ouverte à tous les travailleurs sur un mode d'organisation qui correspond au fédéralisme libertaire (autogestion, démocratie directe, autonomie et souveraineté des syndicats). Son mode de fonctionnement la rapproche des libertaires et par certains aspects de son projet du communisme libertaire. Toutefois, la CNT rappelle qu'elle n'est pas une organisation « anarchiste », mais un syndicat désireux de réunir l'ensemble des travailleurs, ouvert à tous (à l'exception des employeurs et des forces répressives de l'État, considérés comme des ennemis des travailleurs). Sa position est de refuser toute étiquette idéologique spécifique, sinon celle de l'anarcho-syndicalisme et du syndicalisme révolutionnaire. En son sein cohabiteront ces deux courants.
Mais la CNT connait vite une perte d'adhérents massive. En effet, la CGT se déchire autour de la question de l'acceptation du plan Marshall, mise en évidence des tensions entre un camp communiste et un camp autonome. Les premiers gardent le contrôle de la CGT, Frachon réalisera avec le PCF ce qui sera appelé la courroie de transmission PCF-CGT. Les seconds, autour de Jouhaux scissionnent pour créer la CGT-Force Ouvrière (CGT-FO ou FO), garante d'une autonomie politique, dans laquelle se retrouveront ainsi réformistes, anticommunistes, trotskystes, anarchistes et syndicalistes révolutionnaires. En effet l'indépendance politique est un des fondements du syndicalisme révolutionnaire. La CGT-FO a alors tous les attraits d'une organisation syndicale autonome, et promet de construire une bien plus grande force numérique et de frappe que la CNT, ce qui conduit donc de nombreux syndicalistes révolutionnaires et anarchistes à la rejoindre.
La Centrale ouvrière bolivienne (COB) est fondée en 1952 à la suite de la Révolution nationale qui amène le Mouvement nationaliste révolutionnaire au pouvoir. Le membre principal de la centrale est la Federación Sindical de Trabajadores Mineros de Bolivia (es) (FSTMB). De 1952 à 1987, la COB est dirigée par Juan Lechín Oquendo qui était aussi à la tête de la FSTMB.
En octobre 1970, la Centrale ouvrière bolivienne, des mouvements étudiants et des unités de l’armée conduites par le général Juan José Torres mettent en échec une tentative de putsch encouragée par la dictature militaire d’Argentine et l’ambassade des États-Unis. Il instaure une Assemblée du peuple, s’apparentant à un soviet, qui se réunit au Parlement ; exproprie l'industrie du sucre ; amorce des négociations avec le gouvernement chilien de Salvador Allende afin d'obtenir un accès bolivien à la mer ; amnistie les anciens rebelles qui n'avaient pas été assassinés après leur capture (dont Régis Debray) ; augmente le budget des universités et demande la fermeture du Centre de transmissions stratégiques des États-Unis (connue comme le Guantanamito).
La CNT française connait une période de crise dans les années 1990, même si une première scission, avait eu lieu en 1977 pour des motifs liés à l'évolution de la situation politique en Espagne.
Des tensions interviennent en 1993. Elles sont fondées sur des différences de positions au sein de l'organisation : une tendance est attachée au principe de non-participation aux élections professionnelles et affirme son antipolitisme, c’est-à-dire le refus de collaborer ou même de cosigner des tracts avec des organisations politiques, considérées comme ennemies des travailleurs au même titre que les autres défenseurs du capitalisme que sont l'État ou les Églises ; l'autre tendance ne conçoit pas cette position de non-participation aux élections professionnelles comme absolue, notamment dans les entreprises où la lutte est difficile et pourrait être vouée à l'échec sans l'acquisition d'un statut légal protégeant la section syndicale. Par ailleurs, elle s'autorise à affronter les arguments des organisations politiques sur le terrain de la lutte sociale en participant aux intersyndicales.
Durant le mouvement social d'octobre-décembre 1995, la CNT va connaître un certain frémissement, en particulier dans la jeunesse[54]. Elle se présente comme une vraie organisation alternative aux grandes organisation comme la CGT. Cependant, les dissensions internes vont empêcher la CNT de devenir une organisation de masse.
Le congrès de l'AIT, réuni à Madrid en 1996, va exclure la seconde tendance, la majorité des sections représentées jugeant que sa position constitue un manquement aux principes anarcho-syndicalistes qui régissent l'association. Cependant, la section exclue de l'AIT considère que ce vote est non démocratique (faible nombre de sections participant au vote, différence de voix trop faible). Le congrès de Madrid adopte une résolution appelant les anarcho-syndicalistes en France à rejoindre le bureau confédéral du Mans (qui deviendra la CNT-AIT). Ceux qui refusent, essentiellement les syndicalistes révolutionnaires et les membres d'organisations politiques anarchistes (Fédération anarchiste, comme le directeur de publication du journal de la CNT-F), restent au sein du bureau confédéral de la rue des Vignoles, qui va devenir la CNT-F[55].
Le cercle de Réflexions et d'action syndicaliste édite une revue, Alternative syndicaliste, au sous-titre de « revue syndicaliste révolutionnaire » qui sera une base de réflexion au renouveau syndicaliste révolutionnaire. À la suite des déboires de la CNT, certains syndicalistes révolutionnaires décident de former un autre type d'organisation, plutôt que de faire vivre seul des syndicats, ils vont chercher à participer à la vie de syndicat de masse tout en promouvant des pratiques et stratégies syndicaliste révolutionnaires en tant que tendance syndicale. Au lendemain des grèves de 1995[56], une nouvelle tendance syndicale reprend l'appellation des Comités syndicalistes révolutionnaires en se réclamant de ses fondateurs et des nombreuses expériences de syndicalisme révolutionnaire dans le monde.
Ces militants de la CGT, de SUD et de la CNT-Vignoles recréent les Comités syndicalistes révolutionnaires et publient une revue, Syndicaliste !, qui publiera 45 numéros jusqu'en 2014. L'action des CSR refondés se concentre principalement dans la CGT, vue comme la principale structure syndicale pour reconstruire et réunifier le syndicalisme français[57], avec la coordination des militants et l'implémentation des méthodes syndicalisme révolutionnaire.
Au Royaume-Uni, les syndicalistes révolutionnaires s'organisent dans diverses organisations. Organisé d’abord dans la Solidarity Federation (AIT), puis dans les IWW en recomposition, et enfin en tant que tendance à travers Liberty & Solidarity (L&S)[58]. Profitant de la cassure avec le Parti Travailliste que crée le RMT dans le National Shop Stewart Network, une tendance nommée NSSN Syndicalist[59],[60] permet de regrouper les différents syndicalistes révolutionnaires de Grande-Bretagne, mais le NSSN explose en 2011[61]. L&S, organisé autour du Solidarity Magazine est active entre 2010 et 2012[62].
Principalement aux États-Unis d'Amérique, les IWW investissent dans les années 1990 de nombreuses luttes syndicales et combattirent pour la liberté d'expression, avec notamment les actions à Redwood Summer, et les piquets de grève devant le Neptune Jade dans le port d'Oakland à la fin de 1997.
Les campagnes de syndicalisation des IWW dans les dernières années ont inclus une campagne importante pour syndiquer Borders Books en 1996, une grève au Lincoln Park Mini Mall à Seattle la même année, des campagnes de syndicalisation à Wherehouse Music, Keystone Job Corps, l'organisation communautaire ACORN, plusieurs centres de jeunes et de sans domicile fixe à Portland, dans l'Oregon et des magasins de recyclage à Berkeley. Les membres des IWW ont été actifs dans les métiers du bâtiment, le transport maritime, les chantiers navals, les industries de haute technologie, les hôtels, les restaurants, les organismes d'intérêt public, les écoles, les universités, les centres de recyclage, les chemins de fer, les coursiers à vélo et les chantiers de bois.
En 2004, une section syndicale des IWW s'implanta dans un magasin de l'enseigne Starbucks à New York, une entreprise connue pour son refus de laisser ses salariés se syndiquer, et en 2006, les IWW poursuivirent leurs efforts au sein de Starbucks en syndiquant plusieurs magasins dans la région de Chicago[65]. En , les routiers court-courrier de Stockton (Californie) se mirent en grève. Presque toutes les revendications furent satisfaites. En dépit des premières victoires de Stockton, le syndicat des routiers cessa d'exister à la mi-2005.
À Chicago, l'IWW commença à syndiquer les messagers à bicyclette avec un certain succès. Les IWW représentèrent auprès du NLRB des employés administratifs et de maintenance, sous contrat à Seattle, lorsque leur syndicat à Pittsburgh perdit 22-21 une élection ; ils n'obtinrent qu'à la fin 2006 l'invalidation des élections, basée sur le comportement de la direction avant l'élection. Les activités plus récentes incluent notamment une importante campagne pour syndicaliser les travailleurs immigrants de l'industrie alimentaire à New York City, et la création d'une permanence à Los Angeles, en syndicalisant les camionneurs court-courriers et les chauffeurs de taxi.
Le , à l'occasion du 45e anniversaire de la mutinerie de la Prison d'Attica, les prisonniers-travailleurs entament une grève pour dénoncer les conditions de travail des détenus, qu'ils comparent à de l'esclavage. Les prisonniers se sont coordonnés grâce à l'IWW[66],[67].
Les IWW des Îles Britanniques publient un magazine, Bread and Roses et une lettre d'information pour les travailleurs dans le secteur de la santé. En mai 2009, un comité d'organisation régional germanophone a été formé et a traduit de nombreux documents de l'IWW. Il disposerait d'une quinzaine de branches dans des villes en Allemagne, Suisse et Autriche.
Ils préfèrent essayer de mettre en place un syndicalisme géographique (au lieu du syndicalisme par branche professionnelle) comme à Philadelphie. Les domaines de syndicalisation des IWW sont alors en général des professions nouvelles, ou avec des cultures anti-syndicales fortes. Cependant les brèches ouvertes pas les IWW ne se transforment pas toujours en massification, chez Starbucks par exemple la vague de syndicalisation de 2022 qui fait suite aux campagnes de 2004 mené par les Woblies se traduit par une adhésion de plus de 200 section d'établissement au Starbucks Workers United (en), affilié au Service Employees International Union[68].
Les premiers marxistes étaient généralement sceptiques vis-à-vis de la grève générale, qui était vue comme un mot d'ordre spontanéiste et économiciste[69], ce qui explique qu'ils privilégiaient davantage l'insurrection ouvrière comme moyen révolutionnaire de renverser l'ordre établi[70]. Les organisations syndicales étaient à l'époque principalement réformistes, et ont été critiquées par Karl Marx et Friedrich Engels pour leurs revendications immédiates purement économiques, là où le Parti devait, au travers des grèves, mener un combat politique, pas uniquement pour la hausse des salaires mais pour le renversement du capitalisme et l'abolition du salariat, face aux mots d'ordre conservateurs des syndicats[71],[72],[73],[74]. Cette méfiance vis-à-vis de la grève générale s'est dissipée avec la révolution russe de 1905 et les analyses de Rosa Luxembourg[75], Karl Kautsky ou Lénine sur ce sujet. Les marxistes défendent alors le concept de « grève générale insurrectionnelle », par opposition à la grève générale expropriatrice des syndicalistes révolutionnaires et anarcho-syndicalistes. Cette tension entre marxistes et syndicalistes révolutionnaires est notamment visible en France, entre Jules Guesde et la CGT, sur le rôle du parti et du syndicat par rapport à l'organisation de la classe ouvrière.
Outre des syndicalistes révolutionnaires qui agissent de manière non organisée, les principales organisations syndicalistes révolutionnaires sont :
L'Industrial Worker of the World est une organisation hybride entre syndicat et tendance syndicale. Certains syndicats IWW existent mais la plupart des Wobblies pratiquent le dual-carding - double encartement, soit une appartenance a l'IWW et à un autre syndicat[83], dans le but d'y promouvoir une ligne de démocratie syndicale, d'autonomie ouvrière et d'action directe.
En Irlande, le Independent Workers Union (en) (IWU) créé en 2003 se base sur les idées de Larkin et Connolly.
La Sveriges Arbetares Centralorganisation (SAC) est un syndicat suédois avec une pratique syndicaliste révolutionnaire revendiquée[84]. Elle compte environ 3000 adhérents[85].
La Central Ouvrière Bolivienne représente environ deux millions de travailleurs boliviens, du secteur industriel et des services publics. Elle est en lien avec de nombreux leaders de mouvements indigènes et paysans tels Felipe Quispe. Sa pratique la rapproche du syndicalisme révolutionnaire[86],[87].
La COB entretient une relation conflictuelle avec les différents gouvernements du pays depuis les années 1950. Elle a joué un rôle prépondérant dans l'organisation des manifestations qui ont entraîné la chute du président Carlos Mesa en 2005. La COB s'est opposée à la privatisation de l'eau lors de la guerre de l'eau en 2000 et a soutenu la nationalisation des réserves de gaz naturelles du pays lors de la guerre du gaz. En 2010, la centrale organise des manifestations qui entraînent une réforme des retraites en 2010. En avril 2011, elle organise une grève générale de douze jours pour l'obtention de plus hauts salaires.
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