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écrivain, essayiste-publiciste, poète, personnalité publique et politique russe De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne ou Soljénitsyne[1] (en russe : Александр Исаевич Солженицын, ISO 9 : Aleksandr Isaevič Solženicyn), né le 28 novembre 1918 ( dans le calendrier grégorien) à Kislovodsk et mort le à Moscou, est un écrivain russe et un des plus célèbres dissidents du régime soviétique durant les années 1970 et 1980.
Nom de naissance | Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne |
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Naissance |
Kislovodsk (RSFS de Russie) |
Décès |
Moscou (Russie) |
Activité principale | |
Distinctions |
Prix Nobel de littérature (1970) Prix Templeton (1983) Grand prix de l'Académie des sciences morales et politiques (2000) Prix d'État (Russie) 2007 International Botev Prize (2008) |
Langue d’écriture | russe |
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Œuvres principales
Né dans le nord du Caucase, il fait de brillantes études de mathématiques et de littérature. Il adhère alors à l'idéologie du régime communiste. Mobilisé en 1941 lorsque commence la guerre contre l'Allemagne, il suit à sa demande une formation d'officier d'artillerie à partir de 1942. Au front, il fait preuve d'une conduite exemplaire qui lui vaut d'être décoré. Il est cependant arrêté en 1945 pour avoir critiqué Staline dans une correspondance personnelle et est condamné pour « activité contre-révolutionnaire » à huit ans de détention dans un camp de travail pénitentiaire. Libéré en 1953, il est placé en relégation dans un village du Kazakhstan et ne pourra rentrer en Russie qu'en 1959, réhabilité par la Cour suprême.
À la faveur de la déstalinisation et de l'adoucissement du régime sous Nikita Khrouchtchev, il publie un premier roman en 1962, Une journée d'Ivan Denissovitch, première œuvre littéraire témoignant de l'existence de camps en URSS, qui fait l'effet d'une bombe. Alors que le régime se durcit sous la direction de Brejnev et que la police saisit certains de ses manuscrits, il parvient à publier quelques ouvrages en samizdat (Le Pavillon des cancéreux) ou à l'étranger (Le Premier Cercle). Ils lui valent une renommée mondiale, jusqu'à obtenir le prix Nobel de littérature en 1970.
En 1973, il donne l'ordre de publier à Paris L'Archipel du Goulag. Cette chronique minutieuse du système de répression politique en Union soviétique, nourrie de nombreux témoignages de rescapés des camps, connaît un retentissement mondial. Elle est considérée comme l'un des ouvrages majeurs du XXe siècle sur le système concentrationnaire. En 1989, le travail de l'historien Viktor Zemskov sur les archives de l'administration du Goulag soviétique révélera que le nombre réel de détenus popularisé par Soljenitsyne dans son ouvrage était quatre à cinq fois supérieur à la réalité. Quand les fonds du Goulag furent déclassifiés, il apparut que les chiffres de Viktor Zemskov étaient exacts, et ont été reconnus par la communauté scientifique historienne vers 1992-1993[2].
Arrêté en 1974, il est expulsé d'Union soviétique et déchu de sa citoyenneté. D'abord réfugié en Europe de l'Ouest, il s'installe ensuite aux États-Unis, dans le Vermont, où il passe vingt années d'exil, au cours desquelles il écrit sa monumentale Roue rouge. Réhabilité par Mikhaïl Gorbatchev, il rentre en 1994 à Moscou, où il termine sa vie.
Figure de proue de la dissidence soviétique, il s'en démarque cependant par une vive critique du matérialisme occidental, exprimée notamment dans son Discours de Harvard sur le déclin du courage (1978).
Alexandre Issaïevitch[3] Soljenitsyne naît le 28 novembre 1918 ( dans le calendrier grégorien)[4] à Kislovodsk (kraï de Stavropol), sur le versant nord du Caucase[5]. Les parents d'Alexandre se sont connus à Moscou lors d'une permission de son père en et se sont mariés le dans sa brigade[6].
Son père, Issaaki Sémionovitch Soljenitsyne, étudiant en philologie et en histoire à l'université de Moscou, engagé volontaire dans l'armée russe dès l'été 1914, sert en Prusse-Orientale[7] et est devenu officier. De retour du front au printemps 1918, il se blesse grièvement lors d'un accident de chasse et meurt d'une septicémie le à l'hôpital de Gueorguievsk (kraï de Stravropol).
La mère d'Alexandre, Taïssia Zakharovna Chtcherbak, d'origine ukrainienne, fille d'un paysan aisé de la région de la Kouma, étudiante en agronomie à Moscou, accouche dans sa région d'origine d'Issaaki.
Jusqu'à l'âge de six ans, Alexandre est confié à la famille de sa mère, qui travaille comme sténodactylographe à Rostov-sur-le-Don. Il reçoit des rudiments d'instruction religieuse.
Venu ensuite à Rostov, il partage avec sa mère[8] un logement de neuf mètres carrés situé à proximité de l'immeuble de la Guépéou[9]. Il est admis au sein des Pionniers, mais l'origine sociale de sa famille maternelle lui vaut une exclusion temporaire de l'organisation[10].
Attiré très jeune par la littérature, ayant fait ses premiers essais littéraires au collège, Alexandre Soljenitsyne choisit néanmoins de faire des études universitaires de mathématiques et de physique, à la fois parce qu'il n'y a pas de chaire de littérature à l'université de Rostov[11] et pour des raisons alimentaires. Il suit cependant des cours de philosophie et de littérature par correspondance, s'inscrit à un cours d'anglais et suit également des cours de latin[12]. Comme il le reconnait volontiers, il adhère à l'époque à l’idéologie communiste dans laquelle il a grandi[13],[14].
Le , il épouse Natalia Alexeïevna Rechetovskaïa, étudiante en chimie et pianiste, dont il a fait la connaissance en [15]. Il passe avec succès ses examens finaux de mathématiques le [16] et se trouve à Moscou pour ses examens de littérature le , lorsque le Troisième Reich déclenche son offensive contre la Russie soviétique (opération Barbarossa).
Lors de l'invasion allemande de 1941, il manque d'abord de se faire réformer, mais est finalement mobilisé à l'automne 1941 comme soldat de l'Armée rouge dans une unité hippomobile opérant à l'arrière du front.
Le , il obtient — à sa demande — une place à l'école d'artillerie[17]. En , il en sort lieutenant et est nommé commandant d'une batterie de repérage par le son[13].
Blessé à deux reprises, sa conduite exemplaire au feu lui vaut d'être décoré de l'ordre de la Guerre patriotique de 2e classe après la bataille d'Orel (1943) et de l'Étoile rouge pour sa participation à la prise de Rogatchov (1944)[18].
Il est aussi promu au grade de capitaine.
Le , Soljenitsyne est arrêté par le SMERSH pour avoir critiqué dans sa correspondance privée la politique et les compétences militaires de Staline[19].
Dans une lettre, Soljenitsyne reprochait au « génialissime maréchal, meilleur ami de tous les soldats[réf. souhaitée] » (selon les qualificatifs officiels) d'avoir décapité l'Armée rouge lors des « purges de 1937-1938 », fait alliance avec Hitler, refusé d'écouter ceux qui le mettaient en garde contre le risque d'une attaque allemande, enfin d'avoir mené la guerre sans aucun égard pour ses hommes et pour les souffrances de la Russie.
Le destinataire de la lettre est également arrêté, Soljenitsyne et lui étant considérés comme formant une « organisation contre-révolutionnaire » et tombant de ce fait sous le coup de l'article 52 du code pénal : « Nous étions deux qui échangions nos pensées en secret : c'est-à-dire un embryon d'organisation, c'est-à-dire une organisation ! ». Le , accusé d'avoir violé l'article 58 du code pénal, Soljenitsyne est condamné par le conseil spécial du NKVD, par contumace, à huit ans de détention dans les camps de travail pénitentiaire pour « activité contre-révolutionnaire »[20].
Au début de 1952, Natalia Rechetovskaïa, renvoyée en 1948 de l'université d'État de Moscou en tant qu'épouse d'un « ennemi du peuple », est obligée de divorcer afin de retrouver un emploi[21].
À sa sortie du camp en [22], à peine un mois avant la mort de Staline[13], Soljenitsyne est envoyé en « relégation perpétuelle » dans l'aoul de Kok-Terek (district de Djamboul) au Kazakhstan, où il va être instituteur à l'école du bourg[22].
En 1954, après une radiothérapie[23], il guérit de ganglions péritonéaux, suites d'un cancer du testicule (non diagnostiqué) traité par orchidectomie lorsqu'il était au goulag en 1952[24].
Il se remarie avec Natalia le . Le , il est réhabilité par la Cour suprême de l'URSS et revient en Russie, s'installant chez sa femme et sa belle-mère à Riazan, à 200 km de Moscou, et devenant professeur de sciences physiques[25].
En 1972, il divorce de nouveau[26]. Il épouse l'année suivante Natalia Dmitrievna Svetlova, une mathématicienne de 32 ans. En plus de Dimitri, fils de son premier mariage, il a trois enfants de sa seconde épouse, Yermolai (né en 1970), Ignat (né en 1972) et Stepan (né en 1973)[27].
La publication d'Une journée d'Ivan Denissovitch en 1962 dans la revue soviétique Novy Mir, dirigée par Alexandre Tvardovski, grâce à l'autorisation de Nikita Khrouchtchev, donne immédiatement à Alexandre Soljenitsyne une renommée dans son pays et même dans le monde[28].
Ce récit d'une journée décrit les conditions de vie dans un camp de travail forcé du Goulag au début des années 1950, vues par les yeux d'un simple zek, Ivan Denissovitch Choukhov, maçon issu de la paysannerie.
Soljenitsyne est reçu au Kremlin par Khrouchtchev.
Peu après, il va pouvoir publier d'autres œuvres assez courtes : La Maison de Matriona, Un incident à la gare de Kretchetovkva et Pour les besoins de la cause.
À partir de la chute de Khrouchtchev (15 octobre 1964) et de l'avènement de Brejnev, la situation de Soljenitsyne devient moins favorable et il cesse de pouvoir publier en Union soviétique. Sa vie devient une conspiration permanente pour écrire en dépit de la surveillance assidue du KGB. Une partie de ses archives est saisie chez un de ses amis en .
En 1967, dans une lettre au Congrès des écrivains soviétiques, il demande « la suppression de toute censure – ouverte ou cachée – sur la production artistique ». Le , il est exclu de l'Union des écrivains de l'URSS[29].
Ses romans Le Pavillon des cancéreux et Le Premier Cercle, ainsi que le premier tome de son épopée historique La Roue rouge, paraissent cependant en Occident et lui valent le prix Nobel de littérature en 1970 ; mais il refuse de venir le recevoir à Stockholm, de peur d'être déchu de sa nationalité soviétique et de ne pouvoir rentrer en URSS, et le gouvernement suédois le lui transmet par son ambassade à Moscou.
En 1969, alors qu'il est persécuté par les autorités et ne sait plus où vivre, il est hébergé par Mstislav Rostropovitch[30]. Il manque d'être assassiné en , par un « parapluie bulgare ». Une de ses plus proches collaboratrices échappe de justesse à une tentative d'étranglement et à un accident de voiture.
En , la version russe de L'Archipel du Goulag paraît aux éditions YMCA Press à Paris, car le manuscrit a pu être clandestinement sorti d'URSS par Anastasia Douroff (1908-1999[31]), fonctionnaire de l'ambassade de France à Moscou et membre de la communauté apostolique Saint-François-Xavier de Madeleine Daniélou[32]. Le manuscrit est remis à l'imprimerie Béresniak, rue du Faubourg-du-Temple à Paris[réf. souhaitée], qui appartient à la famille maternelle de René Goscinny, une des rares imprimeries françaises à disposer de caractères typographiques cyrilliques. Il y décrit le système concentrationnaire soviétique du Goulag, qu'il a vécu de l'intérieur, et la nature totalitaire du régime.
Cet ouvrage a été écrit entre 1958 et 1967 sur de minuscules feuilles de papier enterrées une à une dans des jardins amis, une copie étant envoyée en Occident grâce à des amis qui risquent gros, pour échapper à la censure. La publication est décidée après qu'une des assistantes de l'écrivain, Élisabeth Voronianskaïa, a été retrouvée pendue () : après cinq jours d'interrogatoire, elle a révélé au KGB la cachette où se trouvait un exemplaire de l’œuvre[33].
Comme d'autres avant lui, cet ouvrage est un témoignage, mais contrairement à ceux qui l'ont précédé, il est extrêmement précis, sourcé, citant de nombreuses lois et décrets soviétiques utilisés dans la mise en œuvre de la politique de répression, de sorte qu'il est beaucoup plus difficile aux « négationnistes du Goulag » de nier la véracité des faits décrits.
En France, la publication est accompagnée par une campagne de calomnies organisée par le Parti communiste français et L'Humanité, suivis par des journaux comme Témoignage chrétien, selon lesquels par exemple le dissident aurait des « sympathies pro-nazies »[34]. Malgré cela, le livre connaît une grande diffusion et rend Soljenitsyne immensément célèbre. En France, l'édition est assurée au Seuil par Claude Durand[35].
Soljenitsyne est arrêté le et incarcéré à la prison de Lefortovo, où il prend connaissance de l'acte d'accusation de haute trahison (punissable de la peine de mort[36]).
Le lendemain, lecture lui est faite du décret le privant de la citoyenneté soviétique et ordonnant son expulsion. Douze heures après son arrestation, il est placé dans un avion spécial à destination de Francfort-sur-le-Main.
Grâce à l'aide de l'écrivain allemand Heinrich Böll, il s'installe d'abord à Zurich en Suisse où sa famille (sa femme, ses quatre enfants et sa belle-mère) est autorisée à le rejoindre un mois plus tard, puis émigre aux États-Unis. Soljénitsyne devient une « figure de proue » des dissidents soviétiques, mais déjà apparaît, à travers ses interviews[37], un clivage avec certains de ses interlocuteurs qui le soupçonnent d'être réactionnaire[38] ; il se montre en effet méfiant à l'égard du « matérialisme occidental » et attaché à l'identité russe traditionnelle, où la spiritualité orthodoxe[Laquelle ?] joue un grand rôle.
Après une période agitée faite d'interviews et de discours (comme le discours de Harvard prononcé en 1978) aux États-Unis, Soljenitsyne fut souvent invité à des conférences. Le , il fut invité à donner une conférence sur la situation mondiale au Sénat américain. L'Occident découvre alors un chrétien orthodoxe et slavophile très critique sur la société occidentale de consommation, et que les médias français classent dès lors parmi les conservateurs[13]. Comme Victor Serge ou Victor Kravchenko avant lui, l'écrivain doit affronter une campagne supplémentaire de diffamation[39].
Il s'installe avec sa famille à Cavendish, dans le Vermont, pour écrire La Roue rouge, une épopée historique qui, sur plusieurs milliers de pages, retrace la plongée de la Russie dans la violence révolutionnaire.
En 1983, il reçoit le prix Templeton.
Le , à l'occasion de l'inauguration du Mémorial de la Vendée aux Lucs-sur-Boulogne, il prononce un discours sur les guerres de Vendée et la Révolution française en compagnie de Philippe de Villiers, président du conseil général de la Vendée : il y affirme que la guerre de Vendée est la première victoire du totalitarisme moderne[40]. À cette occasion, il condamne la Révolution française, qu'il décrit comme une « fracture de l'Histoire » source du totalitarisme à l'image de la révolution d'Octobre, et critique la devise républicaine Liberté, égalité, fraternité, qu'il estime irréalisable[41]. En 2016, le Puy du Fou, fondé par Philippe de Villiers, lui rend hommage en insérant son discours dans le spectacle Le Dernier Panache, traitant de la guerre de Vendée et en particulier de la vie du général Charette, figure de la résistance vendéenne.
Dans le cadre de la Glasnost menée par Mikhaïl Gorbatchev, sa citoyenneté soviétique lui est restituée, et L'Archipel du Goulag est publié en URSS à partir de 1989. Après la dislocation de l'Union soviétique, il rentre via la France en Russie le , en arrivant par l'est, à Magadan, jadis grand centre de tri carcéral. Il traverse en un mois son pays en train. Il se rend notamment en compagnie de son ami Boris Mojaïev sur le lieu de l'insurrection paysanne menée par Alexandre Antonov en 1920-1921[42]. Il résidera en Russie jusqu'à sa mort. Jusqu'en 1998, il conserve une activité sociale, anime une émission de télévision, voyage en Russie, rencontre des personnes et d'anciens déportés. La maladie interrompt cette activité.
Soljenitsyne vit ensuite retiré près de Moscou, au milieu de sa famille. Le Fonds Soljenitsyne aide les anciens zeks et leurs familles démunies en leur versant des pensions, en payant des médicaments. Après avoir pensé pouvoir jouer un rôle cathartique dans la Russie post-communiste, Soljenitsyne se rend compte que la nomenklatura a simplement changé d'idéologie, passant du communisme au nationalisme, mais qu'elle s'est maintenue aux affaires et que les démocrates, s'ils veulent convaincre, ne peuvent agir que sur les plans associatif et culturel, le plan politique étant entièrement verrouillé par Boris Eltsine, puis par Vladimir Poutine.
Un colloque international a été consacré à son œuvre en à Moscou. Le , le président Vladimir Poutine rend hommage à Soljenitsyne en lui décernant le prestigieux prix d'État[43].
L'ancien dissident Viktor Erofeev estima que « c'était vraiment un paradoxe douloureux de voir comment l'ancien prisonnier pouvait sympathiser avec l'ancien officier du KGB »[44]. Malgré plusieurs rencontres privées avec Poutine et des marques de sympathie réciproque, Soljenitsyne accusa la politique impérialiste du président russe d'épuiser à l'extérieur les forces vives de la nation et reprocha à son nationalisme de détourner les Russes des vrais enjeux de leur avenir. Ces positions sur la politique de la Russie sont expliquées dès 1990 dans son essai Comment réaménager notre Russie[45].
Il meurt à son domicile de Moscou à 89 ans dans la nuit du 3 au d'une insuffisance cardiaque aiguë[13]. Il est enterré au cimetière du monastère Donskoï. Ses funérailles sont retransmises en direct à la télévision russe[46].
Symbole de la résistance intellectuelle à l'oppression soviétique, Alexandre Soljenitsyne a été régulièrement attaqué, ses ouvrages et interprétations historiques souvent dénoncés comme « réactionnaires », principalement par la gauche occidentale. Les opérations de déstabilisation à son encontre ont été nombreuses. Le KGB a notamment fait écrire un livre contre lui par son ancien éditeur à Londres, Alec Flegon[47].
Durant sa carrière littéraire, il aurait été accusé d'être nationaliste, tsariste, ultra-orthodoxe, antisémite ou favorable à Israël, traître, complice objectif de la Gestapo, de la CIA, des francs-maçons, des services secrets français et même du KGB. Dans son autobiographie littéraire, Le grain tombé entre les meules, et dans un article de la Litératournaïa Gazeta, « Les barbouilleurs ne cherchent pas la lumière », Soljenitsyne a répondu à ces accusations en les juxtaposant pour montrer leur incohérence.
Soljenitsyne pense que si Staline n'avait pas décapité l'Armée rouge lors des « Grandes Purges » (1937), s'il n'avait pas fait « aveuglément » confiance à Hitler (pacte germano-soviétique 1939-1941), s'il avait écouté les agents (tels Richard Sorge) qui le mettaient en garde contre l'attaque allemande du 22 juin 1941, l'invasion nazie aurait été moins désastreuse pour le pays. Soljenitsyne reproche aussi à Staline d'avoir envoyé au Goulag tous les soldats soviétiques prisonniers des Allemands (se laisser capturer vivant étant considéré comme une « trahison »)[48] alors que la reconstruction du pays nécessitait la participation de tous.
Alexandre Soljenitsyne a régulièrement fait l'objet d'accusations d'antisémitisme en raison de ses travaux sur la révolution bolchevique (où il étudie l'implication des juifs au sommet de l'appareil d'État et de l'appareil répressif) et de la publication de son ouvrage historique Deux siècles ensemble (en) sur les relations entre Juifs et Russes de 1795 à 1995. Selon Soljenitsyne, cet ouvrage « visait à comprendre les sentiments, les pensées et la psychologie des Juifs – leur composante spirituelle »[49].
L'écrivain et ancien dissident soviétique Vladimir Voïnovitch a ainsi voulu démontrer le caractère antisémite de ce livre dans une étude polémique[50].
En France, l'historien trotskiste Jean-Jacques Marie a consacré un article à chaque tome de Deux siècles ensemble, qu'il qualifie de « bible antisémite ». Selon lui, « Soljenitsyne expose, dans Deux siècles ensemble, une conception de l'histoire des Juifs en Russie digne de figurer dans un manuel de falsification historique » en écrivant une histoire des pogroms « telle qu'elle a été vue par la police tsariste »[51].
L'historien britannique Robert Service a défendu le livre de Soljenitsyne, arguant que les rapports de la police avaient intérêt à grossir, non à minimiser les faits, et qu'une étude de la place des juifs dans le parti bolchevique n'était en rien antisémite par elle-même[49].
L'historien américain Richard Pipes[52], dont les travaux sur l'histoire de la Russie avaient été qualifiés par Soljenitsyne de « version polonaise de l'histoire russe », a répondu à celui-ci en le qualifiant d'antisémite et d'ultra-nationaliste. En 1985, Pipes a développé son propos dans sa critique d'Août 14 : « Chaque culture a une forme propre d'antisémitisme (sic). Dans le cas de Soljenitsyne, celui-ci n'est pas racial. Cela n'a rien à voir avec le sang. Il [Soljenitsyne] n'est pas raciste, la question est fondamentalement religieuse et culturelle. Il présente de nombreuses ressemblances avec Dostoïevski, qui était un chrétien fervent, un patriote et un antisémite farouche. Soljenitsyne adhère incontestablement à l'interprétation de la Révolution que fait l'extrême droite russe, celle d'une création des Juifs »[53].
Président du Congrès juif russe, Evgueni Satanovski n'accuse pas Soljenitsyne d'antisémitisme, mais ne trouve aucun mérite à son livre : « C'est une erreur, mais même les génies font des erreurs », ajoutant : « Ce n'est pas un livre sur la façon dont les Juifs et les Russes ont vécu ensemble pendant 200 ans, mais sur la façon dont ils ont vécu séparément après s'être trouvés sur le même territoire »[49].
Ses prises de position pour « une période autoritaire de transition » lui valurent de sévères critiques de la part de dissidents comme Andreï Siniavski et Andreï Sakharov, pour lesquels la Russie ne saurait se régénérer sans démocratie[54]. En fait, Soljenitsyne n'est pas hostile à la démocratie en général, mais il ne croit pas que la Russie puisse passer du jour au lendemain d'un régime totalitaire à un régime de type occidental. À la démocratie représentative à l'occidentale, qu'il perçoit comme génératrice d'une classe politique corrompue, coupée du peuple et soucieuse avant tout de ses propres intérêts, il oppose son souhait, pour la Russie, d'un pouvoir présidentiel fort, et d'une forme de démocratie locale constituée par un tissu d'associations gérant les affaires indépendamment du pouvoir qui, lui, ne devrait s'occuper que des affaires nationales (armée, politique étrangère, etc.). Il affirme dans son livre sur le réaménagement de la Russie que celle-ci peut emprunter à la Suisse le référendum d'initiative populaire. S'affirmant comme un fervent patriote, notion qu'il oppose au nationalisme du pouvoir, Soljenitsyne s'abstient de condamner clairement la première guerre de Tchétchénie (ce qui lui vaut des reproches de certains de ses pairs, jugeant son « mutisme » indigne de lui)[55],[56],[57] et approuve franchement la seconde en proposant notamment de restaurer la peine capitale (suspendue en 1996[58]) pour en finir avec le « terrorisme » tchétchène et sauver l'État russe[59],[60].
Soljenitsyne était un adversaire du panslavisme, une « ambition [qui] a toujours été au-dessus des forces de la Russie » ; il a dénoncé le chauvinisme russe et le « nationalisme pathologique »[61]. Éprouvant pour l'Ukraine « des sentiments fraternels »[62], il condamne les oukazes tsaristes ayant proscrit la langue ukrainienne[63]. Mais il dénonce aussi les outrances du nationalisme ukrainien, l'abandon par la Russie de Eltsine des millions de russophones d'Ukraine, et l'instrumentalisation par les États-Unis de « cette position antirusse de l'Ukraine »[64].
En 2006, Soljenitsyne avait dénoncé : « l'encerclement total de la Russie » par l'OTAN et les États-Unis qui « placent leurs troupes d'occupation dans les pays, l'un après l'autre »[63].
Soljenitsyne n'a jamais démenti les accusations de royalisme portées contre lui : pour lui, le bilan du tsarisme est « supérieur à celui du communisme, en termes de satisfaction des besoins et d'élévation morale du peuple russe ».
Ses convictions religieuses orthodoxes suscitent également de la méfiance dans les milieux démocrates.
Il fut accusé d'être favorable aux dictatures militaires dont celle menée par Augusto Pinochet au Chili : en fait, il déplorait surtout que l'Occident s'émeuve beaucoup des crimes de ces dictatures, et fort peu de ceux du régime soviétique, et il déclara en 1976 que l'on entendait plus parler du Chili que du mur de Berlin et que « si le Chili n'existait pas, il faudrait l'inventer »[65].
Il se montre favorable à la dictature militaire menée par Francisco Franco en Espagne, ajoutant après la mort de Franco que les Espagnols étaient « dans la liberté la plus absolue » et soulignant la victoire du « concept de vie chrétienne » durant la guerre d'Espagne[66].
Alexandre Soljenitstyne admirait au moins deux formes de démocratie occidentale : celle des États-Unis, qu'il qualifia de « pays le plus magnanime et le plus généreux de la Terre »[67]. En revanche, il a parfois critiqué la politique menée par le gouvernement américain, par exemple sur la paix négociée au Vietnam, qu'il qualifie d'« armistice stupide, incompréhensible, sans garantie aucune »[68]. Il admirait aussi la démocratie suisse et dans son livre Le Grain tombé entre les meules, il écrit : « Ah si l'Europe pouvait écouter son demi-canton d'Appenzell ».
La datation des œuvres d'Alexandre Soljenitsyne est difficile à établir avec précision, la plupart d'entre elles ayant connu une gestation très longue et plusieurs versions, parfois même une réécriture quasi complète. En ce sens, l'exergue placé au début du Premier Cercle est significatif : « Écrit de 1955 à 1958. Défiguré en 1964. Réécrit en 1968 ».
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