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genre de mammifères De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Propithecus · Propithèque
Statut CITES
Les Sifakas ou Propithèques forment un genre (Propithecus) de primates lémuriformes au sein de la famille des Indridés. Ce sont de grands lémuriens diurnes, au pelage dense variant du blanc pur au noir profond en fonction des espèces, et dotés d'une queue plus longue que leur corps. Comme tous les lémuriens, ils sont endémiques de l'île de Madagascar.
Le genre Propithecus comprend neuf taxons distincts qui se différencient aisément par la couleur de leur pelage et par leur origine géographique. Les sifakas des forêts sèches de l'Ouest sont légèrement plus petits que ceux des forêts humides sempervirentes de l'Est. Ils vivent en groupes paritaires (femelles et mâles en nombre équivalent) d'une dizaine d'individus en moyenne, et communiquent au moyen de signaux vocaux, visuels et olfactifs. Les femelles donnent naissance à un seul petit par année, qui s'accroche pendant près de six mois à leur ventre, puis à leur dos. Bien qu'essentiellement arboricoles, certaines espèces ont développé un déplacement bipède sur le sol, qui leur vaut parfois le surnom de « lémuriens danseurs ».
Sévèrement menacés par la destruction de leur habitat et, dans une moindre mesure, par la chasse et la capture à des fins commerciales, les sifakas font l'objet de nombreux programmes de conservation. Si ceux-ci ont empêché l'extinction pure et simple des espèces les plus exposées, ils n'ont pas réussi à endiguer la diminution sévère des populations, et la survie des propithèques, comme celles de nombreux lémuriens, reste dépendante des efforts de préservation qui seront entrepris ces prochaines années.
Forts des nombreuses légendes dont ils font l'objet dans la culture malgache, ainsi que de la fascination qu'ils ont de tout temps exercée chez les visiteurs de l'île, les sifakas sont appelés à rester l'un des meilleurs ambassadeurs de la richesse et de la diversité écologique de Madagascar.
C'est sous le nom de « sifac » qu'Étienne de Flacourt fournit la première description d'un propithèque au XVIIe siècle[1]. Il restranscrit ainsi le terme malgache « sifaka » (prononcé [ˈʃifək] Écouter) utilisé par les habitants de l'île pour nommer ce primate. Ce mot trouve son origine dans un comportement particulier de l'animal face au danger, dans lequel il émet un sifflement retentissant, dont la sonorité évoque les deux syllabes « chi-faak », avant de secouer rapidement la tête vers l'arrière. Il faut noter que cette particularité s'observe uniquement chez les petites espèces du Sud et de l'Ouest (groupe de P. verreauxi) qui sont traditionnellement dénommées « sifaka », alors que les espèces orientales de taille plus importantes (groupe de P. diadema) sont appelées « simpona » (ce qui serait également une transcription de leur cri d'alarme, le « zzuss »)[2].
Les propithèques sont des primates de taille moyenne comptant parmi les plus grandes espèces de lémuriens (entre 40 et 55 cm, queue non comprise). Ils ont une face ronde et un museau aplati, et leurs membres inférieurs, adaptés au saut, sont plus allongés que leurs bras. Une épaisse fourrure touffue recouvre tout le corps à l'exception du visage, des mains et des pieds. La queue, non préhensile, est plus longue que le tronc et la tête réunis. Ces caractéristiques permettent de les distinguer du premier coup d'œil des autres espèces diurnes de lémuriens.
Les représentants du groupe de Propithecus verreauxi (Ouest) sont un peu plus petits que ceux du groupe de Propithecus diadema (Est) et ont la tête plus arrondie et moins large. Au-delà de leur répartition géographique, les différentes espèces se distinguent par une importante variabilité de coloration du pelage. Ce critère seul permet la plupart du temps d'identifier le spécimen rencontré.
Groupe P. verreauxi | ||
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Morphologie générale et coloration typique |
Données biométriques moyennes | Description |
Taille (tête et tronc) 42 - 48 cm |
Le pelage, épais et long, est entièrement blanc, à l'exception d'une « couronne » de poils brun foncé sur le sommet du crâne. Les mains, les pieds et la face sont noirs et les poils épars de la surface ventrale laisse entrevoir la peau et donne une teinte grise à l'abdomen. Certains individus présentent des zones foncées sur la poitrine, le dos et l'intérieur des membres[note 1]. | |
Longueur de la queue 50 - 60 cm | ||
Poids 3,0 - 3,5 kg | ||
Taille (tête et tronc) 42 - 48 cm |
Le pelage, plus court que chez P. verreauxi, est intégralement blanc-crème, avec parfois des nuances dorées ou brun-pâle sur le cou, les épaules, le dos et les jambes. Le museau est noir, souvent parcouru d'une traînée de poils blancs. | |
Longueur de la queue 50 - 60 cm | ||
Poids 3,0 - 4,5 kg | ||
Taille (tête et tronc) 39 - 45 cm |
Le pelage du corps est blanc-crème et contraste fortement avec la coloration chocolat de la tête et du cou. Le museau, épaté et bulbeux, est parfois surmonté d'une trainée de poils clairs. La teinte de la poitrine, des épaules et des bras varie du jaune au brun-doré. | |
Longueur de la queue 48 - 57 cm | ||
Poids 3,5 - 4,3 kg | ||
Taille (tête et tronc) 42 - 50 cm |
Le pelage du dos, de la tête et de la queue, est dense et blanc. La poitrine, l'intérieur des membres, les cuisses et les épaules sont recouverts de plaques marron. La face et les oreilles sont glabres et noires, à l'exception d'un rectangle de fourrure blanche qui surmonte le museau. | |
Longueur de la queue 50 - 60 cm | ||
Poids 3,7 - 4,3 kg | ||
Taille (tête et tronc) 45 - 47 cm |
Le pelage est principalement blanc-crème, teinté d'orange sur les bras et les cuisses. Les oreilles, noires et touffues, sont proéminentes et donnent à la tête une apparence triangulaire caractéristique. La « couronne » dorée qui garnit le sommet du crâne achève de distinguer clairement cette espèce de toutes les autres. | |
Longueur de la queue 42 - 47 cm | ||
Poids 3,4 - 3,6 kg | ||
Groupe P. diadema | ||
Morphologie générale et coloration typique |
Données biométriques moyennes | Description |
Taille (tête et tronc) 50 - 55 cm |
Le pelage du dos varie, du haut en bas, du gris-ardoise au gris-argenté. Les flancs et la queue sont gris-clair ou blancs, et les membres orange ou jaune-or. Le museau et la face sont noirs et entourés d'un « diadème » de longs poils blancs qui contrastent avec une cape de poils noirs qui s'étend du sommet du crâne au bas du cou. Les spécimens récemment découverts dans les forêts de Tsinjoarivo présentent de nombreuses variations par rapport à ce modèle (incluant des individus entièrement noirs) et pourraient constituer une sous-espèce distincte[3]. | |
Longueur de la queue 44 - 50 cm | ||
Poids 6,0 - 8,5 kg | ||
Taille (tête et tronc) 42 - 52 cm |
Le pelage du dos est dense et sa couleur varie du chocolat au brun très foncé. Les flancs présentent une teinte beaucoup plus claire, formant deux plaques latérales qui se rejoignent parfois sur l'échine. La face est gris-foncé ou noire, comme les oreilles qui sont souvent enfouies dans la fourrure. Par le passé, certains auteurs ont décrit des individus entièrement noirs, à l'exception d'une zone brun-foncé à la base de la queue[note 2]. | |
Longueur de la queue 41 - 48 cm | ||
Poids 5,0 - 6,5 kg | ||
Taille (tête et tronc) 48 - 54 cm |
Le pelage est long, soyeux et blanc. Chez certains individus, les jambes, le dos et le haut du crâne sont argentés. Certains individus sont frappés de leucisme et perdent la pigmentation, normalement noire, de la peau de la face. On rencontre ainsi des spécimens au museau rose, souvent constellé de taches foncées. Ce phénomène semble se produire à l'âge adulte, car les nouveau-nés ont généralement la peau noire. | |
Longueur de la queue 45 - 51 cm | ||
Poids 5,0 - 6,0 kg | ||
Taille (tête et tronc) 43 - 47 cm |
Le pelage, fourni et soyeux, est entièrement noir, ainsi que la peau nue de la face et des oreilles. Les yeux sont rouge-orange. | |
Longueur de la queue 42 - 45 cm | ||
Poids 4,3 - 5,0 kg |
Le régime alimentaire des sifakas est composé de feuilles, de fleurs, d'écorces, de graines et de fruits. Leur système dentaire et gastro-intestinal est adapté à ce régime phytophage : on observe ainsi des crêtes de cisaillement sur les molaires, un cæcum élargi et un long tube digestif permettant de prolonger le temps de passage du bol alimentaire dans l'intestin. Durant la saison humide, les animaux ont tendance à effectuer deux repas dans la journée (le matin et l'après-midi), principalement constitués de fleurs et de fruits. Pendant la saison sèche, l'alimentation se fait surtout à base de feuilles et de bourgeons en un repas unique le midi[4].
Il existe un profil d'alimentation spécifique à chaque espèce, quels que soient l'environnement et les plantes à dispositions. L'analyse du comportement alimentaire du Sifaka de Perrier, qui se répartit entre des forêts sèches et des forêts riveraines à la végétation très différente, a ainsi mis en évidence que les individus des deux écosystèmes se nourrissaient de proportions similaires des divers types d'aliments (feuilles : 45 - 55 % ; fleurs : 26 - 28 % ; fruits : 15 - 20 % ; bourgeons : 1 - 5 % ; pétioles : 0 - 3 % ; graines : 0 - 1 %) et d'un nombre égal d'espèces de plantes (10 taxons distincts), même si les plantes consommées étaient complètement différentes. Il semblerait en effet que les adaptations morphologiques et physiologiques de l'espèce limitent la variabilité du régime alimentaire[5].
Les sifakas pratiqueraient également une sorte « d'automédication » en consommant occasionnellement certains aliments moins courants. De nombreux cas de géophagie ont ainsi été observés. Cette pratique permettrait d'absorber les toxines et d'aider à la digestion en fournissant des minéraux et des sels. On rapporte également la consommation de termitières, qui apportent peut-être une flore intestinale nécessaire à la digestion d'un régime principalement folivore[6]. Enfin, on a observé que les femelles périparturientes (durant la gestation et la lactation) augmentaient leur consommation de plantes riches en tannins, qui sont dédaignées le reste de l'année et par les autres membres du groupe. Ce comportement singulier comporterait des bénéfices prophylactiques importants : l'ingestion de tannins est en effet associée à l'augmentation de la masse corporelle et à la stimulation de la production de lait, et ces molécules sont connues pour leurs propriétés astringentes, antihémorragiques et antiabortives, ainsi que pour leur potentiel antihélmintique non négligeable[7].
Les Indridés pratiquent un mode de locomotion arboricole appelé « accrochage vertical et saut » ou « saut en position verticale » qui consiste à s'accrocher à un support vertical et à se déplacer en sautant d'un support vertical à un autre. Ce trait les distingue particulièrement des autres lémuriens, principalement quadrupèdes.
Les propithèques effectuent la grande majorité de leurs déplacements de cette façon, mais ils sont surtout célèbres pour les sauts bipèdes qu'ils effectuent au sol lorsqu'ils doivent traverser des étendues déboisées et qui leur valent le surnom de « lémuriens danseurs ». Ce moyen de locomotion, surtout observé chez les espèces du groupe de P. verreauxi, peut s'effectuer selon deux modalités : la marche lente sans phase aérienne et la marche saltatoire rapide avec phase aérienne, appelée « galop bipède ». Dans le premier cas, le corps de l'animal est orienté face à la trajectoire et il n'y a pas de différence dans le rôle joué par chaque membre[note 3]. Dans le second, le tronc est orienté obliquement et les membres alternent entre une fonction « d'attaque » et une fonction « d'appel ». Si la « marche » s'apparente aux moyens de locomotion utilisés par d'autres primates bipèdes, le « galop » est un mode de déplacement unique parmi les mammifères et vraisemblablement une adaptation du saut en position verticale au sol[8].
Lorsqu'il galope, l'animal garde la même orientation sur 5 à 7 enjambées, puis pivote et change de jambe d'appel. La jambe d'attaque touche le sol en premier et y reste moins longtemps que la jambe d'appel. Les articulations de la hanche, du genou et de la cheville sont mises à haute contribution et permettent un déplacement important du centre de masse au décollage et à l'atterrissage. La queue est étirée à l'atterrissage et fléchie lors du décollage. Elle contribue à l'accélération du décollage, à la décélération de l'atterrissage et aux rotations lors du changement de jambe d'appel. L'amplitude de ces mouvements est proportionnelle à la vitesse du déplacement. Le bras d'attaque joue un rôle similaire à celui de la queue. Il est fléchi au début du mouvement, puis s'élève en abduction et pivote vers l'extérieur, et enfin fléchit lors de l'atterrissage pour ralentir l'accélération du corps au sol. Le bras d'appel sert de balancier. Il est à l'inverse élevé en abduction au cours de la première moitié du mouvement, puis pivote vers l'extérieur lorsque le pied d'appel touche le sol. Il reste étendu durant toute la phase aérienne puis fléchit légèrement à l'atterrissage[9].
Les Indridés ont un ischion dirigé vers l'arrière, analogue à celui des hominidés bipèdes, ce qui augmente la force de levier de la musculature de la hanche en position d'extension extrême. Les propithèques peuvent ainsi stocker l'énergie élastique produite par la flexion de la hanche au sol. En profitant de cette spécialisation morphologique et de mécanismes utilisés pour le saut en position verticale (comme les contre-mouvements préparatoires), le galop bipède minimise la dépense énergétique associée à la locomotion sur un substrat terrestre[8].
Les propithèques vivent en groupes de 2 à 13 individus, comprenant la plupart du temps 2 ou 3 mâles adultes, 2 ou 3 femelles adultes et plusieurs jeunes[10]. Ces groupes sont compacts et leurs membres gardent en permanence leurs congénères dans leur champ de vision. En dehors de la saison reproductive, les rapports infra-groupes sont pacifiques et aucune organisation hiérarchique n'est décelable. Durant celle-ci (entre janvier et mars) au contraire, les mâles se battent régulièrement et peuvent même se blesser sérieusement. Ils ont tendance à se reproduire en dehors de leur groupe (exogamie) en rendant visite aux femelles d'une structure voisine, lesquelles acceptent ou rejettent ces avances sans considérations pour l'origine du mâle. À la fin de la saison, la composition des groupes occupant des territoires proches est ainsi souvent modifiée au gré des « batailles » qui ont eu lieu et il est fréquent qu'un mâle s'intègre dans le groupe visité, ou fonde son propre groupe en scindant celui où il a passé le reste de l'année. Il arrive également que la mort d'un mâle dominant provoque la réorganisation non seulement du groupe auquel il appartenait mais aussi de plusieurs autres groupes dans un périmètre proche, grâce à un phénomène de « migrations en chaîne » des individus adultes[11].
L'œstrus des femelles n'a lieu qu'une fois par an et ne dure que quelques jours. La gestation dure entre 130 et 140 jours, les naissances se produisant généralement entre juin et septembre. Le nouveau-né, qui pèse environ 40 grammes, s'accroche d'abord au ventre de sa mère où il demeure les trois premiers mois de sa vie. Il est ensuite transféré sur son dos pendant trois autres mois, avant d'accéder à l'autonomie. Le sevrage a lieu après 180 jours et l'animal atteint sa taille adulte après 21 mois. L'âge de la maturité sexuelle varie entre 3 et 6 ans en fonction des espèces et des populations[12].
Exemples de sons émis par le Sifaka soyeux | |
« Zzuss ! » | |
Cri général d'alarme | |
Hululement | |
Membre du groupe perdu | |
Couinement | |
Soumission | |
Grognement | |
Menace aérienne | |
« Hum » | |
Usage varié | |
« Mum » | |
Usage varié | |
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Les sifakas communiquent entre eux et avec les autres espèces avec lesquelles ils cohabitent au moyen de signaux vocaux, olfactifs et visuels.
Leur répertoire sonore est plus réduit que celui de leurs cousins Lémur catta, Vari ou Indri mais plus étendu que celui de la plupart des primates. Il varie en fonction de l'espèce, de la localisation géographique, de l'âge et du sexe de l'individu, même si de nombreuses similitudes existent. Les propithèques de l'Ouest (groupe de P. verreauxi) partagent ainsi une gamme de trois cris d'alarme distincts, mais le contexte dans lequel ils en font usage est parfois différent[13] :
Chez les espèces de l'Est, on a relevé sept types distincts de vocalisations. Les plus fréquemment émises sont des sons de faible amplitude et de basses fréquences, « hum » et « mum ». Ils sont utilisés dans une variété de circonstances, comprenant les mouvements du groupe, la recherche de nourriture et les périodes de repos. Les cris d'alarme sont beaucoup plus bruyants et sont souvent transmis et répétés par tous les membres du groupe. Un grognement de « perturbations aériennes » est ainsi émis en cas d'incursion de rapaces, mais aussi lors de chutes d'arbres et de passage de petits oiseaux. En cas de menaces moins spécifiques les propithèques de l'Est poussent un cri d'alarme général semblable à un éternuement et dont provient leur nom vernaculaire malgache, « Simpona ». Ce son, transcrit « Zzuss », est produit avec la bouche fermée en réponse aux appels de congénères perdus (qui « hululent »), aux troubles d'origine terrestre et, en général, dans tout contexte d'excitation importante[14].
La communication olfactive est également bien développée chez les propithèques. Ils possèdent plusieurs glandes spécialisées dans le marquage qui incluent une glande sébacée que l'on retrouve uniquement sur la poitrine des mâles et des glandes mixtes anogénitales présentes chez les deux sexes. Les sifakas marquent les arbres en frottant leur région anogénitale ou pelvienne dans un mouvement vertical rythmique, en urinant ou en creusant l'écorce avec leurs dents. Les individus dominants des deux sexes ont tendance à marquer plus que les individus subordonnés. La composition chimique de ces sécrétions diffère entre la saison des naissances et la période reproductive, et pourrait être due à des différences saisonnières d'alimentation ou de taux d'hormones. Les mâles apposent leur odeur deux fois plus souvent que les femelles, mais celles-ci obtiennent une réponse beaucoup plus rapidement, après environ 60 secondes. La réponse consiste généralement à déposer une marque olfactive par-dessus celle laissée par un congénère. Ce comportement finit par créer des « arbres-totems », recouverts d'empreintes des dents de plusieurs mâles, et qui reflètent probablement la compétition pour les femelles[15].
Les sifakas vivent souvent en sympatrie avec plusieurs autres espèces de lémuriens. L'exemple le plus probant est le Parc national de Ranomafana, où le Propithèque de Milne-Edwards cohabite pacifiquement avec l'Avahi laineux (Avahi laniger), le Grand Chirogale (Cheirogaleus major), l'Aye-aye (Daubentonia madagascariensis), le Lémur fauve (Eulemur fulvus), le Lémur à ventre roux (Eulemur rubriventer), l'Hapalémur doré (Hapalemur aureus), l'Hapalémur gris (Hapalemur griseus), le Lépilémur à petites dents (Lepilemur microdon), le Microcèbe roux (Microcebus rufus), le Grand Hapalémur (Prolemur simus) et le Vari noir-et-blanc (Varecia variegata)[2].
Les propithèques connaissent deux types de prédateurs : les grands rapaces diurnes et le fossa, un viverridé endémique de Madagascar. Aucun reptile, pas même le boa malgache, ne semble s'attaquer aux mammifères de cette taille, mais ils constituent peut-être une menace occasionnelle pour leur progéniture laissée sans surveillance[2].
Les oiseaux de proie malgaches s'attaquent peu aux primates et seules les plus grosses espèces, comme l'Autour de Henst (Accipiter henstii) et le Gymnogène de Madagascar (Polyboroides radiatus), chassent parfois les petits lémuriens nocturnes. S'ils peuvent être un danger pour les jeunes individus, la rareté de ces agressions explique difficilement la complexité des mécanismes de défense anti-aérienne déployés par les sifakas. Dans cette question qui fait débat, deux théories s'opposent :
Le danger représenté par le Fossa (Cryptoprocta ferox) est plus évident : les lémuriens diurnes semblent représenter la base principale du régime alimentaire de ce mammifère carnivore. L'analyse de ses excréments dans les forêts de Kirindy et Ranomafana a montré que les sifakas (respectivement P. verreauxi et P. edwardsi) formaient plus de la moitié de son alimentation et il serait à l'origine de la disparition précoce d'un tiers environ des petits nés dans l'année. Les stratégies protectrices des propithèques sont donc principalement orientées pour éviter ce prédateur furtif aux dents acérées et aux mâchoires puissantes, doté d'un sens olfactif aiguisé, d'une grande agilité parmi les arbres et surtout capable de chasser de jour comme de nuit. Elles consistent principalement en un cri d'alarme spécifique, le choix d'aires de repos situées très haut dans la canopée et une répartition spatiale plaçant les individus mâles adultes aux positions les plus exposées durant les déplacements[18].
En dehors de leurs prédateurs historiques, les propithèques doivent désormais compter sur un nouveau type de menace. En effet, trois espèces récemment introduites par l'humain ont un impact encore méconnu sur la régulation des populations de sifakas : la Civette indienne (Viverricula indica), le chien (Canis lupus familiaris) et le chat sauvage (Felis silvestris) sont trois carnivores dont le comportement prédateur est inadapté aux écosystèmes malgaches et contre lesquels la faune endémique de l'île n'est pas préparée. L'avenir de la cohabitation entre ces espèces invasives et les lémuriens est donc incertain et problématique. Dans la Réserve spéciale de Beza Mahafaly, l'analyse d'ossements et l'observation de réponses comportementales ont ainsi montré que le chat sauvage était devenu une menace importante pour les populations locales de propithèques de Verreaux[19].
La répartition géographique des sifakas forme un anneau discontinu autour de Madagascar. Les espèces du groupe de P. verreauxi occupent une part relativement importante du Sud et de l'Ouest de l'île alors que celles du groupe de P. diadema se concentrent dans les forêts pluviales du versant Est[2]. Les premières vivent en groupes d'une dizaine d'individus sur des territoires de 6,75 à 8,50 hectares. La distance parcourue chaque jour varie de 550 m en saison sèche à plus d'un kilomètre en saison humide, ce qui signifie qu'un groupe visite tout son territoire en 10 à 20 jours. Les secondes ont des territoires bien plus étendus, entre 20 et plus de 250 hectares, mais vivent paradoxalement en effectif plus réduit. On estime que 25 à 50 % de cette surface appartient à un seul groupe ; le reste du territoire donne lieu à d'incessants conflits de frontières avec les autres groupes qui le partagent[4].
Propithecus verreauxi est très largement répandu dans tout le Sud de l'île, de Fort-Dauphin jusqu'à la Tsiribihina. Il évolue principalement dans les fourrés épineux, les forêts claires succulentes et les mangroves[21]. Les forêts sèches caducifoliées de l'Ouest abritent trois autres espèces : P. deckeni (du Manambolo au Mahavavy)[22], P. coronatus (du Mahavavy à la Betsiboka)[23] et P. coquereli (de la Betsiboka jusqu'aux environs de Bealanana)[24]. Plusieurs cas d'hybridation entre P. deckenii et P. coronatus ont été reportés sur certaines îles du Mahavavy, où les deux espèces semblent cohabiter[25]. Propithecus diadema, certainement l'espèce la plus répandue, occupe les forêts humides et sub-humides du versant Est. Il était historiquement implanté au Nord jusqu'à la rivière Antainambalana, mais on ne le rencontre plus désormais au-delà de la Mananara[26]. Au Sud, il cohabite et s'hybride certainement avec Propithecus edwardsi au bord du Mangoro, qui constitue la limite de répartition entre les deux espèces. P. edwardsi évolue dans le même type d'habitat jusqu'aux confins de l'Andringitra[27].
L'aire de distribution de P. candidus est nettement plus restreinte et se concentre dans la forêt tropicale humide autour du Parc national de Marojejy[28]. Dans les forêts tropicales sèches du Nord, les zones de répartition de P. perrieri et P. tattersalli sont encore plus réduites. Le premier est cantonné aux massifs de l'Analamerana et de l'Andrafiamena[29], alors que le second occupe une région très dégradée et fragmentée autour de la ville de Daraina, entre le Loky et le Manambato[30].
Les propithèques (tout comme les microcèbes et les eulémurs) occupent ainsi presque toutes les niches écologiques disponibles à Madagascar et sont présents dans six des sept écorégions de l'île. Seules les régions situées au-dessus de 1 800 m d'altitude (à la flore de type « broussaille éricoïde ») n'ont vraisemblablement jamais abrité de sifakas.
La corrélation entre les données écologiques et la phylogénie d'un groupe d'espèces, appelée « signal phylogénétique », est rare dans les systèmes insulaires, dont la faune est connue pour sa radiation évolutive. Ce signal est néanmoins significativement élevé au sein du genre Propithecus, ce qui signifie que les espèces génétiquement proches occupent un habitat similaire. Ce phénomène pourrait être dû à un choix « neutre » (c'est-à-dire aléatoire) de niches écologiques durant l'évolution et consécutif à des mouvements migratoires de type brownien[31].
L'espace occupé par les sifakas peut être divisé en quatre types en fonction de la variation saisonnière de température et de pluviométrie. Les forêts de l'Est (P. diadema, P. edwardsi et P. candidus) sont ainsi soumises à des précipitations importantes toute l'année, mais l'écart de température y est modéré. À l’inverse, l'Ouest (P. deckenii, P. coronatus et P. coquereli) connait une saison sèche et une saison humide bien distinctes. À la jonction entre ces deux écosystèmes, loin du tropique du Capricorne, le Nord (P. tattersalli et P. perrieri) est moins sujet aux variations saisonnières. Enfin, le Sud (P. verreauxi), très aride, subit des écarts importants de température et d'humidité au cours de l'année. Il abrite une flore particulière adaptée à ces changements (Bombacaceae, Didiereaceae)[31].
Malgré la variabilité importante de leur habitat, les propithèques ont disparu de nombreuses forêts qu'ils occupaient par le passé et il devient extrêmement rare de les observer en dehors des quelques aires protégées qui parsèment leurs territoires[32].
« Il y a encore une espèce de guenuche blanche, qui a un chaperon tanné, et qui se tient le plus souvent sur les pieds de derrière, elle a la queue blanche et deux taches tannées sur les flancs, elle est plus grande que le vary, mais, plus petite que le varicossy, cette espèce s'appelle Sifac, elle vit de fèves et il y en a beaucoup vers Andrivoure, Damboulombe et Ranoufoutchi. »
— Étienne de Flacourt, Histoire de la Grande Isle Madagascar, 1658
C'est en ces termes qu'un sifaka est décrit pour la première fois aux Européens au XVIIe siècle[1]. Aucun Indridé n'apparaît pourtant dans le Systema Naturae de Carl von Linné de 1758, et il faut attendre le voyage de Pierre Sonnerat sur la côte orientale de Madagascar pour que cette famille fasse son entrée dans la littérature scientifique. L'explorateur français dépose au Jardin du roi, un « Maquis à bourre » (Avahi) et un Indri, mais aucun sifaka. On propose par la suite que le genre Indris comporte deux espèces : « l'Indri à queue courte » (Indris brevicaudatus, l'Indri « vrai ») et « l'Indri à longue queue » (Indris longicaudatus) qui regroupe les avahis et les sifakas. Le terme savant « Propithecus » — du grec ancien προ (pro) et πίθηκος (píthēkos), « singe », donc littéralement « singe primitif » — est proposé en 1832 par Edward Turner Bennett pour décrire le Sifaka à diadème. Andrew Smith décrit la même espèce sous le terme Macromerus en 1833, mais celui-ci n'est pas conservé, en vertu du principe d'antériorité. Les naturalistes du XIXe siècle décrivent ensuite plusieurs autres espèces de Propithecus, mais c'est à Alphonse Milne-Edwards et surtout à Alfred Grandidier que l'on doit la taxinomie actuelle de ces primates. En 1885, ce dernier décrit trois espèces[33] :
En 1931, Ernst Schwarz révise la classification de la plupart des lémuriens et regroupe toutes les espèces de propithèques décrites auparavant en deux espèces (subdivisées en plusieurs sous-espèces) : P. verreauxi, qui rassemble les sifakas de petite taille du Sud et de l'Ouest, et P. diadema, qui comprend les types plus grands des forêts humides de l'Est[34]. La même année, une nouvelle variété, entièrement noire, est décrite par Louis Lavauden dans les forêts sèches du Nord. Afin de ne pas perturber la nouvelle classification, elle sera considérée, sans arguments, comme une sous-espèce de P. diadema, P. diadema perrieri. En 1974, Ian Tattersall découvre ce qu'il considère d'abord comme une variété du Sifaka soyeux. Ce Sifaka à couronne dorée ne ressemble à aucun autre et vit complètement isolé dans le Nord, il sera donc décrit comme une troisième espèce par Elwyn Simons en 1988, Propithecus tattersalli.
Depuis les années 2000, après 70 ans de consensus, la classification des Lémuriformes a connu de nombreux remaniements. Sur base de critères géographiques, Groves (2001)[35] réhabilite ainsi tous les grands propithèques ainsi que P. verreauxi et P. coquereli au rang d'espèces à part entière et considère P. deckenii comme une espèce divisée en deux sous-espèces, deckenii et coronatus. Parallèlement, Pastorini et al. (2001)[36] conduisent l'analyse de l'ADN mitochondrial des différents propithèques. Ils en concluent que P. tattersalli est plus vraisemblablement une sous-espèce de P. coquereli et que P. deckenii et P. coronatus ne forment pas de lignées monophylétiques distinctes.
Mayor et al. (2004)[3] corroborent ces résultats au terme d'une analyse phylogénétique multidisciplinaire. Ils proposent une révision de la taxinomie des propithèques : les quatre sous-espèces de P. diadema obtiennent le rang d'espèces et forment le clade de P. diadema; P. coquereli est séparé de P. verreauxi et forme avec P. tattersalli le clade de P. tattersalli; et P. verreauxi forme seul un troisième clade.
Groves et Helgen (2007)[37] reconnaissent les neuf taxons comme espèces à part entière en se basant sur des critères cranio-dentaires. Ils soulignent en effet que la morphologie crânienne très particulière de P. coronatus le distingue des espèces sœurs et soulèvent l'idée d'une dixième espèce, P. holomelas, jusqu'alors considérée comme synonyme de P. edwardsi.
Au terme d'une étude comparative des phylogénies moléculaire et cytogénétique des Indridés, Rumpler et al. (2011)[38] confirment la nette séparation entre le groupe occidental (P. verreauxi) et le groupe oriental (P. diadema et P. edwardsi) ainsi que le rapprochement entre P. tattersalli et le groupe de P. verreauxi. L'analyse cytogénétique suggère la paraphylie du genre Propithecus en rapprochant Indri indri du groupe occidental, alors que l'analyse moléculaire montre une séparation beaucoup plus précoce. Les deux méthodes échouent néanmoins à séparer P. verreauxi, P. deckenii et P. coronatus en taxons distincts.
À ces controverses taxinomiques s'ajoute le cas d'une nouvelle population de Propithecus diadema découverte dans les forêts de Tsinjoarivo[39]. La variation de la couleur du pelage de ces individus par rapport aux populations déjà étudiées a laissé supposer l'existence d'une nouvelle sous-espèce, mais les études génétiques n'ont pu établir de distinctions permettant la description d'un nouveau taxon[3]. La question reste néanmoins en suspens, et la taxinomie du genre Propithecus risque de connaître de nouveaux bouleversements.
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Dans l'attente d'un consensus général sur le rang exact occupé par les différents taxons connus à ce jour, la tendance actuelle est de parler de neuf espèces de Propithecus, rassemblées en deux « groupes »[32] :
Toutes les espèces de propithèques sont considérées comme menacées par la liste rouge de l'UICN[20]. L'avenir du Sifaka soyeux est certainement le plus préoccupant et ce lémurien fait partie de la liste des 100 espèces les plus menacées[40]. Il est également inclus dans la liste des 25 espèces de primates les plus menacées au monde de 2008[41] et y figure depuis sa création en 2000, aux côtés du Sifaka de Tattersall (édition de 2000) et du Sifaka de Perrier (éditions de 2000, 2002 et 2004).
Comme c'est le cas pour bon nombre d'espèces endémiques de Madagascar, la menace majeure qui pèse sur la survie des sifakas est la déforestation massive de l'île qui entraine la destruction de leur habitat et des ressources végétales nécessaires à leur subsistance. On considère ainsi que 90 % de la couverture forestière originelle de Madagascar a déjà disparu. Les raisons principales en sont l'agriculture sur brûlis, l'extension des zones de pâturage pour l'élevage bovin, l'exploitation minière, les coupes déraisonnées pour l'extraction du bois d'œuvre, du bois précieux, du bois de chauffe et la fabrication du charbon de bois, ainsi que l'érosion consécutive à ces activités[2].
Bien que d'ampleur moindre, la chasse a un impact non négligeable sur des populations déjà fragilisées par la disparition de leur habitat. Si la symbolique bienfaisante et les nombreux fady qui entourent les sifakas dans la culture malgache ont longtemps protégé ces espèces d'une exploitation alimentaire à grande échelle, le délitement des structures sociales traditionnelles, la paupérisation accompagnant l'explosion démographique et la pauvreté des structures étatiques dans les zones reculées contribuent à faire de cette pratique une menace significative sur la survie de ces primates. La chasse serait ainsi devenue la première cause de dépeuplement du Sifaka de Tattersall à la suite d'une « ruée vers l'or » dans la région de Daraina et à l'arrivée massive de mineurs socialement déracinés et économiquement vulnérables[30]. Alors que certaines espèces, comme Propithecus deckenii, sont actuellement protégées de telles pratiques par les tabous qui les entourent, l'absence de méfiance qui en résulte pourrait leur coûter cher en cas de bouleversement des structures traditionnelles ou d'importants mouvements de population[22].
Il faut encore noter l'existence de réseaux illégaux, principalement asiatiques, de commerce d'animaux de compagnie[2]. La capture de propithèques vivants a notamment été rapportée pour le Sifaka couronné et, bien qu'extrêmement marginale, elle pourrait avoir récemment pris de l'ampleur[23].
Enfin, les troubles politiques que traverse le pays depuis 2009 n'ont fait qu'exacerber la portée de ces différentes menaces[2].
Les sifakas sont inclus dans les nombreux programmes de conservation de la faune et de la flore malgache soutenus par plusieurs organisations non gouvernementales comme le Fonds mondial pour la nature (WWF), Conservation International (CI) ou la Wildlife Conservation Society (WCS).
Certains projets sont plus spécifiquement centrés autour d'une espèce particulière. Un programme de recherche et de conservation initié en 2006 par l'ONG monégasque « Act for Nature » et le Groupe d'étude et de recherche sur les primates de Madagascar (GERP) a ainsi pour but principal de parvenir à une conservation durable du Propithèque de Perrier dans au moins une des aires majeures de répartition de l'espèce qui sont actuellement sans aucun degré de protection[44]. Basée dans le parc national de Marojejy, l'association « SIMPONA » est quant à elle centrée sur la protection du Sifaka soyeux. Ses activités comprennent notamment la collecte de données, la surveillance à long terme des individus sauvages, le développement communautaire et la mise en place de projets éducatifs dans les communautés rurales vivant à proximité[45]. Dans la région de Daraina, les efforts entrepris par l'association malgache « Fanamby » et Conservation International ont conduit à la déclaration en de l'aire protégée de Loky-Manambato, un site de conservation de 57 000 hectares autour de l'habitat principal du Sifaka de Tattersall[2]. Enfin, le Propithèque couronné fait l'objet d'un programme de conservation créé par le GERP et la Fondation John Aspinall en partenariat avec le Programme européen d'élevage (EEP). Il est basé sur la gestion en métapopulation de plusieurs groupes de propithèques couronnés isolés dans des fragments de forêt dégradée dans le but de les connecter à nouveau entre eux[46].
Les sifakas sont souvent apparentés à l'espèce humaine dans la tradition malgache, au travers des tantara (« légendes »), et sont ainsi vénérés et considérés comme fady (« interdits »). Leur taille importante, leur comportement diurne et leurs mœurs « associatives » poussent à la comparaison et sont à l'origine de nombreuses représentations anthropomorphes. Ces récits, qui mettent en valeur les « bonnes actions » de l'animal, expliquent l'origine de l'interdit, lequel peut être appliqué à un seul individu ou à l'ensemble d'une famille ou d'une communauté[47].
L'exemple le plus documenté est la relation qu'entretiennent les populations Antandroy du Grand-Sud avec le Propithèque de Verreaux, où l'animal est de façon ancestrale interdit de chasse. L'explorateur et naturaliste Alfred Grandidier, qui en a fait les frais, rapporte ainsi :
« [...] je commençai à enlever la peau du précieux animal que j'avais tué ; dès les premiers coups de scalpel, une cinquantaine d'indigènes, demi-nus, aux figures hideuses, aux corps maigres et couverts de plaies dégoûtantes, armés de leurs sagayes et de leurs escopettes, m'entourèrent, paraissant prendre à mon travail un intérêt beaucoup trop vif ; aux propos qu'ils tenaient, je compris que je blessais leurs préjugés en dépouillant le sifaka de sa peau. [...] Ma besogne touchait à sa fin, lorsqu'une députation vint à moi : « Tsifanihy, me dit le chef, est heureux que tu aies fait bonne chasse ce matin ; il regrette toutefois que tu aies coupé un sifaka en morceaux dans son village. Comme vous êtes tous deux rois et frères, il ne t'en fait pas de reproches : garde la peau, mais pour lui complaire, rassemble tous les morceaux de chair de l'animal et laisse-nous les enterrer au loin. » Je me soumis au désir du roi Tsifanihy ; tout peuple sauvage a ses doctrines ridicules et ses cérémonies puériles et il est du devoir comme de l'intérêt du voyageur de les respecter. Ce qui fut dit, fut fait ; on mit sur le corps de la pauvre bête quelques pierres entre lesquelles furent plantées des feuilles de nopal pour protéger sa dernière demeure. »
— Alfred Grandidier, Histoire physique, naturelle et politique de Madagascar[33]
L'origine de ce fady proviendrait de l'histoire d'un homme accusé injustement d'un crime, qui, le jour de son exécution, prit la fuite et se transforma en sifaka pour échapper à son bourreau. Ce dernier, découvrant sa transformation, déclara qu'il devait être innocent, et l'homme changé en lémurien s'enfonça dans la forêt, s'allia avec ceux de sa nouvelle espèce, et eut une nombreuse descendance[48]. Les Antandroy (ainsi que les Bara) utilisent également les phalanges de sifakas trouvés morts dans la forêt pour se constituer des talismans protecteurs, appelés Tsimiokotra (« contre la fatigue »), qu'ils portent parfois à la cheville lors de longues marches sur les sentiers brûlants de leur pays aride[48].
Des récits similaires sont rapportés dans les autres régions de l'île. Ainsi, chez les Antakarana de l'extrême Nord, et chez les Betsileo du Centre, il est interdit de tuer le Rajako (Propithecus perrieri et edwardsi), dont la légende dit qu'il était autrefois un homme[47].
Ces croyances sont parfois exploitées par les programmes de conservation des espèces, car elles peuvent conduire les populations locales à protéger d'elles-mêmes le territoire sur lequel vivent et se déplacent les lémuriens. C'est ainsi que sur la presqu'île d'Antrema, en pays Sakalava, la forêt est sacrée en raison d'un mythe des origines : L'ancêtre fondateur Ampanjaka de la branche des Zafinbolafotsy bemazava, hérita du pouvoir de guérir par les plantes grâce aux sifakas, après avoir lui-même été soigné et sauvé par un couple de propithèques couronnés à la suite d'une grave blessure à la jambe. Ce pouvoir lui fut transmis ainsi qu'à tous ses descendants, que l'on appelle depuis ce jour les Zafindrasifaka, « les descendants des sifakas »[49].
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