La rue d'Enfer est une ancienne voie située sur la rive gauche de Paris. Une partie de la rue est supprimée lors du percement du boulevard Saint-Michel, déclaré d'utilité publique en 1859. La partie restante est renommée «rue Denfert-Rochereau» en 1878.
Faits en bref Situation, Historique ...
Anc. 4earrt
Rue d'Enfer
Deux anciens commerces de la rue d'Enfer: le restaurant Julien et le pâtissier À la Vieille Grille du Luxembourg (années 1840).
Situation
Historique
Ancien nom
Chemin d'Issy chemin de Vanves chemin de Vauvert rue de Vauvert chemin Vauvert rue de la Porte-Gibart rue des Chartreux rue Saint-Michel rue du Faubourg-Saint-Michel
Elle ne doit pas être confondue avec la rue d'Enfer située rive droite, renommée «rue Bleue» en 1789.
Les différentes hypothèses
L'origine de ce nom ouvre à plusieurs hypothèses.
Elle aurait été appelée auparavant via Inferior—nom dénaturé en via Infera, d’où rue d'Enfer—, par opposition à la rue Saint-Jacques, qui elle, était appelée via Superior[1].
Mais, selon les recherches de Michel Roblin[2] et Alain Faure[3], il faut voir en ce nom, plutôt qu’une corruption de via Inferior, un dérivé du surnom donné à une porte de l’enceinte de Philippe Auguste, la «porte en Fer», laquelle fut appelée d'abord porte Gibard ou de la rue Gibard (d'après le Moulin-Gibert situé au-delà de l'enceinte), puis porte Saint-Michel (en 1394 par Charles VI en l'honneur de sa fille) ou «porte d'Enfer» à cause de la rue de la Porte d'Enfer, appellation qu'Henri Sauval (1724) fait remonter à 1258, «pour des raisons de superstitions[4]». Mais, comme pour mieux se contredire, il ajoute plus loin que dans «les gestes des évêques d'Auxerre on l'appelait porta de ferto», porte de fer, donc.
Germain François Poullain de Saint-Foix donne d'autres explications, la thèse de la Via Inferior ainsi que celle de la superstition due à des hurlements et autres apparitions spectrales du temps de Saint Louis ou encore un nom populaire donné car la rue était malfamée et que l'on y entendait cris, jurements, querelles...
Le terme «d'Enfer» n'aurait en définitive que peu à voir avec les Enfers, pas plus qu'avec le demi-patronyme de Pierre Philippe Denfert-Rochereau: pourtant, à la fin du XIXesiècle, les usagers, un peu perdus dans la nouvelle géographie de Paris, mélangeaient d'Enfer et Denfert. Cette confusion onomastique est d'autant plus remarquable que le second tronçon de l'ex-rue d'Enfer fut rebaptisé rue Henri-Barbusse, en hommage à l'écrivain militant qui composa, entre autres, un roman fort célèbre intitulé L'Enfer.
La disparition progressive de cet odonyme
La rue d'Enfer est rebaptisée rue Denfert-Rochereau en 1878[5]. La place de la barrière d'Enfer est rebaptisée place Denfert-Rochereau en 1879[6]. En 1887, le boulevard d'Enfer, créé le par Louis XV, devient le boulevard Raspail, on fait disparaître également le chemin de ronde du poste d'observation de la barrière d'Enfer. Un seul lieu conserve la mémoire du nom du quartier d'Enfer: le passage d'Enfer, construit en 1855 pour traverser la cité d'Enfer (ou «cité de M. Cazeaux») construite par l'architecte Félix Pigeory, auteur de l'un des premiers lotissements ouvriers de Paris.
Plusieurs rues portaient l'épithète «d'Enfer», mais ont été renommées: rue Saint-Dominique-d'Enfer, renommée rue Royer-Collard en 1846[7]; rue Saint-Thomas-d'Enfer, renommée rue Malebranche en 1867[8]; rue Sainte-Catherine-d'Enfer, renommée rue Le Goff en 1880[9].
Avant 1859: de l'ancienne place Saint-Michel à la place de la barrière d'Enfer
Du nord au sud, sa bordure ouest longeait les grilles du jardin du Luxembourg, l'école des Mines, installée dans l'ancienHôtel de Vendôme et, au-delà de la rue de la Bourbe (boulevard de Port-Royal), les hospices des Enfants-Trouvés (ancien institut de l'Oratoire, de 1655) et de Marie-Thérèse (fondé en 1819), également connu sous la dénomination «infirmerie de Marie-Thérèse».
Dans les années 1850, elle croisait en partant du nord[11]:
De 1859 à 1878: du boulevard Saint-Michel à la place de la barrière d'Enfer
En 1859 est déclaré d'utilité publique le prolongement du boulevard Sébastopol (rive gauche) (actuel boulevard Saint-Michel), de la place Saint-Michel au carrefour de l'Observatoire, par l'élargissement à trente mètres de la rue d'Enfer et de la rue de l'Est et isolement du jardin du Luxembourg du côté de la rue d'Enfer[14]. La section de la rue d'Enfer entre la rue Monsieur-le-Prince et la rue de l'Abbé-de-L'Épée est alors incorporée à ce nouveau boulevard.
La rue d’Enfer est attestée dès 1569. Cette rue a porté différents noms à diverses époques: «chemin de Vanves», «chemin d'Issy», «chemin de Vauvert», «rue de la Porte-Gibard», «rue Saint-Michel», «rue du Faubourg-Saint-Michel[1]».
En décembre 1774, les carrières souterraines sous la rue s'effondrent et engloutissent sur plusieurs centaines de mètres les habitations en surface.
Plusieurs établissements de bouche et festifs se situaient entre le Luxembourg et Montparnasse: avant que les travaux ordonnés par le préfet Haussmann ne le coupe en deux, on trouvait à l'actuel emplacement de la station de RER Port-Royal le fameux bal Bullier qui voisina bientôt avec La Closerie des Lilas, ouverte également par Bullier, deux établissements qui donnèrent à cet ancien «plateau boisé» (en réalité, proche du jardin), une réputation «infernale» dès la fin du règne de Louis-Philippe.
En 1882, la rue Denfert-Rochereau est élargie jusqu'à l'avenue de l'Observatoire (section rebaptisée avenue Denfert-Rochereau en 1946).
Avant 1859
— Selon le dictionnaire administratif et historique de 1844, la rue d'Enfer, longue de 1 608 m, commence au 2, rue Saint-Hyacinthe et au 16, rue des Francs-Bourgeois et finit au boulevard d'Enfer et au 16, boulevard Saint-Jacques. Son dernier numéro impair est le 109, le dernier pair le numéro 102. — Selon l'édition de 1855, sa longueur est de 1 591 m, le dernier numéro impair est le 133, le dernier pair le 128.
No8 rue d'Enfer: indiqué en 1828[18] comme ancien emplacement du séminaire Saint-Pierre et Saint-Louis (supprimé en 1792) qui avait été transféré à cet endroit en 1687[18] ou en 1688 depuis son précédent emplacement (rue du Pot-de-Fer). La caserne de vétérans dite caserne d'Enfer ou caserne du Séminaire Saint-Louis occupe les bâtiments sous la Révolution, l'église sert de magasin[1]. L'ensemble est détruit lors du percement de la rue de Médicis.
Nos13 et 15 rue d'Enfer: entre ces deux numéros, aboutissement de la «rue Saint-Dominique-d'Enfer» (rue Royer-Collard depuis 1846).
No20 rue d'Enfer: vers 1816[17], demeure de Denis Poisson (1781-1840), mathématicien, membre de l'Institut, pair de France (1837-1840); à partir de 1818 et jusqu'à sa mort, logement parisien de Pierre Paul Royer-Collard[22] (1763-1845), philosophe, académicien et homme politique. Il décéda et fut inhumé à Châteauvieux (Loir-et-Cher) où sa femme avait hérité d'une propriété. D'après le dictionnaire administratif (Lazare, 1855) et selon Adrien Philippe (1857), la maison portait le no16 rue d'Enfer.
No21 rue d'Enfer-Saint-Michel: vers 1816[17], demeure du Duc de Saulx-Tavannes (1769-1820), pair de France.
No26 rue d'Enfer: domicile, avant 1847[23] et jusqu'en 1858 de l'homme politique Abel Vautier (1794-1863). Il meurt en 1863 au no53 de la rue d'Enfer[24].
No34 rue d'Enfer (actuel 60, boulevard Saint-Michel): emplacement de l'École des mines depuis 1816[25].
No40 rue d'Enfer-Saint-Michel: vers 1816[17]/1825[19], demeure du comte Emmery (1783-1839), militaire, pair de France.
No42 rue d'Enfer-Saint-Michel: vers 1816[17], demeure du comte Dessolle [sic] (1767-1828), pair de France[26]
No44 rue d'Enfer-Saint-Michel: vers 1813[16], en 1816[17]/1825[19], demeure du comte de Cornet (1750-1832), pair de France.
No45: emplacement du portail de l'ancien noviciat des Feuillants, dit «second couvent»[1] ou couvent des Feuillants du faubourg Saint-Michel. Indiqué aux nos41 à 49 en 1855 (Lazare), au no43 en 1860[27] , supprimé en 1790, vendu comme propriété nationale, démoli en 1863 à la suite de la décision d'élargir la rue d'Enfer (boulevard Saint-Michel). Les Feuillants avaient acquis le terrain en 1630. Une première église est bâtie à partir de 1633. En 1655, faute de moyens financiers et d'entretien, une partie des bâtiments claustraux est fermée pour cause de vétusté. La première pierre d'une nouvelle l'église conventuelle est posée en juillet 1659 sous le vocable des Saints-Anges-Gardiens[28];
No46 rue d'Enfer: indiqué en 1812[29], comme emplacement de l'entrée de l'ancienne Chartreuse de Paris, démolie de 1796 à 1800.
No55 rue d'Enfer-Saint-Michel[30]: d'environ 1824[31] à 1833, demeure d'Étienne Charles Gabriel de Berny (1768-1851), conseiller à la Cour royale de Paris[32] et de son épouse Laure de Berny (1777-1836), inspiratrice et amante de Balzac, ce qui motive l'écrivain de s'installer, la même année, à l'hôtel Châtillon (2 rue de Tournon), situé non loin de là[33]. Laure de Berny demeure encore rue d'Enfer en 1833[34]. Elle meurt en 1836 dans sa maison de campagne[35]. — le peintre et graveur Henri Baron (1816-1885) est présent à cette adresse en 1855[36].
Nos55 et 57: entre ces deux numéros, aboutissement de la «rue des Deux-Églises» (rue de l'Abbé-de-L'Épée depuis 1846[37]).
No58 rue d'Enfer: adresse, dans les années 1850[38] et jusqu'en 1862[39], du sculpteur Étienne Montagny (1816-1895), ancien élève de Rude qui habite de l'autre côté de la rue, au no61. Montagny quittera ce lieu pour l'impasse Sainte-Élisabeth (renommée rue Boissonade en 1875) où sa maison-atelier existe encore (en 2022).
Nos77 et 79 rue d'Enfer: entre ces deux numéros, aboutissement de la «rue de la Bourbe[42]» (après 1844 rue de Port-Royal, nommée boulevard de Port-Royal depuis 1864).
No113 rue d'Enfer: situé face à l'hospice Marie-Thérèse, — emplacement, en juillet 1850, d'un des nombreux logements occupés successivement par le poète et chansonnier Pierre-Jean de Béranger[48]. Il est à noter que la maison porte à cette époque bien le no113 et non pas le no13[49] de la rue d'Enfer[N 4]; — adresse, de 1857-1863, de l'artiste peintre et illustrateur Ange-Louis Janet (1815-1872), qui est ensuite signalé, de 1864 à 1868 aux nos113 et 119 rue d'Enfer[50].
No154 maison et dépendances, appartenant au Couvent des Feuillants rue d’Enfer, estimées 27 039 livres 10 sous, 1790;
No155 maison et dépendances appartenant au Couvent des Feuillants rue d’Enfer, estimées 23 575 livres 17 sous, 1 plan, 1790;
No157 maison et dépendances appartenant au Couvent des Feuillants rue d’Enfer, 1790;
No159 maison et dépendances appartenant au Couvent des Feuillants rue d’Enfer, estimées 35 410 livres, 1 plan[51].
No18 rue Denfert-Rochereau: adresse, en 1880, du sculpteur Théodore Rivière[52] (1857-1912) et du peintre Armand Beauvais[52] (1840-1911) qui y est encore en 1895;
No33 rue Denfert-Rochereau: le sculpteur Denys Puech[52] (1854-1942), y est signalé en 1880, ainsi que le peintre pointilliste Hippolyte Petitjean[52] (1854-1929)
No37 rue Denfert-Rochereau: le catalogue du Salon de 1880[52] y recense: le sculpteur Hector Lemaire (1846-1933), le peintre écossais William Laidlay (1846-1912), le peintre américain Theodore Robinson (1852-1896), le sculpteur Joseph Carlier (1849-1927); le peintre Edmond Leroy dit Leroy-Dionet y est présent entre 1885 et 1891, le sculpteur catalan Gustave Obiols (1858-après 1930) en 1889: l'écrivain américain Ezra Pound s'y fait adresser son courrier en 1933[53]
No49 rue Denfert-Rochereau: l'illustrateur, lithographe et affichiste Firmin Bouisset[52] (1859-1925), en 1880.
No53 rue d'Enfer: domicile, de 1860 à 1863, et lieu de décès d'Abel Vautier (1794-1863). Il demeurait auparavant au no26.
Nos71 et 73 rue Denfert-Rochereau (14e): Refuge du Bon-Pasteur, fondé en 1821 (ancien no83 rue d'Enfer, en 1821[54]; voir actuels nos71-73avenue Denfert-Rochereau).
No75 rue d'Enfer (14e): en 1870, studio du photographe Charles Marville (1813-1879).
Nos75 et 77 rue Denfert-Rochereau (14e): domicile, de 1910 ou 1911 à 1957, de l'helléniste Victor Bérard (1864-1931) puis celui de son fils, l’historien de la Grèce antique Jean Bérard[55] (1908-1957) (voir 75 et 77 avenue Denfert-Rochereau).
Graveur français (?-?), et plus vraisemblablement partenaire de Benard, Lemercier et Cie, un important imprimeur parisien; ne pas confondre avec Robert Bénard ou Raoul Bénard (1881-1961), 1er Grand Prix de Rome (1905).
Sur l'actuelle place Denfert-Rochereau, précédemment barrière d'Enfer, subsistent les deux anciens pavillons d'octroi (1787) réalisés par l'architecte Ledoux. Celui situé sur le côté oriental donne accès au réseau abandonné des anciennes carrières souterraines dont une partie a été transformée en ossuaire (Voir Catacombes de Paris.)
Le périmètre du quartier du Petit-Montrouge créé en 1860 n'est pas identique avec l'ancien écart de la commune de Montrouge dénommé Petit-Montrouge qui était bien plus étendu.
Dans sa lettre à Pierre Fidèle Bretonneau du , Béranger renseigne son «cher ami» sur son «nouveau gîte» en précisant sa situation près du «chemin de fer et du Jardin des Plantes», comme suit: «En remontant le boulevard de l'Hôpital et le boulevard Saint-Jacques, vous arrivez à la barrière d'Enfer. A quelques pas dans l'intérieur, rue d'Enfer no13 [lire 113], vis-à-vis l'hospice Marie-Thérèse, est située la pension bourgeoise où nous sommes installés depuis quinze jours, moi au troisième, Judith au deuxième. [...] Nous avons un grand jardin commun, auquel je préfère les boulevards et le Luxembourg, qui est à cinq minutes de notre maison, voisine de l'Observatoire, ce qui me permettra, s'il m'en vient l'envie, d'aller me promener dans la lune.» Le chemin de fer mentionné est celui de la ligne de Sceaux, ouverte en 1846, le jardin des Plantes est distant de 2,2 km, le grand jardin commun est mitoyen du jardin de l'Observatoire. En 1855, le dernier numéro avant la barrière d'Enfer, situé à quelques pas, est le 133. Mais c'est notamment le fait que la maison se trouve face à l'hospice Marie-Thérèse qui permet de présumer que l'indication du no13 est une coquille.
Explication des ouvrages de peinture, sculpture, architecture… des artistes vivants, exposés au Palais-Royal le , Vinchon, Paris, 1852, p.232 (en ligne).
Lettre de Pierre-Jean de Béranger à Bretonneau, datée du , In: Pierre Fidèle Bretonneau, Correspondance d'un médecin, t.3, Paris, Presses universitaires François-Rabelais, 2013, p.198 (1780-1857) (en ligne).
Marie-Hélène Lavallée, Georges Vigne, Musée Ingres, Les élèves d'Ingres catalogue de l'exposition présenté à Montauban au musée Ingres du au et à Besançon au Musée des beaux-arts et d'archéologie du au .
«Explication des ouvrages de peinture, sculpture, architecture… des artistes vivants exposés au Palais des Champs-Elysées le 1er mai 1880», Paris, Imprimerie nationale, 1880 (en ligne).
John Pound, Ezra Pound, Ford Madox Ford, Pound/Ford, the story of a literary friendship: The correspondence between Ezra Pound and Ford Madox Ford..., New Directions Publishing, New York, 1982, p.118 (enn ligne).
Paris charitable et prévoyant: Tableau des œuvres et institutions du département de la Seine, Office central des œuvres de bienfaisance, 1897, p.436 (en ligne).
«Explication des ouvrages de peinture, sculpture, architecture… des artistes vivants exposés au Palais des Champs-Elysées le ]», Mourgues frères, Paris, 1882 (enligne).