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romancier écossais, essayiste et écrivain du voyage De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Robert Louis Stevenson /ˈɹɒbət ˈluɪs ˈstiːvənsən/[1], né le à Édimbourg et mort le à Vailima (Samoa), est un écrivain écossais et un grand voyageur, connu dans le monde entier pour ses deux romans, L'Île au trésor (1883), L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde (1886), qui en ont fait un objet de vénération dans tout le monde anglophone[2].
Nom de naissance | Robert Lewis Balfour Stevenson |
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Naissance |
Édimbourg, Écosse Royaume-Uni |
Décès |
Vailima, Upolu Samoa |
Activité principale |
Langue d’écriture | anglais, scots |
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Genres |
Œuvres principales
Stevenson est considéré comme un auteur de romans d'aventures ou de récits fantastiques pour adolescents, mais son œuvre a plus généralement été saluée avec enthousiasme par les plus grands de ses contemporains et de ses successeurs pour sa profonde intelligence de la narration, de ses moyens et de ses effets, qui exploite tous les ressorts du récit comme la multiplication des narrateurs et des points de vue[3], afin de créer un climax[3], point culminant du récit, et pratique en même temps une écriture très visuelle, propice aux scènes particulièrement frappantes[3].
Robert Lewis Balfour Stevenson naît au 8, Howard Place à Édimbourg où se sont installés ses parents, Thomas Stevenson et Margaret Balfour, après leur mariage deux ans plus tôt, le . Sa mère Maggie est la fille cadette du révérend Lewis Balfour, une famille des Borders. Son père Tom est un fervent calviniste appartenant à la célèbre lignée d'ingénieurs qu'est la famille Stevenson : son grand-père Robert, son père Thomas, ses oncles Alan et David, tous sont concepteurs de phares et ont apporté leur contribution à la sécurisation du littoral maritime écossais[4].
Le afin de respecter la tradition écossaise[5], il est baptisé « Robert Lewis » par son propre grand-père, le révérend Lewis Balfour.
Assez rapidement, Maggie Stevenson se montre incapable de s'occuper pleinement de son fils. En plus de son inexpérience de jeunesse — elle n'a alors que 21 ans — elle souffre de problèmes pulmonaires vraisemblablement hérités de son père, auxquels s'ajoutent des troubles nerveux. Il apparaît nécessaire d'engager une nourrice pour l'enfant. Trois se succèdent, mais c'est la dernière, entrée au service des Stevenson en , qui marque Stevenson toute sa vie : Alison Cunningham, affectueusement surnommée « Cummy ». Le , le petit « Smout », ainsi que ses parents le surnomment[6], tombe très malade, victime d'un refroidissement et d'une forte fièvre. Attribuant cela à la trop grande proximité de la Water of Leith[7], Thomas et Maggie déménagent en pour s'installer au 1, Inverleith Terrace, dans une maison jugée plus saine pour l'enfant. Hélas, la demeure se révèle encore plus humide que la précédente et après une courte amélioration, Louis fait une rechute bien plus grave : le , le médecin diagnostique une attaque de croup. Dès lors, les neuf années qui suivent sont un calvaire pour l'enfant : rhumes, bronchites, pneumonies, fièvres et infections pulmonaires se succèdent à chaque hiver en plus des maladies infantiles classiques. Ce n'est qu'en qu'un médecin établit un rapprochement entre l'humidité de la maison et la santé de l'enfant. Les Stevenson déménagent dès le mois de mai au 17, Heriot Row[8]. Cette nouvelle demeure, plus saine et plus confortable que la précédente[9], est également plus en adéquation avec la nouvelle position sociale de Thomas, devenu entre-temps, en 1854, ingénieur attitré au Northern Lights Board. Mais il est déjà trop tard : la santé de Louis est définitivement ruinée.
Du fait de ses fréquentes maladies et de sa santé fragile, Louis est très peu sorti de chez lui, le « vilain climat » d'Édimbourg[10] risquant de lui être fatal. Sa vie s'organise donc dans la maison d'Heriot Row dont Thomas est fréquemment absent, appelé par sa fonction au Northern Lights à des tournées d'inspection. Maggie, elle aussi souvent malade, se déresponsabilise peu à peu de l'enfant, la brave Cummy étant là pour l'assumer. Face à des parents trop souvent absents, rien d'étonnant alors à ce que cette dernière, dotée de surcroît d'une forte personnalité, devienne pour Louis « sa seconde mère, sa première femme, l'ange de sa vie d'enfant »[11]. C'est elle qui garde le chevet du petit Smout dont les maladies occasionnent des nuits pénibles et fiévreuses remplies de cauchemars et d'insomnies, terreurs nocturnes évoquées dans son poème North-West Passage[12] ainsi que dans son texte Un chapitre sur les rêves[13]. Et c'est encore elle qui le distrait pendant les longues journées où il reste cloué au lit, en lui faisant la lecture : la Bible, le Voyage du pèlerin de Bunyan, la biographie du pasteur McCheyne, les écrits covenantaires comme ceux de Wodrow ou Peden ; ou encore en lui racontant l'histoire de l'Écosse et particulièrement celle des persécutions subies par les Covenantaires durant le Killing Time, ainsi que des contes populaires de fantômes et de revenants[14]. Ils sont aussi très friands des récits d'aventures paraissant dans la revue Cassel's Family.
Cette double influence qui fut la sienne, il la résume d'ailleurs très bien : « Un petit Écossais entend beaucoup parler de naufrages, de récifs meurtriers, de déferlantes sans pitié et de grands phares, ainsi que de montagnes couvertes de bruyère, de clans sauvages et de covenantaires pourchassés[15]. »
Le , vient s'installer à Inverleith son jeune cousin Bob auquel sa famille souhaite épargner le triste spectacle des crises de démence de son père Alan. De trois ans plus âgé que Louis, il devient le compagnon de jeu de Louis : ensemble, ils s'amusent à s'inventer des histoires ou bien à peindre des figurines du théâtre de Skelt, dont les titres évocateurs enflamment l'imagination du jeune Louis[16].
Autres conséquences de sa santé défaillante, les périodes de cure ou de convalescence chez son grand-père, au presbytère de Colinton (Colinton Manse)[17]. C'est là qu'est son « Âge d'Or »[18]. Situé à quelques kilomètres d'Édimbourg, Louis y retrouve ses nombreux cousins et cousines et tout n'est que jeux et amusements sous la bienveillance de Jane Whyte Balfour — la fameuse « Auntie » dont il est fait mention dans A Child's Garden of Verses —, fille aînée de Lewis Balfour. À la mort de ce dernier le , un nouveau révérend vient le remplacer et c'en est fini de Colinton. « Auntie » quitte le presbytère pour s'installer à Spring Grove près de Londres.
Ses premières tentatives de scolarisation sont vite interrompues pour raisons de santé : en 1856, crises de toux et fièvres découragent ses parents pour le reste de l'année, puis en 1857, après deux semaines de classe, une fièvre gastrique suivie d'une bronchite l'immobilisent tout l'hiver. Il entre en dans la petite classe de l'Edinburgh Academy[19], mais il se montre plutôt solitaire : sa faible constitution l'empêchant de prendre part aux jeux, il peine à s'intégrer aux autres enfants. Au printemps 1862, c'est Thomas qui est pris de quintes de toux et Louis est encore une fois sorti de l'école afin d'accompagner ses parents dans le sud de l'Angleterre, avant de passer un mois à Hombourg en juillet. Puis les vacances sont prolongées jusqu'en automne en prenant une location à North Berwick, ce qui constitue le premier vrai contact avec la mer pour Louis dans ce qui était encore un petit village de pêcheurs sur le Firth of Forth, près de Dunbar. Lorsqu'arrive la rentrée scolaire, Maggie tombe presque aussitôt malade nécessitant une cure plus radicale. Le , la famille, accompagnée de Cummy, part pour un long périple : ils traversent d'abord la France et s'installent à partir du à Menton. Au terme de deux mois de cure, durant lesquels Louis a étudié avec un précepteur français, l'état de santé de Maggie s'est considérablement amélioré. Ils repartent donc tous le pour visiter l'Italie durant plus d'un mois, avant de prendre le chemin du retour le via l'Autriche et l'Allemagne. Le , après 5 mois de voyage et de dépaysement, Louis regagne enfin Heriot Row et voit s'approcher sans grand enthousiasme la perspective de la rentrée à l'Academy[20]. Devant la détresse de son fils, Thomas décide de lui changer les idées et lui propose de l'accompagner durant l'été dans sa tournée d'inspection des phares sur la côte de Fife. Louis accepte avec joie ce « premier voyage en qualité d'homme, sans jupons pour [l']assister »[21]. À leur retour, ils découvrent Maggie à nouveau souffrante et un nouveau séjour dans le Midi de la France semble s'imposer pour elle. Pour ne pas perturber à nouveau la scolarité de Louis, ses parents décident de l'envoyer en pension à Burlington Lodge Academy près de chez « Auntie » à Spring Grove. Outre un premier contact plutôt négatif avec la société anglaise[22], c'est là qu'il écrit ses premiers récits d'aventures pour le magazine de l'école préfigurant déjà son œuvre à venir. Mais il vit assez mal cet éloignement et réclame à son père de pouvoir revenir[réf. nécessaire]. Thomas cède : il rejoint son fils le et tous deux vont retrouver Maggie et Cummy à Menton. Thomas repart pour Édimbourg fin après avoir promis à son fils de ne pas le renvoyer à Spring Grove. Ils quittent Menton en pour passer les vacances sur les rives de la Tweed près de Peebles. Quand il ne passe pas ses journées à s'amuser avec ses cousins, Louis s'investit sérieusement dans plusieurs projets d'écriture[23].
En , Thomas l'inscrit dans une école pour « enfants à problèmes ». Son intégration parmi les autres élèves se passe mieux, mais il ne montre pas un grand intérêt pour les études[réf. nécessaire]. Le but qu'il s'est fixé est déjà tout autre, et il y consacre le plus clair de son temps : apprendre à écrire. Il travaille notamment sur une pièce de théâtre inspirée de la vie de Deacon Brodie, homme d'affaires respecté le jour, criminel et voleur la nuit[24]. S'étant découvert avec un autre élève de l'école les mêmes influences et la même passion de la littérature, ils se lisent à tour de rôle leurs compositions et collaborent à la publication d'un magazine. Sa rencontre avec l'une de ses idoles, l'auteur du célèbre The Coral Island, Robert Michael Ballantyne[25], renforce sa passion pour l'écriture. En , nouvelle interruption de scolarité pour suivre Maggie en cure à Torquay jusqu'en octobre. Au cours de la nouvelle année scolaire, Louis se lance, seul cette fois-ci, dans un autre projet de revue, dont trois numéros paraissent au début de l'année 1866. La revue ne survit pas au nouveau séjour à Torquay, d'avril à mai, que nécessite la santé de sa mère. Durant l'été qui suivit, Stevenson entreprend d'écrire un roman avec en toile de fond le soulèvement covenantaire de 1666 dans les Pentland Hills : l'Insurrection des Pentland. Mais son père, à la lecture de ses premiers brouillons, qualifie le travail de raté et l'encourage à abandonner la voie de la fiction au profit d'un simple récit historique. Louis, pour faire plaisir à son père, passe tout l'automne à la réécriture de Pentland Rising[26]. En récompense, Thomas fait imprimer l'œuvre de son fils à cent exemplaires chez un libraire d'Édimbourg et rachète la totalité du tirage[27].
Prédestiné à perpétuer la dynastie des Stevenson, il entre à l'âge de 17 ans, en octobre 1867, à l'université d'Édimbourg pour y préparer un diplôme d'ingénieur.
Malgré des travaux prometteurs (des dessins de phares commentés élogieusement), il s'applique peu aux études, aspirant déjà à devenir écrivain[28]. Il mène alors une vie dissolue, scandalisant famille et professeurs, notamment par sa relation avec une prostituée d'Édimbourg[29]. C'est à cette époque qu'il transforme la graphie « Lewis » de son nom en « Louis » à la française, la prononciation demeurant la même. Il adopte ainsi le nom de Robert Louis Stevenson et utilise désormais le sigle « R. L. S. » pour se désigner. Il abandonne ses études d'ingénieur en 1871, sa mauvaise santé s'accordant décidément mal avec le métier de constructeur de phares. Il se réoriente alors vers le droit — reçu à l'examen du barreau le , il n'exerça pourtant jamais la profession d'avocat — pensant ainsi disposer de plus de loisirs afin de se consacrer à sa vocation secrète : l'écriture. En , il fréquente le club « L.J.R. » (Liberty, Justice, Reverence) fondé avec son cousin Bob, une société d'étudiants en rébellion prônant l'athéisme et le rejet de l'éducation parentale[30]. Bien évidemment, cela est fort peu au goût de son père. Le scandale familial atteint son paroxysme début 1873, quand il lui annonce qu'il a perdu la foi[31].
Après un premier voyage en France en 1875 avec son ami Sir Walter Grindlay[32], tous deux voyagent l'année suivante en canoë sur les rivières du Nord d'Anvers à Pontoise. Il n'en publiera le récit que deux ans plus tard, en 1878, dans le livre Voyage en canoë sur les rivières du Nord (An Inland Voyage), tiré à seulement 750 exemplaires[33].
En août 1876, séjour à Barbizon puis à Grez où il rencontre Fanny Osbourne, née Van de Grift. Cette Américaine de dix ans son aînée est une artiste-peintre qui vit séparée de son mari Samuel Osbourne et élève seule ses deux enfants Isobel et Lloyd. Entre eux deux, le coup de foudre est immédiat. Ils se retrouvent durant l'été 1877 de nouveau à Grez, puis à Paris en octobre. Ils veulent se marier mais Fanny n'est pas divorcée de son mari. En 1878, elle repart en Californie, pour obtenir ce divorce. De son côté, Stevenson voudrait bien la suivre mais ses finances ne le lui permettent pas. De surcroît, son père menace de lui couper les vivres s'il persiste dans cette idée de mariage. Cette année-là, il publie son deuxième récit de voyage, Edinburgh: Picturesque Notes en feuilletons dans The Portfolio illustré par des eaux-fortes[34].
Déçu et en proie au doute, il part s'isoler au Monastier-sur-Gazeille, en Auvergne. Depuis cette localité, il effectue une randonnée en compagnie d'une ânesse, nommée Modestine, le bât fixé sur l'animal est un sac servant à contenir ses effets et son sac de couchage. Durant ce périple, il pense énormément à Fanny Osbourne. Parti le de Haute-Loire, il atteint douze jours plus tard la petite ville de Saint-Jean-du-Gard. Son parcours a cheminé dans le Velay, la Lozère ou ancien pays de Gévaudan (mont Lozère et Cévennes), en passant par les communes de Langogne, Luc, Le Bleymard, Le Pont-de-Montvert, Florac et Saint-Germain-de-Calberte, en pays camisard.
Cette randonnée de 230 km est connue sous le nom de « chemin de Stevenson » et référencée comme sentier de grande randonnée GR70. Le récit de ce périple, Voyage avec un âne dans les Cévennes publié en 1879, ne connait qu'une diffusion confidentielle, avec un premier tirage de seulement 750 exemplaires, et recueille quelques bonnes critiques. Il inspirera au siècle suivant de nombreux randonneurs adeptes du tourisme durable.
En 1879, malgré l'opposition de sa famille, il part rejoindre Fanny Osbourne en Californie. Partant de Glasgow le , il atteint New York le 18 et retrouve Fanny à Monterey, après un voyage en chemin de fer.
Il lui est cependant impossible de vivre immédiatement sa passion car elle est encore mariée[35]. En attendant qu'elle divorce, ce qui ne se produit qu'en [35], Stevenson doit vivre très chichement[35], rédigeant quelques articles pour le Monterey Californian, une gazette locale. Il prend le train pour San Francisco[35] cherche du travail dans les journaux et sur le port, sans en trouver de durable, décrit le hurlement de la foule toute la journée devant la Bourse de San Francisco[35], effondrée depuis le krach du Comstock Lode, scènes dont s'inspire Jules Verne en 1879 aussi, pour son roman Les Cinq Cents Millions de la Bégum.
Le [35], un article du grand quotidien local, The San Francisco Call[35], révèle que deux navires différents ont lancé une expédition pour retrouver un trésor pirate sur l'Île Cocos. Parmi eux, la Goélette Vanderbilt est revenue bredouille[35]. Le mois suivant, Stevenson rédige Le Pavillon sur la lande, nouvelle à peine ébauchée en 1878, publiée l'été suivant dans un magazine londonien. Ce récit d'un vagabond par choix qui parcourt l’Angleterre avec sa roulotte, puis est témoin d’événements mystérieux autour du pavillon qu’il partagea dans sa jeunesse, sera perçu comme un rite de « transgression de la morale », menant à « une sorte d’enthousiasme romanesque », de « l’homme qui peut enfin agir »[36].
En mars 1880, Stevenson manque de mourir d'une pneumonie: il ne doit son salut qu'à l'attention de Fanny, qui se dévoue six semaines à son chevet. À peine rétabli, il l'épouse le à San Francisco et ils partent en lune de miel, accompagnés du fils de Fanny, Lloyd. Cette lune de miel, qu'ils passent à Calistoga en Californie dans une mine d'argent désaffectée, est relatée dans Les Squatters de Silverado publié en 1883. Dès le , tous deux sont de retour en Écosse[35], mais dès l'été 1881, exceptionnellement pluvieux, son médecin lui interdit de sortir, sa santé se dégradant[35]. Lors de l'un des derniers jours d'[35], il trace une carte d'une île au trésor, à la demande de son beau-fils de 12 ans[37], Lloyd, puis débute la rédaction du grand roman d'aventure éponyme, pour laquelle s'enthousiasme son père Thomas Stevenson[37], avant de perdre toute inspiration après les quinze premiers chapitres[35].
Entre 1880 et 1887, Stevenson voyage beaucoup en Écosse, en Angleterre, séjourne à Davos, cherchant un climat bénéfique à sa santé et où il bénéficie des soins du docteur Karl Rüedi. C'est à Davos, où il arrive le [35], qu'il retrouve l'inspiration, écrivant les quinze derniers chapitres de L'Île au trésor en seulement deux semaines.
En , l'éditeur, satisfait, lui envoie 30 livres. Cette œuvre, la première à connaitre un vrai succès, ne sera traduite en français qu'en 1885. Dans une lettre de juillet 1884, il demande à son ami Sydney Colvin de lui envoyer une copie du livre écrit par Daniel Defoe en 1720, "La vie, les aventures et les pirateries du capitaine Singleton"[38], lui-même inspiré par des textes[39] imprimés à Londres au début du 18e siècle[40] et qui inspireront "Swallows and Amazons", roman d'aventure de son futur biographe Arthur Ransome.
Il passe deux ans en 1883 et 1884 à Hyères[41] dans un chalet appelé Solitude, propriété d'Alexis Godillot[42]. Il écrit alors : « Ce coin, notre jardin et notre vue sont subcélestes. Je chante tous les jours avec Bunian le grand barde. Je réside près du Paradis ». Plus tard, il écrit « Heureux, je le fus une fois et ce fut à Hyères ». Il y reçoit les soins du docteur Léon Émile Vidal pour traiter son emphysème pulmonaire[43].
En 1887, après le décès de son père, il part aux États-Unis, où il est accueilli par la presse new-yorkaise comme une vedette, à la suite du succès de L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde (1886). Il passe l'hiver dans les monts Adirondacks pour soigner son emphysème pulmonaire[44], et décide au printemps d'effectuer une croisière en Océanie où il visite les îles Marquises, les îles Gilbert et les Samoas.
En 1889, il passe aux Samoa à l'occasion d'une série de reportages dans les mers du Sud[45] et se lie avec Harry Jay Moors (1854-1926), un employé des planteurs de sucre de Hawaï, qui a recruté pour eux des employés dans plusieurs îles du Pacifique et fera plus tard fortune aux Samoa.
Début 1890, sa santé se détériorant, Stevenson s'installe définitivement à Vailima, en investissant tout son patrimoine, 4 000 dollars[46], dans une parcelle de jungle de 1,6 kilomètre carré[46], à quatre kilomètres au sud de Apia, la capitale des Samoa. Dans une lettre du , contredisant tout ce qu'il avait auparavant écrit sur les Samoa, il justifie cette décision par le fait que le climat tropical serait bénéfique à ses problèmes respiratoires. Les îles Samoa ont, pourtant, un climat humide qui est peu adapté à sa santé fragile[37] et dont la nocivité est dénoncée en 1895 par un rapport du consul britannique affirmant qu'avec « un tel climat, aucun Européen ne peut travailler au grand air tout en restant en bonne santé »[47]. Stevenson y vit avec ses proches dans une surprenante opulence[37].
Sans négliger sa carrière littéraire, il s'investit beaucoup auprès des Samoans : lors d'une guerre civile en 1893, il prend même leur défense contre l'impérialisme allemand. Pleins de gratitude, les indigènes bâtissent en son honneur une route menant à sa plantation. Il devient même un chef de tribu, appelé respectueusement Tusitala (« le conteur d'histoires ») par ses membres.
Stevenson meurt le , d'une crise d'apoplexie (ou accident vasculaire cérébral) à l'âge de 44 ans. Il est enterré selon son désir face à la mer au sommet du mont Vaea surplombant Vailima. Lors de ses obsèques, quatre cents Samoans se relaient pour porter son cercueil au sommet du mont Vaea[48]. Sa tombe porte en épitaphe les premiers vers de son poème Requiem composé à Hyères en 1884 :
« Under the wide and starry sky,
Dig the grave and let me lie,
Glad did I live and gladly die,
And I laid me down with a will[49]. »
À rebours de ses contemporains naturalistes, Stevenson est à mi-chemin entre naturalisme et impressionnisme. Il privilégie les lois et les exigences de la fiction mais aussi celles du réel. D'une part, c'est en œuvrant en vue de l'efficacité du récit que celui-ci pourra prétendre à fournir une représentation lisible du réel ; d'autre part, Stevenson donne à lire les représentations et les discours de ses contemporains : en témoigne parfois la délégation du récit à des personnages narrateurs et une approche quasi journalistique du décor romanesque. Souvent, ces discours sont ceux de la mauvaise foi, du mensonge et de l'hypocrisie de ses contemporains de l'époque victorienne ; à l'inverse, le choix d'un narrateur atypique est l'occasion de présenter un point de vue réaliste et généreux. Dans les deux cas, la narration exerce une fonction critique de cette époque victorienne.
Ses nouvelles et romans d'aventure, romance et horreur manifestent une profonde intelligence de la narration, de ses moyens et de ses effets. Stevenson est également un très lucide théoricien du récit et de sa propre pratique, et quelques-uns de ses articles critiques, notamment Une humble remontrance, constituent d'authentiques essais de poétique du récit. Stevenson exploite tous les ressorts du récit : il multiplie les narrateurs et les points de vue en insérant dans son récit mémoires ou lettres de personnages (L'Île au trésor, Le Maître de Ballantrae, L'Étrange Cas du Dr Jekyll et de M. Hyde), ce qui a pour effet de donner des versions différentes de la même histoire et de laisser ouverte l'appréciation des personnages et des événements comme la signification même du récit. Ainsi, L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde s'achève significativement sur la confession de Jekyll, sans que les narrateurs précédents reprennent la parole, soit pour tirer le sens de cette aventure et des questions éthiques qu'elle pose, soit pour accréditer ou réfuter la version des événements que donne Jekyll : au lecteur de décider. Stevenson recourt souvent à des narrateurs à la compréhension limitée ou à des points de vue lacunaires (le notaire et le chirurgien dans L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde), qui assurent un suspense maximal et favorisent une incompréhension initiale propice au fantastique, et mettent en scène dans le même temps les limites étriquées de la compréhension scientiste des phénomènes (ainsi de phénomènes fantastiques) ou l'hypocrisie et la mauvaise foi toute victorienne de son temps (ainsi des rapports fortement teintés d'homosexualité entre les personnages de L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde). Ce jeu narratif trouve son apogée avec les narrateurs indignes de confiance, qui par leurs silences délibérés et leurs mensonges laissent des parts d'ombre et d'ambiguïté dans le récit et requièrent un lecteur actif, susceptible de lire entre les lignes (Le Maître de Ballantrae). Stevenson démontre également sa virtuosité formelle dans Les Nouvelles Mille et Une Nuits : ce recueil de nouvelles propose une seule histoire, mais éclatée en une série de récits, chacun donnant une étape de l'histoire à laquelle est associé un personnage principal ; tout le jeu et la prouesse reposent sur le grand écart que ménage Stevenson entre le récit autonome de chaque nouvelle et la trame générale de l'histoire commune à chacune d'entre elles : chaque nouvelle semble proposer un récit entièrement différent et finit par rejoindre et à faire progresser de façon centrale l'intrigue principale.
L'art du récit de Stevenson se double d'une écriture extrêmement visuelle, propice aux scènes particulièrement frappantes, au très riche pouvoir de suggestion et fortement symboliques : le duel entre les deux frères dans Le Maître de Ballantrae, le piétinement de la fillette, le meurtre d'un notable à coups de canne ou la métamorphose dans L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde. Selon un paradoxe qui n'est qu'apparent, cette visibilité de l'écriture stevensonienne passe par une très grande économie de moyens, et le procédé repose davantage sur la suggestion à partir d'un très petit nombre de détails que sur une description exhaustive qui serait moins efficace : là aussi, Stevenson confie au lecteur un rôle actif. Stevenson a lui-même théorisé cette pratique dans ses Essais sur l'art de la fiction, où il dévoile notamment comment une carte, objet visuel non narratif, a fourni la matrice de l'Île au trésor. Cette maîtrise peut passer inaperçue dans la mesure où son objectif n'est pas de se faire remarquer pour elle-même ni même d'innover pour innover, mais de servir l'efficacité, la puissance et la signification du récit. De ce fait, Stevenson souffre — surtout en France où la notion d'avant-garde a largement déterminé le jugement esthétique — d'une réputation d'auteur de romans d'aventure ou de récits fantastiques pour adolescents. Il ne faut pas s'y tromper : il a été salué avec enthousiasme par les plus grands de ses contemporains et de ses successeurs, Henry James qui le considérait comme le plus grand romancier de son temps, Marcel Schwob et Alfred Jarry qui l'ont traduit, Marcel Proust, André Gide, Antonin Artaud (auteur d'un scénario adaptant Le Maître de Ballantrae), Vladimir Nabokov qui fit cours sur L'Étrange Cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde, Jorge Luis Borges (dont la préface de L'Invention de Morel, d'Adolfo Bioy Casares, reprend exactement les thèses de l'article Une Humble remontrance), Italo Calvino, Georges Perec et plus récemment Jean Echenoz.
Enfin, à la fin de sa vie, Stevenson fut l'un des premiers à décrire avec précision les paysages et les mœurs des contrées du Pacifique, qu'il évoque en observateur fasciné. Les nombreuses contributions, littéraires et sociologiques, qu'il offrit à leur cause lui valurent l'estime des peuples du Pacifique. En pleine période du colonialisme triomphant, il a défendu la cause des autonomistes contre les puissances coloniales, surtout une fois installé à Samoa. Il a été honoré de la reconnaissance des habitants des Kiribati où son débarquement, un , a été repris comme point de départ de l'indépendance, quatre-vingt-dix ans après. Aux Samoas, sur sa tombe, une épitaphe émouvante le rappelle au souvenir des siens. La popularité de ses récits n'a jamais baissé, et nombreuses sont les adaptations qui en ont été faites, aussi bien sous forme de livres (songeons aux éditions pour jeunes lecteurs illustrées par Pierre Joubert ou par René Follet) qu'au cinéma.
1: Ce roman a été terminé par son fils car il était décédé.
Traduit en français sous le titre Guillaume au moulin par Edmée Montandon, Éditions des Portes de France, Porrentruy, Suisse, Coll. de l'Oiselier, 1947, 88 p.
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