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séparation des pouvoirs de l'État De Wikipédia, l'encyclopédie libre
La séparation des pouvoirs législatif, exécutif, judiciaire est un principe fondamental des démocraties représentatives. Au contraire, les régimes despotiques et dictatoriaux pratiquent une concentration des pouvoirs. Ces pouvoirs sont influencés par des contre-pouvoirs (associatifs, syndicats professionnels, lobbies, presses, opinion publique, etc.). L'indépendance et la séparation de ces pouvoirs est un idéal délicat quand bien même la bonne volonté est à l'œuvre. Dans sa constitution les grandes lignes de la séparation des pouvoirs sont définies répartissant les fonctions ou missions de l'État, en confiant leur exercice exclusif à différents corps ou élus, spécifiant les règles de leurs indépendances, et les moyens de protection des pressions.
Certaines instances consultatives d'état, plus ou moins indépendantes, par exemple en France le Conseil d’État, le médiateur de la République, le Défenseur des droits, la Cour des comptes ou l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), ont aussi pour rôle de tempérer préventivement ou curativement, rechercher des solutions à des problèmes précis, donner de la hauteur aux dialogues entre parties, élaborer des quantifications, préparer des évolutions des règles. La séparation des pouvoirs ne concerne donc pas que l'État au sens strict, mais d'une manière générale tout organe chargé de trancher entre plusieurs parties, afin d'éviter les collusions et les conflits d'intérêts, et qui doit donc rechercher l'impartialité dans ses décisions.
La séparation des pouvoirs a été dans un premier temps théorisée par Thucydide[réf. nécessaire] puis par John Locke[1] et enfin reprise par Montesquieu. Compte tenu des différences de régimes politiques que ces deux derniers connaissent - le premier étant en Angleterre (régime politique : Monarchie parlementaire), le second en France (régime politique : Monarchie absolue) - Montesquieu, après un voyage en Angleterre, va « importer » sa version de la séparation des pouvoirs.
La classification de Montesquieu définie dans De l'esprit des lois concerne en effet la limitation du pouvoir par le pouvoir « pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir »[2] :
Ce principe de séparation qui ne s'applique qu'au pouvoir politique, a remplacé le principe plus ancien et plus large de séparation qui distinguait et hiérarchisait dans l'ensemble de la vie sociale les fonctions religieuses ou spirituelles (culte, enseignement, culture, assistance) qui étaient attribuées au Clergé, les fonctions politiques (justice, armée, administration) qui étaient exercées par la Noblesse, et les fonctions économiques et financières. Cette séparation des trois ordres, qui existait chez les Gaulois ou les Romains, était l'expression d'une tradition constitutionnelle antérieure, la tripartition dans les sociétés indo-européennes.
Ainsi, comme le remarque Simone Goyard-Fabre, Montesquieu n'a pas spécialement théorisé la notion de séparation des pouvoirs, puisqu'il parle en réalité de limitation du pouvoir par le pouvoir[3].
La Constitution française, est l'une des rares où l'exécutif est mentionné avant le législatif, par contre les constitutions belge et suisse respectent la norme. En revanche, le judiciaire est invariablement le « troisième pouvoir » : à cet effet, Montesquieu considère le pouvoir judiciaire comme « la bouche de la loi », en deçà des pouvoirs exécutif et législatif.
Les expressions « quatrième pouvoir » et « cinquième pouvoir » sont parfois utilisées pour qualifier respectivement les institutions telles que le pouvoir médiatique et le pouvoir monétaire.
Les philosophes ont conclu à la nécessité de la séparation des pouvoirs afin de lutter contre l'oppression.
Platon dans son livre La République estime que les gouvernements offrent cinq types de base (quatre étant des formes existantes et l'une étant la forme idéale de Platon, qui existe « seulement dans la parole ») :
« Le législateur ne doit pas constituer de pouvoirs qui ne s’équilibrent pas du fait de leur mélange. […] La totale liberté et l’indépendance à l’égard de toute autorité sont inférieures à une autorité que d’autres autorités limitent et mesurent. » Lois, III, 693b, 698b.
Aristote (-384 à -322) compara, dans La Politique, les constitutions des différentes nations aux différentes époques de l'histoire. Il cherche à introduire plus de rationalité pour organiser la cité grecque. Comme son maître Platon, il était en partie un idéaliste, puisqu'il souhaitait créer une cité idéale ; mais sa méthode de travail reste fondée sur l'observation du réel (il était donc également un réaliste), ce qui lui permet de classer les différentes constitutions des cités, afin de les analyser et de les comparer.
« Dans tout État, il est trois parties, dont le législateur, s'il est sage, s'occupera, par-dessus tout, à bien régler les intérêts. Ces trois parties une fois bien organisées, l'État tout entier est nécessairement bien organisé lui-même ; et les États ne peuvent différer réellement que par l'organisation différente de ces trois éléments »[4].
Aristote distingue ainsi trois parties de l'État :
Organe | Terminologie moderne | Fonction |
---|---|---|
Assemblée générale | Parlement | Délibère sur les affaires publiques |
Corps des magistrats | Gouvernement | Gouverne |
Corps judiciaire | Juge | Juge les différends |
L'apport d'Aristote n'est pas de proposer un mode de répartition des compétences dans l'État, mais de distinguer des composantes de celui-ci, afin de mieux comprendre son fonctionnement et pour qu'il soit bien organisé.
Cette répartition tripartite est une simple distinction fonctionnelle. Les pouvoirs sont intellectuellement classifiés mais en réalité aucunement séparés :
La philosophie d'Aristote et Platon n'eut donc qu'une influence limitée sur la théorie de la séparation des pouvoirs. Leur philosophie illustre plutôt les prémisses de la balance des pouvoirs.
Bien qu'il soit trop tôt pour parler de séparation des pouvoirs au sens strict, certaines périodes politiques romaines paraissaient avoir réalisé une saine distinction des pouvoirs. Le gouvernement romain, spécialement du gouvernement de la République romaine, avait une constitution mixte, un seul État avec des éléments de ces trois formes de gouvernement à la fois : la monarchie (sous la forme de ses dirigeants élus, les consuls), l'aristocratie (représentée par le Sénat), et de la démocratie (sous la forme d'assemblées populaires, tels que les comices centuriates). Dans une constitution mixte, chacune des trois branches du gouvernement vérifie les points forts et compense les faiblesses des deux autres.
A l'avènement de la République, on sépara le pouvoir religieux désormais attribué à un rex sacrorum (roi des sacrifices) du pouvoir politique, attribué à des magistrats élus, dont les principaux étaient consuls[5]. Des collèges de prêtres (pontifes, flamines, augures...), eux aussi élus par le peuple, avaient la charge des cérémonies, prières et sacrifices, destinés à garantir à la Cité la pax deorum (paix des dieux)[5]. Le pouvoir politique républicain était cependant sacralisé, les magistrats devant dans les premiers temps faire l'objet, comme les rois, d'une cérémonie d'inauguratio[5].
Selon Montesquieu, « les lois de Rome avaient sagement divisé la puissance publique en un grand nombre de magistratures, qui se soutenaient, s’arrêtaient et se tempéraient l’une l’autre ; et, comme elles n’avaient, toutes, qu’un pouvoir borné, chaque citoyen était bon pour y parvenir. » - Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence, chapitre XI.
La balance des pouvoirs était une théorie médiévale anglaise selon laquelle le modèle anglais était l'un des meilleurs régimes car l'un des plus stables. La raison en était que la formation politique de la curia regis (cour du roi) représentait l'ensemble des institutions : le roi, accompagné de quelques conseillers juges, les lords et les représentants des bourgs et comtés (circonscriptions rurales et urbaines) : c'est-à-dire une répartition équilibrée entre le roi, les nobles et le peuple.
Cette théorie va être reprise entre les deux révolutions anglaises (milieu XVIIe siècle) par les philosophes des Lumières pour expliquer la distribution des pouvoirs entre ces trois organes de l'État.
Au XVIIe siècle, en Angleterre, les institutions font face à des crises (les deux révolutions : Première Révolution anglaise 1641-1649 et Glorieuse Révolution 1688-1689), car le parlement, qui émerge lentement, s'oppose au roi qui tente de réaffirmer l'absolutisme. Ce faisant, le parlement désigne son homme de main Oliver Cromwell pour réorganiser les rangs de l'armée. Mais, face au refus du Parlement de juger le roi, Cromwell prend le pouvoir et instaure une dictature, qui amène à la condamnation à mort de Charles Ier par le Parlement croupion (Rump Parliament), réduit à une simple chambre d'enregistrement des actes ministériels.
Petit à petit, l'idée d'une certaine séparation des pouvoirs apparaît, car l'on ne veut pas :
La théorie médiévale de la balance des pouvoirs est alors reprise et réutilisée pour justifier une certaine séparation entre le législatif et l'exécutif.
À partir de cela, John Locke (1632-1704) va élaborer la première théorie d'une distribution (plutôt qu'une véritable séparation) des pouvoirs.
Son analyse est clairement liée au contexte historique de la rédaction de ses essais. Il justifie la Glorieuse Révolution (1688-1689), dirigée contre l’absolutisme des Stuart et qui a permis la limitation du pouvoir royal au profit du parlement anglais. Il plaide pour une monarchie qu'il qualifie de « contractuelle » (c'est-à-dire « constitutionnelle » au sens anglo-saxon, puisqu'il était l'un des premiers théoriciens du contrat social).
L'un des principaux axes de son œuvre est une réflexion sur les moyens étatiques pour établir la liberté des citoyens, en particulier les libertés économiques. Pour lui, la liberté ne peut exister que grâce à la conjonction de deux facteurs :
John Locke, dans son second Traité du gouvernement civil (1690), a d'abord introduit trois formes de pouvoirs. Il distinguait :
Traitant « Du pouvoir législatif, exécutif et confédératif d'un État » au chapitre XII, il constate « que le pouvoir législatif, et le pouvoir exécutif, se trouvent souvent séparés » et il place le premier au-dessus du second[1]. Il commence le chapitre suivant en indiquant que « quand le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif sont en différentes mains, comme cela se trouve dans toutes les monarchies modérées, et dans tous les gouvernements modérés… ».
Pouvoir | Fonction |
---|---|
Législatif | Crée les lois |
Exécutif | Veille à l'exécution des lois |
Fédératif ou Confédératif | Mène les relations internationales |
L'aspect intéressant est la dichotomie du pouvoir exécutif entre d'une part un pouvoir gouvernemental (appelé exécutif) qui exécute les lois et qui n'a pas d'attributions dans les domaines de la représentation étrangère et de la guerre, et d'autre part le pouvoir du chef de l'État (appelé fédératif) qui représente et fédère la nation pour assurer la paix et établir des bonnes relations avec les nations étrangères, la séparation entre un pouvoir exécutif qui gouverne et un pouvoir exécutif qui règne.
La doctrine de Locke (tout comme celle de Montesquieu par la suite) n'est pas celle d'une véritable séparation des pouvoirs et ce, pour deux raisons :
Montesquieu n'admet pas non plus une séparation, mais une simple distinction ou distribution des pouvoirs entre les puissances.
L'œuvre politique principale de Montesquieu (1689-1755), président à mortier au Parlement de Bordeaux, est De l'Esprit des lois publiée en 1748 et sur laquelle il travaillait depuis 1734. Sa réflexion repose de façon très importante sur une analyse des régimes politiques des sociétés antiques et exotiques, mais il pose une définition très empirique des lois juridiques comme « des rapports nécessaires dérivant de la nature des choses ».
Il récuse l'absolutisme de Louis XIV qui consiste, selon lui, en la centralisation et la concentration de tous les pouvoirs dans les mains d'un seul. Au contraire, son analyse l'amène à justifier un modèle de société où les nobles, comme lui, retrouveraient un plus grand rôle politique.
Pour contribuer à sa théorie, Montesquieu prit pour exemple la monarchie britannique, dans laquelle se développait le parlementarisme depuis quelques années (Livre XI). Cependant, il n'a fait qu'étudier sommairement ce système monarchique[réf. nécessaire] ; de nombreuses erreurs de fait sont présentes dans son œuvre .
Le but de cette distinction est d'empêcher qu'une seule personne ou un groupe restreint de personnes concentrent excessivement en leurs mains tous les pouvoirs de l'État : « C'est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites »[6].
Son objectif est d'instaurer la liberté ; celle-ci sera mieux à même d'être effective dans un système modéré. La séparation des pouvoirs est donc un moyen pour arriver à cette fin.
Il propose donc de distribuer les pouvoirs à différents organes, pour que les pouvoirs des uns limitent les pouvoirs des autres. Ces organes pouvant avoir des intérêts non convergents, il estime que les droits des sujets sont mieux garantis. L'établissement d'un régime despotique devient également plus difficile (quoique non impossible).
Reprenant Locke, il opère une distinction tripartite appelée Trias Politica :
« Il y a, dans chaque État, trois sortes de pouvoir : la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du choix des gens et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil. […] Lorsque, dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n'y a point de liberté ; […] il n'y a point encore de liberté, si la puissance de juger n'est pas séparée de la puissance législative et de l'exécutrice ».
Au sein du pouvoir législatif, Montesquieu a par ailleurs théorisé la division du pouvoir législatif en deux chambres (bicamérisme). Pour lui, le bicamérisme est une condition essentielle à la théorie de l'équilibre des pouvoirs, c'est-à-dire lorsque « le pouvoir arrête le pouvoir».
Fonction | Corps social identifié |
---|---|
Fonction législative (crée les lois) | Parlement bicaméral : chambre basse (le peuple) et chambre haute (la noblesse) |
Fonctions exécutive et fédérative (exécution des lois et conduite des relations internationales) | Roi |
Fonction judiciaire (applique les lois) | Pas d'identification (tirage au sort) |
Sa théorie fait plutôt référence à une distribution des pouvoirs qui assure un équilibre entre les institutions. Ces puissances vont « de concert » : les organes sont séparés mais leurs fonctions peuvent être partagées (séparation organique mais non fonctionnelle).
Chacun d'entre eux a à la fois la faculté de statuer et d'empêcher : « J'appelle faculté de statuer, le droit d'ordonner par soi-même ou de corriger ce qui a été ordonné par un autre. J'appelle faculté d'empêcher, le droit de rendre nulle une résolution prise par quelqu'un d'autre ».
Dans l'esprit de Montesquieu, seule la puissance de juger doit être séparée des autres pouvoirs, car la justice doit être indépendante. Cela permet d'éviter le risque toujours présent d'un retour au despotisme (absolutisme royal), vu que l'exécutif et le législatif ne sont pas séparés mais simplement distribués entre le roi et les chambres.
Toutefois, Montesquieu préconise que le pouvoir judiciaire ne soit pas une institution permanente. En effet, « la puissance de juger ne doit pas être donnée à un sénat permanent, mais exercée par des personnes tirées du corps du peuple, dans certains temps de l'année, de la manière prescrite par la loi, pour former un tribunal qui ne dure qu'autant que la nécessité le requiert »[7].
Ainsi, Montesquieu envisageait :
N.B. : Il faut rappeler qu'en France sous l'Ancien Régime, il n'y avait pas comme en Angleterre un parlement national, mais des parlements qui étaient d'abord et essentiellement des cours de justice de dernier ressort, sans pouvoir législatif autre que celui de faire une synthèse de la jurisprudence dans leur ressorts. Composés exclusivement de magistrats professionnels titulaires de charges inamovibles, ces parlements n'avaient aucun caractère de représentativité et exerçaient leur pouvoir en vertu d'une délégation de l'autorité royale. À la fin du règne de Louis XIV et pendant le règne de Louis XV, il existait chez les membres des différents parlements de France un mouvement puissant, appelé fronde parlementaire ou jansénisme parlementaire, qui exigeait la fusion de tous les parlements en un parlement unique et qui revendiquait un pouvoir législatif qui s'exercerait au nom de la nation française.
L'exemple qu'il choisit pour illustrer ses propos est la Grande-Bretagne, où le Roi, la chambre des Communes et la chambre des Lords participent à la fonction législative mais la chambre des Communes est la seule à statuer, tandis que les deux autres pouvoirs empêchent.
De plus, selon lui, la Grande-Bretagne est une quasi république, car la puissance judiciaire se contenterait d'être la bouche du roi en raison de son inexistence institutionnelle permanente (la fonction de juge est exercée par des jurys renouvelés) : « Des trois pouvoirs, celui de juger est en quelque façon nul ». Cela est faux historiquement, puisqu'il y a eu de grandes constructions jurisprudentielles en Grande-Bretagne .
« Il y a dans chaque état trois sortes de pouvoirs, la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, & la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil.
Par la premiere, le prince ou le magistrat fait des lois pour un temps ou pour toujours, & corrige ou abroge celles qui sont faites. Par la seconde, il fait la paix ou la guerre, envoie ou reçoit des ambassades, établit la sureté, prévient les invasions. Par la troisieme il punit les crimes, ou juge les différents des particuliers. On appellera cette derniere la puissance de juger ; & l’autre, simplement la puissance exécutrice de l’état. »
— De l'esprit des lois, Livre XI[8].
Montesquieu argumente que chaque Pouvoir ne devrait exercer que ses propres fonctions, c'était assez explicite ici :
« Lorsque dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n’y a point de liberté ; parce qu’on peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois tyranniques, pour les exécuter tyranniquement.
Il n’y a point encore de liberté, si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative & de l’exécutrice. Si elle étoit jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie & la liberté des citoyens seroit arbitraire ; car le juge seroit législateur. Si elle étoit jointe à la puissance exécutrice, le juge pourroit avoir la force d’un oppresseur.
Tout seroit perdu, si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçoient ces trois pouvoirs : celui de faire des lois, celui d’exécuter les résolutions publiques, & celui de juger les crimes ou les différents des particuliers. »
— De l'esprit des lois, Livre XI[8]
La séparation des pouvoirs exige une source différente de légitimation, ou un acte différent de légitimation provenant de la même source, pour chacune des puissances distinctes. Si le pouvoir législatif nomme les pouvoirs exécutif et judiciaire, comme l'a indiqué Montesquieu, il n'y aura pas de séparation ou de partage des pouvoirs, puisque le pouvoir de nomination comporte le pouvoir de révoquer.
« La puissance exécutrice doit être entre les mains d’un monarque ; parce que cette partie du gouvernement, qui a presque toujours besoin d’une action momentanée, est mieux administrée par un que par plusieurs ; au lieu que ce qui dépend de la puissance législative, est souvent mieux ordonné par plusieurs, que par un seul.
Que s’il n’y avoit point de monarque, & que la puissance exécutrice fût confiée à un certain nombre de personnes tirées du corps législatif, il n’y auroit plus de liberté ; parce que les deux puissances seroient unies, les mêmes personnes ayant quelquefois, & pouvant toujours avoir part à l’une & à l’autre. »
— De l'esprit des lois, Livre XI[8]
Le but de Montesquieu est de faire du juge, et donc des intermédiaires, une institution permanente, une puissance visible ayant une vraie marge de manœuvre en ce qui concerne l'application de la loi, justifiant cette position par le fait que les lois sont complexes et qu'il faut articuler les différents droits.
Mais Montesquieu lui-même reconnaît que cette nouvelle catégorie de pouvoir n'est pas l'égale des deux autres. « Qui ne voit, messieurs, à la lecture de ce passage que Montesquieu n'a fait qu'une subdivision de la puissance exécutrice en « puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens et puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit civil. » C'est cette seconde qu'il appelle puissance de juger ou pouvoir judiciaire et certes ce n'est pas un troisième pouvoir primitif indépendant et distinct du pouvoir exécutif »[9].
En ce qui concerne les libertés individuelles, la conception de Montesquieu se limitait surtout au respect de la loi et plus particulièrement des privilèges (« lois privées »). Les nobles et autres corps intermédiaires étant ceux qui avaient le plus d'intérêt à la sauvegarde des libertés, il leur revenait de les protéger contre l'absolutisme royal (idée reprise de la philosophie de Locke, pour qui le propriétaire [terrien], ayant le plus de liberté, est celui le mieux à même de défendre la liberté de tous ; il justifiait donc par là même le fait que seuls les propriétaires pussent voter, c'est-à-dire l'usage du suffrage censitaire).
Sa vision n'a donc rien de démocratique, puisque l'objectif de sa pensée est un retour à une société archaïque où les nobles auraient le pouvoir (l'analyse sociologique de la philosophie de Montesquieu a notamment été faite par Althusser , voir infra). L'aboutissement de la distinction des puissances est donc, pour lui, la décentralisation (retour au pouvoir des seigneurs locaux au détriment du roi). Cette idée d'un mode de répartition du pouvoir à différents niveaux territoriaux a souvent été reprise, notamment par Tocqueville.
Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) est au carrefour des philosophies. Grandement influencé par les philosophes classiques, en particulier Hobbes, Locke et Montesquieu , ainsi que par Machiavel, il est aussi un précurseur de l'idée révolutionnaire.
Il en résulte une philosophie hybride toute en nuances.
Son point de départ est une réflexion sur la nature de la souveraineté.
Rousseau préconisa également le rejet du cumul de la fonction exécutive et législative par un même organe : « il n'est pas bon que celui qui fait les lois les exécute, ni que le corps du peuple détourne son attention des vues générales pour les donner aux objets particuliers »[10].
Il fit une étude plus poussée sur les formes d'imbrication des composantes de l'État dans l'une de ses dernières œuvres, Considérations sur le gouvernement de Pologne, qu'il écrivit entre 1771 et 1772 pour le compte de propriétaires terriens polonais qui souhaitaient établir une constitution[11].
Il se posa la question de savoir par quels moyens éviter la dictature (confusion des pouvoirs au profit de l'exécutif), c'est-à-dire comment conserver la puissance législative.
Pour étayer sa théorie, il analysa le régime de la Pologne. Selon lui, deux moyens furent utilisés en Pologne :
Par conséquent, « la puissance exécutive, ainsi divisée et passagère, sera plus subordonnée à la législative ».
Néanmoins, il ne recommanda pas ce système, car selon lui « si [les parties de l'exécutif] sont trop séparées, elles manqueront de concert, et bientôt, se contrecarrant mutuellement, elles useront presque toutes leurs forces les unes contre les autres, jusqu'à ce qu'une d'entre elles ait pris l'ascendant et les domine toutes… ».
Ainsi, s'il est impossible de gouverner à cause de la trop grande fragmentation du puissance exécutive, l'un des détenteurs de cette puissance s'imposera comme pouvoir unificateur sur tous les autres et ce sera alors la dictature.
Rousseau prôna ainsi le modèle :
Rousseau prend pour point de départ de son analyse le fait qu'il est nécessaire d'éviter la dictature . Il ne prend donc pas en compte le danger inverse des régimes d'assemblée (confusion des pouvoirs au profit du législatif), car l'assemblée est détentrice de la volonté générale, qui « présente certains caractères qui font qu'elle ne saurait ni errer ni opprimer »[12].
Il ne prône pas un démembrement de la souveraineté entre différents pouvoirs indépendants, mais une simple séparation des fonctions qui résulte d'une nécessité pratique : le fait que les fonctions d'exécution ne peuvent être confiées à l'ensemble des citoyens. Toutefois, le groupe restreint chargé de ces fonctions, le gouvernement, doit rester subordonné à l'assemblée , seule souveraine ; il ne s'agit donc pas d'un véritable pouvoir pour Rousseau[réf. nécessaire].
Au début du XVIIIe siècle, en Grande-Bretagne, Henri Saint Jean de Bolingbroke (1678-1751) donne une valeur constitutionnelle (donc s'imposant aux différentes institutions étatiques, en particulier le roi) au principe d'indépendance mutuelle des pouvoirs (couronne, chambre des communes et chambre des lords). Cette théorie sera reprise par la suite par les colons américains lorsqu'ils élaboreront la Constitution fédérale des États-Unis.
Cependant ce n'était encore qu'un simple principe, pas une théorie juridique d'une véritable séparation des pouvoirs étatiques. L'abbé Sieyès, dans la manière dont il a rédigé les textes constitutionnels sous la Révolution française (Constitutions de 1791 et 1793), et à sa suite, des spécialistes du droit public de la seconde moitié du XIXe, comme Léon Duguit ou Adhémar Esmein, ont élaboré une telle théorie[13].
Reprenant et déformant Montesquieu, il va séparer les trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, en empêchant que les uns aient une influence sur les autres.
Deux caractéristiques se recoupent dans ces doctrines :
En pratique, cela se traduit par le fait que :
Selon le juriste Raymond Carré de Malberg (1861-1935)[réf. nécessaire], la séparation des pouvoirs, telle que redéfinie par Sieyès, n'existe nulle part en pratique (même dans les régimes présidentiels à séparation stricte, voir infra, les États-Unis), car une séparation aussi rigide ne peut fonctionner.
Selon lui, la séparation des pouvoirs est conditionnée par leur équilibre entre eux. Dans cette théorie classique, comme les pouvoirs sont complètement séparés, ils ne peuvent se faire équilibre car il n'y a pas de point de contact entre eux (responsabilité gouvernementale ou dissolution de l'assemblée). Un équilibre des pouvoirs supposerait donc que les fonctions exercées soient équivalentes par nature et qu'elles restent ainsi (un pouvoir subordonné ne pouvant jamais arrêter un pouvoir supérieur, les pouvoirs doivent être de force strictement égale si l'on veut un quelconque équilibre).
Or, l’activité de faire les lois n’est pas équivalente à celle qui consiste à les exécuter. L’exécution est, par définition, subordonnée à la législation. De même, le pouvoir judiciaire n'a jamais été l'équivalent des deux autres, même dans la conception la plus poussée de Montesquieu.
Le modèle typique antique fut simplifié par Thomas Hobbes (1588-1679) : « La différence qui existe entre les Républiques [gouvernements] repose sur celle qui se trouve entre leurs souverains »[14]. Il en résulte une classification tripartite entre :
Nature du régime | Base du gouvernement |
---|---|
Monarchie | Gouvernement d'un seul |
Aristocratie | Gouvernement de plusieurs |
Démocratie | Gouvernement de tous |
Montesquieu va essayer de présenter une nouvelle classification des régimes politiques. Ce faisant, il va être amené à prendre comme point de départ les gouvernés. Plus précisément, son modèle de classification répond à la question : « les gouvernés peuvent-ils jouir de leurs libertés ? ».
Son modèle est donc le suivant :
On voit tout de même l'influence des typologies antiques, notamment celles de la constitution romaine antique, dans la classification de Montesquieu. La sous-distinction entre républiques aristocratique et démocratique repose essentiellement sur les gouvernants. En outre, il associe, comme ces deux précédents auteurs, les régimes à un principe.
Caractéristique | Principe | |
---|---|---|
Despotisme | Confusion des pouvoirs | Crainte (du peuple envers le despote) |
Monarchie | Séparation des pouvoirs limitée | Honneur (des nobles et du roi) |
République | Séparation des pouvoirs | Vertu (de tous) |
Pour Montesquieu, peu importe le régime choisi, tant que ce n'est pas le despotisme. Cependant,
Par conséquent, Montesquieu ne préconise pas une séparation des pouvoirs totale mais une séparation des pouvoirs limitée (que la doctrine qualifiera par la suite de séparation des pouvoirs souple).
Néanmoins, avec l'évolution des régimes, on ne peut plus aujourd'hui garder cette classification : on peut difficilement classer dans un même régime les monarchies telles que le Royaume-Uni où le roi est effacé et les monarchies comme le Maroc où le roi au contraire est, de fait, à la tête de l'exécutif. Cependant, on a gardé de cette classification de Montesquieu la distinction entre les régimes de séparation des pouvoirs (connotation positive) et les régimes de confusion des pouvoirs (connotation négative).
Le sociologue Max Weber (1864-1920) indique que dans toute science humaine, il y a nécessairement intervention humaine, donc une part d'irrationnel. Cependant, il est possible de déterminer certains schémas, qu'il nomme « idéal-type », qui sont une simplification du réel et ne permettent pas de tout comprendre.
Mais classer des régimes politiques, ce n'est donc pas seulement les comprendre, il y a toujours une part de jugement de valeur. En particulier, chez Montesquieu, un « mauvais » régime sera celui où il n'y aura pas de séparation des pouvoirs. Toute la pensée constitutionnelle du XXe siècle sera fondée sur ce postulat qu'un bon régime politique est un régime assurant une séparation équilibrée des pouvoirs.
La classification des régimes répond alors à deux questions :
Le problème est que souvent ces deux questions sont confondues, alors qu'elles répondent à deux logiques différentes. Ainsi,
Qui gouverne ? | De quelle manière est aménagé le pouvoir ? | |
---|---|---|
Régime parlementaire | Parlement | Chef du gouvernement |
Régime présidentiel | Président | Parlement* |
* En réalité, c'est plutôt le parlement qui domine dans un régime présidentiel de séparation des pouvoirs stricte, car le président a très peu de pouvoirs (d'ailleurs, en anglais, le terme de régime présidentiel est synonyme de « congressional system »).
Après Sieyès, on va considérer que la forme de distinction des pouvoirs de Montesquieu était une forme de séparation souple, à l'opposé d'une séparation des pouvoirs stricte ou rigide, qui qualifiait la séparation présentée par Sieyès.
Cette différence entre les deux se traduit dans les régimes politiques par une différence entre :
Régime parlementaire | Régime présidentiel |
---|---|
Interdépendance | Indépendance |
Collaboration | Spécialisation |
Néanmoins cette distinction classique est imparfaite, puisque certains régimes ne peuvent être classés avec ces seuls critères, en particulier à cause de l'évolution des régimes. D'autres catégories sont alors venues se rajouter au couple régime présidentiel / régime parlementaire, mais ces catégories sont critiquables également.
Alors qu'au départ, une multitude de critères jouaient pour la distinction entre régimes présidentiels et régimes parlementaires (correspondant respectivement à une séparation stricte ou souple des pouvoirs), on n'en retient aujourd'hui généralement plus que deux : l'absence ou la présence de moyens de révocabilité mutuels, que sont le droit de dissolution (du parlement ou d'une de ses chambres) exercé par l'exécutif et la responsabilité gouvernementale (devant le parlement), c'est-à-dire que l'on ne prend plus en compte que le seul critère de l'indépendance ou interdépendance des pouvoirs.
Moyens d'actions réciproques | Interdépendance | Indépendance |
---|---|---|
Droit de dissolution | Oui | Non |
Responsabilité du gouvernement | Oui | Non |
Nature du régime | Parlementaire | Présidentiel |
Au XVIIe siècle, la Couronne d'Angleterre connaît une profonde déstabilisation en raison de l'utilisation systématisée de la procédure de l'impeachment (1670-1680) par les parlementaires à l'encontre des ministres du roi qui appliquent sa politique. En riposte, la Couronne va se mettre à acheter les votes des parlementaires pour avoir un groupe de soutien permanent de sa politique (apparition du système des partis politiques). D'abord ne représentant qu'une trentaine de parlementaires sous Charles Ier, la corruption va se généraliser, à tel point que sous le ministère du Lord High Treasurer Robert Walpole (1721-1742), un tiers des chambres (ainsi que les électeurs) seront acquis au roi de la sorte.
À partir de ces faits, deux positions vont s'opposer.
Ceux qui sont pour le renforcement du gouvernement et estiment qu'il est légitime qu'il ait un soutien au parlement vont prôner un régime parlementaire avec séparation des pouvoirs souple. C'est la position de Robert Walpole (1676-1745) : selon lui, même s'il y a de la corruption, celle-ci n'est pas criminelle. De plus, elle a un énorme avantage : elle permet de donner de l'élasticité ou souplesse à la séparation des pouvoirs car les positions des trois organes du king in parliament (formation politique de la curia regis) sont harmonisées :
Par la suite, le gouvernement lui-même deviendra un facteur d'assouplissement, car le cabinet sera conçu comme l'intermédiaire entre la couronne et le parlement.
Ce sera la position adoptée par la Grande-Bretagne.
Ceux qui sont contre la corruption des parlementaires par la couronne vont adopter une position de séparation des pouvoirs stricte, d'où va résulter le régime présidentiel américain. Elle sera défendue notamment par Henri Saint Jean de Bolingbroke (1678-1751), parlementaire opposé à Walpole. Il donne une valeur constitutionnelle (donc s'imposant aux différentes institutions étatiques, en particulier le roi) au principe d'indépendance mutuelle des pouvoirs (couronne, chambre des communes et chambre des lords). La couronne, par la corruption, devient un danger pour ce principe. Si elle réussissait à obtenir un soutien parlementaire, il y aurait un risque de retour à l'absolutisme (qui a déjà provoqué deux révolutions). Le roi pourrait alors faire adopter toutes les lois qu'il souhaiterait, même à l'encontre de la liberté des sujets.
En particulier, il développe une théorie selon laquelle les parlementaires corrompus, au lieu de préserver le principe de représentation du peuple qui est à leur charge en matière de vote de tout nouvel impôt, vont augmenter ceux-ci, car il est dans leur intérêt :
Cette théorie, qui ne sera pas appliquée au Royaume-Uni, sera pourtant reprise par les colons des États-Unis où la majorité des contestataires partirent.
Dans un régime parlementaire, la séparation des pouvoirs est souple, puisque les pouvoirs ont des moyens d'actions les uns sur les autres (système de poids et contrepoids), notamment la possibilité pour l'exécutif de dissoudre le parlement, qui est la contrepartie de la responsabilité du gouvernement devant le parlement.
Le critère principal d'un régime parlementaire est l’existence de moyens d’action réciproques entre l'exécutif et le législatif. Ainsi, ils ont des moyens de révocabilité mutuelle :
Ces moyens permettent de résoudre une crise institutionnelle (sans passer par la violence d'un coup d'État), au contraire du régime présidentiel où il est nécessaire qu'il n'y ait pas de crise pour que le régime puisse subsister (ce qui amène à systématiser les compromis).
L'objectif principal de Montesquieu est que les pouvoirs s'équilibrent. Chacun peut agir sur l’autre ; les pouvoirs doivent « aller de concert » et « s'arrêter mutuellement » :
Les régimes parlementaires sont, de loin, les régimes de séparation des pouvoirs les plus répandus dans le monde, quoique l'on puisse situer leur foyer initial dans l'Europe occidentale. On peut en retrouver ainsi au Royaume-Uni, en Allemagne, en Suède, en Italie, mais aussi au Japon ou encore au Canada.
Le régime parlementaire résulte d’une lente évolution ; il débuta dans la Grande-Bretagne monarchique au XVIIe siècle. On peut dégager deux étapes, qui suivent l'évolution chronologique de l'affaiblissement du pouvoir du roi.
Dans le régime parlementaire dualiste, il y a :
Dans le régime parlementaire moniste, il n'y a plus que deux organes, le gouvernement et le parlement, car le chef d'État s'est effacé :
Ainsi, l'on passe progressivement d'une monarchie absolue à une monarchie modérée (avec respect des lois fondamentales et un certain pouvoir du parlement autonome), puis d'une monarchie modérée à un régime parlementaire, comme l'explique Maurice Duverger[16]. Ces régimes parlementaires eux-mêmes ont évolué. D'une part, ils se sont démocratisés : alors qu'à l'origine la base électorale était limitée (vote censitaire), elle s'est progressivement élargie à toutes les couches de la société (le suffrage universel, direct ou indirect, est aujourd'hui devenu la norme dans les régimes démocratiques). D'autre part, la nature des régimes parlementaires elle-même a évolué, puisque l'on passe de régimes parlementaires dualistes à des régimes monistes.
Tout au long de cette évolution, la logique suivie par le parlement était qu'il fallait limiter le pouvoir du roi.
Le régime parlementaire dualiste répond à la double question : comment maintenir un Roi, qui par son essence ne peut être responsable de ses actes (à cause de son caractère sacré), et répondre aux exigences de la représentation (concilier roi et représentation populaire) ?
Pour répondre à cela, deux mécanismes vont se dégager dans la pratique :
Mais ce régime dualiste est un régime transitoire : il est peu durable car les possibilités de conflits au sein de l’exécutif sont grandes et celles-ci ne peuvent être résolues que par l'effacement de l'un des organes (historiquement, le roi). Ainsi, Léon Gambetta (chef du parti républicain aux débuts de la IIIe, à propos du président McMahon, en opposition avec la chambre) disait de ce dernier qu'il lui fallait « se soumettre ou se démettre ».
On n'en retrouve donc que peu d'exemples :
Le régime parlementaire dualiste laisse alors place à un régime parlementaire moniste, car le premier conduit presque invariablement à l'effacement du chef d'État au profit du chef du Gouvernement. Cela est dû aux deux mécanismes utilisés pour associer un roi inviolable et sacré avec la représentation populaire :
Par conséquent, le régime parlementaire moniste est le régime que l'on retrouve dans la majorité des États :
En France, le débat entre régime parlementaire dualiste et moniste eut lieu les 27 et . Guizot, soutenant la Couronne, disait que : « Le trône n'est pas un fauteuil vide ». Il s'opposait en cela à Thiers, qui souhaitait un régime parlementaire et pour qui « le roi règne mais ne gouverne pas »[17].
René Capitant[18] va synthétiser cette classification[19] en associant régimes dualiste et moniste à des modèles pratiques :
Dans un régime présidentiel, au contraire, on assiste à une séparation rigide des pouvoirs. Aujourd'hui, on retient surtout le critère fondamental de l'absence de moyens de révocabilité mutuelle entre le législatif et l'exécutif (le couple dissolution / responsabilité). Mais d'autres critères entrent aussi en jeu.
Elle se traduit par :
Il y a un seul organe pour une seule fonction, ce qui se traduit par une spécialisation organique doublée d'une spécialisation fonctionnelle (un seul organe pour une seule fonction), ces deux spécialisations étant d'application limitée :
Ainsi, le régime présidentiel est un régime d’équilibre des pouvoirs : aucun pouvoir ne peut dominer durablement l’autre, car ils se font contrepoids et se freinent. Cependant, le pouvoir qui a le plus de légitimité (celui dont le mode d'élection permet la meilleure représentation du peuple) aura tendance à prédominer sur la scène politique. Contrairement à ce que semble indiquer son nom, ce n’est donc pas un régime qui consacre l’omnipotence du président, puisqu'au contraire l'exécutif peut-être diminué face au législatif.
Les causes de l'échec des régimes présidentiels, c'est-à-dire la perte de l'équilibre des pouvoirs, peuvent être de deux ordres :
En pratique, il existe peu d'exemples de régimes présidentiels ; il peut s'instaurer :
Il n'existe plus aujourd'hui comme exemple pratique de régime présidentiel que les États-Unis. De par l'obligation qui est faite aux différents acteurs de coopérer pour éviter un blocage des institutions, il est nécessaire que chacun accepte des compromis, même avec des adversaires politiques. Cela n'est possible que si deux conditions sont réunies :
Le bipartisme quasi intégral qui prévaut aux États-Unis permet la réalisation de ces deux conditions : en effet, les deux principaux partis se présentent avant tout comme de vastes coalitions d'intérêts, non construites autour d'une idéologie particulière ; de plus, du fait du système électoral, les « extrêmes » y ont relativement peu d'influence. Cela permet à l'exécutif d'espérer mener une politique modérée si le législatif passe dans l'opposition.
Ainsi, par quatre fois, président de la République et congrès ont eu des bords différents aux États-Unis, sans qu'il y ait pour autant blocage des institutions :
N.B. : l'utilisation de l'expression séparation des pouvoirs en référence à la Constitution fédérale des États-Unis (1787) est un anachronisme, puisque celle-ci fut dégagée par Sieyès sous la Révolution française. L'instrument conceptuel de la séparation des pouvoirs n'existait donc pas encore à l'époque ; les Pères fondateurs ont simplement appliqué le principe de la balance des pouvoirs ainsi que celui de l'indépendance mutuelle des pouvoirs dégagé par Bolingbroke (voir supra Bolingbroke).
On peut distinguer deux types de régimes ici :
Dans le régime de démocratie directe, il n'y a pas de séparation des pouvoirs au sens strict, en tant que le peuple est censé y détenir tous les pouvoirs et qu'il n'y existe pas de parlement ni de gouvernement. C'est la raison pour laquelle Karl Popper s'oppose à la démocratie directe.
Cependant, s'il n'existe aujourd'hui aucune démocratie directe (considérée comme un régime impossible à mettre en œuvre dans les sociétés contemporaines complexes par la plupart des penseurs défendant le régime représentatif ou la démocratie libérale, tel par exemple Benjamin Constant), il est à noter que la démocratie athénienne, qui en tant que démocratie directe ne connaissait effectivement pas de séparation institutionnelle des pouvoirs, recourait en revanche a différents dispositifs dans le but de prévenir les dérives possibles du pouvoir populaire (par exemple graphè paranomôn, accusation d'illégalité, procédure par laquelle il était possible de traîner devant la justice un citoyen qui aurait proposé une loi à l'assemblée que l'on estime comme contredisant par ailleurs d'autres lois, la loi en question pouvant alors être annulée et celui qui l'a proposé condamné[24]). De plus, le pouvoir exécutif et judiciaire (mise en œuvre et application des décisions législatives), et donc administratif, ne peut de fait être dans les mains de tous les citoyens, mais doit être, aussi bien pour la plupart des penseurs de la démocratie directe (Castoriadis, penseurs anarchistes…) que lors des expériences historiques de celle-ci (Athènes, Commune de Paris, etc.) délégué à des individus particuliers, qui cependant sont révocables, ont un mandat impératif, ou sont tirées au sort.
Il existe néanmoins des démocraties semi directes, qui mélangent à la fois des mécanismes de démocratie directe et indirecte (ces régimes faisant souvent appel également à des mécanismes de démocratie participative). Celles-ci ont alors tendance à faire pencher la balance des pouvoirs en faveur du peuple[réf. nécessaire].
Ainsi, en France, « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants [démocratie indirecte] ou par la voie du référendum [démocratie directe] »[25]. Pour autant, contrairement par exemple à la Suisse ou l'Italie, le peuple ne peut avoir l'initiative des référendums, ce qui limite notablement le caractère « direct » du pouvoir qu'il peut exercer par ce biais.
Lorsqu'en France il est fait le choix de faire passer une loi référendaire,
Les régimes de confusion des pouvoirs, que ce soient des dictatures ou des régimes d'assemblée, sont le plus souvent déconsidérés[réf. nécessaire][Qui ?]. Mais ce n'est pas toujours le cas : certains dictateurs, en jouant sur le populisme, sont au contraire très aimés par le peuple, comme Augusto Pinochet, qui a reçu tout au long de sa carrière politique et après un large soutien de la population chilienne[réf. nécessaire].
Néanmoins, n'est pas dictature ou régime d'assemblée tout régime où l'exécutif ou le législatif (respectivement) sont très puissants vis-à-vis de leur poids sur les institutions. Un simple déséquilibre des pouvoirs au profit de l'un ou de l'autre ne suffit pas à caractériser ce type de régimes, il faut véritablement une confusion des pouvoirs. L'un des organes concentre tous les pouvoirs et la séparation entre législatif et exécutif, si elle existe, n'est que purement formelle.
Une dictature, au sens juridique classique du terme[27], est la confusion des pouvoirs au profit de l'exécutif, en particulier de son chef.
Cette confusion de tous les pouvoirs au profit de l'exécutif peut être établie dans deux cas (subdivisés en cinq hypothèses) :
Absence du législatif :
Le législatif existe mais n'a aucun pouvoir en pratique (la séparation des pouvoirs est une pure fiction juridique qui ne se traduit pas dans la réalité) :
Rejet de la séparation des pouvoirs classique :
Rejet de la séparation verticale des pouvoirs (voir infra Tocqueville : la séparation des pouvoirs sur différents niveaux territoriaux) : l'État est centralisé. Les autorités locales mettent en œuvre la politique du pouvoir central, par lequel elles sont étroitement contrôlées. Ces autorités ne sont pas indépendantes (ni décentralisation, ni fédéralisme), même s'il est possible qu'elles le soient en droit.
Ce critère de l'absence de pouvoirs locaux forts est la raison pour laquelle aujourd'hui certains refusent de qualifier la Chine de dictature. En effet, quoique les historiens s'accordent à affirmer que Mao Zedong ait été un dictateur, Hu Jintao est président d'une République fortement décentralisée, voire quasi fédérale, où les pouvoirs locaux conduisent le plus souvent leur propre politique, indépendamment des souhaits du pouvoir central. On pourrait donc plus difficilement le qualifier de dictateur, puisqu'il n'y a plus vraiment de pouvoir central omnipotent, même si d'autres critères que cette séparation verticale des pouvoirs entre pouvoir central et pouvoirs locaux (notamment le respect des droits de l'homme qui n'est toujours pas assuré) sont remplis. On parle plutôt alors de régime autoritaire, notion plus générique.
Rejet de la séparation des pouvoirs entre différents partis politiques (voir infra Duverger : l'opposition entre majorité et minorité). Deux hypothèses sont envisageables :
Ce régime est aussi appelé régime conventionnel, en référence à la Convention nationale. Il naît de la dérive du régime parlementaire.
Un législatif monocaméral : ce régime est notamment dû à l'absence d'une seconde chambre parlementaire. Une assemblée unique et souveraine détient la totalité des pouvoirs politiques.
Le pouvoir exécutif est subordonné au pouvoir législatif.
Pour exemples, on peut citer en France :
Pour contre-exemples, on peut citer :
Reprenant ce modèle, Philippe Ardant[34] propose une classification qui permet d'incorporer les régimes qui en ont de nombreuses caractéristiques. Ainsi, il distingue :
La séparation des pouvoirs, telle qu'on la conçoit aujourd'hui, est une vision juridique de la répartition des fonctions au sein de l'État. Cette vision est attaquée sur deux fronts principaux :
La plupart des théoriciens de droit n'imputent plus à Montesquieu la théorie de la séparation des pouvoirs (voir supra, Évolution du concept). Montesquieu n'a été que l'un des penseurs, avec Locke notamment, de la balance des pouvoirs ; la véritable théorie de la séparation des pouvoirs est, elle, due à Sieyès.
Ainsi, le juriste Eisenmann parle, quant à lui, du « mythe de la séparation des pouvoirs »[35], dont l'auteur n'est pas Montesquieu mais les juristes qui ont isolé ses propos et ont formulé un « modèle théorique imaginaire ».
Telle qu'on la conçoit le plus souvent aujourd'hui, la théorie de la séparation des pouvoirs traite de trois pouvoirs (ou puissances) égaux, c'est-à-dire que l'on se réfère au Trias Politica (voir supra, Introduction). Or, le judiciaire n'a jamais été conçu pour être l'égal des deux autres, si tant est que l'on reconnaisse son existence même (voir infra, Réalité de l'existence d'un pouvoir judiciaire). Pour Montesquieu, la puissance de juger n'est en réalité qu'une sous-catégorie de l'exécutif, puisqu'il s'agit de la « puissance exécutrice [des choses] qui dépendent du droit civil » (voir supra, Montesquieu : reprise de la philosophie de Locke#contenu).
Eisenmann critique la théorie de la séparation des pouvoirs telle que définie par les juristes sur ses deux caractéristiques, car Montesquieu n'a jamais conçu :
Charles Eisenmann (1903-1980) fonde une analyse sociologique de l'œuvre de Montesquieu[36]. Celui-ci fait un lien entre les puissances et les forces sociales. Ainsi, il y a :
Toute l'analyse de Montesquieu tend à démontrer comment les puissances doivent être associées et se partager les fonctions.
Montesquieu propose donc une conception politico-sociale du partage du pouvoir, un rapport de force entre les trois puissances, alors que la doctrine [de Sieyès] établit une théorie juridique, par conséquent dénaturée et limitative.
Le philosophe Louis Althusser[37] (1918-1990) poursuit l'analyse sociologique d'Eisenmann tout en reprenant la notion d'équilibre de Carré de Malberg (voir supra, Sieyès et les juristes du XIXe siècle).
La question pertinente est alors de savoir au profit de qui se fait le partage du pouvoir.
Selon Althusser, ce partage se fait au profit :
Montesquieu, qui appartient à la noblesse, cherche donc à garantir la pérennité d’une classe décadente qui a perdu ses pouvoirs.
La noblesse est donc conçue par Montesquieu à la fois comme le meilleur garant de la liberté et comme le meilleur soutien de la monarchie : « point de monarque, point de noblesse ; point de noblesse, point de monarque, mais on a un despote ».
Montesquieu n’est donc pas, comme certains révolutionnaires français l'ont dit, un Républicain favorable au Tiers état et à la seule représentation du peuple. Il est pour une monarchie, mais non despotique.
La doctrine d'Althusser permet ainsi de comprendre l'interprétation qui a été faite de la séparation des pouvoirs de Montesquieu sous la Révolution française : la bourgeoisie ne voulant pas partager le pouvoir avec la noblesse, il n'y eut, par conséquent, qu'une seule chambre dans la Constitution de 1791.
Tant au niveau des rapports entre l'exécutif et le législatif qu'au niveau de l'existence d'un pouvoir judiciaire, les pouvoirs ne ressemblent guère plus à ce qu'ils avaient été définis auparavant.
L'exécutif est désormais celui qui exerce à titre principal la fonction législative :
La distinction fonctionnelle entre le législatif et l'exécutif est alors remplacée par celle entre les fonctions de direction de la politique nationale assurée par l'exécutif (« Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation »[39]) et celles de délibération et de contrôle assurées par le parlement.
Pouvoir | Fonction traditionnelle | Fonction nouvelle |
---|---|---|
Législatif | Crée les lois | Délibération et contrôle |
Exécutif | Veille à l'exécution des lois | Direction de la politique nationale |
Cette substitution est rendue possible notamment par le phénomène des partis politiques (voir infra, Duverger : l'opposition entre majorité et minorité).
La postérité de la doctrine de Montesquieu quant à l'existence d'un troisième pouvoir qui serait judiciaire tient en la reprise qui en a été faite par les révolutionnaires des États-Unis. Il est conçu par eux comme un autre poids ou contrepoids (checks and balances), permettant de limiter le pouvoir des autres organes.
En France, les constitutionnalistes ont toujours refusé d'accorder au judiciaire le caractère de pouvoir. Dans la Constitution de la Ve, par exemple, le titre VIII est appelé « De l'autorité judiciaire ». On entend ainsi rejeter tout risque de gouvernement des juges, tel qu'il a pu y en avoir aux États-Unis. En particulier, le contrôle de constitutionnalité a été difficile à mettre en place (comment justifier qu'un juge puisse contrôler une loi, qui est l'expression de la volonté générale ?). L'une des justifications de ce contrôle tient en la théorie du juge-aiguilleur élaborée par Hans Kelsen[réf. nécessaire]. Sous la Ve République, la légitimité à censurer du Conseil Constitutionnel est renforcée par la présence de droit des anciens Présidents de la République, donc anciens élus du peuple, donnant à cet organe reconnu comme juridictionnel un caractère politique assumé. Des projets de réformes constitutionnelles visent à supprimer la présence de ces anciens Présidents, perçue par certains comme une atteinte à l'indépendance d'une autorité juridictionnel. Toutefois, d'autres membres de la doctrine considèrent cette présence comme essentielle (pour les raisons citées précédemment). Enfin, la spécificité de la dénomination du "Conseil" Constitutionnel en France plutôt que celle de "Cour" Constitutionnelle comme dans la majorité des démocraties européennes tient à la défiance spécifiquement française à l'égard des juges, personnes non-élues mais exerçant un pouvoir public (défiance héritée de la mauvaise expérience avec les parlements sous l'Ancien-Régime et entretenu par la classe politique).
La répartition territoriale des pouvoirs et les contre-pouvoirs : Alexis de Tocqueville (1805-1859)
La presse, parfois nommé pouvoir d'informer, permet dans les démocraties d'exercer une pression sur les autres pouvoirs en fonction de l'audience rencontrée.
Certains, comme Benjamin Constant[40] (1767-1830), estiment que la presse est le vecteur de l'opinion publique, qu'elle en est donc indissociable. Gabriel Tarde[41] (1843-1904), qui est le premier véritable penseur de l'opinion publique en tant que telle, accorde à la presse un rôle structurant.
D'autres, comme Paul Lazarsfeld[42] ou W. Phillips Davison[43] (1901-1976) ont dissocié les contre-pouvoirs de la presse (et des médias en général) et de l'opinion publique[44].
Régimes parlementaires majoritaires et non majoritaires (appelés aussi régimes de partis).
Les régimes présidentiels, on l'a vu, ne sont viables que s'il y a un système de partis souple.
Le Directoire : régime d'assemblée ou régime présidentiel (séparation stricte des pouvoirs) ?
Même problématique pour la Suisse aujourd'hui.
Pour Philippe Lauvaux, seul le critère de la responsabilité du gouvernement devant le parlement est à retenir.
ex : Norvège : responsabilité, mais pas de dissolution, pourtant, on le classe dans les régimes parlementaires.
C'est d'autant plus vrai que le droit de dissolution est :
Ex : Israël, la Knesset peut s'autodissoudre. Instabilité gouvernementale mais pas d'usage du droit de dissolution par le gouvernement.
Le problème, c'est que dans la même hypothèse, il y a stabilité ou non des gouvernements : ce n'est donc pas un critère exhaustif.
La création de la Ve répond au besoin d'une stabilité ministérielle. On pose le postulat que pour qu'il y ait une stabilité, il faut un chef de l'État fort (on refuse le modèle de la Constitution Grévy).
Néanmoins, ce postulat ne se vérifie pas en pratique, puisqu'en Allemagne, le chef de l'État est faible mais il y a une grande stabilité ministérielle.
Si séparation des pouvoirs il y a, alors le modèle classique du Trias Politica n'est plus adapté (si tant est qu'il l'ai jamais été) à la réalité politique[réf. nécessaire].
Alexis de Tocqueville (1805-1859), dans De la démocratie en Amérique, va reprendre la séparation des pouvoirs, mais en la modifiant grandement.
Les deux premiers pouvoirs, sont, pour lui, issus de la répartition du pouvoir sur plusieurs niveaux territoriaux, dans lesquels on retrouve la séparation des pouvoirs classique (législatif, exécutif et judiciaire). Ensuite, viennent les deux autres [contre]-pouvoirs. Ainsi, on a :
Tocqueville est donc à l'origine de l'expression selon laquelle la presse est le quatrième pouvoir[citation nécessaire]. Cependant, il ne faut pas confondre sa vision avec la vision classique : la presse ne fait pas suite au législatif, à l'exécutif et au judiciaire.
Par la suite, le fédéralisme sera appelé séparation verticale des pouvoirs, par opposition à la séparation classique horizontale.
Selon Maurice Duverger (1917-2014), « la séparation des pouvoirs revêt deux formes principales dans les démocraties occidentales, suivant les modes de relations entre le Parlement et le gouvernement : le régime parlementaire et le régime présidentiel […]. Mais ces dénominations se fondent trop exclusivement sur les rapports juridiques entre Parlement et gouvernement : elles ignorent trop les réalités politiques et notamment le rôle des partis ».
Ainsi, la majorité du parlement sera la même que celle du gouvernement, ce dernier sera alors un simple instrument de la politique du parlement ; parler de la séparation des pouvoirs entre parlement et gouvernement dans ce contexte devient absurde.
Selon lui, la véritable séparation, ou articulation, se fait entre la majorité et la minorité (qu'elles soient issues de coalitions ou non).
Ainsi, à l'intérieur de chaque institution (nationales comme le gouvernement ou le parlement, ou locales, comme un conseil municipal), le parti politique (ou la coalition de partis) qui a la majorité fait passer ses décisions, tandis que la minorité tente de les bloquer. Les partis politiques ont une action transcendante ou verticale, c'est-à-dire qu'ils appliquent une même politique à tous les échelons.
Il est surprenant, cependant, qu'il n'ait pas tenu compte de cette nouvelle séparation pour proposer une nouvelle classification des régimes. Il a au contraire préféré reprendre la distinction classique entre régime présidentiel et régime parlementaire, pour y adjoindre une troisième catégorie (voir supra, le régime semi-présidentiel).
Maurice Duverger n'est pourtant pas celui qui a théorisé une nouvelle séparation des pouvoirs sur ce modèle, il s'agit d'un constitutionnaliste espagnol qui a repris ses travaux[réf. nécessaire]
Le présidentialisme n'est pas une catégorie en soi. C'est le fait pour le président de dominer l'ensemble des institutions.
Maurice Duverger a refusé cette nouvelle dénomination qui regroupe dans une même catégorie dictatures et régimes de séparation des pouvoirs. C'est pour cela qu'il a créé la catégorie des régimes semi-présidentiels (voir infra).
Maurice Duverger propose une troisième catégorie de régimes, qui fait office de catégorie « fourre-tout » : tous les régimes qui présenteraient les caractéristiques seraient des régimes semi-présidentiels.
Trois critères convergent :
Cela regrouperait notamment les régimes de l'Allemagne de Weimar (de 1919 à 1933), de la Finlande (jusqu'à la révision de la Constitution de 2000), de la France (Ve République), de l'Islande, de l'Irlande, de l'Autriche, du Portugal et de la plupart des pays européens sortis du communisme dans les années 1990.
Cette notion reste très critiquée, cependant, puisque :
Le régime semi-présidentiel serait donc une variante du régime parlementaire. Certains, comme Marie-Anne Cohendet ou Jean Gicquel[46], lui préfèrent le terme de « régime parlementaire bireprésentatif » (représentation à la fois par le chef du gouvernement et par le chef de l'État). Cette catégorie regroupe aujourd'hui en Europe, par ordre chronologique de leur constitution : l'Autriche, l'Irlande, l'Islande, la France, le Portugal, la Croatie, la Bulgarie, la Macédoine, la Roumanie, la Slovénie, la Lituanie, la Russie, l'Ukraine, la Pologne et la Finlande. Cette catégorie est donc en nette expansion.
Pour ce qui est de la France sous la Ve (hors cohabitations), le terme exact est « régime parlementaire présidentialisé » (la lecture de la Constitution se faisant en faveur d'une extension des pouvoirs du président).
Dans la pratique, les régimes parlementaires et présidentiels ne peuvent se conformer totalement aux modèles théoriques. Cependant, on peut tout de même classer les régimes de cette manière, si l'on précise les limites de ces distinctions.
Le régime politique américain est un régime de séparation stricte des pouvoirs. Il est aujourd'hui un des seuls exemples au monde d'un régime présidentiel, avec certains autres pays comme le Brésil.
Ainsi, dans la Constitution américaine, trois pouvoirs (Président, Congrès, Cour suprême) occupent des secteurs définis (pouvoir exécutif, législatif et judiciaire). Quant à leurs interactions, le Congrès a le pouvoir de révoquer des membres des deux autres branches via la procédure de l'impeachment. Le Sénat confirme de plus la nomination des ministres (Cabinet) et des juges fédéraux, qui sont nommés par le Président. Les juges fédéraux (dont la Cour suprême est la tête) contrôlent la légalité des lois et des décrets présidentiels.
Il faut cependant préciser que les constituants de 1787 avaient fait une autre lecture : ils partaient du principe que « le pouvoir arrête le pouvoir » et ont effectivement séparé des pouvoirs qui occupent cependant des fonctions concurrentes. Fidèles en cela à Montesquieu, les Pères fondateurs ont donc élaboré un système complexe de poids et de contrepoids qui vient invalider partiellement la thèse de la séparation stricte des pouvoirs.
Certains comparent souvent cette constitution avec la constitution française de 1791, car elles instaurent toutes deux un régime présidentiel. Cependant, ces deux constitutions ne sont pas liées : les constituants de 1791 ne se sont pas inspirés de la constitution fédérale américaine (quoiqu'ils se soient inspirés des constitutions fédérées antérieures), car le seul à connaître cette constitution (les moyens de communication de l'époque obligeant) et à appartenir également à la Constituante était le marquis de la Fayette. Or, celui-ci, royaliste, ne participa que très peu aux débats trop houleux de l'assemblée. La raison pour laquelle ces deux constitutions se ressemblent tant est due au fait que les constituants des deux pays ont appliqué les mêmes théories (celles de Locke et Montesquieu). Mais l'objectif n'était pas du tout le même : les Américains souhaitaient instituer un président de la République fort, tandis que les Français, eux, voulaient limiter au maximum les pouvoirs de Louis XVI.
Le fédéralisme et l'opposition confédéraliste (guerre de Sécession, rôle de la Cour suprême dans Marbury v. Madison en 1803 et le revirement de jurisprudence en faveur des États fédérés depuis United States v. Lopez en 1995).
En France sous la Ve République, il n'y a pas à proprement parler de séparation des pouvoirs, puisque les différentes instances de pouvoir (Parlement, Président, Gouvernement) partagent des compétences et ont des moyens d'interaction discrétionnaires et politiques (dissolution de l'Assemblée par le Président, 49-3…) en plus de ceux qui sont équivalents à ceux qu'on peut voir aux États-Unis (nomination du gouvernement par le Président, nomination du Conseil supérieur de la magistrature et du Conseil constitutionnel par le Président et le Parlement conjointement…).
On assiste à un Exécutif bicéphale, où chef de gouvernement et chef de l'État collaborent. Avant l'alignement du calendrier des élections parlementaires sur les législatives, l'un prédominait sur l'autre selon qu'il s'agisse d'une période de concordance des majorités ou d'une période de cohabitation. Ce n'est plus le cas depuis l'instauration du quinquennat, puisque le président nouvellement élu dispose systématiquement d'une majorité à l'Assemblée, donc d'un Premier ministre qu'il peut nommer librement.
La France est dotée d'un régime parlementaire, la séparation des pouvoirs y est donc quasi inexistante, puisque l'on assiste à une confusion des pouvoirs au profit du président de la République en période normale quand bien même la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen la consacre en son article 16 : « Toute Société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée n'a point de constitution ».
Il faut noter tout d'abord que la Constitution française de 1958 ne parle pas, volontairement, de « pouvoir exécutif », « pouvoir législatif » ou de « pouvoir judiciaire », mais bien des pouvoirs du président de la République ou du Gouvernement (titres II et III), des pouvoirs du Parlement (titre IV) et de l'autorité judiciaire (titre VIII).
L'exécutif dispose d'un pouvoir réglementaire autonome : dans un très large domaine, défini par l'article 34 de la constitution, les normes obligatoires de portée générale ne peuvent être édictées que par le parlement et portent le nom de lois. En dehors de ce domaine, le gouvernement, au terme de l'article 37 peut édicter lui-même par décret des normes ou règlements. Il peut aussi édicter des normes dans le domaine de la loi, alors nommées ordonnances, uniquement toutefois lorsque le parlement l'y a habilité.
Si les magistrats du siège jouissent d'une certaine indépendance, ceux du parquet restent plus étroitement contrôlés, en matière de carrière, par le pouvoir exécutif. Ainsi, les magistrats du siège peuvent être sanctionnés directement par le conseil de discipline des magistrats du siège, tandis que le conseil de discipline des magistrats de parquet peut seulement proposer des sanctions à l'égard des magistrats du parquet au Ministère de la Justice[47].
La collaboration étroite entre pouvoir législatif et pouvoir exécutif est délicate dans l'autre sens aussi. Le pouvoir législatif, en plus de voter les lois, peut faire obstacle aux actions du pouvoir exécutif (à travers une motion de censure, par exemple). À l'inverse, le pouvoir exécutif, selon certaines procédures, peut faire adopter des lois (et non de simples décrets) sans qu'il y ait ratification par le pouvoir législatif (en France à travers la procédure 49-3 par exemple). Certains considèrent toutefois que la procédure 49-3 n'est pas une véritable entorse à la séparation des pouvoirs, car le Parlement a alors la possibilité de censurer le gouvernement en contrepartie de l'impossibilité d'amender le texte présenté. Il ne s'agirait, sous cet angle, que d'une modification des modalités d'application du principe de séparation des pouvoirs. Cependant, le fait que la motion de censure n'ait été appliquée qu'une seule fois en plus de 50 ans, et qu'elle soit restée sans effet du fait de la dissolution de l'Assemblée par le Président, remet en question cet équilibre théorique.
En effet, contrairement à un régime réellement parlementaire où l'exécutif et le législatif ont des pouvoirs de dissolution mutuels, dans le cas de la France c'est le président qui peut dissoudre l'assemblée, alors que l'assemblée ne peut dissoudre que le premier ministre. En cas de désaccord généralisé, dans un régime parlementaire, tout le monde dissout et censure tout le monde, et les électeurs tranchent par les urnes. En France, en cas de désaccord, le Président reste.
De plus, le pouvoir législatif peut détenir le pouvoir judiciaire en ce qui concerne le jugement de l'exécutif. La Haute Cour, qui juge et, le cas échéant, prononce la destitution du président de la République, est composée de 24 parlementaires, tandis que la Cour de Justice de la République, compétente en matière de responsabilité pénale des ministres, est composée de 6 députés, 6 sénateurs et 3 membres de la Cour de Cassation.
Enfin, des contestations ont été soulevées lors de la création d'une commission parlementaire d'enquête concernant l'affaire d'Outreau, puisque, en pratique, ces parlementaires ont remis en cause le travail des juges.
Indépendance des juges :
Mais les juges ne forment pas un pouvoir, seulement une autorité.
En Suisse, le Tribunal fédéral considère la séparation des pouvoirs comme « un principe du droit constitutionnel fédéral non écrit qui résulte de la répartition des tâches étatiques entre divers organes »[48].
Une innovation assez particulière à la théorie de la séparation des pouvoirs est la théorie de la constitution des cinq pouvoirs du gouvernement (chinois : 五權憲法 ; pinyin : ; litt. « Constitution des cinq pouvoirs ») de Sun Yat-sen. Il s'agit essentiellement d'une combinaison de la séparation des pouvoirs en Occident avec l'ancien système politique chinois pour proposer un système politique aux caractéristiques chinoises.
Sun Yat-sen estimait que dans les pays occidentaux dotés de droits civiques développés, le peuple s'inquiète du fait que le gouvernement ne puisse pas être géré par le peuple, et à quel point la protection contre le gouvernement rend le gouvernement incompétent.
De plus, Sun Yat-sen estime que le parlement dans la démocratie représentative occidentale a trop de pouvoir par rapport à l'agence exécutive et forme souvent une dictature parlementaire.
Sun a critiqué les systèmes électoraux occidentaux pour ce qu'il considérait comme simplement permettre aux riches d'être élus et pour que la plupart des nominations exécutives soient basées sur le népotisme. En outre, le fait que les pouvoirs de nomination et de confirmation appartenaient généralement aux pouvoirs exécutif et / ou législatif, et non à une branche indépendante, ne garantissait pas un niveau élevé de transparence et de responsabilité.
Sun a fait valoir que, dans le constitutionnalisme occidental, la séparation tripartite du pouvoir et les diverses formes de système de contrôle et de contrepoids ne permettaient pas de protéger adéquatement le pouvoir politique souverain individuel contre le gouvernement, et c'était l'une des principales raisons pour lesquelles la transplantation directe des modèles constitutionnels occidentaux avaient continuellement échoué en Chine.
Il a donc proposé d'adopter les forces des trois constitutions de pouvoir que sont l'administration, la législation et la justice dans les pays occidentaux, et d'incorporer les avantages de l'indépendance du pouvoir d'examen et du pouvoir de supervision de la Chine ancienne, pour créer une constitution à cinq pouvoirs avec le concept de séparation des pouvoirs comme concept central. Selon lui, un régime idéal exige que « le peuple possède les droits, et le gouvernement détient les fonctions », et les droits principaux du peuple se divisent en quatre catégories, soit l’élection, la révocation, l’initiative et le référendum.
L'objectif de la constitution à cinq pouvoirs était de donner au peuple le pouvoir de destituer, de créer et d'opposer son veto au gouvernement en plus du droit de vote; de restreindre le gouvernement; d'éviter que le pouvoir exécutif et le pouvoir d'examen entraînent l'usage privé du personnel à des fins personnels comme le "système des dépouilles" et le népotisme et d'empêcher que le pouvoir législatif et le pouvoir de contrôle ne crée une tyrannie du Congrès.
Selon Sun Yat-sen, ce n'est que lorsque les pouvoirs politiques sont entre les mains du peuple, qui a la souveraineté de contrôler directement les affaires de l'État, et que les pouvoirs administratifs sont placés dans des organes gouvernementaux ayant le pouvoir de gérer les affaires de la nation, qu'un gouvernement véritablement démocratique peut être établi[49].
Le pouvoir d'examen pourra ainsi sélectionner les meilleurs candidats pour devenir fonctionnaires.
Les Corps de l’Examen et du Contrôle ont pour vocation d’être régulateurs de la vie politique[50].
Elle est actuellement appliquée à Taïwan, étant inscrite dans la Constitution de la république de Chine.
Selon la théorie de Sun Yat-sen de « séparation des cinq pouvoirs », le gouvernement de la République de Chine a cinq branches appelés Yuan :
Les relations entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif sont mal définies. Un exemple des problèmes que cela pose est la paralysie politique presque totale qui se produit lorsque le président, qui n'a ni le pouvoir de veto ni la capacité de dissoudre le Yuan législatif et de convoquer de nouvelles élections, ne peut pas négocier avec le pouvoir législatif lorsque son parti est minoritaire[51].
Le Yuan d'examen et le Yuan de contrôle sont des branches marginales; leurs dirigeants ainsi que les dirigeants des Yuans exécutif et judiciaire sont nommés par le président et confirmés par le Yuan législatif. Le parlement est la seule branche qui choisit sa propre direction. Le vice-président n'a pratiquement aucune responsabilité.
Il n'existe pas de séparation des pouvoirs au sens classique dans l'Union européenne. Les fonctions sont partagées parmi les trois institutions principales :
Par contre, la banque centrale européenne a seule le pouvoir d’émission monétaire. À ce titre, elle est théoriquement indépendante du pouvoir politique pour ce qui est le pouvoir de l'argent. Chacune des banques centrales européennes doivent donc emprunter des euros sur les marchés financiers pour contracter leurs dettes souveraines.
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