Pierre-Paul Prud'hon nait à Cluny, le , septième et dernier enfant de Christophe Prudon, maître tailleur de pierre et de Françoise Piremol[3]. Remarqué par le curé de Saint-Marcel, l'abbé Besson, il fait ses études chez les moines de Cluny[4].
Formation
Une bourse lui est accordée, lorsqu'il a seize ans, pour aller à l'école de peinture de Dijon. En 1776, il échoue au Prix de Rome organisé par la province de Bourgogne, mais obtient le premier prix de peinture au concours annuel de l'École. Jusqu'en 1778, il étudie avec François Devosge[5], directeur de l'école dont le travail inspiré par Bouchardon et Greuze influence ses premières œuvres. Il travaille pour un mécène local, le baron de Joursanvault, admirateur de Rousseau et des idées sur la vertu, la nature et la liberté[6].
À dix-neuf ans, il épouse le , Jeanne Pennet, la fille d'un notaire. Ce mariage ne sera pas très heureux mais il en a un premier fils, Jean, né le , qui deviendra aussi peintre et graveur.
Il poursuit ses études, et vient, en 1780, à Paris où il est adressé au graveur Wille par le baron de Joursanvault, qui est aussi son bienfaiteur, et pour lequel il illustre une Méthode de basse et une Méthode de blason. À Paris, il se lie avec une famille, les Fauconnier, dont la fille, Marie, s'éprend de lui. Mais apprenant qu'il est marié, elle s'éloigne de lui. Il tisse des liens d’amitié avec Maximilien de Robespierre. Selon les frères Goncourt, en 1781, il orthographie son nom «Prud'hon» et adopte «Paul» comme second prénom, en référence à Rubens[7]. Élève de l'Académie royale de peinture, il n'y obtient qu'une médaille de quartier (trimestrielle).
En 1783, revenu à Dijon, il y concourt à nouveau pour le Prix de Rome régional des états de Bourgogne, l'obtient et part pour Rome où il arrive le [réf.nécessaire] avec son camarade Pierre Petitot. Cependant, malgré la sollicitude du cardinal de Bernis, et de ses amis Canova et Quatremère de Quincy, il y vit dans la solitude, dans la mélancolie, et parfois dans la gêne. En hommage à la famille de Condé qui gouvernait alors la Bourgogne, il réalise pour le palais des États à Dijon sa première grande composition une Gloire de la Bourgogne, interprétation du plafond du Palazzo Barberini par Pietro da Cortona. Il voyage en Italie de 1784 à 1788 et fait de nombreuses études d'après les antiques, auxquelles il se référera tout au long de sa carrière[6].
Les années difficiles
Malade, il renonce à la prolongation de sa pension et rentre début 1788. Pour rembourser une dette de famille, il travaille quelques mois à Lyon, comme aide du peintre de fleurs Gonichon. En , il est à Paris où sa femme le rejoint et où naissent deux de ses fils en 1791 et 1793. Ce sont des années difficiles pour la famille. Il n'expose qu'un dessin au Salon en 1791, Le Génie de la Liberté (Cambridge, Fogg Art Museum). Il y présentera sa première huile sur toile deux ans plus tard, L'Union de l'Amour et de l'Amitié (Minneapolis Institute of Art). Il acquiert une certaine renommée avec quelques tableaux allégoriques repris dans des gravures par Copia. Il adopte très vite les idées révolutionnaires et peint les portraits de Cadet de Gassicourt (1791, Musée Jacquemart-André) et celui de Saint Just (1793, Musée de Lyon). Comme la plupart des artistes du temps, il participe en 1794 au concours de l'An II, organisé par Quatremère de Quincy et David pour procurer des commandes aux artistes. Comme eux, il se réfugie dans l'allégorie pour éviter les évènements révolutionnaires d'une actualité trop brûlante.
Élu membre associé de l’Institut en 1796, il revient alors à Paris où sa carrière prend un nouvel essor. Le Louvre met à sa disposition un atelier pour réaliser La Sagesse et la Vérité descendant sur la terre de 1798 à 1799. Il décore entre 1798 et 1801 l’hôtel particulier acquis en 1797 par un fournisseur des armées Marc-Antoine de Lannoy, dans le nouveau quartier de la Chaussée d'Antin. Cet hôtel qui vit naître le futur Napoléon III fut détruit à la fin du XIXesiècle, mais plusieurs panneaux sont conservés au Louvre et à Chantilly.
Les années de bonheur
En 1802, Prud'hon déménage du Louvre, comme beaucoup d'artistes qui y étaient logés. Il s'établit dans l'un des ateliers aménagés sous la dénomination «musée des Artistes» à la Sorbonne[8] où il demeurera pendant vingt ans. Il rompt définitivement avec son épouse et peint un plafond pour les salles antiques du Louvre intitulé Diane prie Jupiter de ne pas l'assujetir à l'hymen. L'artiste-peintre Constance Mayer, née en 1775, élève de Suvée et de Greuze, devient sa compagne et élève ses fils. Elle collabore avec lui sur plusieurs projets et exécute des œuvres d'après des études et des esquisses de Prud'hon, qu'elle expose au Salon de 1804 à 1819.
Devenu le peintre favori de la maison impériale du 1er Empire, en 1808 il peint La Justice et la Vengeance Divine poursuivant le Crime et est nommé chevalier de la Légion d'honneur le [9]. En 1811, il est nommé professeur de dessin de la souveraine et fait le portrait du petit Roi de Rome, présenté au Salon de 1812.
Fin de vie
La chute de l'empire marque la fin des années heureuses. En 1816 il est enfin élu membre de l'Académie des beaux-arts, au fauteuil no3 de la section Peinture, succédant à François-André Vincent, et reçoit quelques commandes pour le Sénat et la Madeleine. Sous la Restauration il ne s'adonne plus guère qu'au portrait et à la peinture religieuse.
Le , Constance Mayer, dépressive, se tue, la douleur de Prud'hon est profonde. Il termine le tableau qu'elle a laissé inachevé, Une famille malheureuse, et l'expose au Salon de 1822. Son dernier travail important, L'Âme brisant les liens qui l'attachent à la terre, reste inachevé.
Delacroix voyait en lui celui qui avait su résister au néoclassicisme officiel et les romantiques ont fait de lui leur martyr[12].
Il est apprécié par Stendhal, Balzac[13], Millet et Baudelaire pour la qualité de son clair-obscur et son réalisme subtil. Plusieurs de ses œuvres furent gravées par son confrère Jacques-Louis Copia, tandis qu'Antoine François Gelée fut médaillé au Salon de 1842 pour son interprétation du tableau La Justice et la Vengeance Divine poursuivant le Crime[14].
Une rue de Cluny porte son nom. S'y trouve un buste en bronze de l'artiste, fondu en 1923. Un collège de cette même ville possède également son nom[15].
Privilégiant les nudités allégoriques il adopte une touche vaporeuse et un modelé fondu inspiré de Léonard de Vinci et du Corrège. À l'opposé du néoclassicisme de David, usant d'une ligne nette, ces traits témoignent de l'émergence de la sensibilité romantique[16].
Il fait le portrait de l'impératrice Joséphine en 1805, (conservé à Paris au musée du Louvre), et grâce à Frochot, réalise d'importantes commandes de décorations éphémères pour des fêtes et des évènements tels que le couronnement de Napoléon en 1805 et le mariage de l'empereur avec Marie-Louise d'Autriche en 1810. C'est encore à lui que la ville s'adresse pour fournir les modèles du mobilier de vermeil destiné à la jeune impératrice Marie-Louise en 1810 et du berceau du roi de Rome en 1811. Ses dessins nous en conservent la trâce.
Les Arts, la Richesse, les Plaisirs et la Philosophie (1798-1801), esquisses, quatre huiles sur toile marouflées sur bois, 29 × 39 cm,Montpellier, musée Fabre
Diane implorant Jupiter de ne pas l'assujettir aux lois de l'Hymen (1803), plafond de la salle de Diane, Musée du Louvre[34]
La Sagesse et la Vérité descendent sur la terre (Salon de 1799), huile sur toile commandée pour la galerie des peintres vivants au château de Versailles, musée du Louvre[35]
Portrait de Rutger Jan Schimmelpenninck et sa famille (1801-1802), huile sur toile, 263 × 1 200 cm, Rijksmuseum, Amsterdam[36]
Dans l'atelier de la Sorbonne
L'Impératrice Joséphine (1763 - 1814) (1805), huile sur toile, 244 × 179 cm, Musée du Louvre[37]
Noces d'Hébé et d'Hercule (1810), huile sur papier marouflé sur toile, 12 × 16 cm, musée du Louvre, esquisse de décoration pour une fête en l'honneur de l'empereur et de l'impératrice, à l'hôtel de ville de Paris, le [41]
Portrait de Louise de Guéhéneuc, duchesse de Montebello (1782-1856) (1810-1814), huile sur toile, 55 × 48 cm, Collection privée, Vente Bonhams 2013[43]
Portrait du Roi de Rome (1811), huile sur toile, 46 × 56 cm, musée du Louvre[44]
La Baronne de Joursanvault, buste en terre crue, esquisse, œuvre de jeunesse, seule sculpture répertoriée de l'artiste, Musée des beaux-arts de Beaune[68]
Autoportrait, 1785-1788, dessin à la plume, 15 × 12 cm
Étude pour la figure de l'Amour des Apprêts de l'Amour, dit Les Préparatifs de la guerre, vers 1800-1805, pierre noire, craie blanche, estompe, pinceau et lavis d'encre grise, repris à la plume et encre noire, sur papier vergé bleu, 26 × 19,6 cm[70]
Étude pour les Apprêts de l'Amour, dit Les Préparatifs de la guerre, vers 1800-1805, pierre noire, crayon noir, craie blanche, repris à la plume et encre noire, encre métallographique sur papier bleu décoloré, 25 × 26,5 cm[70]
Étude de jeune homme pour “Le Rêve du bonheur”, vers 1819, craie noire, craie blanche et estompe sur papier anciennement bleu. Étude pour Le Rêve du bonheur, tableau de Constance Mayer[71]
La Fortune. Carton pour l'hôtel de Lannoy, vers 1800, craie noire, craie blanche et estompe sur papier anciennement bleu[72]
Thémis et Némésis, vers 1804-1808, craie noire, craie blanche et estompe sur papier anciennement bleu[73]
(en) Stephen Duffy et Jo Hedley, The Wallace Collection’s Pictures: A complete catalogue, Milano/London, Unicorn Press and Lindsay Fine art, , 400p. (ISBN0-906290-38-4), p.336-339
Christian Hottin, «Naissance d’une architecture spécifique», dans Christian Hottin (dir.), Universités et grandes écoles à Paris: les palais de la science, Paris, Action artistique de la ville de Paris, 1999 (ISBN2-913246-03-6), p. 37-44, spécialement p. 38.
Alain Dessertenne, «Les statues publiques en Saône-et-Loire. 1re partie: les statues aux illustres.», revue trimestrielle Images de Saône-et-Loire no205 de mars 2021, p.6-11.
(en) John Elderfield, The language of the body: drawings by Pierre-Paul Prud'hon, collab. Robert Gordon, New York, 1996 (ISBN978-0-81093-585-3); trad. par France Valentini, La poésie du corps: dessins de Pierre-Paul Prud'hon, Paris, 1997 (ISBN978-2-73242-386-9).
Sylvain Laveissière, Prud'hon ou Le rêve du bonheur (exposition, Paris, Grand Palais. 1997-1998; New York, Metropolitan museum of art. 1998), Paris, 1997 (ISBN978-2-71183-537-9).
Philippe Le Leyzour et Danielle Oger, Balzac et la peinture, Musée des Beaux-Arts de Tours, édition Farrago, 1999, (ISBN978-2-84490-009-8)
Sylvain Laveissière (dir.), Pierre-Paul Prud'hon: actes du colloque organisé au musée du Louvre par le Service culturel le , Paris, 2001 (ISBN978-2-11004-942-1).
Nicole Garnier, «Prud’hon l’académie des anges», Muséart, no74, , p.38-44
Iconographie
Gustave Debrie (1842-1932), Pierre-Paul Prud'hon, 1888, buste en pierre, Paris, façade de l'orangerie du jardin du Luxembourg.