On appelle gravure de reproduction (ou estampe de reproduction) une estampe dont l'image est une œuvre en tant que telle, mais dont l'exécutant n'est pas l'auteur du dessin original —en opposition à l'estampe originale, dont l'auteur de la gravure est aussi celui du dessin[2],[3].
La gravure d'interprétation (ou estampe d'interprétation) se distingue de la précédente par la manière dont le graveur traduit le motif original, en des nuances qui lui sont propres[4].
La gravure est à l'origine avant tout un moyen de reproduction, les moyens photomécaniques n'existant pas encore. L'artiste peintre l'utilise ou emploie des graveurs, pour faire connaître ses tableaux en diffusant son image en plusieurs exemplaires[2],[5]. Le graveur est alors un artisan recherchant avant tout un but lucratif: il est souvent également l'imprimeur et le marchand de ces estampes[5]. Cependant, au XIXesiècle, les rôles sont répartis: on a le graveur, l'imprimeur (ou tireur) et le marchand-libraire, appelé simplement éditeur.
La gravure a été un facteur important de diffusion de l'art de par l'Europe et le monde, du XVesiècle en Allemagne et dans les Flandres — le premier maître de la gravure de reproduction fut l'italienMarcantonio Raimondi (1480-1534) — au XIXesiècle, avec l'apparition de la lithographie, de la photographie et des catalogues illustrés d'expositions et de musées d'art[5],[6]. C'est aussi aujourd'hui grâce à des estampes de reproduction que nous connaissons certaines peintures perdues[7].
Par la suite, la gravure devient plus artistique: l'auteur s'exprime plus personnellement et la gravure d'interprétation devient une gravure originale. La frontière est d'autant plus mince depuis l'apparition de procédés artistiques de reproduction, comme la sérigraphie[2].
Explication: l'illustrateur réalise le dessin directement sur une planche de bois ou sur une feuille de papier qui est ensuite décalquée sur le bois. Ce dessin est éventuellement une copie d'une peinture ou d'une photographie, ou est éventuellement réalisé à partir d'un croquis envoyé par un correspondant. Le bois utilisé est très dur (le plus souvent du buis) et est coupé perpendiculairement aux fibres (bois «de bout»). Le graveur se charge alors de graver le dessin. Il utilise un burin pour enlever les parties qui ne devront pas être imprimées (les blancs) et «épargne» les parties qui devront être imprimées (les noirs). Il s'agit d'une gravure en relief (taille d'épargne) qui possède le très grand avantage de permettre une impression «typographique», c'est-à-dire que l'on peut placer le bloc de bois gravé en relief avec les blocs de texte composés de caractères en plomb, eux aussi en relief. On pouvait ainsi imprimer en une seule passe le texte et les illustrations contenus sur une page. On remarque que l'impression inverse l'image (effet miroir).
L'estampe (...) originale, exécutée par l'artiste qui l'a conçue (...) L'estampe de reproduction, celle que le graveur consacre à traduire une œuvre étrangère (...). Voir: Léon Rosenthal, La Gravure, Paris, H. Laurens, , 472p. (lire en ligne), p.11.
Francis Haskell (1987), La Difficile Naissance du livre d'art, trad. de l'anglais par Marie Lionnard et Marie-France de Paloméra, Paris, Réunion des Musées Nationaux, 1992.
Paul Bornet, De la gravure originale, de la gravure de reproduction en particulier, de quelques vérités générales qui sont des lieux communs qu'on demande l'autorisation de redire, Paris, Zay, 1914 (OCLC11236139).
(en) Susan Lambert, Victoria and Albert Museum, The Image Multiplied: Five Centuries of Printed Reproductions of Paintings and Drawings, Trefoil, , 216p. (ISBN9780862940966).
Gaëtane Maës, Musée de la Chartreuse, Invention, interprétation, reproduction: gravures des anciens Pays-Bas (1550-1700), Association des conservateurs des musées du nord, 2006, p.73- (lire en ligne).
Claudia-Alexandra Schwaighofer, «De la gravure d'interprétation au fac-similé: l'aspect technique des recueils d'estampes d'après dessins au XVIIIesiècle», dans Cordélia Hattori, Estelle Leutrat, Véronique Meyer, Maxime Préaud, À l'origine du livre d'art: les recueils d'estampes comme entreprise éditoriale en Europe, XVIe-XVIIIesiècles, Milan, Silvana (ISBN978-88-366-1515-5, OCLC887044819), p.121-130.
D'après les Maîtres. La gravure d'interprétation, d'Alphonse Leroy à Omer Bouchery, Lille, Musée de l'Hospice Comtesse, Éditions Eyrolles, 2007.
Catalogues d'exposition
Lise Fauchereau, Philippe Rouillard et Maxime Préaud, Gravé d'après: la gravure d'interprétation du XVIe au XXIe siècle, Issoudun, Musée de l'hospice Saint-Roch, (ISBN9782911780134, OCLC492321691).
Articles
Stephen Bann, «Entre fac-similé et haute gravure: L’image dans la presse française des années 1830», La trame des images / Histoires de l'illustration photographique, no20, , p.4-17 (lire en ligne).
Stephen Bann, «Photographie et reproduction gravée», Études photographiques, no9, (lire en ligne).
Viktoria Schmidt-Linsenhoff, «Les estampes d'après Guido Reni: introduction à la gravure de reproduction au XVIIesiècle», Nouvelles de l'estampe, nos40/41, , p.5-17 (ISSN0029-4888, OCLC888146049).
Bénédicte Gady, «Gravure d'interprétation et échanges artistiques: les estampes françaises d'après les peintres italiens contemporains (1655 - 1724)», Studiolo, no1, , p.64-104 (ISSN1635-0871, OCLC886298954).
Bénédicte Gady, «La gravure d'interprétation comme art et critique d'art: la peinture romaine contemporaine selon Benoît Farjat, Nicolas Dorigny et François Spierre», Nouvelles de l'estampe, no199, , p.6-22 (ISSN0029-4888, OCLC887188717).