Élevé dans un milieu favorable (père neuropsychiatre et pianiste, frères polytechniciens), Olivier Greif est marqué par l’histoire de ses parents, juifs polonais installés en France, victimes des persécutions nazies. L’indélébile matricule bleu sur le bras de son père, rescapé du camp d’Auschwitz, apparaîtra dans sa sonate Le Rêve du monde.
Enfant prodige, il a commencé le piano à l'âge de trois ans et joué sa première composition, Nausicaa, lors d'une audition des élèves de Lucette Descaves à l'âge de neuf ans. À dix ans, il est entré au Conservatoire national supérieur de Musique de Paris (CNSM) où il a reçu différentes médailles avant d'entrer à quinze ans dans la classe de composition de Tony Aubin, en court-circuitant les prix d'harmonie, de contrepoint et de fugue, encouragé en cela par le directeur d'alors, Raymond Gallois-Montbrun. Il a obtenu un Second prix de piano en 1966 et un Premier prix de Musique de chambre et de composition en 1967. Après un 3e cycle de musique de chambre dans la classe de Jean Hubeau, Olivier Greif est parti en 1969 pour les États-Unis où il a été admis à la Julliard School de New-York dans la classe de composition de Luciano Berio dont il est devenu l’assistant l'année suivante.
Il est revenu toutefois au CNSM en 1972 dans la classe d'initiation à la direction d'orchestre de Robert Blot, en sortant en 1974 avec un certificat de Direction d'orchestre et quelques années plus tard avec un diplôme d'Instrumentation et d'orchestration de la classe nouvellement créée de Marius Constant. Dans les mêmes années, il s'est produit en tant que pianiste et compositeur dans plusieurs pays d'Europe ainsi qu'aux États-Unis et au Japon et a commencé à enseigner, notamment à l'Académie-Festival des Arcs fondée par Roger Godino et dirigée par Yves Petit de Voize. Il a mené de pair cette triple activité jusqu'en 1982, avec une notoriété croissante et des commandes de plus en plus nombreuses (Radio Suisse Romande, Théâtre national de l'Opéra de Paris, IRCAM, CNSM). Les premiers interprètes créateurs de ses œuvres étaient alors Henri Barda, Nell Froger et Gaëtane Prouvost. En 1976, il a fait la connaissance de Dom Jean Claire et a engagé avec le chef de choeur de l'Abbaye bénédictine de Solesmes une correspondance qui se poursuivra jusqu'à sa propre mort.
Sa rencontre - en 1976 - avec le maître spirituel indien Sri Chinmoy a déterminé les années suivantes de sa vie. Ayant adopté en 1978 le nom Haridas Greif (Haridas: «serviteur de Dieu», en sanskrit), il s'est éloigné du milieu musical officiel de 1982 à 1992, consacrant essentiellement cette période à représenter son maître, notamment en créant un choeur amateur, le Sri Chinmoy Song-Waves Choir, avec lequel il a fait de nombreux voyages dans le monde entier. Il a toutefois conservé quelques activités pédagogiques, de chambriste et de concertiste, donnant des concerts aux côtés des pianistes Henri Barda, Michel Dalberto, Jean-François Heisser, Georges Pludermacher, Bruno Rigutto, des violonistes Augustin Dumay, Raphaël Oleg, Régis Pasquier, Gérard Poulet, Gottfried Schneider, des violoncellistes Frédéric Lodéon, Roland Pidoux, Christoph Henkel, etc.
À partir de 1993, il est revenu officiellement à sa vie de compositeur et de concertiste, enchainant commandes et engagements. Parmi ses interprètes d'alors, on trouve le violoniste Renaud Capuçon, le pianiste Jérôme Ducros, les violoncellistes Henri Demarquette et Jerôme Pernoo, les chanteurs Jennifer Smith, Doris Lamprecht, Stephan Genz, les Quatuors Sibelius, Danel, Vogler, Sine Nomine, le chef d'orchestre Jérémie Rohrer. Freiné en 1994 par un cancer du colon puis en 1996 par une pancréatite aigüe, il a pris conscience de l'urgence de réfléchir à l'acte même de composer et d'achever son œuvre essentielle, multipliant alors les chefs-d'œuvre. En 1997 et jusqu'en 1999, il a été artiste en résidence à l'Abbaye de La Prée à l'invitation du violoncelliste Dominique de Williencourt et du compositeur Nicolas Bacri. S'étant peu à peu détaché de son engagement spirituel, il l'a abandonné définitivement en 1998 et c'est sous son prénom de naissance, Olivier, qu'il est mort le , à l'âge de 50 ans.
Marqué par la philosophie indienne puis par ses propres racines juives polonaises[3], il a composé des œuvres fortes dont une grande partie est en lien avec la Shoah et le thème de la guerre. Son catalogue comporte 361 numéros d'opus entre 1961 (à l'âge de 11 ans) et sa mort[4]. Il a composé essentiellement des œuvres vocales mais aussi pour le piano, entre autres 23 sonates. Il est aussi l'auteur de plusieurs pièces de musique de chambre dont quatre quatuors à cordes, trois sonates pour violon et piano. Son œuvre symphonique est plus rare, un concerto pour violoncelle, un quadruple concerto, une symphonie). Pianiste d'exception, son style reste essentiellement tonal et son inspiration multiple, allant des chants traditionnels au jazz.
Trois chansons apocryphes op. 350, 1998. Poèmes populaires français (dédiées à Marie Devellereau)
Three Settings of Musset op. 361, 2000 (dédié à Guillaume de Chalambert)
Cantates
et pièces pour voix et ensemble de chambre
Bomben auf Engelland op. 43 et op. 71, 1976. Air de concert pour voix de femme, saxophone alto (2e version) et piano sur un texte militaire allemand de Wilhelm Stöppler (dédié à ceux de son peuple assassinés pendant la dernière guerre)
Petite Cantate de chambre op. 73, 1976. Pour voix de femme et deux pianos sur le Psaume 23L'Éternel est mon berger (en anglais)
Le Livre du pèlerin op. 144, 1980. Pour voix de femme, flûte, hautbois, clarinette, basson, cor, violon et piano sur The Tyger de William Blake et des extraits de psaumes de l'Ancien Testament (en anglais, dédié à Sri Chinmoy)
Little Black Mass/Petite messe noire op. 142, 1980. Pour voix de femme, alto instrumental et piano, sur des textes de chants religieux et populaires américains (en anglais)
Lettres de Westerbork op. 291, 1993. Pour voix de femme et deux violons sur des textes d'Etty Hillesum et des extraits de psaumes de l'Ancien Testament (en anglais (chanté) et en français (parlé), dédiées à son père [Léon-Jacques Greif] et Gilles Cantagrel
Hymnes spéculatifs op. 312, 1996. Pour voix, clarinette, cor, violoncelle et piano sur des extraits des Vedas dans la traduction de Sri Aurobindo (en anglais, dédiés à Rémi Lerner)
Hiroshima-Nagasaki op. 169, 1983. Pour choeur mixte a cappella
Requiem op. 358, 1999. Pour double choeur mixte a cappella (en latin et anglais, dédié à John et Laura Poole)
Opéra
Nô op.158, 1981. Opéra de chambre en dix scènes, pour soprano, ténor, baryton et ensemble instrumental. Livret en français de Marc Cholodenko et Olivier Greif (dédié à Sri Chinmoy)
The Meeting of the Waters. Intégrale de l’œuvre pour violon et piano. Stéphanie Moraly, violon; Romain David, piano (2010, Triton TRI331165)
Chants de l’âme; Lettres de Westerbork. Jennifer Smith, soprano, Olivier Greif, piano; Doris Lamprecht, mezzo-soprano, Alexis Galpérine et Eric Crambes, violons. Disques Triton: TRI 331101 (1999)
Hommage à Olivier Greif. Sonate de Requiem, Christoph Henkel, violoncelle, Olivier Greif, piano. Le Tombeau de Ravel, Henri Barda et Olivier Greif, piano à quatre mains. Quatuor à cordes n° 3 Todesfuge, avec voix, Quatuor Sine Nomine, Stephan Genz, baryton. Trois Chansons apocryphes, Marie Devellereau, soprano, Olivier Greif, piano. Disques Triton: TRI 331119 (2001)
Le Rêve du Monde: Olivier Greif joue Olivier Greif (album double). Suite pour piano; Sonate De Guerre pour piano; Le Rêve du monde pour piano; Sonate n°2 pour piano et violon; Sonate n°3 pour piano et violon The meeting of the waters; Wiener Konzert pour voix et piano; Bomben auf Engelland pour voix, saxophone et piano; Petite cantate de chambre pour voix et deux pianos; Hommage à Paul Bowles; Les Trottoirs de Paris pour soprano, ténor et piano. Olivier Greif, compositeur et interprète avec Henri Barda, piano, Devy Erlih, Gottfried Schneider, violon, Nell Froger, Evelyn Brunner, Catherine Dubosc, Jean-Paul Fouchécourt, Jo-Ann Pickens, Howard Haskin, chant. INA, mémoire vive IMV084 (2010). Diapason d’or de l’année 2010 dans la catégorie «archives»
Les Plaisirs de Chérence, Portraits et apparitions. Olivier Greif, piano. Disques Triton: Tri 331195 (2014).
Requiem pour double chœur a cappella, BBC Singers, direction John Poole. Disques Triton: TRI 331150 (2005)
L’Office des Naufragés. Ensemble Accroche Note avec Françoise Kübler, chant, Armand Angster, clarinette, Alexandre Gasparov, piano, Stéphanie-Marie Degand et Nathanaëlle Marie, violons, Pierre Franck, alto, Christophe Beau, violoncelle. Disques Triton 331142 (2006)
Sonate pour deux violoncelles The Battle of Agincourt ; Quatuor à cordes n°2 avec voix sur des sonnets de Shakespeare. Patrick Langot et Agnès Vestermann, violoncelles; Quatuor Syntonia, Alain Buet, baryton. Zig-Zag Territoires ZZT100401 (Harmonia Mundi, 2009)
Les Chants de l’âme, op. 310; Les Trottoirs de Paris - Marie-Laure Garnier, Clémentine Decouture, soprano; Paco Garcia, ténor; Yan Levionnois, violoncelle; Philippe Hattat, piano B Records LBM024. Choc de l'année 2020 pour Classica.
Quintette A Tale of the World pour piano et cordes, Quintette Syntonia, Ciar Classics, 2020 (premier enregistrement mondial)
Anne Bramard-Blagny et Marie-Claude Pascal, We are the words: Olivier Greif, compositeur: entretiens avec ses amis[7], éditions Delatour France, Sampzon, 2013 (ISBN9782752101648)
Journal, édité par Jean-Jacques Greif, éditions Aedam Musicae, 2019 (ISBN9782919046553)
Dir. Brigitte François-Sappey et Jean-Michel Nectoux, Olivier Greif - Le rêve du Monde, Paris, Aedam Musicae, , 343p. (ISBN978-2-919046-15-7), p. 281 à 283
«Les incontournables d'Olivier Greif, compositeur (1950 – 2000)», Marcel Quillévéré, Les Traverses du temps, France Musique, 5 juillet 2013 écouter et lire en ligne)