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période préhistorique d'adoption de l'agriculture De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le Néolithique est une période préhistorique marquée par de profondes mutations techniques et sociales, liées à l’adoption par les groupes humains d’un modèle de subsistance fondé sur l’agriculture et l’élevage. Les principales innovations techniques de cette période sont la généralisation de l'outillage en pierre polie, la poterie, le tissage, ainsi que le développement de l'architecture.
La néolithisation s'est produite de manière très différente dans les régions qui ont inventé l'agriculture et dans celles qui l'ont adoptée de l'extérieur. L'agriculture débute au Proche-Orient au IXe millénaire av. J.-C. dans le Croissant fertile, et atteint la Grèce au VIIe millénaire av. J.-C. Elle émerge en Chine un peu plus tard, au VIe millénaire av. J.-C. Six à huit foyers d'émergence ont ainsi été identifiés à travers le monde, d'où l'agriculture s'est ensuite diffusée de proche en proche vers les régions voisines. Le Néolithique, dans son acception la plus générale, prend fin avec l'apparition puis la diffusion de la métallurgie du bronze, à partir d'environ en Anatolie.
Le terme « Néolithique » (du grec νέος / néos, « nouveau », et λίθος / líthos, « pierre ») désigne littéralement l'« âge de la pierre nouvelle ». Ce terme a été proposé en 1865 par le préhistorien anglais John Lubbock[1], qui subdivisait ainsi l'Âge de la pierre en un « âge de la pierre ancienne », ou « Paléolithique », et un « âge de la pierre nouvelle », ou « Néolithique ».
Le Néolithique a également été qualifié d’« âge de la pierre polie » (se distinguant du Paléolithique, « âge de la pierre taillée ») puisque, dans de nombreuses régions, il est marqué par la systématisation du polissage de certains outils de pierre. Il convient toutefois de souligner que le polissage était déjà connu au Paléolithique supérieur, même s’il était très rare. Par ailleurs, les outils polis ne sont pas les seuls utilisés au Néolithique et le polissage suit presque toujours une phase de façonnage par percussion, sauf dans le cas du jade en Chine, les blocs étant uniquement travaillés par frottement.
Si la définition initiale était fondée sur une innovation technique, elle a progressivement cédé la place à une définition socio-économique : au Néolithique, les groupes humains n’exploitent plus exclusivement les ressources naturellement disponibles mais en produisent une partie. La chasse et la cueillette continuent souvent à fournir une part substantielle des ressources alimentaires mais l’agriculture et l’élevage jouent un rôle de plus en plus important. L’agriculture implique le plus souvent l’adoption d’un habitat sédentaire et l’abandon du nomadisme des groupes de chasseurs-cueilleurs paléolithiques. Il convient toutefois de préciser que la sédentarisation, totale ou partielle, a dans de nombreuses régions précédé l'adoption de l'agriculture.
La notion de paquet néolithique correspond à l'introduction en bloc de l'ensemble des innovations techniques du Néolithique (agriculture, élevage, outils en pierre polie, poterie, tissage, etc.) dans des régions auparavant occupées par des chasseurs-cueilleurs[2].
Cette notion a favorisé la création du concept de « révolution néolithique », introduit (ou popularisé) en 1925 par l’archéologue australien Vere Gordon Childe[3],[4],[5]. Il fait référence à un changement rapide, caractérisé par le passage d’une économie de prédation (chasse, cueillette) à une économie de production (agriculture, élevage)[6].
Dans les régions qui ont inventé l'agriculture, le passage de l'une à l'autre s'est toutefois généralement déroulé sur plusieurs millénaires[7],[8]. Le développement de l’agriculture dans les régions d'émergence n'a donc pas été aussi rapide qu’on pouvait le croire durant la première moitié du XXe siècle. De plus, il n'a été ni synchrone sur les différents continents, ni universel. Les premiers agriculteurs ont longtemps exploité les ressources naturelles en complément de leur production agricole et certains groupes ont conservé une économie de chasseur-cueilleur jusqu’au XXe siècle. L'adoption d'une économie de production a été un phénomène progressif, initié selon certains auteurs dès le début du Mésolithique[9].
La chronologie du Néolithique est particulièrement délicate à établir puisqu'elle diffère en fonction des régions du monde et en fonction des critères de définition que l'on retient. Plutôt qu'une époque, le Néolithique est considéré par certains auteurs comme un stade culturel défini par un ensemble de traits techniques, économiques et sociaux[6].
Il existe toutefois un consensus pour reconnaître que le foyer de néolithisation le plus ancien se situe dans le croissant fertile du Proche-Orient, dans le sud-est de l'Anatolie, les piémonts du Zagros et au Levant, au plus tôt vers Vers le milieu du IXe millénaire av. J.-C., les groupes humains, déjà en partie sédentaires, commencent à y domestiquer les animaux (mouton, chèvre, bovin) et les plantes (blé et orge, suivis de légumineuses comme les pois, les fèves et les lentilles) dans un but alimentaire. Vers , les premières poteries apparaissent au Proche-Orient ; elles se généralisent au cours des siècles suivants.
Les nouvelles pratiques agricoles gagnent progressivement l'Europe à partir de , puis s'étendent au sud de la Méditerranée vers . Elles s'étendent également au cours du VIIe millénaire av. J.-C. vers l'Iran, le sous-continent indien et le sud de l'Asie centrale. Elles suivent différentes voies et différents moyens de propagation, principalement par la migration de populations issues du Croissant fertile, mais aussi par diffusion culturelle auprès des populations locales.
Le site sub-aquatique de La Marmotta, en Italie centrale, occupé entre environ 5700 et par une population sédentaire, a livré entre autres des embarcations démontrant une maitrise technique surprenante, qui a permis l'expansion des sociétés néolithiques dans tout le bassin Méditerranéen[10].
D'autres régions du monde ont connu un processus de « néolithisation » indépendant du Proche-Orient, par exemple en Chine, en Nouvelle-Guinée, en Afrique subsaharienne et sur le continent américain.
Les autres foyers de domestication des plantes et des animaux sont notamment :
La définition de la fin du Néolithique est différente au Proche-Orient et dans le reste du monde. La période s'achève en principe avec le début de l'Âge du bronze, c'est-à-dire vers en Europe occidentale et en Chine. L'Âge du cuivre (ou Chalcolithique) reste considéré par plusieurs auteurs comme une période intermédiaire valide pour le Proche-Orient. Il se rattache partout ailleurs au Néolithique par de nombreux aspects, notamment son industrie lithique (outils en pierre polie) et osseuse.
Le climat particulièrement favorable du Croissant fertile à partir de l'Holocène permettait à des groupes de chasseurs-cueilleurs d'assurer leur subsistance grâce aux abondantes céréales sauvages de la région[11]. La pression démographique subséquente aurait conduit ces groupes à s'étendre vers des régions moins favorables où il était nécessaire de prendre soin des céréales et des légumineuses pour en tirer pleinement parti[12].
Si le chien a été domestiqué dès le Paléolithique supérieur[13],[14] par des chasseurs-cueilleurs, au Néolithique, les animaux commencent à être domestiqués pour leur viande, mais aussi pour le lait, la laine et le cuir. L'utilisation de leur force de travail, comme animaux de trait, de bât ou de selle, intervient plus tardivement. Le choix se porte sur quelques espèces, les plus dociles ou les plus prisées. Au tout début du Néolithique, il est évidemment souvent très délicat de déterminer si des restes osseux appartiennent à un animal sauvage ou à un animal domestique, tant ils sont encore proches. Les dates de domestication des différentes espèces sont donc sujettes à de nombreux débats (voir dates et lieux de domestication).
Ce changement a souvent été présenté comme un affranchissement vis-à-vis des ressources naturelles : les groupes humains contrôleraient ainsi leur approvisionnement alimentaire. De fait, le passage à une économie de production a conduit à une véritable explosion démographique. Les travaux d’ethnologues tels que Marshall Sahlins ont cependant montré le revers de la médaille : une économie basée sur l’agriculture implique souvent un surcroît de travail et les récoltes demeurent dépendantes des aléas climatiques[15], d'où la continuation des pratiques de chasse, pêche et cueillette pour pallier d'éventuels déficits alimentaires liés à de mauvaises récoltes, ainsi que pour diversifier un régime alimentaire trop uniforme. La forte croissance démographique liée à l'adoption de l'agriculture est confirmée par l'étude des squelettes découverts dans les plus anciens sites néolithiques[16].
Pour Jacques Cauvin, l'explication de l'apparition de l'agriculture ne peut toutefois se résumer à des pressions environnementales ou démographiques mais est plus vraisemblablement socio-culturelle. Pour la première fois, les groupes humains ne se scindent pas lorsqu'ils atteignent le seuil critique au-delà duquel des tensions internes apparaissent : l'agriculture serait une solution pour créer de nouveaux rapports sociaux[17],[18]. Ces nouvelles structures sociales seraient même entraînées par un changement cognitif apparent chez l'humain, impliquant une évolution de son rapport avec son environnement naturel, ce que J. Cauvin identifie dans une « révolution des symboles »[17].
Il est peu probable qu'il existe une explication unique à l'adoption de l'agriculture dans les différents foyers de néolithisation à travers le monde : le mil est domestiqué au Sahel, l'orge, le blé et l'engrain au Moyen-Orient, le chanvre en Asie (montagnes de l'Inde et du Pakistan, plaines de l'Asie centrale ou région moyenne du fleuve Jaune) (voir Histoire du chanvre), le millet (Setaria italica) dans le bassin du fleuve Jaune, le riz dans le bassin du Yangtsé en Chine, des plantes à tubercule en Asie du Sud-Est, le sorgho au Sahel, etc. Le réchauffement climatique de l'Holocène favorise la croissance des plantes et la réussite de cette stratégie de subsistance. La chasse et la pêche sont cependant encore longtemps pratiquées parallèlement à la culture et à l'élevage.
La technique du polissage est utilisée dès le Paléolithique supérieur pour le travail des matières dures animales (os, bois, ivoire) mais aussi, plus rarement, de la pierre, notamment au Japon et en Chine. Elle est également attestée ponctuellement dans des sociétés de chasseurs-cueilleurs, comme dans le Mésolithique de la plaine russe ou chez les aborigènes d'Australie.
Toutefois la généralisation du polissage n’intervient qu’au Néolithique avec le développement des travaux de défrichage liés à l’agriculture. Cette technique permet en effet d’obtenir des haches et des herminettes aux tranchants réguliers et très résistants, qui pourront trancher les fibres du bois sans s'esquiller. Il est important de souligner que le polissage n’est que la dernière étape de la fabrication de la lame de hache et qu’elle intervient après un façonnage généralement bifacial.
Les outils de pierre polie sont réalisés à partir de roches dures (silex) ou de roches vertes tenaces, éruptives (basaltes, dolérites, etc.) ou métamorphiques (amphibolites, éclogites, jadéites, etc.). Les roches tenaces sont parfois travaillées par sciage ou bouchardage avant d’être polies. Le polissage s’effectue par frottement sur un polissoir dormant ou mobile (grès, granite, silex, etc.)[19],[20].
L'archéologie expérimentale a permis de montrer que le rendement du polissage à la main sur certaines roches très dures était de l'ordre de 5 à 20 g par heure, soit jusqu'à une centaine d'heures de travail pour certaines grandes haches. Dans ces conditions, il peut paraître surprenant que le polissage s'étende à toute la surface de l'outil et pas seulement la zone active. Le soin apporté à la confection des outils polis n'a donc pas seulement des motivations techniques mais également esthétiques et sociales. Ce dernier point est appuyé par des études réalisées en contexte ethnographique[21].
Les outils de pierre perfectionnés (pierre polie) permettent la fabrication d'outillage efficace et d'aménagements indispensables à l'agriculture et à l'élevage : houes, bâtons à fouir, faucilles, mortiers, couteaux, racloirs, pieux pour les enclos, greniers ou comme tuteurs.
Parallèlement au polissage, d’autres méthodes sont développées pour produire des outils et des armes de chasse. C’est le cas du débitage par pression, qui permet d’obtenir des lames et des lamelles très régulières. La retouche par pression, employée dès le Solutréen en Europe mais aussi beaucoup plus tôt dans le Paléolithique moyen sud-africain[22], revêt une grande importance au Néolithique pour la finition de certaines armatures telles que les pointes de flèches à pédoncule et ailerons.
Outre les outillages en pierre, multiples et variés bien connus et très étudiés, dans le temps comme dans l'espace, les Néolithiques se sont pourvus aussi de nombreux outils et ustensiles en bois, vestiges très rarement conservés. Seuls les milieux très secs (déserts) ou totalement humides (mers, lacs, marais, rivières) en ont livré ; par exemple les villages immergés de Charavines, Isère, en montrent une large panoplie, témoins de l'ingéniosité et de l'habileté des artisans de cette époque, un aspect des activités néolithiques généralement trop peu évoquées[23]. De même d'autres éléments datant du Néolithique, notamment un collier, ont été découverts aux Riaux.
La poterie en céramique (argile cuite) est considérée comme une des inventions les plus importantes plus ou moins contemporaines du Néolithique. Elle représente un bon indicateur de sédentarisation, car elle est lourde et fragile et ne se prête donc pas au transport. De nombreuses sociétés ont adopté la poterie avant l'agriculture tandis que les premiers agriculteurs du Proche-Orient l'ont développée postérieurement.
La fabrication d'objets en terre cuite est en fait une technique ancienne attestée dès le Paléolithique supérieur, comme pour la Vénus de Dolní Věstonice datant de 31 000 à 27 000 ans avant le présent (AP) (Gravettien)[24],[25], un exemplaire parmi d'autres déjà produits en quantité dans de grands fours sur certains sites. Des figurines animales en terre cuite très anciennes sont également connues sur des sites ibéromaurusiens d'Afrique du Nord, dont l'âge est estimé à 20 000 ans.
La poterie (au sens originel de fabrication de récipients en terre cuite) fait son apparition chez des groupes de chasseurs-cueilleurs en Chine, en Corée, au Japon durant la période Jōmon, ainsi qu'en Afrique sahélienne. La poterie Jōmon apparaît vers 16 000 ans AP[26]. La poterie a été inventée indépendamment au Proche-Orient près de 2 000 ans après l'agriculture.
La poterie s'est répandue en devenant une des productions artisanales majeures de très nombreuses cultures néolithiques à travers le monde. Elle est en effet bien adaptée pour conserver ou préparer les denrées alimentaires. Elle est attestée à Ganj-i Dareh (Iran) vers , à Mureybet[27] (Syrie) entre 8000 et Le Néolithique précéramique perdure toutefois au Levant jusqu'au début du VIIe millénaire av. J.-C. La poterie est définitivement adoptée autour de en Syrie ; elle est attestée à Jarmo (Irak) vers et peu après en Anatolie. Les groupes néolithiques d'Anatolie occidentale s'étendent vers la Grèce vers , puis vers le reste de l'Europe en y apportant la poterie en même temps que l'agriculture, qui se répand alors en Europe à partir d'environ avec la culture de la céramique cardiale en Méditerranée et la culture rubanée en Europe centrale.
La généralisation de la céramique est une étape majeure dans le développement des techniques humaines. Il s'agit d'un matériau non recyclable : on ne peut pas obtenir de nouvelle argile à partir d'une terre cuite, car sa structure cristallographique (feuillets empilés[28]) en a été irrémédiablement modifiée, alors que les objets en métal, même en alliage, peuvent après réchauffe ou refonte être réemployés. Elle est à la fois relativement simple à fabriquer et fragile, mais ses restes (tessons) se conservent généralement très bien. La céramique est donc une source d'information précieuse pour les archéologues qui en trouvent de grandes quantités sur les sites archéologiques. Le style de la céramique va se renouveler et évoluer rapidement, donnant lieu à d'innombrables variantes en termes de formes et de décors, et ainsi servir d'un des principaux marqueurs des différentes cultures néolithiques, qui sont souvent nommées et définies selon des styles de céramiques.
Des traces de mortiers de terre (argile), de plâtre et de chaux, sont présentes dans les constructions néolithiques. Le plâtre est obtenu par cuisson et broyage du gypse et la chaux par cuisson et broyage de calcaires[29]. D'autres artéfacts interrogent sur l'existence de vases ou de vaisselle faits de chaux ou d'un mélange chaux-plâtre[30].
Le sel n'est sans doute pas à proprement parler une innovation néolithique mais son utilisation se généralise concomitamment à l'apparition de l'agriculture, au développement du travail des peaux et de la poterie (glaçures, préparation des bouillons, conserves).
Le Néolithique est également marqué par l'émergence de la métallurgie (or, argent et cuivre). La production d'objets en métal est attestée dès le VIIIe millénaire av. J.-C. au Proche-Orient et en Anatolie[31]. Il s'agit de petits objets en cuivre réalisés par martelage à froid. La fusion du métal est plus tardive et n'est attestée jusqu'à présent qu'à la fin du VIe millénaire av. J.-C.
En dehors du Proche-Orient, l'utilisation de l'expression « Âge du cuivre », ou « Chalcolithique », tend à disparaitre au profit d'expressions comme « Néolithique moyen / récent », car l'apparition et le développement des objets en cuivre n'a pas significativement impacté l'organisation sociale, qui ne montre pas de rupture par rapport au Néolithique ancien.
Le Néolithique voit le développement de la construction de bateaux qui, comme les pirogues de Bercy, permettent la pêche avec la pose de nasses et de filets, ainsi que le transport.
L'existence d'excédents ponctuellement importants au moment des récoltes ou d'abattages groupés d'animaux entraîne le développement des méthodes de conservation : séchage, boucanage, fermentation contrôlée, salage, saumurage probablement déjà connues et des moyens nécessaires : greniers, claies, silos enterrés, jarres… L'utilisation de ces moyens peut être facilitée par la sédentarisation et la mise en œuvre accrue de techniques comme la vannerie ou le tressage de cordes rarement retrouvées lors des fouilles archéologiques[32]. Vannerie, étoffes tissées, récipients en céramiques ou plâtre, facilitent la préparation des graines (fabrication de cribles), le transport et le stockage des aliments.
Les débuts de l'agriculture semblent concomitants de la généralisation de la production de sel probablement rendue nécessaire par la place plus importante dans la ration prise par les céréales et légumineuses qui en sont moins pourvues que les produits de la chasse ou de la pêche[33].
La production et l'utilisation du sel sont également facilitées par la disponibilité nouvelle des céramiques. Elles permettent notamment la cuisson de bouillies, d'aliments à l'eau salée ou dans leur jus, l'obtention de bouillons et la conservation de produits en saumure[27]. Sel et céramiques favorisent donc une cuisine plus variée limitant le gaspillage.
Comme évoqué précédemment, dans certaines régions la sédentarisation a précédé l'émergence de l'agriculture, lorsque l'environnement apportait une subsistance suffisante tout au long des saisons. Par ailleurs, l'agriculture n'entraîne pas toujours la sédentarisation complète, certains groupes de pasteurs étant également nomades. Il existe également, en Inde et en Amazonie, des exemples de groupes d'agriculteurs nomades qui ne restent sur un territoire donné que le temps d'une récolte.
L'agriculture impose généralement de se fixer, de quelques mois, le temps de faire les récoltes, à quelques années, le temps que la terre s'épuise. Des constructions durables apparaissent, en torchis et en pierre, remplaçant les huttes de peaux des chasseurs-cueilleurs. Quand ces constructions se regroupent, naît alors le village dans lequel on observe le plus souvent, comme à Jerf el Ahmar, le passage progressif d'une architecture de plan circulaire de type mureybétien (maison de plan circulaire, semi-enterrée, monocellulaire ou pluricellulaire[35]) à une architecture de plan arrondi, puis polygonal, enfin rectangulaire avec des habitations à angles arrondis puis chaînés, construites de plain-pied[36],[37]. L'une des plus anciennes agglomérations est celle de Jéricho : les premières constructions de pierre y sont datées d'environ 9 000 ans av. J.-C. Elles sont légèrement antérieures à celles de Jarmo et de Choirokoitia, à Chypre. L'agglomération de Çatal Höyük, en Anatolie, est l'exemple le plus éclatant d'une sédentarisation aboutie il y a environ 8 500 ans : extension sur 12 hectares, maisons à un étage en briques crues sans portes extérieures ni fenêtres, disposant d'une seule trappe permettant l'aération et le passage vers les toits en terrasses, peintures murales. Certains chercheurs la considèrent comme un grand village dans la mesure où elle ne présente pas de véritable plan urbanistique, d'autres y voient une proto-ville (en) avec le plan agglutinant qui caractérise le Néolithique d'Anatolie (absence de ruelles, maisons rectangulaires pluricellulaires contiguës uniquement accessibles par les toits)[38]. De véritables villes apparaissent plus tard, préparant l’avènement futur des civilisations, notamment avec la culture de Cucuteni-Trypillia à la fin du Ve et le début du IVe millénaire av. J.-C., en Europe entre l'Ukraine, la Moldavie et la Roumanie. Ces villes, très organisées et planifiées en plan elliptique concentrique, pouvaient atteindre plusieurs kilomètres carrés et entre 10 000 et 20 000 habitants. Elles sont les plus anciennes agglomérations de cette ampleur connues au monde. Cette culture a également élaboré une proto-écriture (ne servant pas encore à écrire de longs textes, il ne s'agit pas d'une écriture proprement dite).
La fin du Néolithique en Europe est également connue pour ses « cités lacustres ». Il apparaît que si elles étaient parfois effectivement édifiées sur pilotis, elles étaient souvent aussi construites en bordure de lacs et n'ont été submergées que bien plus tard. Ces sites sont caractérisés par une conservation exceptionnelle des matériaux organiques. Parmi les plus célèbres en France sont ceux situés au bord du lac de Chalain, dans le Jura, et du lac de Paladru à Charavines, en Isère. Ces deux villages ont livré une évolution précise des maisons ainsi que de nombreux vestiges en bois des activités quotidiennes et artisanales dans un environnement bien étudié[39]. Il existe de nombreux sites témoignant de ce type d'habitat lacustre dans l'arc alpin, en Suisse (sites de Bevaix et d'Auvernier à Neuchâtel).
L'apparition de l'agriculture est l'une des innovations les plus lourdes de conséquences en ce qui concerne l'organisation sociale.
L'apparition et le développement de la différenciation sociale et de la hiérarchisation font encore l'objet de débats. Certains[Qui ?] suggèrent que l'apparition du stockage des aliments et la constitution de réserves ont eu pour effet indirect un début de hiérarchisation de la société, avec la mise en place progressive d'une classe de guerriers pour protéger les champs et les réserves de la convoitise des groupes voisins.
Le niveau supérieur de l'hypogée de Roaix (Vaucluse), daté de ± 140 ans, a livré les squelettes imbriqués d'une quarantaine d'individus, hommes, femmes ou nouveau-nés, dont certains présentaient des pointes de flèches fichées dans les os du bassin ou au milieu du thorax : il s'agirait d'une inhumation collective à la suite d'un massacre ou d'un témoignage de guerre[40].
Les marques de traumatismes portées par des centaines de squelettes sur certains sites néolithiques montrent qu'il y a eu, non seulement des violences interpersonnelles, mais aussi des guerres entre groupes et à l'intérieur d'un même groupe. Dans les îles Britanniques, 8,5 % des 350 crânes d'une sépulture portaient des traumatismes, et 24,5 % de 106 autres ; au Danemark, 16,9 % de 261 crânes ; en Suède, 9,4 % de 117[41],[42].
L'art néolithique est extrêmement diversifié dans ses expressions. Les artistes du Néolithique s'expriment à travers la décoration des objets utilitaires (céramique, haches polies) mais aussi par la réalisation de sculptures, de parures et d'œuvres rupestres.
La paléogénétique est devenue essentielle pour comprendre différents changements survenus durant le Néolithique, notamment les migrations et la diffusion néolithique, et plus largement pour mieux comprendre les premières sociétés villageoises[43].
La question de savoir si l'agriculture s'est répandue au fil des migrations humaines ou par la diffusion des idées et des techniques agricoles a été longtemps débattue mais depuis récemment, d'importants progrès de la génétique sont venus confirmer l’existence de grandes migrations néolithiques dans diverses parties de l'Ancien monde. Ainsi, même si la propagation initiale du Néolithique a dû se faire par diffusion culturelle dans le Croissant fertile parmi des groupes génétiquement bien différenciés, les recherches en paléogénétique indiquent que l'expansion vers le nord-ouest de l'Anatolie, le bassin égéen et le couloir danubien s'est produite principalement par diffusion démique[44].
Il a été constaté que les chasseurs-cueilleurs avaient des tailles de population effectives généralement plus importantes que les premiers fermiers du Néolithique contemporains. La faible taille de population effective déduite des premiers fermiers suggère que la transition néolithique est liée à une réduction de la taille effective de la population locale, potentiellement due à la « sédentarisation » et un flux de gènes restreint parmi les communautés agricoles à petite échelle, comme observé sur les sites néolithiques acéramiques de Boncuklu (de) et Aşıklı[44].
Les recherches en paléogénétique ont permis de mettre en évidence l’existence d'une importante discontinuité génétique entre le Mésolithique et le Néolithique en Europe, interprétée comme l'effet d'importants mouvements de population lors de la néolithisation de l'Europe, probablement en provenance d'une ancienne population du Proche-Orient[45],[46].
C'est entre 2010 et 2012 qu'est enfin séquencé le génome d'Ötzi, l'« Homme des glaces » découvert congelé dans un glacier des Alpes, vieux de 5300 ans c'est-à-dire de la fin du Néolithique européen. Ötzi a alors révélé pour la première fois la grande parenté entre la population européenne ancienne du Néolithique et les populations actuelles du sud-ouest de l'Europe et en particulier la Sardaigne. Son haplogroupe Y G2a2a confirme également cette parenté, cet haplogroupe aujourd'hui minoritaire en Europe avait déjà été précédemment trouvé comme le plus fréquent à l'époque du Néolithique européen, il est de nos jours encore très fréquent en Corse et en Sardaigne[47].
Plus généralement, tous les échantillons issus de fermiers européens du Néolithique ancien et moyen, que ce soit en Serbie (culture de Starčevo), en Allemagne (culture rubanée), en Espagne (culture cardiale et dérivés) ou encore en Suède (culture des vases à entonnoir), entre autres, sont très semblables génétiquement entre eux et très semblables à Ötzi, et forment une seule et même population génétique (cluster) baptisée EEF (pour « Early Europeans Farmers »)[48],[49], qui est étonnamment semblable à la population de la Sardaigne actuelle, et dans une moindre mesure très proche de toute l'Europe du Sud-Ouest actuelle. Cette population est bien distincte des anciens chasseurs-cueilleurs mésolithiques, ces derniers ont d'ailleurs persisté un moment à leurs côtés, les Européens du Néolithique sont alors supposés être issus au moins en partie d'une population ancienne du Proche Orient (différente de l'actuelle).
De même il existe une discontinuité partielle entre cette population du Néolithique et la population actuelle de l'Europe, attribuée principalement à l'arrivée des Indo-Européens venus des steppes d'Europe de l'Est, durant les âges des métaux, et qui se sont mélangés à cette population du Néolithique pour donner les Européens actuels. Le mélange indo-européen est beaucoup plus important en Europe du Nord tandis que l'Europe du Sud, surtout du sud-ouest, est restée plus proche de l'ancienne population du Néolithique.
En 2015, grâce à l'augmentation du nombre d'échantillons disponibles permettant de plus fines comparaisons, Olalde et al.[50] ont pu déterminer que les anciens fermiers néolithiques européens étaient en réalité une population très homogène, et que, comme cela avait déjà été seulement supposé auparavant, les deux grands courants de néolithisation de l'Europe, le courant danubien (culture rubanée) et le courant méditerranéen (culture cardiale), sont en réalité le fait d'une seule et unique population colonisatrice issue d'une seule et même source commune qui a conquis la majeure partie de l'Europe presque sans mélange avec les chasseurs-cueilleurs rencontrés sur le chemin, même longtemps après la séparation des deux courants et ce jusqu'à l’atteinte des côtes atlantiques. On a pu ainsi déterminer que, si mélange il y avait eu avec les anciens chasseurs-cueilleurs, celui-ci aurait alors plutôt eu lieu dans les Balkans, en amont de la séparation des deux grands courants, de sorte que les deux courants sont issus du même mélange génétique de départ.
Ce n'est qu'en fin 2015 que les premiers échantillons d'ADN autosomal du Néolithique du Proche-Orient sont enfin disponibles[51],[52], plus précisément d'Anatolie. Ceux-ci montrent une différence génétique très marquée vis-à-vis de la population actuelle d'Anatolie, cette dernière est donc issue de migrations et d'importants remplacements de population plus récents dans cette région. La population ancienne du Néolithique d'Anatolie était en revanche bien plus proche des Européens actuels, et était surtout très étroitement apparentée aux anciens fermiers européens du Néolithique (les EEF[53]). Cela confirme par ailleurs l'origine orientale des EEF. À leur entrée en Europe, ces premiers agriculteurs n'ont connu en fait qu'un mélange très limité (7 à 11 %) avec les chasseurs-cueilleurs européens avant de coloniser et peupler une grande partie de l'Europe.
Une étude de Lazaridis et al. (publiée en juin 2016) constitue la première vaste exploration génétique des populations du Proche-Orient néolithique, elle apporte notamment de nouveaux échantillons d'ADN autosomal du Néolithique d’Anatolie, du sud du Levant (Natoufien, PPNB, PPNC) et du Zagros iranien. Les différentes populations anciennes du Néolithique du Proche-Orient étaient à la fois différenciées entre elles et en partie différentes des populations actuelles de ces régions. Les Anatoliens du Néolithique, partiellement apparentés aux chasseur-cueilleurs européens du Mésolithique (WHG), sont la population source des grandes migrations néolithiques qui ont touché l'Europe. Les Levantins du Néolithique, quant à eux, assez apparentés aux Anatoliens néolithiques mais bien différenciés, sont la source principale des migrations d'origine eurasienne qui ont touché l'Afrique. La population de l'ouest de l'Iran néolithique (Zagros) est bien différenciée des deux premières, elle est en revanche assez étroitement apparentée aux CHG (anciens chasseurs-cueilleurs du Caucase du Paléolithique supérieur et du Mésolithique). Les modèles de mélange suggèrent que cette population a migré vers l'Est dans le sous-continent indien durant le Néolithique. Ces résultats permettent de dire que la néolithisation d'une grande partie de l'Ancien monde s'est effectuée par d'importantes migrations originaires de différentes parties du Croissant fertile. Ces migrations ont eu un impact génétique très important sur de nombreuses populations d'Eurasie et d'Afrique qui en descendent encore partiellement de nos jours[54].
En 2022, trois études présentent l'ADN de plus de 700 individus ayant vécu de la Croatie à l'Iran pendant plus de 10 000 ans. L'agriculture a commencé en Anatolie mais l'ADN montre que les personnes qui ont expérimenté la plantation de blé et la domestication des moutons et des chèvres il y a environ 10 000 ans n'étaient pas les simples descendants des chasseurs-cueilleurs vivant dans la région. Des dizaines de génomes nouvellement séquencés suggèrent que l'Anatolie a absorbé au moins deux migrations distinctes il y a entre 10 000 et 6 500 ans, l'une venant de l'Irak et de la Syrie actuels et l'autre de la côte orientale de la Méditerranée. Il y a environ 6 500 ans, les populations locales et immigrées avaient fusionné, mais une autre contribution génétique est venue de l'est, lorsque des chasseurs-cueilleurs du Caucase sont entrés dans la région. Il y a environ 5 000 ans, un quatrième groupe est arrivé, les Yamnaya (nomades des steppes au nord de la mer Noire), modifiant l'image génétique mais sans la redessiner fondamentalement[55].
Fin 2015, le premier génome ancien de chasseur-cueilleur d'Afrique subsaharienne est disponible ; il est issu d'une grotte éthiopienne et date d'environ 2500 av. J.-C. La comparaison de ce génome avec les génomes des populations actuelles et anciennes d'Afrique et d'Eurasie a permis de déterminer que les Africains subsahariens modernes auraient tous reçu dans les derniers millénaires (pendant ou après le Néolithique) un apport génétique plus ou moins léger à important (selon les ethnies) en provenance d'Eurasie de l'Ouest. Parmi les populations eurasiennes anciennes et modernes, cette petite part supplémentaire d'ADN eurasien qu'on trouve chez les Africains subsahariens modernes a le plus d'affinités avec la population actuelle de la Sardaigne et avec les anciens fermiers néolithiques européens (les EEF). Cela suggère que l'Afrique subsaharienne a également été touchée de manière significative par les migrations néolithiques dont les EEF, génétiquement très proches des actuels Sardes, étaient les porteurs[56].
Par la suite, en février 2016, les auteurs de l'étude ont publié un erratum concernant leur étude. À la suite d'une erreur bio-informatique, l'influx de gènes eurasiens en Afrique subsaharienne a été surestimé. Il y a bien eu une importante migration en Afrique de l'Est en provenance d'Eurasie. Cependant elle s'étend beaucoup moins ailleurs en Afrique subsaharienne. Ainsi les Yoruba et les Mbuti ne présentent pas plus de gènes eurasiens que l'ancien Éthiopien de la grotte Mota[57].
En juin 2016, l'étude de Lazaridis et al. détermine que la population eurasienne source qui a contribué au génome des Africains de l'Est est plutôt l'ancienne population du sud du Levant du Néolithique, assez apparentée mais différenciée vis à vis de l'ancienne population d'Anatolie du Néolithique[54].
Une étude de Jones et al. (publiée en 2015) apporte deux échantillons d'ADN autosomal du Caucase en Géorgie du Paléolithique supérieur et du Mésolithique, cette population est dénommée CHG. Cela permet de déterminer que la population actuelle de l'Inde pourrait être en grande partie issue d'un mélange assez récent (quelques millénaires seulement) entre deux populations : une première population théorique autochtone de l'Inde (dénommé ASI) qui avait une certaine parenté génétique avec les Andamanais (population ayant servi de référence dans l'étude) des Îles Andaman, et une seconde population eurasienne de l'ouest originaire des environs du Caucase arrivée plus tardivement en Inde par le nord-ouest. Dans le mélange les populations du sud de l'Inde sont restées un peu plus proches des Andamanais tandis que les populations du nord de l'Inde sont un peu plus proches des eurasiens occidentaux[58].
Selon Lazaridis et al. (juin 2016), la population de l'ouest de l'Iran du néolithique (monts Zagros), qui est assez apparentée aux CHG, est la source de l'expansion néolithique vers l'Inde. Cette population aurait migré dans le sous-continent indien durant le néolithique et s'y est mélangée à une population autochtone (ASI). Toutes les populations actuelles du sous-continent indien portent encore une part importante de cette population du Zagros néolithique, mais cette part d'ascendance est plus importante dans le nord-ouest. L'étude a aussi permis de déterminer que les populations actuelles du sous-continent indien ont un important apport génétique issu de la steppe eurasienne, arrivé en Inde plus tardivement à l'âge du bronze, et probablement à l'origine des langues indo-européennes d'Inde[54].
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