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minéral De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le natron ou atroun (nom tiré du Ouadi Natroun, vallée appelée « Champ-de-sel » en égyptien ancien)[3] désigne d'abord un minéral, le carbonate de sodium décahydraté de formule chimique Na2CO3 • 10 H2O. Mais c'est aussi une roche évaporitique qui a la singulière propriété, en présence d'eau ou d'humidité, de développer à sa surface le minéral natron (souvent accompagné de diverses impuretés).
Natron Catégorie V : carbonates et nitrates[1] | |
Dépôt de natron dans un cratère au Tibesti. | |
Général | |
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Numéro CAS | |
Classe de Strunz | 5.CB.10
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Classe de Dana | 15.1.2.1
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Formule chimique | Na2CO3 • 10 H2O |
Identification | |
Masse formulaire[2] | 286,1412 ± 0,0061 uma C 4,2 %, H 7,05 %, Na 16,07 %, O 72,69 %, |
Couleur | incolore à blanc, blanc grisâtre, gris à jaune suivant impuretés |
Système cristallin | monoclinique |
Réseau de Bravais | a = 12,83 Å ; b = 9,03 Å ; c = 13,44 Å ; β = 123,0° ; Z = 4 ; V = 1 305,31 Å3 ; densité calculée = 1,46 |
Classe cristalline et groupe d'espace | m prismatique groupe de symétrie 2/m groupe d'espace Cc ou P2/m |
Macle | suivant (001) |
Clivage | parfait et distinct sur (001), imparfait suivant (110) en traces et (010) |
Cassure | conchoïdale (fragile en petits morceaux) |
Habitus | petits cristaux tabloïdes ou en tablettes ; agrégats cristallins fins en longues fibres fragiles, accolées, parfois recourbées ; sous forme plus ou moins massives, uniquement en croûte cristalline, fibreuse ou grenue, mais aussi en efflorescence, en enduit ou en incrustation, en floraison sur le sol ou la roche homonyme, en colonne sur paroi humide soumise à évaporation mesurée. |
Jumelage | sur (001) |
Échelle de Mohs | 1 à 1,5 |
Trait | blanc (poussière blanche) |
Éclat | vitreux |
Propriétés optiques | |
Indice de réfraction | cristaux polyaxes nα =1,405 nβ = 1,425 nγ = 1,440 |
Biréfringence | Biaxe (-) δ = 0,035 2V = 71 à 83° (mesuré) 2V = 80° (calculé) |
Pléochroïsme | sans couleur |
Dispersion optique | dispersion des axes faibles ρ > ν (dispersion tournante faible) |
Fluorescence ultraviolet | phosphorescent |
Transparence | transparent à translucide |
Propriétés chimiques | |
Densité | 1,42 à 1,48 (grande pureté 1,44 à 1,46) |
Température de fusion | se décompose à 32 °C en heptahydrate (perte d'eau), qui se transforme en monohydrate avant 38°C °C |
Fusibilité | entre 32,5 °C et 34,5 °C |
Solubilité | soluble dans l'eau à 0 °C |
Comportement chimique | La perte d'eau commence entre 33,5 et 34 °C. L'heptahydrate de carbonate de sodium formé est déjà instable à 32 °C, et engendre par perte d'eau la thermonatrite. |
Unités du SI & CNTP, sauf indication contraire. | |
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Cette roche parfois massive contient principalement des dépôts carbonatés et hydrogénocarbonatés alcalins à base de trona, de bicarbonate de sodium ou nahcolite et d'autres carbonates hydratés, comme le monohydrate de carbonate de sodium ou thermonatrite, susceptible de redonner en milieu humide et frais du carbonate de sodium décahydraté[4].
Ce corps chimique naturel, dénommé autrefois alcali minéral ou simplement das Soda en allemand, se présente aussi sous la forme d'une substance blanche, évanescente et éphémère, que l'on trouve au bord de certains lacs sodés, temporaires ou permanents, à eaux saumâtres du désert[5].
Le natron a été décrit en minéralogie par Wallerius en 1747. La matière est néanmoins connue depuis la haute Antiquité en Égypte. Les reines d'Égypte de la haute Antiquité s'en servaient, mêlé à de l'eau, pour clarifier le teint du corps. On utilisait aussi le natron mêlé à de l'eau pour blanchir les dents après le brossage de celles-ci[6].
Le mot natron, équivalent à soude minérale, soude carbonatée ou alcali fixe minéral en français, est apparenté au terme latin natrium, qui via l'allemand Natrium est à l'origine du symbole du sodium, Na. Le mot natron nous est parvenu par l'arabe natrūn, qui semble l'avoir hérité du grec hellénistique nítron, cette dernière langue l'ayant emprunté évidemment au monde égyptien. Selon Rupert Hochleitner, opus cité, il existe le mot grec ancien natron, apparenté au verbe naptô, signifiant "laver".
Dans les textes médicaux latins, le mot nitrum signifiait natron, et ne doit pas être traduit par « nitre »[7].
Romé de L'Isle le décrit sous l'appellation de cristaux d'alkali fixe minéral dans son ouvrage fondateur de la cristallographie[8]. L'abbé René Just Haüy le décrit simplement comme de la soude carbonatée hydratée dans son Traité de minéralogie paru en 1801[9].
Selon l'IMA, le géotype est le site de Ragtown, dans l'état du Nevada, aux États-Unis.
Le système cristallin du minéral pur est monoclinique. Son éclat est vitreux, transparent à translucide et sa couleur incolore à blanche. La solubilité du minéral dans l'eau pure augmente avec la température : 215,8 g/litre d'eau à 20 °C, 445 g/litre à 80 °C.
Ce corps chimique naturel potentiellement abondant est hygroscopique : il absorbe l'humidité, c'est pourquoi les échantillons nettoyés à l'alcool doivent être placés en sachet ou boîte hermétique, à l'abri de l'air (humide). Le natron plongé dans l'acide chlorhydrique bouillonne.
Il colore la flamme en jaune par ses cations Na.
Il a parfois un goût de lessive, produit basique typique du commerce. Sa saveur est alcaline à piquante. Il possède des propriétés antibactériennes.
Le minéral Na2CO3 • 10 H2O s'effleurit à l'air sec et chaud, en se transformant en thermonatrite Na2CO3 • H2O pulvérulente. Par chauffage asséchant, il est possible d'obtenir de la soude Na2CO3 appelée natrite en minéralogie. C'est une utilisation de la roche générique natron.
Les formes obtenues au laboratoire par évaporation d'une solution aqueuse de carbonate de sodium montrent la prépondérance des faces planes (100), (010) et (011), avec aplatissement sur la seconde (O10).
Le plan des axes optiques est perpendiculaire à (010).
Les lacs plus ou moins temporaires des dépressions du Sahara, au contraire des véritables oasis, ne disposent souvent que d'une eau saumâtre et saline, riche en chlorure de sodium NaCl et bicarbonate de sodium NaHCO3 dissous ; aussi du natron se forme-t-il dans les bassins recevant les eaux usées[10]. Il est exploité depuis la haute Antiquité[11].
Sa sensibilité à l'altération à l'air chaud et sec du désert est déjà mentionnée. La collecte de ce minéral instable, formé pendant le rafraîchissement nocturne probablement par le rôle de bactéries halines et alcalines accumulant et triant en milieu humide les différents carbonates, doit être impérativement opérée avec le soleil levant. Ce rite à l'aube solaire de cueillette de fleurs alcalines explique probablement sa renommée antique.[réf. nécessaire]
Notons que les lacs contenant en solution du natron restent des milieux à développement bactérien très spécifique, responsable notamment du fleurissement du natron sous certaines conditions météorologiques. L'effet bactéricide du natron est sélectif au milieu vivant acide ou très légèrement basique ou acide, par exemple typique de la peau humaine. Les eaux natronées peuvent également contenir des quantités importantes de cyanobactéries genre Arthrospira (spiruline), qui servaient à préparer des galettes protéinées d'algues bleu-vert nommées dihé dans la région des ouadis tchadiens[12].
Le natron Na2CO3 • 10 H2O est essentiellement d'origine évaporitique et se forme en toute pureté minérale sous forme d'efflorescences surtout lors de l'évaporation de lacs riches en bicarbonate de sodium et autres sels de sodium.
Alfred Lacroix constatait en 1900 pourtant l'existence virtuelle du minéral natron. Il ne doutait point que du carbonate de sodium fût en dissolution dans l'eau des lacs salés des régions désertiques, notamment dans les étendues du Soudan antique, mais aussi dans les sources thermales carbonatées alcalines. Mais il faut que la cristallisation par évaporation, efficace si T < 20 °C, soit nocturne dans ses milieux tropicaux désertiques et s'opère dans des conditions spéciales (vent nocturne et du matin, assèchement de limon, rosée, chute thermique progressive durant la nuit). Une fois la mare salée desséchée, le natron se transforme en thermonatrite. Placé sans protection sous les ardeurs du soleil, le minéral se pulvérise en thermonatrite. Les minéralogistes disent, non sans humour, que ce minéral est surtout en solution dans les lacs alcalins et sodés.
Le natron est attesté dans les roches ignées alcalines, par exemple dans les monts Lozovero, péninsule de Kola en Russie et au Mont Saint-Hilaire, au Québec ainsi que dans diverses roches volcaniques et dans des cratères lunaires et supralunaires, comme sur le cratère Goussev sur Mars. Par exemple, en Norvège, il peut être présent à l'état primaire dans l'ékerite granitique du comté de Rogaland, le granite du Buskerud ou la minette du Télémark, voire les associations de cristaux rhomboédriques porphyriques avec l'anorthose.
Le natron se trouve également dans les dépôts des fumerolles de l'Etna et du Vésuve. Alfred Des Cloizeaux l'a observé dans les laves et les sources thermales de La Soufrière en Guadeloupe. Il s'en récupère au voisinage des sources d'eaux chaudes en Turquie et en Italie, par exemple à Larderello en Toscane.
Des gisements de natron en lits protégés se trouvent néanmoins en Libye, en Égypte près des lacs Amers, au Tchad dans les montagnes du Tibesti, au Kenya, au Botswana, aux États-Unis, par exemple en Californie au voisinage de la Vallée de la Mort, dans le Colorado ou le Wyoming, au Canada notamment à Atlin ou près du lac Goodenough, district de Clinton en Colombie britannique, en Australie du Sud mais aussi en Turquie et en Italie, dans les déserts alcalins, en Mongolie et en Chine (Gobi), en Iran, au Tibet, dans les salars de Bolivie et d'Argentine, en Hongrie[13]...
La roche évaporite peut contenir des impuretés parfois conséquentes en sels de sodium, de magnésium... sous forme de chlorures, de sulfates ou de borates. Les impuretés les plus communes sont le bicarbonate de sodium, la halite et la mirabilite, soit le sel de Glauber des Anciens.
Il n'est pas absent des grands dépôts d'évaporites fossiles, comme dans les mines de sels alpines, par exemple à Bex en Suisse ou à Hall d'Autriche[14].
Minéraux associés dans les évaporites : mirabilite, thénardite, épsomite, thermonatrite, trona, nahcolite, natrite, gaylussite, borax, halite, calcite, monohydrocalcite, pirssonite, baylissite, chalconatronite.
Dépôts d'évaporites fossiles ou apparitions potentielles de natron
Il y a plus de quatre mille ans, les céramistes et chaufourniers égyptiens ont découvert qu'en chauffant de la silice (sable), avec du natron asséché et purifié, transformé en soude, et de la chaux vive, ils fabriquaient une matière plus ou moins vitreuse et transparente. En ajoutant certains ingrédients ou poudres minérales colorées au mélange, ces premiers verriers obtenaient des verres diversement colorés.
Le natron, et d'une manière générale le natron purifié et chauffé que nous pouvons dénommer soude, servait également au blanchiment du linge, à la préparation du cuir et à la conservation de la viande. Le natron montre des propriétés antibactériennes. Employé sec, il peut déshydrater les chairs ; en solution aqueuse, il amollit les matières organiques.
L'analyse chimique pondérale donne en masse 21,6 % Na2O, 15,4 % CO2 et 63 % H2O. Même s'il est moins concentré en soude que le trona, le natron est une matière première naturelle, localement abondante, de la soude ou carbonate de sodium, dans l'industrie chimique, en particulier en Égypte, en Russie et les anciens pays orientaux soviétiques.
Le natron était déjà connu des Égyptiens de l'Antiquité qui l'appelaient neter, de l'ancien égyptien nṯr(ĵ), terme qui rappelle qu'ils l'extrayaient d'un lac asséché dans le désert de Nitrie[15].
On distinguait vraisemblablement diverses variétés de natron égyptien[16] :
Remarquons que cet emploi généralisé du terme neter ou peut-être de ses déclinaisons ou variantes anciennes, s'applique à toute apparition saline ou évaporitique, souvent blanche compacte, crevassée ou filamenteuse, sur n'importe quelle surface ou paroi humide ou humidifiée. On comprend alors l'évolution de sens qui finit par désigner la classe des alcalis ou corps alcalins naturels (plus ou moins souvent encroûtés) étendue à celle des nitrates, et finalement le nitre ou salpêtre.
Les Égyptiens utilisaient ces produits pour de nombreux usages :
Il y a plus de quatre mille ans, peut-être même plus de cinq mille ans puisque le natron a vraisemblablement très tôt été purifié et stocké sous forme solide et sèche, les Égyptiens, excellents connaisseurs de l'art nommé kemia, ont observé la similitude de matière entre le natron purifié, chauffé et asséché en vase clos, et la partie soluble dans l'eau des cendres de végétaux de chénopodiacées calcinés poussant sur des terres salifères ou salisols identiques aux milieux des lacs salés[21]. On peut parler d'identité au niveau de la langue égyptienne antique, car la dénomination du natron est la même pour le minéral et le produit basique préparé. Il s'agit de la soude, le premier alcali minéral connu. Les chaufourniers ont très vite su accroître le pouvoir alcalin de la soude, en la chauffant avec de la chaux, c'est-à-dire en la caustifiant, pour obtenir de la soude caustique.
Il s'agit plus souvent de la roche impure, le plus souvent à base de trona et de nahcolite, transporté par des navires. Outre la médecine et les produits de nettoyage et/ou d'hygiène, ce sont les verriers et les céramistes qui utilisent cette matière qualifiée par le terme générique alcali. Le natron est un alcali minéral des alchimistes.
La roche natron a été exploitée depuis la plus haute antiquité. Les Français ont eu accès aux régions de production dès le milieu du XIXe siècle et nomment les sites d'exploitation des natronières. Ils constatent une activité de récolte traditionnelle, auquel tend à se superposer une exploitation plus moderne. Certains pays, ne disposant pas au départ d'industrie chimique sophistiquée et par conséquent de moyens de développer le procédé Solvay, ont maintenu cette récolte minière à faible coût dans les natronières et fondé une industrie de traitement, de purification et de dessiccation de carbonates, qui livre du natron commercial, en réalité du carbonate de sodium plus ou moins pur ou sec.
Pendant la Belle Époque, un natromètre est un instrument servant à mesurer la soude ou la potasse des produits commerciaux[22].
Le chimiste Claude-Louis Berthollet et les savants de l'expédition d'Égypte en 1799 ont étudié avec intérêt in situ les dépôts des grands lacs salés égyptiens, en particulier du natron. Le premier a postulé une réaction de formation réversible, dans le cadre des équilibres chimiques de la chimie lavoisienne :
La réaction inverse était bien connue en laboratoire : les sels des cations calcium précipitent en présence de carbonate. La réaction proposée de formation directe du natron existe, mais est très lente, dans des conditions évaporitiques et nécessite des saumures très concentrées, râpant véritablement par effet corrosif (notamment électrochimique) la roche calcaire encaissante.
La conversion du sel en soude, contrairement à la proposition de Berthollet, est beaucoup plus due à la présence d'eaux saumâtres apportées par la pluie du désert salin ou par des sources intermittentes, eaux naturellement chargées en hydrogénocarbonate de sodium NaHCO3 et en chlorure de sodium. Le rapport entre les teneurs en ions hydrogénocarbonates et alcalins, comme Na+... et les teneurs en ions alcalino-terreux Ca2+ et Mg2+, est crucial pour l'évolution des saumures naturelles et la formation des roches évaporites, en particulier leurs minéraux de constitution primaire[23]. La première étape consiste dans tous les cas de figures dans la précipitation chimique des carbonates alcalino-terreux, du type calcaire (calcite/aragonite) CaCO3 et dolomie (Ca, Mg)CO3. Dans ce cas où les ions hydrogénocarbonates et alcalins demeurent en bien plus fortes concentrations que toutes autres espèces ioniques en solution aqueuse, la formation de sels à base de carbonate de sodium, comme le natron et de NaCl, voire de trona, est la seconde étape inévitable[24].
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