Marcellin Marbot

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Marcellin Marbot

Jean-Baptiste Antoine Marcelin Marbot[1], plus couramment appelé Marcellin Marbot[2] (/maʁsølɛ̃ maʁbo/), baron de Marbot, né le à Altillac et mort le à Paris, est un militaire français du XIXe siècle. Il est issu d'une ancienne famille de noblesse militaire du Quercy qui donnera en moins de cinquante ans trois généraux à la France. Il fait sa carrière dans les états-majors de l'armée française sous le Premier Empire, devenant lieutenant général sous la monarchie de Juillet. Ses Mémoires constituent un remarquable témoignage sur l'épopée napoléonienne[3].

Biographie

Résumé
Contexte
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Le colonel Marbot au commandement du 23e régiment de chasseurs à cheval (1812).

Jeunesse

Jean-Baptiste Antoine Marcelin Marbot naît au château de La Rivière, à Altillac, sur les rives de la Dordogne. Il est le fils cadet du général Jean-Antoine Marbot, ancien aide de camp du lieutenant général de Schomberg, inspecteur général de cavalerie au sein de la Maison militaire du roi de France[4].

Après des études au collège militaire de Sorèze (1793-1798)[5], il s’engage comme volontaire le au 1er régiment de hussards, dit « de Berchény » commandé par son père. Affecté à la brigade du général Seras, il est nommé maréchal des logis par celui-ci à l'issue d'un brillant fait d'armes[6]. Promu au grade de sous-lieutenant le [7], il participe à la bataille de Marengo et au siège de Gênes, au cours duquel son père meurt[8],[9].

Guerres napoléoniennes

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La bataille d'Eylau (1807), lors de laquelle le jeune capitaine Marbot a failli perdre la vie.

Il devient aide de camp du maréchal Augereau pendant de la campagne d'Allemagne de 1805, et se distingue à la bataille d'Austerlitz. Nommé capitaine en 1807, il est gravement blessé à la bataille d'Eylau en portant un ordre et sera laissé pour mort sur le champ de bataille. Passé dans l'état-major du maréchal Lannes en 1808, puis dans celui du maréchal Masséna en 1809, il participe aux deux premières campagnes d'Espagne, où il est blessé à Ágreda et à la prise de Saragosse. Fait chevalier de l'Empire le et colonel du 23e régiment de chasseurs à cheval en 1812, il prend part à la campagne de Russie, se signalant à l'occasion de plusieurs batailles. Chargé de la protection du passage de la Bérézina, il est blessé de deux coups de lance à la bataille de Yakoubowo, puis de nouveau lors des batailles de Leipzig et Hanau en . Le mois précédent, le , il est fait baron de l'Empire[9],[10].

Cent-Jours

Pendant les Cent-Jours, il rallie Valenciennes à l'empereur et contraint son gouverneur, le général Dubreton, qui voulait livrer la ville aux Anglais, à la lui remettre. À la tête du 7e régiment de hussards, il est nommé général de brigade par Napoléon la veille de la bataille de Waterloo. Blessé en chargeant les carrés anglais à la tête de son régiment, il est compris dans la liste des bannis le 24 juillet 1815[9],[10]. L'uniforme qu'il portait lors de la campagne est conservé par le Musée de l'Armée dans la salle dédié aux Cent-Jours.

Monarchie de Juillet

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Le roi Louis-Philippe Ier (1773-1850) charge le général Marbot de l'éducation militaire de son fils, le duc d'Orléans, puis de son petit-fils, le comte de Paris.

Retiré à Offenbach en Allemagne, il est rappelé en France par l'ordonnance du [11]. Il reçoit alors le commandement du 8e régiment de chasseurs à cheval. Le duc d'Orléans (futur Louis-Philippe Ier) le charge de l'éducation militaire de son fils aîné, le duc de Chartres, puis il est nommé aide de camp du comte de Paris. Sous la monarchie de Juillet, il est promu maréchal de camp (général de brigade) et participe au siège d'Anvers. Passé en Algérie, il assiste à l'expédition de Mascara en 1835 puis à celle des Portes de Fer en 1839 et à la prise de Mouzaia en 1840. Élevé au grade de lieutenant général le , il entre au comité de cavalerie en 1844, avant d'être nommé pair de France le [9],[12].

Commandeur de la Légion d'honneur le , Marbot est nommé Grand officier de l'ordre le . Après la chute du roi Louis-Philippe Ier, il se retire de la vie publique et meurt à Paris le [9],[13].

Famille

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Le général Jean-Antoine Marbot (1754-1800).

Son père, le général Jean-Antoine Marbot, a deux fils qui atteignent l'âge adulte : Antoine Adolphe Marcelin, l'aîné, maréchal de camp (général de brigade) sous la monarchie de Juillet, et Jean-Baptiste Antoine Marcelin, le cadet. Son grand-père et son arrière-grand-père étaient fils uniques. Par sa mère, il est le cousin de François Certain de Canrobert, maréchal de France sous le Second Empire[4].

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Le château du Rancy à Bonneuil-sur-Marne.

Le , il épouse Angélique Marie Caroline Personne-Desbrières (née vers 1790 et décédée le à Paris)[14], et par cette alliance devient propriétaire du château du Rancy, à Bonneuil-sur-Marne[15]. De ce mariage naîtront deux fils[3] :

  • Adolphe Charles Alfred, dit Alfred (1812-1865) : peintre et historien spécialisé dans la réalisation de planches uniformologiques[16]
  • Charles Nicolas Marcelin, dit Charles (1820-1882) : dont la fille Marguerite publiera les célèbres Mémoires de son grand-père[3]

Décorations

Marbot reçoit les décorations suivantes :

Empire français

Royaume de France

Royaume de France

Royaume de Belgique

Grand-Duché de Luxembourg

État des services

Résumé
Contexte

Services

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Le maréchal Augereau (1757-1816).

Du au [12] :

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Le maréchal Lannes (1769-1809).
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Le maréchal Masséna (1756-1817).
  • Rentré en France :
  • Membre du comité d'état-major :
  • Nommé inspecteur général pour 1842 du 14e arrondissement de cavalerie :
  • Commandant les troupes destinées à figurer la ligne ennemie dans le corps d'opérations sur la Marne :
  • Aide de camp de S. A. R. Monseigneur le comte de Paris :
  • Inspecteur général pour 1843 du 8e arrondissement de cavalerie :
  • Inspecteur général pour 1844 du 6e arrondissement de cavalerie :
  • Membre du comité de cavalerie :
  • Inspecteur général pour 1845 du 2e arrondissement de cavalerie :
  • Inspecteur général pour 1846 du 2e arrondissement de cavalerie :
  • Inspecteur général pour 1847 du 13e arrondissement de cavalerie :
  • Maintenu dans la 1re section du cadre de l'état-major général :
  • Admis à faire valoir ses droits à la retraite par décret du
  • Retraité par arrêté du

Campagnes

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Statue du général Marbot à Beaulieu-sur-Dordogne.

Il fait 13 campagnes[12] :

Blessures

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Le général Marbot en 1840.

Il reçoit 13 blessures[12] :

Œuvres

Résumé
Contexte

Publications

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L'empereur Napoléon Ier (1769-1821).

Retiré en Allemagne depuis 1815, il revient en France en 1819 et publie deux ouvrages :

  • Remarques critiques sur l'ouvrage de M. le lieutenant-général Rogniat, intitulé : Considérations sur l'art de la guerre (1820)[22]
  • De la nécessité d'augmenter les forces militaires de la France ; moyen de le faire au meilleur marché possible (1825)[23]

Le premier de ces deux livres parvient à Napoléon, alors en exil sur l'île de Sainte-Hélène. Son aide de camp, le général Bertrand, écrit dans son journal le  :

« Le soir, l'Empereur me remit l'ouvrage de Marbot : Voilà, dit-il, le meilleur ouvrage que j'aie lu depuis quatre ans, celui qui m'a fait le plus de plaisir. [...] Il y a des choses qu'il dit mieux que moi ; il les sait mieux parce que, dans le fond, il était plus chef de corps que moi. [...] Il ne parle jamais de : l’Empereur. Il veut se faire employer [par le roi Louis XVIII] avec son grade de colonel ; c’est tout simple. Il dit une fois : l'Empereur, pour ne pas avoir l'air de ne pas oser le dire et de faire une lâcheté, et une autre fois Napoléon. Il parle souvent de Masséna, Augereau. Il dit Essling mieux que je pourrai le dire moi-même [...]. Je voudrais pouvoir témoigner ma reconnaissance à Marbot, en lui envoyant une bague. Si jamais je rentrais dans les affaires, je le prendrais pour aide de camp [...][24]. »

Napoléon meurt le . Dans son testament, il mentionne Marbot et lui destine un legs de cent mille francs :

« J'engage [le colonel Marbot] à continuer à écrire pour la défense de la gloire des armées françaises et à en confondre les calomniateurs et les apostats[25]. »

Cette phrase de Napoléon sera placée en exergue des Mémoires du général Marbot, qui paraîtront 70 ans plus tard[3].

Mémoires

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La bataille de Marengo (1800), peinture de Louis-François Lejeune.

Les Mémoires de Marbot, édités posthumement chez Plon et Nourrit en 1891, constituent un témoignage coloré mais souvent fictif sur l'épopée napoléonienne. Écrits pour ses enfants, ils retracent ses aventures, de la campagne d'Italie jusqu’à la bataille de Waterloo[3]. En tête, il écrit :

« J'ai vu l'Empire. J'ai pris part à ses guerres gigantesques et j'ai failli être écrasé par sa chute. J'ai souvent approché de l'empereur Napoléon. J'ai servi dans l'état-major de cinq de ses plus célèbres maréchaux, Bernadotte, Augereau, Murat, Lannes et Masséna. […] J'avais l'honneur de voir très souvent le roi Louis-Philippe, lorsqu'il n'était encore que duc d'Orléans, et après 1830, j'ai été pendant douze ans aide de camp de son auguste fils, le prince royal, nouveau Duc d'Orléans. Enfin, depuis qu'un événement funeste a ravi ce prince à l'amour des Français, je suis attaché à la personne de son auguste fils, le Comte de Paris. [...] Presque tous les hommes se plaignent de leur destinée. La Providence m’a mieux traité, et quoique ma vie n’ait certainement pas été exempte de tribulations, la masse de bonheur s’est trouvée infiniment supérieure à celle des peines [...]. Le dirai-je ? J’ai toujours eu la conviction que j’étais né heureux[26]. »

Après leur parution, les Mémoires de Marbot rencontrent un succès aussi bien auprès de la critique que du grand public. L'historien Eugène-Melchior de Vogüé leur dédie un discours, lors de la séance publique annuelle de l’Académie française du  :

« Depuis le jour où la grande épopée des temps modernes s’est achevée à Sainte-Hélène, historiens, romanciers et poètes s’efforcent à l’envi de nous en donner l’expression littéraire. Les plus habiles n’y réussissent qu’à demi : relations ou inventions, tout nous paraît pauvre en regard des images que la légende napoléonienne évoque dans notre esprit. Nous goûtons comme elles le méritent les claires narrations de M. Thiers, les magnifiques nomenclatures de Victor Hugo ; mais nos exigences sont si hautes que, pour y répondre, il n’est rien de tel une surprise, quelque tentative d’art très humble ou la déposition d’un témoin obscur. […] Voici qu’un livre nous les rapporte, avec les récits sans prétention d’un père à ses enfants. Entre tant d’écrivains qui ont essayé de nous peindre la foulée de la France impériale sur le monde, un des premiers rangs appartiendra désormais au général baron de Marbot [...][27]. »

Les Mémoires de Marbot sont traduits en anglais par Arthur John Butler et publiés à Londres l'année suivante, en 1892. L'écrivain Arthur Conan Doyle écrit à leur sujet :

« Le meilleur des livres de guerre au monde. [...] Il y a peu d'ouvrages, dont je ne pourrais me priver sur mes étagères, meilleurs que les Mémoires du vaillant Marbot[28]. »

Édition originale des Mémoires du général Marbot en 3 volumes (1891)[29] :

Depuis leur première publication, les Mémoires de Marbot ont été réédités sous différentes formes :

  • Textes choisis : Austerlitz !, illustré de 21 aquarelles originales d'Alexandre Lunois, gravées en couleurs au reprérage par Léon Boisson (1905)[36]
  • Textes choisis : La Guerre à Cheval, choix et présentation de Dominique Venner (1978)[37]
  • Réédition moderne des Mémoires du général Marbot en 2 volumes (2001)[38]

Marbot et l'histoire

Résumé
Contexte
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L'empereur Napoléon contemplant les soldats russes noyés dans les étangs à la bataille d'Austerlitz le 2 décembre 1805 : un épisode célèbre mais imaginaire.

Dans son livre Apologie pour l'histoire ou Métier d'historien (1949), l'historien Marc Bloch démontre que les Mémoires du général Marbot ne sont pas toujours exacts d'un point de vue historique, prenant l’exemple d'un exploit militaire dont l'auteur se donne pour le héros, la traversée du Danube en crue pendant la campagne d'Allemagne et d'Autriche, qui n'est corroboré par aucun document existant et dont Marbot lui-même ne fait aucune mention dans ses états de service avant la rédaction de ses Mémoires. Marc Bloch en conclut que les « Mémoires, qui ont fait battre tant de jeunes cœurs » doivent être considérés comme une autobiographie héroïque fortement romancée[39]. L'historien Pierre Conard cite d'autres exemples des arrangements de Marbot avec la vérité : il dit avoir été un des deux messagers chargés par le général André Masséna de porter à Napoléon Bonaparte, alors Premier Consul, l'annonce de l'évacuation de la ville par la garnison française à l'issue du siège de Gênes puis avoir accompagné Napoléon à Marengo en 1800 ; or, les états de service de Marbot contredisent son récit à ces deux occasions. Pendant la campagne d'Allemagne de 1805, il dit avoir été témoin de la bataille d'Austerlitz dont il fait un récit détaillé : en fait, envoyé par le maréchal Augereau en poste dans le Vorarlberg, il n'a pu arriver au quartier général de l'empereur qu'après la bataille. Sa description des centaines de cadavres de soldats russes noyés dans les étangs, bien qu'on la retrouve dans d'autres récits de contemporains, serait purement fictive : les étangs n'avaient pas plus d'un mètre de fond. Pendant la campagne de Prusse et de Pologne de 1807, il a réellement été blessé à la bataille d'Eylau mais, en convalescence à Paris, n'a pas pu assister à la bataille de Friedland ni à l'entrevue de Tilsit. Après 1810, il n'est plus en service comme aide de camp mais comme officier de troupe ; pendant la campagne de Russie de 1812, il affirme avoir pris tant de soin de la vie de ses hommes qu'en février 1813, son 23e régiment de chasseurs à cheval comptait « un total de 693 hommes à cheval, ayant tous fait la campagne de Russie ». Or, l'état de son régiment au 15 février 1813 indique 18 officiers, 160 hommes et 152 chevaux. Les récits des batailles dont Marbot se dit témoin ont parfois pu être empruntés à des ouvrages publiés de son vivant comme l'Histoire du Consulat et de l'Empire d'Adolphe Thiers[40].

Autres publications

Il rédige l'article Cavalerie de l’Encyclopédie moderne ou Dictionnaire des sciences, des lettres et des arts (1823)[41] et collabore à la publication du Spectateur militaire : recueil de science, d'art et d'histoire militaires (1826)[42].

Postérité

Résumé
Contexte
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Tombe au cimetière du Père-Lachaise.

Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise à Paris (44e division)[43].

Éponymie

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Place du général Marbot à Beaulieu-sur-Dordogne par Frits Thaulow.

Plusieurs lieux et édifices portent, ou ont porté, le nom de cette personnalité :

Références littéraires

Plusieurs auteurs ont cité cette personnalité ou ses Mémoires dans leurs œuvres :

  • Les recueils publiés par Andrew Lang contiennent cinq extraits des Mémoires de Marbot. Trois apparaissent dans The Red True Story Book (1895) : « La marche de Marbot », « Eylau. La jument Lisette » et « Comment Marbot a traversé le Danube »[44]. Deux autres apparaissent dans The All Sorts of Stories Book (1911) : « Comment le soldat russe a été sauvé » et « Marbot et le jeune cosaque »[45],[46]
  • Dans le roman Through the Magic Door (1907) d'Arthur Conan Doyle, l'auteur fait l'éloge des Mémoires du général Marbot[47]. Doyle a également modelé le personnage fictionnel du brigadier Gérard, héros divertissant des Exploits du brigadier Gérard (1894-1910), sur un certain nombre de sources réelles de l'époque napoléonienne, parmi lesquelles figure le général Marbot[48]
  • Dans les écrits de Theodore Roosevelt, Marbot est cité à deux occasions. Il est mentionné dans le discours Biological Analogies in History (1910)[49], prononcé à l'Université d'Oxford et dans le livre A Book Lover's Holiday in the Open (1916)[50]
  • Dans le roman Mrs Dalloway (1925) de Virginia Woolf, les Mémoires du général Marbot apparaissent plusieurs fois dans les mains du personnage principal (Clarissa Dalloway)[51]
  • Dans le cycle de romans Le Fleuve de l'éternité (1967-1983) de Philip José Farmer, le général Marbot est l'un des personnages de la saga, considérée comme un grand classique de la science-fiction[52]
  • Dans le roman To Serve Them All My Days (1972) de Ronald Frederick Delderfield, les Mémoires du général Marbot apparaissent plusieurs fois dans les mains du personnage principal (David Powlett-Jones)[53]
  • La série de bande dessinée Marbot (2005) est librement inspirée des Mémoires du général Marbot[54]

Notes et références

Annexes

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