Marc Roger Ferro naît au 47, rue du Rocher à Paris, dans le 8earrondissement. Son père, Jacques Ferro, né le à Corfou (Grèce), est un agent de change italo-grec. Sa mère, Netty Firman[1] (ou Oudia Fridmann), née le à Novohrad-Volynskyï (alors dans l’Empire russe, aujourd'hui en Ukraine[Note 1]), est première modéliste dans la maison de couture Worth[2]. Ferro a cinq ans lorsque meurt son père. Sa mère se remarie.
En 1941, Marc Ferro habite Paris avec sa mère et son beau-père[3]. Il est élève au lycée Carnot. Il est menacé par la politique antisémite[4] du régime de Vichy en raison de son origine juive par sa mère[4]. Son professeur de philosophie, Maurice Merleau-Ponty, lui recommande alors, ainsi qu'à d'autres de ses condisciples également menacés, de fuir au plus tôt la zone occupée. Un ami de sa mère, André Bordessoule, pourtant rédacteur en chef d'un journal antisémite, lui propose de traverser la ligne de démarcation dans le coffre de sa voiture pour rejoindre Saint-Yrieix, la ville dont il est maire[5],[6]. Parvenu en zone non occupée, Marc Ferro se rend ensuite à Grenoble. Sa mère est détenue à la caserne des Tourelles à Paris, puis déportée, par le convoi no55, en date du , de Drancy vers Auschwitz[7], où elle meurt le [8].
C'est à la faculté des lettres et sciences humaines de l'Université de Grenoble que Marc Ferro prépare sa licence d'histoire-géographie. Âgé de 19 ans en 1944, il est sous la menace d'une réquisition par le Service du travail obligatoire (STO). Une amie communiste, Annie Kriegel, anime un réseau de résistants à Grenoble. Elle le recrute en raison de sa connaissance de la langue allemande. Il est chargé d'identifier des cibles potentielles pour le réseau parmi les soldats qui stationnent aux portes de la ville. Mais une partie du réseau est arrêtée et Marc Ferro, à partir de début juillet 1944, part rejoindre la Résistance dans le maquis du Vercors. Sa capacité à lire les cartes d'état-major décide de son affectation. Il reçoit pour mission de pointer avec précision sur les cartes les mouvements des forces en présence[9]. Il est aussi chargé de transmettre les ordres du lieutenant-colonel François Huet, alias Hervieux, commandant la défense du Vercors. Quelques jours à peine après l'arrivée de Marc Ferro, l'armée allemande prend d'assaut le massif du Vercors pour réduire entièrement le bastion de la résistance. Marc Ferro effectue de périlleux ravitaillements. Le réseau reçoit l'ordre de se disperser. Marc Ferro retourne alors à Grenoble. Il participe à la libération de Lyon le , puis reprend ses études et devient ensuite professeur d'histoire.
Il enseigne à Oran au lycée Lamoricière entre 1948 et 1956. Il y déclencha l'hilarité générale lorsqu'il annonça à ses élèves qu'ils allaient étudier ensemble la culture arabe. «Mais, m'sieur, les Arabes, ils ne sont pas civilisés…»[10]. Il découvre l'Algérie française de l'époque et prend conscience du fait colonial. Après les événements violents de la Toussaint en 1954, il participe à la fondation de Fraternité algérienne, un mouvement progressiste dit de la troisième voie, hostile à la fois au système colonial en cours et à la guerre radicale menée par le FLN.
Bien que très attaché à cette terre, il la quitte, car il est nommé professeur à Paris, aux lycées Montaigne, puis Rodin. Après avoir enseigné à l'École polytechnique, il est directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) —groupe de recherches Cinéma et Histoire—, président de l'Association pour la recherche à l'EHESS et codirecteur des Annales, où il est nommé par Fernand Braudel en 1970. Il est un utilisateur régulier de la bibliothèque de la Fondation Maison des Sciences de l'homme créée par ce dernier. Ancien directeur de l'Institut du monde soviétique et de l'Europe centrale, il est également membre élu de l'Academia Europaea[11].
Ainsi il se spécialise au début des années 1960 dans l'histoire soviétique, domaine dans lequel il a tenté de porter un discours non idéologique et de montrer par les archives audiovisuelles et écrites que la révolution prolétarienne est faite non par la classe ouvrière, mais par des femmes, des soldats et des paysans. Ses études dans le domaine de l'histoire sociale tranchent avec les analyses alors dominantes de l'«école» du totalitarisme[12].
Selon lui, l'insurrection d'Octobre ne se réduit pas au coup d'État bolchevique, car elle est indissociable du mouvement révolutionnaire et populaire en cours[13]. Il analyse également le processus de bureaucratisation-absolutisation du pouvoir à partir du sommet, mais aussi de la base[14]. Il n'en consteste pas moins dans deux ouvrages[15] et un article[16] le massacre de la famille impériale russe à Ekaterinbourg en juillet 1918. D'après ses analyses et l'examen d'archives inédites, seul le tsar russe Nicolas II a été fusillé, quand sa famille d'ascendance germanique a été épargnée et transférée à Perm pour un échange avec l'Allemagne.
Engagement politique
Il s'affirme de gauche non communiste[17]. En , lors de la campagne présidentielle française, il signe avec 150 intellectuels un appel à voter pour la candidate socialiste Ségolène Royal, «contre une droite d'arrogance», pour «une gauche d'espérance» après avoir soutenu en 2002, la candidature de Jean-Pierre Chevènement[18].
Marc Ferro a lancé la réflexion sur le cinéma et l'histoire[24]. Il utilise le cinéma comme instrument de connaissance de l'histoire des sociétés, considérant que le cinéma livre un témoignage au même titre que des sources traditionnelles[25]. Il a présenté à la télévision, d'abord sur la Sept à partir de 1989, puis sur Arte à partir de 1992, une émission historique de visionnage d'archives avec un décalage de 50 ans, nommée Histoire parallèle: son démarrage correspond à la veille de la Seconde Guerre mondiale, avec l'analyse d'actualités cinématographiques des différents camps, puis d'archives moins anciennes pour pouvoir comparer les époques[26]. En 1993, il est co-scénariste du film Pétain de Jean Marbœuf[27].
Classement secondaire par date de première publication.
Communisme, Union des républiques socialistes soviétiques et Russie
La Révolution de 1917, Paris, Aubier, coll. «Collection historique», Paris, 1967, 2 vol. (vol.1: La chute du tsarisme et les origines d'Octobre, 607 p.; vol.2: Octobre: naissance d'une société, 517 p.)[28]; rééd. Albin Michel, Paris, 1997, 1092 p.
Les Grands Révolutionnaires, t. 4: Les Révolutionnaires communistes à la conquête du pouvoir: l'espoir d'un siècle (Marc Ferro, Jean Rous et Jean-Marcel Bichat), Martinsart, Romorantin, 1978, 445 p. – 40 p. de pl.
Des Soviets au communisme bureaucratique: les mécanismes d'une subversion (avec la collaboration d'Hélène de Chavagnac), Paris, Gallimard et Julliard, coll. «Archives», 1980[29], 269 p.(ISBN2-07-028768-8).
L'Occident devant la révolution soviétique: l'histoire et ses mythes, Bruxelles, Complexe, coll. «La Mémoire du siècle», 1980, 160 p.(ISBN2-87027-050-X).
50 idées qui ébranlèrent le monde: dictionnaire de la glasnost (Iouri Afanassiev et Marc Ferro, dir., Galina Kolosova, réd., traduit du russe par Tamara Kondrateva, Marie-Hélène Mandrillon, Macha Tournié), Paris, Payot, coll. «Documents Payot», 1989, 521 p.(ISBN2-228-88224-0).
Culture et Révolution (Sheila Fitzpatrick et Marc Ferro, dir.), Paris, Éditions de l'EHESS, 1989[30], 183 p.
De la Russie à l'URSS – Histoire de la Russie de 1850 à nos jours (René Girault et Marc Ferro), Paris, Nathan, 1989, 256 p.
Les Origines de la Perestroïka, Paris, Ramsay, coll. «Essais», 1990, 147 p.(ISBN2-85956-871-9).
Nicolas II, Paris, Payot, 1990[31], 370 p. (2eédition en 2011 avec une nouvelle préface consacrée à l'affaire Romanov).
L'État de toutes les Russies, Paris, La Découverte, 1993.
L'Internationale: d'Eugène Pottier et Pierre Degeyter, Paris, Noêsis, coll. «L'Œuvre», 1996, 108 p.(ISBN2-911606-02-7).
Naissance et effondrement du régime communiste en Russie, Paris, Librairie générale française, coll. «Le Livre de Poche. Références», 1997[32], 152 p.(ISBN2-253-90538-0) (réunit des cours donnés au Collège universitaire français de Moscou).
Nazisme et Communisme. Deux régimes dans le siècle (Marc Ferro, éd.), Paris, Hachette, Pluriel, 1999, 278 p.
Russie, peuples et civilisations (Marie-Hélène Mandrillon et Marc Ferro, dir.), Paris, La Découverte, coll. «La Découverte-poche. L'État du monde», 2005, 203 p.(ISBN2-7071-4547-5).
Histoire des colonisations: des conquêtes aux indépendances (XIIIe – XXesiècles), Paris, Le Seuil, coll. «L'Univers historique», 1994[34], 525 p.(ISBN2-02-018381-1).
Le Choc de l'Islam (XVIIIe – XXIesiècles), Paris, Odile Jacob, coll. «Histoire», 2002[35], 270 p.(ISBN2-7381-1146-7).
Le Livre noir du colonialisme: XVIe – XXIesiècles, de l'extermination à la repentance, Paris, Éditions Robert Laffont, 2003[36], 843 p.(ISBN2-221-09254-6).
La Colonisation expliquée à tous, Paris, Le Seuil, 2016, 144 p.(ISBN978-2-02-117514-1).
Première Guerre mondiale
La Grande Guerre: 1914-1918, Paris, Gallimard, coll. «Idées», 1968, 384p.
Frères de tranchées (avec Malcolm Brown, Rémy Cazals et Olaf Mueller), Paris, Perrin, 2005, 268p. – 8 p. de pl.(ISBN2-262-02159-7).
Seconde Guerre mondiale
Pétain, Paris, Fayard, 1987[37], 789p. (ISBN2-213-01833-2); réédition: 1993, 1994. Adapté au cinéma, par Jean Marbœuf, 1995.
Fritz Thyssen, un nazi récalcitrant, p.9 à 16, Présentation de Fritz Thyssen, J'ai payé Hitler, Nouveau monde, 2019.
Histoire et cinéma
Analyse de film, analyse de sociétés: une source nouvelle pour l'Histoire, Paris, Hachette, coll. «Pédagogies pour notre temps», 1974, 135 p.(ISBN2-01-002589-X).
Cinéma et Histoire, Paris, Denoël et Gonthier, coll. «Bibliothèque Médiations», 1977, 168 p. - 12 p. de pl.
Film et histoire, Paris, Éditions de l'EHESS, coll. «L'Histoire et ses représentations», 1984[39], 161 p. - 8 p. de pl.(ISBN2-7132-0854-8).
Le Cinéma, une vision de l'histoire, Paris, Le Chêne, 2003, 163 p.(ISBN2842773926).
Sur l'écriture et le rôle de l'histoire
Comment on raconte l'histoire aux enfants: à travers le monde entier, Paris, Payot, coll. «Aux origines de notre temps», 1981[40], 316 p.(ISBN2-228-56020-0).
L'Histoire sous surveillance: science et conscience de l'histoire, Paris, Calmann-Lévy, coll. «Intelligence de l'histoire», 1985, 216 p.(ISBN2-7021-1393-1).
Que transmettre à nos enfants (avec Philippe Jammet et Danièle Guilbert), Paris, Le Seuil, 2000, 224 p.(ISBN2-02-032957-3).
Les Tabous de l'histoire, Paris, Nil, 2002, 151 p.(ISBN2-84111-147-4).
L'Aveuglement: Une autre histoire de notre monde, Paris, Tallandier, 2015[41], 304 p.(ISBN979-1-0210-0540-2)
L'Histoire (1871-1971), Paris, Centre d'études et de promotion de la lecture, coll. «Dictionnaires du savoir moderne. Les Idées, les œuvres, les hommes», 1971, 2 vol. (vol.1: Les idées et les problèmes, 512 p.; vol.2: Les faits, 577 p.)
Comprendre les idées du XXesiècle, Verviers (Belgique), Marabout, coll. «Marabout Université», 1977, 254 p. (cet ouvrage reprend les articles essentiels de L'histoire de 1871 à 1971: les idées et les problèmes).
Une histoire du Rhin (Pierre Ayçoberry et Marc Ferro, dir.), Paris, Éditions Ramsay, coll. «Des Fleuves et des hommes», 1981, 459 p. – 32 p. de pl.(ISBN2-85956-237-0).
Une histoire de la Garonne (Janine Garrisson et Marc Ferro, dir.), Paris, Éditions Ramsay, coll. «Des Fleuves et des hommes», 1982, 616 p. – 16 p. de pl.(ISBN2-85956-303-2).
Dix leçons sur l'histoire du vingtième siècle, Paris, Vigot, coll. Essentiel, 1996.
Les Sociétés malades du progrès, Paris, Plon, 1998, 219 p.(ISBN2-259-02093-3).
Histoire de France, Paris, Odile Jacob, coll. «Histoire», 2001, 764 p.(ISBN2-7381-0927-6).
Les Individus face aux crises du XXesiècle: l'histoire anonyme, Paris, Odile Jacob, coll. «Histoire», 2005, 430 p.(ISBN2738115683).
1933. Comment l'Allemagne est devenue nazie (1974), Marc Ferro et Marie-Louise Derrien[53];
Du Ku Klux Klan aux Panthères noires (1974), Marc Ferro[54],[55];
De Marx à la révolution mondiale. Naissance, formes, devenir du processus révolutionnaire (1974), Marc Ferro[55];
Algérie 1954, la révolte d'un colonisé (1974), Marc Ferro et Marie-Louise Derrien[56],[55];
Une histoire de la médecine (1978-1981), Marc Ferro et Jean-Paul Aron, série de 8 documentaires de 52 minutes réalisés avec Claude de Givray, Jean-Louis Fournier et Pierre Gauge, diffusée sur France 3 en 1981[57],[58];
L'histoire commence à 20 heures. Marc Ferro et la question arménienne (1984-1985), Marc Ferro, Antenne 2, épisode pilote d'une série non réalisée[59];
Le XXesiècle - Esquisses (1986), Marc Ferro et Pierre Gauge, CNRS, deux court-métrages d'une minute[60];
Une minute d'histoire (1988), Marc Ferro et Pierre Gauge, RAI, série de 60 court-métrages d'une minute[61];
Histoire parallèle (1989 à 2001) série de 630 émissions de 50 minutes comparant avec 50 années d'écart les actualités cinématographiques des belligérants de la Seconde Guerre mondiale.
Sophie Coeuré, Martine Lemaître, Marie-Hélène Mandrillon, Rosa Olmos, Valérie Tesnière et Laurent Véray, «Dans l'atelier de Marc Ferro, Journée d'étude, 7 mars 2017, Université Paris-Nanterre», Matériaux pour l'histoire de notre temps, vol.125-126, , p.63-70 (ISSN1952-4226, lire en ligne, consulté le ).
Anne-Claude Ambroise-Rendu et Isabelle Veyrat-Masson, «Entretien avec Marc Ferro: guerre et images de guerre», Le Temps des médias, vol.4, no1, , p.239-251 (lire en ligne).
Catherine De Montlibert, «Marc Ferro, Naissance et effondrement du régime communiste en Russie», Politique étrangère, vol.63, no3, , p.682-683 (lire en ligne).
Hédi Dhoukar, «Marc Ferro, Histoire des colonisations. Des conquêtes aux indépendances XIIIe – XXesiècles», Hommes & Migrations, vol.1183, , p.56-58 (lire en ligne).
Michel Bodin, «Marc Ferro, Le choc de l'Islam (XVIIIe – XXIesiècle)», Guerres Mondiales et Conflits Contemporains, vol.213, no1, , p.105-125 (lire en ligne).
Philippe Dewitte, «Marc Ferro, Le livre noir du colonialisme. XVIe – XXIesiècle: de l'extermination à la repentance», Hommes & Migrations, vol.1244, , p.142-143 (lire en ligne).
Rainer Riemenschneider, «Marc Ferro, Comment on raconte l'Histoire aux enfants à travers le monde entier», Histoire de l'éducation, vol.14, , p.122-127 (lire en ligne).
Bertrand Le Gendre, «Le Retournement de l'Histoire et De Gaulle expliqué aujourd'hui, de Marc Ferro: des ruses de l'Histoire», Le Monde, (lire en ligne).
Antoine de Baecque, «Autobiographie intellectuelle et Mes histoires parallèles, de Marc Ferro: Marc Ferro, un regard de profil», Le Monde, (lire en ligne).
(en) Kevin J. Callahan, «Marc Ferro (1924- )», dans Philip Daileader et Philip Whalen (dir.), French Historians, 1900-2000: New Historical Writing in Twentieth-Century France, Chichester / Malden (Massachusetts), Wiley-Blackwell, , XXX-610p. (ISBN978-1-4051-9867-7, présentation en ligne), p.239-251.