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technique de mesure à distance De Wikipédia, l'encyclopédie libre
La télédétection par laser ou LIDAR, acronyme de l'expression en langue anglaise « light detection and ranging » ou « laser imaging detection and ranging » (soit en français « détection et estimation de la distance par la lumière » ou « par laser »), est une technique de mesure à distance fondée sur l'analyse des propriétés d'un faisceau de lumière renvoyé vers son émetteur.
À la différence du sonar qui utilise des ondes acoustiques et du radar qui emploie des ondes électromagnétiques de plus basse fréquence (ondes radio), le lidar utilise des ondes électromagnétiques proches de la lumière visible (du spectre visible, infrarouge ou ultraviolet). La lumière utilisée par le lidar est presque toujours issue d’un laser, ce qui permet d'avoir une source lumineuse directionnelle, monochromatique, polarisée, de haute amplitude et cohérente.
Le principe de la télémétrie (détermination de la distance d’un objet), qui concerne une grande partie des applications du lidar, requiert généralement l’utilisation d’un laser impulsionnel. La distance est donnée par la mesure du délai (aussi appelé « temps de vol ») entre l’émission d’une impulsion et la détection d’une impulsion réfléchie, connaissant la vitesse de la lumière. Quand la source laser est entretenue et modulée en fréquence, on parle de lidar FMCW (Frequency Modulated Continuous Wave).
Une autre classe d’applications permet de déterminer la vitesse de l’objet visé en employant un laser à spectre d’émission fin (une fréquence bien déterminée) et en mesurant l'effet Doppler-Fizeau, c'est-à-dire le décalage de la fréquence de l’onde réfléchie et reçue.
Beaucoup d’autres paramètres (concentrations de gaz et de particules spécifiques, densité, température, etc.) peuvent être mesurés dans l’atmosphère et les autres milieux diffus si l’on sait isoler l’effet des différentes interactions entre la lumière et la matière le long du faisceau laser.
Le lidar, instrument de télédétection active[1], trouve des applications en topographie[2] (géomorphologie, altimétrie et bathymétrie), géosciences (risque sismique[3],[4], météorologie[5], physique de l’atmosphère[6]) et sciences de l’environnement (étude de la pollution atmosphérique[7], agronomie & sylviculture[8]), mais aussi dans l’archéologie[9], la prospection éolienne[10], la régulation du trafic aérien[11], le guidage automatique[12] de véhicules terrestres ou spatiaux, ou encore la sécurité routière[13] ou l'industrie militaire[14].
Peu après leur invention au début des années 1960, les premiers lasers à rubis naturellement impulsionnels de Théodore Maiman sont exploités pour la télémétrie fine à grande distance. Aux États-Unis, Louis Smullin et Giorgio Fiocco du Massachusetts Institute of Technology (MIT) les emploient pour mesurer précisément la distance Terre-Lune en (Project Luna See)[15], alors que Guy Goyer et Robert Watson du National Center for Atmospheric Research (NCAR) les appliquent parallèlement à la mesure de la hauteur des nuages[16]. Ils appellent leur système « radar optique ».
L’utilité et la précision des systèmes lidar deviennent connus du grand public en 1971 lors de la mission Apollo 15[17], qui cartographie la Lune à l’aide d’un altimètre laser. Alors que le mot lidar avait originellement été créé par l’assemblage de « light » et « radar »[18], on considère à partir de cette même époque que leur dénomination est plutôt l’acronyme de « Light Detection And Ranging » ou « Laser Imaging Detection And Ranging », à l’instar de radar ou sonar.
Le terme lidar couvre une très grande variété de systèmes de mesure à distance par laser. Mais ces systèmes sont parfois désignés autrement. On trouve parfois l'acronyme « LADAR » (LAser Detection And Ranging), qui est plutôt utilisé dans le domaine militaire sur des cibles dures ou dans la littérature anglo-saxonne[19]. On trouve également le sigle « ALSM » (Airborne Laser Swath Mapping)[20] pour les applications spécifiques de topographie aéroportée. En français, l'expression « radar laser » est improprement employée par analogie, surtout pour les jumelles de contrôle de vitesse en sécurité routière[13].
Alors que le terme radar est maintenant lexicalisé, l'écriture de son équivalent optique ne fait l’objet d’aucun consensus. Si bien que l’on peut trouver dans différentes publications de référence, parfois même dans le même document, les acronymes « LIDAR », « lidar », « Lidar » ou « LiDaR ».
Le marché du LiDAR automobile devrait croître d'environ 15 fois en cinq ans pour atteindre 4,7 milliards de dollars en 2028[21].
De manière générale, le fonctionnement du lidar ressemble à celui du radar (basé sur l'écholocalisation), la différence étant le domaine spectral des ondes électromagnétiques employées. Alors que le radar fonctionne dans le domaine des micro-ondes (fréquences de 1 à 100 GHz, longueurs d’onde millimétriques et centimétriques), le lidar est fondé sur des lasers rayonnant dans le domaine infrarouge, le domaine visible ou le domaine ultraviolet proche (fréquences au-delà de 10 THz, longueurs d’onde de 250 nm à 10 µm). Dans les deux cas, l’onde électromagnétique émise est cohérente et polarisée. Mais dans le domaine spectral visible, elle est beaucoup plus directive et elle peut interagir avec des objets de taille microscopique.
Un lidar est un système opto-électronique composé d’un émetteur laser, d’un récepteur comprenant un collecteur de lumière (télescope ou autre optique) et un photodétecteur qui transforme la lumière en signal électrique, ainsi que d’une chaîne électronique de traitement du signal qui extrait l’information recherchée.
Excepté à courte portée (moins d'un kilomètre), afin de capter un signal suffisamment fort, il est nécessaire d’utiliser :
D’autre part, un filtrage de la lumière reçue est indispensable pour s’affranchir de la lumière de l’environnement, qui constitue un fort parasite. On filtre le plus souvent à la fois :
Par opposition à cette détection dite « directe », il existe des lidars à détection dite « cohérente » ou « hétérodyne », identique à celle du radar. Dans ce cas, on effectue à la réception un mélange entre l’onde lumineuse reçue et une partie de l’onde émise, qui a été décalée d’une fréquence connue, par exemple par un modulateur acousto-optique (onde dite « d’oscillateur local »). L’interférence de ces deux ondes génère un terme oscillant autour de cette fréquence dans le signal de sortie du photodétecteur, en plus des termes proportionnels à la puissance reçue et à la puissance d’oscillateur local. En filtrant électroniquement le signal dans une bande étroite autour de la fréquence en question, on obtient un signal dit « hétérodyne ».
Avec la puissance et la phase, désignant l'onde reçue et désignant l'oscillateur local, on a l'intensité du signal, dépendant du temps , qui est proportionnelle à :
où est le décalage en fréquence fixe introduit sur l'oscillateur local, est la vitesse radiale de la cible et la longueur d'onde du laser.
Ce procédé a plusieurs intérêts :
Le lidar cohérent doit faire face à quelques difficultés en contrepartie :
Ce système est directement applicable à la mesure précise de la vitesse de la cible via l’effet Doppler, exactement sur le même principe qu’en radar Doppler. Cet effet provoque un décalage en fréquence de l’onde réfléchie par un objet proportionnellement à sa vitesse en direction de l’observateur, dite vitesse radiale.
Il est difficile de classifier les lidars par principe ou par application ; toutefois, dans la suite, on se propose de les aborder par le type de cible (dure ou diffuse) et le type d’interaction lumière/matière qu’ils observent.
Le type de lidar le plus simple et le plus répandu demeure le télémètre laser qui calcule directement la distance d’un objet réfléchissant les impulsions laser émises, à partir de la différence de temps entre l’émission d'une impulsion et la réception de l’écho le plus important :
avec la vitesse de la lumière (environ 299 800 km s−1). La précision de cette mesure est inversement proportionnelle à la durée de l’impulsion et augmente avec l’énergie que l’on est parvenu à récupérer sur le photodétecteur du lidar.
On appelle « équation lidar » le bilan de liaison du lidar entre son émission et sa réception, c’est-à-dire l’énergie lumineuse de l’impulsion rétrodiffusée par une cible (supposée lambertienne, c'est-à-dire qui diffuse la lumière uniformément) située à une distance et captée par le lidar[22] :
Dans cette équation :
Application numérique : pour , (propagation sur 1 km en visée horizontale en visibilité moyenne), (optiques et filtres compris), cm2 (optique de 5 cm de diamètre), , cible résolue à une distance km, on a :
Seul un dix-milliardième de l’énergie émise est récupérée à la réception.
Le laser émet de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de milliers d’impulsions chaque seconde. En y associant un système de balayage angulaire (« scanner », typiquement à l’aide de miroirs qui dévient l’axe d’émission et de réception d’un angle connu), où en profitant du déplacement connu du porteur du lidar (avion ou satellite), on est capable de localiser les nombreux échos recueillis dans l’espace à trois dimensions. Ceci permet la cartographie en 3D de la surface de la cible du lidar, avec une précision qui peut atteindre quelques centimètres, ou une portée qui peut atteindre plusieurs centaines de kilomètres pour des systèmes spatiaux.
Parmi les très nombreuses applications de ces lidars, on peut citer :
De par sa capacité à détecter un décalage en fréquence, le lidar à détection cohérente s'applique directement à la mesure de vitesse d'une cible dure.
Le signal hétérodyne, partie variable du courant en sortie du photodétecteur (en A), s’écrit :
avec le décalage fixe imposé à l’oscillateur local, la vitesse radiale de la cible (projetée vers le lidar), la longueur d’onde émise et donné par l’équation lidar adaptée au cas du lidar cohérent (en supposant l’émission laser continue) :
Dans cette équation, plusieurs termes nouveaux apparaissent (les autres sont explicités dans la sous-section précédente) :
Le traitement du signal s’effectue par l’estimation de la fréquence instantanée du signal hétérodyne (opération parfois appelée démodulation, comme en radio), afin de remonter à la vitesse de la cible. Il est à noter que, le lidar ayant une longueur d’onde 10 000 fois plus courte que le radar, la sensibilité en vitesse est d’autant décuplée par rapport aux radar Doppler : 1 MHz de décalage en fréquence correspond approximativement à une vitesse de 1 m/s. Sur des périodes longues, avec une émission laser continue visant une cible dure, on est ainsi capable de sonder des vitesses inférieures au micromètre par seconde.
Applications:
Jusqu’à la fin des années 1990, seuls d’imposants et coûteux lasers à gaz CO2 (infrarouge thermique, µm) avaient les caractéristiques nécessaires de finesse spectrale et de puissance, réservant ce lidar à des applications militaires apparentées au radar[32]. Il s’agit principalement de l’imagerie/télémétrie/vélocimétrie à très grande portée (jusqu’à plusieurs centaines de kilomètres). Il est possible d’aller sonder jusqu’à la forme et les mouvements des satellites et débris spatiaux en orbite terrestre basse, inaccessible aux radars, dont le faisceau est trop divergent.
Par la suite, le développement des lasers fibrés (infrarouge proche, µm), compacts, robustes et moins onéreux, ont ouvert d’autres champs d’application sur cible dure, notamment la vibrométrie laser à grande distance :
Les lidars peuvent effectuer des mesures à travers différents milieux diffus (océan, forêt) outre l’atmosphère, mais nous nous concentrerons sur ce dernier cas, majoritaire et représentatif. Dans l’atmosphère, il s’agit d’analyser les échos lumineux provenant des molécules de l’air ou des particules (aérosols, gouttelettes d’eau ou cristaux de glace) en suspension dans la colonne traversée par le faisceau laser. On étudie l’intensité de la rétrodiffusion ou de l’atténuation de la lumière par ces constituants. Comme dans une échographie, le signal reçu représente une coupe de l’atmosphère.
La difficulté du traitement de ce signal est de séparer les effets d’atténuation de ceux de la rétrodiffusion, ainsi que la contribution respective des particules en suspension et des différentes molécules[39]. C’est un cas exemplaire de problème inverse mal conditionné pour lequel on tente, avec peu d’observables mais un bon modèle mathématique du système physique observé, de remonter aux paramètres caractéristiques du système. Si l’on sait résoudre ce problème, on peut alors accéder à la densité et la concentration de constituants de l’atmosphère, leurs propriétés optiques qui renseignent sur leur nature, mais aussi des paramètres physiques tels que la température ou la vitesse des vents, en fonction de l’altitude. On parle donc « d'inverser » le signal lidar pour le fait de résoudre l'équation qui le décrit.
L’extinction (atténuation) et la rétrodiffusion sont en effet la somme de termes associés aux différentes particules et molécules présents dans l’atmosphère, et dépendent parfois fortement de la longueur d’onde. Chaque terme est le produit de la concentration de l’espèce (en m-3) par la section efficace d’interaction (en m2 pour l’extinction ou m2.sr-1 pour la rétrodiffusion). Ces sections efficaces donnent une idée de l’ordre de grandeur des phénomènes d’interaction.
Importance des interactions lumière-atmosphère en termes de section efficace de rétrodiffusion[40] :
Interaction | Section efficace de rétrodiffusion | Caractéristiques |
---|---|---|
Diffusion de Mie (particules aérosols) | 10-8 - 10-10 cm2sr-1 | Instantanée, élastique (même longueur d’onde) |
Fluorescence résonnante (ex : espèces métalliques) | 10-13 cm2sr-1 | Instantanée, inélastique (changement de longueur d’onde) |
Fluorescence (ex : aérosols biologiques) | 10-19 cm2sr-1 | Retardée, inélastique |
Diffusion Rayleigh (molécules) | 10-27 cm2sr-1 | Instantanée, élastique |
Diffusion Raman (molécules) | 10-30 cm2sr-1 | Instantanée, inélastique |
Les observations lidar sont principalement représentées sous deux formes :
On peut classer les lidars atmosphériques suivant le phénomène d’interaction observé.
Ces lidars sont pour la plupart basés sur des lasers puissants (énergie de plus de 10 mJ par impulsion) émettant entre le proche infrarouge et le proche ultraviolet. La longueur d'onde sera choisie courte si l'on souhaite maximiser l’interaction avec les molécules et petites particules (cas Rayleigh/Raman)[41], ou longue dans le cas contraire (cas Mie). De nos jours, les lasers au néodyme, émettant à 1 064 nm (proche infrarouge), 532 nm (vert) et/ou 355 nm (proche ultraviolet) par doublage ou triplage de fréquence, sont souvent employés.
On étudie la rétrodiffusion directe des constituants de l’atmosphère à la même longueur d’onde que celle qui a été émise. La diffusion est dite « élastique » : elle se produit sans échange d’énergie entre les photons incidents et le diffuseur rencontré. On distingue la diffusion « Rayleigh » des molécules (la taille du diffuseur est largement inférieure à la longueur d’onde utilisée) de la diffusion « de Mie » des particules aérosols (la taille du diffuseur est du même ordre de grandeur que la longueur d’onde utilisée).
L'« équation lidar » est dans ce cas l’expression de la distribution verticale d’énergie lumineuse rétrodiffusée par une tranche d'atmosphère d'épaisseur et captée par le lidar, en fonction de l’altitude , que l'on cherche le plus souvent à résoudre pour trouver le profil d'extinction ou de rétrodiffusion [41]:
Dans cette équation :
Il est à noter que les coefficients d’extinction et de rétrodiffusion sont la somme de contributions particulaire () et moléculaire () évoluant différemment avec la longueur d'onde et l'altitude :
Sachant que l'énergie exacte transmise est rarement connue avec suffisamment de précision, l'équation lidar devient une équation à 5 inconnues au total. Il faut user d'hypothèses simplificatrices pour la résoudre.
Applications : De manière générale, les systèmes Rayleigh/Mie sont très divers et conçus spécifiquement en vue d'une application particulière (sol ou aéroporté, particules/molécules, basse ou haute altitude). Beaucoup mettent en œuvre de multiples canaux (Rayleigh, Mie, Raman, dépolarisation…) simultanément pour maximiser le nombre d'observations.
Plusieurs modèles de lidar Rayleigh-Mie sont commercialisés depuis le milieu des années 2000[44] et commencent à équiper des réseaux de surveillance de la basse atmosphère à l'échelle nationale et internationale[45]. Un réseau mondial de lidar à micro-impulsions (émettant des milliers d'impulsions microjoules par seconde, plutôt que les quelques dizaines d'impulsions millijoules par seconde des lidars), MPLNET, a notamment été développé par la NASA[46] :
|
Le système communément appelé « lidar vent » est un lidar à diffusion de Mie à détection cohérente hétérodyne, monostatique (une seule optique d'émission et de réception), pour la mesure du champ de vent dans la couche limite atmosphérique : il donne vitesse et direction du vent en fonction de l'altitude, potentiellement jusqu'à 1 ou 2 km, dans la couche proche du sol où des particules (aérosols) réfléchissent son émission. Il s'agit donc d'une version dans le spectre visible du profileur de vents.
L'amplitude du signal peut-être exploitée pour calculer la concentration des aérosols, mais on s'intéresse majoritairement à la phase du signal, dont la dérivée est proportionnelle à la vitesse radiale (projetée sur l'axe du faisceau) du vent Vr de par l'effet Doppler.
S'il n'a accès qu'à la composante radiale de la vitesse du vent, comme figuré ci-contre, une mesure suivant 3 axes ou plus (avec une précision ~cm/s) suffit en théorie à reconstituer, par changement de base, le vecteur vent en trois dimensions (avec une précision meilleure que le m/s). En pratique, on opère souvent un balayage du faisceau incliné suivant un cône autour de la verticale[58], pour mesurer la vitesse suivant des axes multiples.
Applications : Développé dans les années 1980 pour la dynamique atmosphérique par la NOAA à l'aide d'imposants laser CO2 (longueur d'onde 10,6 µm) continus puis des lasers solides Tm/Ho:YAG (2 µm)[59], il se répand plus largement dans les années 2000 grâce à la technologie des lasers à fibre à 1,55 µm[60],[58] dont les composants issus de l'industrie des fibres optiques pour les télécommunications sont fabriqués en grande série. Il est à noter que la résolution en distance est parfois obtenue par défocalisation sur des systèmes fibrés à émission continue[61], le rendement hétérodyne étant beaucoup plus élevé au point de focalisation d'un faisceau convergent.
On étudie la rétrodiffusion « Raman » de la lumière sur un constituant de l’atmosphère à une longueur d’onde λ différente de celle de l’émission λ0, choisie a priori, et caractéristique d’un composé chimique. Toutefois, ce type de diffusion a typiquement moins d’une chance sur mille de se produire pour chaque photon diffusé, ce qui rend le signal ténu et difficile à isoler.
La diffusion Raman est dite « inélastique », c’est-à-dire qu’il y a échange d’énergie entre le photon et la molécule qui le diffuse ; le photon peut mettre en vibration ou en rotation la molécule au repos, ou absorber l’énergie de vibration ou de rotation d’une molécule excitée. De par la mécanique quantique, les niveaux d’énergie vibro-rotationnels accessibles aux molécules sont quantifiés, et spécifiques à celles-ci. Le spectre de diffusion Raman consiste donc en une série de raies à des longueurs d’onde particulières. C’est une « empreinte digitale » de la molécule. De plus, l’intensité des raies est directement proportionnelle à la concentration des molécules dans l’atmosphère, et leur importance relative dépend de la statistique d'excitation des molécules et peut renseigner sur la température.
Pour l’exploiter, il faut employer à la réception un monochromateur ou plusieurs filtres interférentiels étroits afin de sélectionner ces raies. Un laser de forte puissance est indispensable pour compenser la faiblesse de la diffusion Raman par rapport à la diffusion élastique classique. La mesure de jour en présence de lumière solaire reste difficile.
En contrepartie, l’équation du lidar Raman est simple à résoudre car la rétrodiffusion n’est le fait que d’une seule espèce chimique. Elle s'écrit dans ce cas :
Dans cette équation :
Cette équation se résout donc facilement si l’on dispose d’un canal de réception « élastique » en parallèle, ou si l’on fait le rapport de la diffusion Raman de deux espèces à des longueurs d'onde proches.
Applications : À longue portée dans l'atmosphère, cette technique relativement nouvelle (années 1990) nécessite des lasers puissants qui sont le plus souvent l’apanage des laboratoires de recherche, mais quelques lidars Raman atmosphériques commerciaux ont récemment été mis sur le marché[67]. On peut envisager à terme un véritable lidar météorologique qui fournirait température et humidité atmosphériques en lieu et place des radiosondes actuellement utilisés en météorologie opérationnelle[5].
À plus courte portée, le lidar Raman serait applicable au contrôle à distance de l’alcoolémie des automobilistes par l’analyse du taux d’alcool dans l’habitacle de la voiture[73] (bien que la réalité de cet appareil ait été remise en cause depuis). Plus vraisemblablement, il a servi à la détection de substances[74],[75] et à la localisation de fuites de gaz[76], toxiques ou dangereux, à distance de sécurité ou dans des installations inaccessibles.
La fluorescence est le phénomène par lequel à la suite de l'excitation d'une molécule ou d’un atome par absorption d'un photon, un autre photon est immédiatement ré-émis (exemple de photoluminescence).
Cette ré-émission peut se faire à la même énergie et longueur d'onde (fluorescence résonnante) ou à une énergie inférieure (et longueur d'onde plus grande) lorsqu'il y a eu une légère relaxation non radiative entre-temps (10-10 s). Dans tous les cas, l'excitation a une durée de vie pouvant aller jusqu'à 10-7s et la ré-émission se fait statistiquement avec un léger retard, en suivant une décroissance exponentielle. Il est à noter que contrairement à la diffusion, la ré-émission fluorescente est pratiquement isotrope, c'est-à-dire qu'elle se fait indifféremment dans toutes les directions.
La fluorescence peut évidemment être induite par laser, à distance :
Un lidar à fluorescence avec une émission dans le domaine ultraviolet et une réception filtrée dans le domaine visible est ainsi capable de détecter la présence et la concentration de molécules organiques fluorochromes, à distance. Cela rend possible une télédétection spécifique du vivant dans l'atmosphère ou dans l'océan.
Par ailleurs, en visant des cibles dures tout en profitant de la résolution temporelle du lidar, on peut détailler la décroissance de la fluorescence avec le temps (la réémission peut durer plusieurs dizaines de nanosecondes), ce qui permet parfois de reconnaître le matériau de la cible (« spectrofluorométrie résolue dans le temps »).
Une première difficulté du lidar à fluorescence moléculaire réside dans la dilution temporelle (plusieurs dizaines de nanosecondes) et spectrale (plusieurs dizaines voire centaines de nm) de l'énergie réémise. Ceci complique fortement l’isolation de la réception du lidar des sources de lumière parasite et limite la portée de ces systèmes. Dans beaucoup de cas visant une espèce particulière, une autre difficulté demeure le réglage précis de la longueur d’onde d’émission laser sur la raie d’absorption de l’espèce étudiée.
D'autre part, si la détection de fluorophores (particules fluorescentes) est aisée, la détermination précise de leur concentration peut devenir assez complexe :
Typiquement, dans l'atmosphère, pour une couche de concentration (en m-3) dont le plancher se trouve à une altitude , l'équation lidar devient dans le cas d'une fluorescence longue devant la durée d'impulsion et la résolution temporelle[41] :
avec :
où est la fonction de Heaviside.
Une correction apparentée à une déconvolution est possible pour remonter à la concentration des particules fluorophores. Il faut alors connaître leur coefficient d'extinction massique et le temps caractéristique de fluorescence, ce qui implique de savoir leur nature exacte et d'avoir caractérisé ces propriétés en laboratoire. Dans le cas où la durée de l'impulsion n'est pas négligeable, il faut également connaître la forme de celle-ci.
Applications :
Plusieurs espèces non organiques de la haute atmosphère peuvent aussi être caractérisées par leur spectroscopie de fluorescence dite résonnante, si elles sont excitées à la longueur d'onde d'une raie spectrale d'absorption/émission. On étudie ainsi les confins de la mésosphère où des espèces métalliques telles que le sodium et le fer sont constamment déposées par les météores, ou l'azote ionisé de l’ionosphère, malgré la distance (~100 km)[81].
Espèce | Na | Fe | K | Ca | N2+ |
---|---|---|---|---|---|
Longueur d'onde | 589,1 nm | 372,1 nm | 766,6 / 770,1 nm | 422,8 nm | 393,8 nm |
Le principe physique est le même pour les différentes espèces citées :
Parce que les impulsions laser sont émises en résonance avec la raie de l'espèce étudiée, la puissance ré-émise est magnifiée d'un facteur 1014 par rapport à la simple diffusion Rayleigh.
En utilisant un laser modeste (impulsions de quelque 10 mJ) et un télescope de taille métrique, un lidar à fluorescence résonnante peut sonder température et vent au-delà de la mésopause (80 km) en quelques minutes. Ces deux mesures sont directes (sans supposition de densité de l'air ou d'équilibre hydrostatique) et simultanées.
Applications :
Un puissant concurrent du lidar à diffusion Raman (très ténue et difficile à observer de jour ou à grande distance) pour la mesure de concentration de gaz traces dans l'atmosphère est le lidar à absorption différentielle (en anglais : Differential Absorption Lidar, DIAL).
Son principe est le suivant :
En effet, d'après l'équation lidar, on a pour chacune des deux longueurs d'onde ON et OFF :
d'où pour le ratio des énergies :
Or, si est le profil de concentration de l'espèce recherchée (en m-3), sa section efficace d'absorption (en m2), et proche de :
Donc, avec la différence de section efficace d'absorption entre les deux longueurs d'onde et :
et on peut déterminer :
La figure ci-dessus répertorie quelques espèces gazeuses mesurables par cette technique[84], en plaçant leur raies d'absorption sur le spectre UV-Visible-IR, et les types de laser utilisés pour ce faire. Il est à noter que certaines espèces présentes sous forme d'aérosols sont aussi sondables de cette manière[85].
Certains lidar DIAL utilisent la technique de la détection hétérodyne[84] pour s'affranchir totalement du parasite de la lumière ambiante et effectuer des mesures de jour comme de nuit.
Plusieurs difficultés subsistent :
À l'aide de lasers à impulsions femtosecondes, ou maximisant les effets non-linéaires dans des fibres optiques ou cristaux spécifiques, il est possible de générer des impulsions lumineuses de spectre très large, couvrant des bandes spectrales de plusieurs micromètres (lumière blanche). On appelle une telle émission « supercontinuum ».
Ceci a amené à envisager un lidar supercontinuum, pour la résolution de l'équation lidar à toutes longueurs d'onde afin d'accéder simultanément à la concentration des espèces gazeuses polluantes[94], aux distributions de taille des aérosols[95] et aux molécules organiques fluorescentes[96]. Le système franco-allemand Téramobile[97] en est une incarnation renommée.
Toutefois, par la dispersion spectrale de leur puissance et les effets dissipatifs de la propagation dans l'atmosphère des faisceaux en régime de forte puissance crête, un problème de bilan de liaison limite la portée et, par conséquent, les applications de ces systèmes. Les derniers travaux à longue portée que l'on peut trouver remontent à la fin des années 2000[98], alors que les travaux récents se concentrent sur la discrimination de gaz à courte portée, sans résolution en distance[99].
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