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dernier livre du Nouveau Testament De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Apocalypse est un mot grec ancien signifiant révélation, dévoilement, qui a donné son nom au Livre de l'Apocalypse, ou Apocalypse de Jean, (en grec ancien : Ἀποκάλυψις Ἰησοῦ Χριστοῦ, Apokálupsis Iēsou Christoũ) suivant les premiers mots du texte[1]. Il s'agit du dernier livre du Nouveau Testament[2]. Dans les pays de culture anglophone, il s'intitule Livre de la Révélation, ou Révélation de Jésus-Christ.
Apocalypse | ||||||||
Frontispice de l'Apocalypse de Jean de la Bible de Saint-Paul-hors-les-Murs, vers 875. | ||||||||
Auteur traditionnel | Jean de Patmos | |||||||
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Datation historique | entre 60 et 96 (95 selon le Monastère de Patmos) | |||||||
Nombre de chapitres | 22 | |||||||
Canon biblique | Livre apocalyptique | |||||||
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Le texte, usant d'un langage symbolique, d'essence prophétique et contenant de nombreuses allusions aux prophéties de l'Ancien Testament (Daniel, Ézéchiel, etc.), se présente comme une révélation de Jésus-Christ qui dévoile à l'auteur « quel est le sens divin de son époque et comment le peuple de Dieu sera bientôt délivré ».
L'exégèse historico-critique moderne considère que l'œuvre a été composée vers la fin du Ier siècle et que son auteur, qui connait bien l'Ancien Testament, est judéo-chrétien. Le préambule indique qu'il se prénomme Jean et qu'il se trouve dans l'île de Patmos lorsqu'il reçoit plusieurs visions qu'il devra partager avec ses coreligionnaires ; on le connait donc comme Jean de Patmos. La tradition l'a identifié soit avec l'apôtre Jean, fils de Zébédée, auquel on a également attribué le quatrième évangile canonique, soit avec « Jean le Presbytre », c'est-à-dire « l'Ancien », mais de nos jours on estime qu'il est plus probable qu'il s'agit ni de l'un ni de l'autre[3]. Ces antiques débats témoignent de différentes traditions concernant l'origine du texte, dont la canonicité n'a pas toujours été reconnue par toutes les confessions chrétiennes.
Étymologiquement, le mot « apocalypse » est la transcription du terme grec ἀποκάλυψις / apokálupsis signifiant « dévoilement » ou, dans le vocabulaire religieux, « révélation »[4].
Le terme s'est chargé au fil des siècles d'une série de connotations et de travestissements qui l'ont éloigné de son sens premier, pour souvent évoquer une catastrophe massive et violente[4]. Il est « devenu populaire pour de mauvaises raisons »[5]. Cette évolution est notamment liée à la difficulté d'appréhender son genre littéraire déroutant[6], qui ne trouve pas de comparaison dans la littérature contemporaine[7].
La littérature apocalyptique est un genre littéraire ancien. Il apparaît probablement à l'époque biblique de l'exil à Babylone, au VIe siècle av. J.-C., avec les textes d'Ézéchiel, de Joël et de Zacharie, avant de s'épanouir avec Daniel (vers 165 av. J.-C.), qui sert de modèle à l’Apocalypse de Jean, mais aussi à d'autres apocalypses apocryphes juives et chrétiennes, ou encore aux textes apocalyptiques de Paul de Tarse[8].
Dans les littératures juive et chrétienne, le genre de ces écrits se définit par les relations entre leur forme, leur contenu et leur fonction, sans qu'ils appartiennent pour autant à un mouvement ou un milieu particulier. Ils ne témoignent d'aucun courant théologique spécifique et peuvent véhiculer des idéologies très éloignées, voire contraires[4]. S'ils présentent une grande diversité, ils ont en commun un usage prononcé de l'allégorie et du symbolisme[9].
On peut déceler comme point commun à ce genre prophétique une ossature narrative qui a pour fondement une vision-révélation divine transmise à un homme[1], généralement par un être surnaturel[10], dans une représentation du monde caractérisée par deux niveaux de réalité : celui de l'expérience humaine perceptible, et celui d'une réalité supranaturelle, invisible et inaccessible à l'expérience courante mais déterminante pour le destin humain[4]. La révélation elle-même est présentée comme procédant d'une réalité transcendante et comprend à la fois une dimension temporelle, dans la mesure où elle propose un salut eschatologique, et spatiale, dans celle où elle annonce l'imminence d'un monde nouveau[1].
La limite entre l'ancien monde arrivé à son terme et le nouveau en passe de s'accomplir, est marquée par l'intervention divine, qui juge les impies et récompense les élus[11]. Trois traits sont également caractéristiques de ce genre de littérature : d'abord, le voyant d'une apocalypse est un écrivain qui, à la différence d'un prophète, consigne ses visions par écrit ; ensuite, ce texte est souvent pseudépigraphique, c'est-à-dire faussement attribué à un auteur ; enfin, le texte fait usage de chiffres, d'objets et de personnages symboliques, sans s'attacher à rendre cohérent ce symbolisme[12].
Plusieurs écrits pseudépigraphes sont également des apocalypses : Apocalypse grecque de Baruch (de), Apocalypse syriaque de Baruch, Apocalypse d'Abraham, Apocalypse de Moïse, Apocalypse d'Élie (en)[13], Apocalypse de Noé[14] ou encore Apocalypse d'Esdras[15].
De nombreux textes apocryphes se réclament du genre ou en portent le nom : Apocalypse de Pierre, Première Apocalypse de Jacques, Seconde Apocalypse de Jacques (en), Apocalypse de Paul, Apocalypse d’Étienne... Si l’Apocalypse de Jean est la seule apocalypse formellement incluse dans le Nouveau Testament, d'autres passages de celui-ci relèvent du même genre : le discours eschatologique de Jésus, dans Matthieu (Mt 24-25), dans Marc (Mc 13) et dans Luc (Lc 21. 5-36), certains passages des Épîtres de Paul (2Th 1. 6-12 ; 2Th 2. 3-12) ou de Pierre (2P 3. 10).
L'Apocalypse n'est pas le seul écrit du Nouveau Testament ayant un auteur nommé Jean[16]. Vers le milieu du IIe siècle, Justin de Naplouse[17] identifie cet auteur à Jean fils de Zébédée[18], l'un des apôtres de Jésus. Il affirme que l'auteur est revenu, après sa détention à Patmos, à Éphèse où il aurait vécu jusqu'au début du règne de Trajan, soit l'an 98. Quelques années plus tard, Irénée de Lyon attribue également l'évangile et les lettres johanniques à l'apôtre[18]. Papias d'Hiérapolis attribue quant à lui ce livre à Jean le Presbytre (ou Jean l'Ancien), qui serait un disciple de Jean l'apôtre, devenu responsable de la communauté d'Éphèse à la fin du Ier siècle. Mais déjà au IIIe siècle, Denys d'Alexandrie procède à une analyse textuelle qui lui fait conclure que l’Apocalypse n'a pas été rédigée par l’auteur de l'évangile johannique, ni des trois premières épîtres qu'il attribue à l'apôtre Jean. Tout comme Papias, il attribue lui aussi le texte apocalyptique à Jean le Presbytre[19]. Au IVe siècle, en se référant à Papias, Polycarpe de Smyrne et Denys d'Alexandrie, l'évêque Eusèbe de Césarée attribue à son tour le texte à Jean le Presbytre[9].
L’attribution traditionnelle apostolique (à l'apôtre Jean), la plus partagée parmi les auteurs ecclésiastiques du monde antique[20], contribue à l'acceptation de la canonicité du texte. Mais cette canonicité s'est faite difficilement, notamment en Orient où l'utilisation du texte par des groupes sectaires comme les adeptes du montanisme l'a rendu suspect.
La théologie orthodoxe contemporaine a pris parti dans le débat sur la datation lorsque les moines orthodoxes de Patmos ont solennellement fêté le dix-neuvième centenaire de la rédaction de l’Apocalypse en 1995.
Ainsi, la confusion règne dans la tradition, car la tradition johannique d’Éphèse — cœur anatolien de celle-ci — a vu se télescoper les deux Jean, l'apôtre et l'auteur de l'Apocalypse[21].
À quatre reprises dans le texte, le voyant s'attribue le nom de Jean, un prénom très fréquent dans les écrits néotestamentaires[19]. Il se décrit comme résidant sur l'île de Patmos « à cause de la Parole de Dieu et du témoignage de Jésus »[22], ce qui est généralement interprété comme un exil forcé à la suite de ce qu'on appellerait aujourd'hui un délit d'opinion[23].
L'analyse exégétique contemporaine s'oppose à la tradition[24]. Rien ne permet en effet d'identifier Jean de Patmos à l'apôtre Jean[3] : avant tout, l'auteur ne revendique jamais ce titre. Il revendique seulement la qualité de serviteur et il affirme que pour lui le groupe des apôtres appartient au passé[25]. Il n'utilise pas davantage le titre d'« Ancien » (« presbytre ») dont parle Papias[3].
L'auteur est vraisemblablement un membre des communautés judéo-chrétiennes d'Asie Mineure, connu des sept Églises[26] auxquelles il s'adresse, et dont le texte peut laisser penser qu'il était un prophète itinérant[3], peut-être distinct des autres prophètes par une certaine autorité[27].
En se fondant sur l'analyse exégétique et textuelle, certains pensent, du fait que le grec utilisé est le plus pauvre des écrits néotestamentaires, que sa langue d'origine est l'araméen ou l'hébreu. Cela rend crédible la thèse qui fait de l'auteur un prophète judéo-chrétien ayant fui la Palestine à la suite de la révolte juive des années 60, et réfugié en Asie Mineure — peut-être à Éphèse — avant de s'exiler à Patmos. Mais ils trouvent peu vraisemblable que ce soit sous la « persécution de Domitien » — une tradition forgée par les apologètes chrétiens du IIe siècle sur la base de la propagande sénatoriale romaine contre la mémoire de l'empereur[28] — et dont la réalité est fortement remise en question par les historiens[19]. Il est même douteux qu'aucune poursuite de chrétiens ait eu lieu en Asie sous son règne[28].
Patmos n'est d'ailleurs pas une île d'exil impérial, et il n'est pas exclu que l'auteur s'y soit rendu de sa propre initiative[29], peut-être à la suite d'une affaire municipale[30]. Car l'orientation de la crise de l’Apocalypse n'est pas nécessairement liée à des évènements politiques particuliers : l'auteur de Patmos apparaît plutôt en conflit avec la société romaine que le contraire. Il porte à la fois un regard critique sur les pouvoirs humains et invite ses auditeurs chrétiens — qui « installés » dans le monde en oublient la proclamation du temps nouveau — à s'envisager de la sorte[11]. Ainsi, la recherche exégétique tend à passer de l'idée d'une « littérature de crise » due aux persécutions, à une littérature cherchant à provoquer une crise dans une période de consensus[31] marquée par la continuité de la Pax Romana[32].
Les relations de cet auteur avec la tradition et l'école johannique sont encore débattues au XXIe siècle. On trouve des points de convergence et des parallélismes entre les deux écrits, mais aussi des différences de forme, tant littéraire que théologique[29]. Une majorité de chercheurs incline à ne pas associer Jean de Patmos aux courants johanniques, même si des contacts ont pu avoir lieu[33].
La majorité des exégètes actuels s'accorde pour dater l’Apocalypse de la fin du règne de Domitien[34], donc entre les années 80 et 96[23]. Ce dernier a développé significativement le culte impérial, particulièrement en Asie Mineure, comme le suggère le récit apocalyptique[35]. Ce culte a pu heurter la foi des chrétiens, eux-mêmes suspects aux yeux de l'empereur, probablement hostile à un groupe entraînant ses membres vers le culte exclusif d'un dieu aniconique[36]. Cette option existe depuis longtemps dans l'exégèse, mais était liée à une persécution de Domitien dont la réalité est désormais profondément remise en cause[37], sans pour autant que la datation de l’Apocalypse le soit elle-même pour cette période[38], qui reste la plus vraisemblable[39].
D'autres datations plus anciennes ont également été proposées. Une estimation haute place sa rédaction sous Néron, durant les années 60[40] (mort en 68), ou à son successeur Galba qui ne régna que sept mois. « La capitale bâtie sur sept collines ne peut être que Rome, que les Romains eux-mêmes aimaient à désigner ainsi. Ses rois sont donc les empereurs romains [Apoc. 17:9-10]. L'auteur écrit pendant le règne du sixième, les cinq premiers appartenant au passé. Après Auguste, Tibère, Caïus, Claude et Néron, nous arrivons à Galba »[41]. [Il régna de la mort de Néron (9 juin 68) à son propre assassinat (16 janvier 69)]. Cette date se réfère également à la tradition des persécutions néroniennes de chrétiens évoquée dans la vision apocalyptique. Cependant, s'il apparaît que Néron, dont la réputation était telle chez les chrétiens qu'il représentait l'Antéchrist[23], semble plutôt avoir inspiré rétrospectivement le parallèle avec Domitien, ses activités antichrétiennes ne semblent pas avoir dépassé le cadre de Rome, à l'occasion de l'incendie de celle-ci. À l'inverse, les tracasseries ou harcèlements de Domitien envers les chrétiens — dont certains refusaient vraisemblablement de s'associer aux cultes publics — semblent s'être plus largement déployés, notamment en Asie Mineure et en Palestine[36]. La tradition chrétiennes ultérieure, influencée par des persécutions plus importantes, a pu amplifier les exactions commises contre les chrétiens et rendre les deux empereurs également coupables[42].
Une estimation intermédiaire est défendue par Israël Knohl et B. J. Capper, qui fixent le début de la rédaction de l'Apocalypse de Jean vers 80.
L’Apocalypse est le dernier livre du Nouveau Testament canonique, et ce statut n'est pas contesté de nos jours.
Cependant, son admission dans le canon des livres reçus a été assez difficile, notamment lorsque se posait la question de savoir si l'apôtre Jean en était ou non le rédacteur[42], et particulièrement en Orient, par son animosité contre l'empire romain[43].
D'une manière générale, dans l'Antiquité, le livre a été plutôt bien reçu dans les églises occidentales, même si le prêtre romain chrétien Caïus — qui soupçonnait le texte de favoriser le millénarisme — le rejetait encore au début du IIIe siècle. Le fragment de Muratori, un document occidental et peut-être romain, daté du tournant des IIe et IIIe siècles, explique : « 71 Des apocalypses aussi, nous recevons seulement celle de Jean et celle de Pierre 72-73, que certains des nôtres ne veulent pas qu'on lise dans l'église »[44].
En Asie Mineure, vers la fin du IIe siècle, le livre de l’Apocalypse (ainsi d'ailleurs que l'évangile selon Jean) est rejeté, en réaction aux affirmations des montanistes sur une nouvelle effusion de l'Esprit[42], qui exaltent la prophétie et l'attente millénariste[45]. Au milieu du IIIe siècle, Denys d'Alexandrie — dont l'ouvrage Sur les promesses est cité par Eusèbe — conteste son authenticité johannique pour des raisons stylistiques, sans toutefois rejeter le texte qui lui paraît incompréhensible mais « que beaucoup de frères tiennent avec faveur »[45]. Le texte est alors souvent rejeté en Orient, notamment pour l'usage qui en est fait selon une vision permissive du millénarisme[42]. Eusèbe de Césarée se fait l'écho au IVe siècle des divergences qui divisent les Églises orientales à son sujet[46]. Cependant, à la fin du IVe siècle, Athanase d'Alexandrie le reconnaît pleinement dans sa liste des 27 livres reçus[47].
Néanmoins, en l'absence de décision conciliaire sur les limites exactes du canon de l’Église grecque, le texte demeure souvent rejeté ; en Syrie et dans les Églises de langue syriaque[42], la Peshitta délimite un canon de 22 livres dont l’Apocalypse est absente [48]. Le concile in Trullo de 692, fondé sur des documents anciens qui ne s'accordent pas sur le canon, ne parvient pas à trancher la question pour l’Église grecque[49]. Le texte, violemment opposé à l'empire romain, est contesté dans l'église impériale de Constantinople jusqu'au IXe siècle, tandis que l'Arménie ne l'admet qu'au siècle suivant[43].
Pour l’Église latine, des décisions conciliaires sont arrêtées, notamment par les synodes régionaux de Carthage de 397 et de 419, fixant à 27 le nombre des livres reçus, en retenant l’Apocalypse[49].
À l'époque de la Réforme protestante, Luther lui accorde un rôle secondaire, Zwingli ne le compte pas parmi les Écritures et Calvin n'en fait aucun commentaire[42].
Ce plan a été proposé par Raymond Edward Brown dans son ouvrage Que sait-on du Nouveau Testament ?[34].
Les chapitres 1-3 contiennent le prologue du livre : celui-ci est présenté comme une « révélation de Jésus-Christ » qui est communiquée par un ange à un voyant, le « serviteur Jean » (τῷ δούλῳ αὑτοῦ Ἰωάννῃ), dans laquelle le Christ révèle le sens divin de l'époque, « ce qui doit arriver bientôt » et comment le peuple sera bientôt délivré[50].
L'adresse du texte (1,4-8) précise les destinataires visés par l'auteur : les « sept Églises qui sont en Asie »[51]. La dimension pascale est centrale dans le texte et le Christ est présenté à travers l'autorité que lui confèrent sa mort et sa résurrection[51] et Dieu comme « celui qui était, est et vient », (ὁ ὢν καὶ ὁ ἦν καὶ ὁ ἐρχόμενος), l'« Alpha et l'Oméga », la première et la dernière lettres de l'alphabet grec, symbolisant l'existence de Dieu au commencement et à la fin. Suit une première vision du Christ (1,9-20) qui apparaît avec des attributs merveilleux et royaux attestant sa divinité[51]. Les chapitres 2 et 3 regroupent des lettres adressées aux différentes communautés de chrétiens des villes d'Asie Mineure occidentale, la plus longue étant adressée à Thyatire et la plus courte à Smyrne[52]. L'auteur avertit des dangers guettant les communautés, externes à celles-ci comme des persécutions, mais aussi internes, comme les faux enseignements et la suffisance[52], le consentement au monde présent[51] ; le nicolaïsme y est notamment dénoncé. Il évoque le martyre d'Antipas de Pergame.
Après cette partie épistolaire, il n'est pas aisé de distinguer le plan d'ensemble que l'auteur a donné au livre mais, généralement, les exégètes s'accordent pour distinguer deux grandes parties dans l'expérience de révélation, l'une commençant avec la vision d'une porte ouverte dans le ciel (4,1), la suivante débutant par un grand signe qui apparaît dans le ciel (12,1)[53].
La première série de visions est ainsi regroupée dans les chapitres 4 à 11 et débute (4-5) par les visions de Dieu et de l'Agneau — l'un créateur et l'autre rédempteur[53] — entourés d'une cour céleste incluant le tétramorphe, glorifiés tour à tour dans une célébration cultuelle cosmique[51]. Le « Livre aux sept sceaux », un codex qui peut être lu recto-verso, et scellé de sept sceaux, apparaît dans la vision ; il pourra être ouvert par l'Agneau[53].
La partie suivante de cette première série (6 à 11) met en scène le jugement du Monde comme témoignage de la colère[51] et du jugement eschatologique de Dieu[54] dans les chapitres concernant l'ouverture des sept sceaux (6,1-17 ; 8,1-5) — où apparaissent les Cavaliers de l'Apocalypse — et les sept trompettes de sept anges (8,6-9,21 ; 11,15-19), proposant une série de catastrophes qui ne sont interrompues que par la présentation des 144 000 élus et d'une foule de toutes nations (7) puis par l'épisode de l'ingestion du petit livre (10) et des deux témoins élevés au ciel (11), épisodes qui soulignent l'importance du témoignage[51].
La seconde série de visions (12-22,5) met en scène de manière symbolique la lutte eschatologique qui oppose Dieu, le Christ et son peuple à Satan et aux puissances terrestres inspirées par ce dernier[51]. Elle commence par trois chapitres de visions qui introduisent le personnage du « Dragon » (12) — « l'antique serpent, celui qu'on nomme Diable et Satan », qui combat la descendance de « la femme » avant d'être vaincu par l'archange Michel pendant l'épisode de la guerre des anges — et des deux « bêtes », l'une issue de la mer, l'autre de la terre, qui dominent le reste de l'ouvrage dans des passages qui sont souvent considérés comme le cœur de l’Apocalypse[55]. La Bête surgie de la mer (13,1-10), avec dix cornes et sept têtes, incarne les persécutions de l'empire romain idolâtre tandis[51] que la Bête venue de la terre (13,11-18), avec deux cornes tel un agneau mais parlant comme le Dragon, est une parodie malveillante du Christ[56], assimilée à un faux prophète : elle marque les gens sur la main ou sur le front, à l'instar des serviteurs de Dieu. Elle incarne le système impérial dominant, le culte de l'empereur et le sacerdoce païen à son service[56] qui menacent ceux qui refusent de se plier à ses règles[51].
La communauté des 144 000 en communion avec l'Agneau (14, 1-5) survit aux assauts des Bêtes et du Dragon et le jugement auquel Satan et ses affidés seront soumis est ensuite décrit (14,6-20). Comme aux chapitres 8 et 9 apparaissent alors sept anges et leurs malheurs (15-16) avant que n'interviennent les jugements de la grande prostituée et de Babylone, symboles probables de Rome et de l'Empire idolâtre (17-18), dont les richesses et le luxe ne sont que des biens fragiles et éphémères[51].
Les croyants célèbrent alors la victoire (19,1-10) tandis que le jugement, au-delà du seul Empire, devient cosmique (19,11-20) ouvrant à la victoire du Messie sur les Bêtes, le faux prophète (19,21-20) et le Dragon momentanément enchaîné pour mille ans, pendant le règne sur terre du Christ et des saints martyrs (20,1-6) avant l'affrontement final avec Satan libéré. Celui-ci rassemble Gog, Magog et les nations de la Terre avant d'être précipité dans le lac de feu où ont déjà échoué les Bêtes avant lui (20,7-15)[57].
C'est alors la venue du nouveau monde, de nouveaux cieux et d'une nouvelle terre remplaçant les précédents, dévastés[51] tandis qu'une nouvelle Jérusalem descend du ciel (21-22)[57].
L'épilogue est composé des versets 6 à 21 du chapitre 22. Il met à nouveau en valeur le voyant ainsi que son propos prophétique appuyés par l'autorité de l'Alpha et Oméga, demande de ne pas le maintenir secret car la fin des Temps est proche et de ne rien retrancher ou ajouter aux paroles prophétiques de l'ouvrage[58]. Ayant présenté les termes de la victoire du Christ, l'auteur exprime la certitude de son accomplissement qui s'exprime dans la proclamation liturgique finale : « Maranatha, viens Seigneur Jésus » (22,21)[59].
La littérature apocalyptique est une littérature de résistance par laquelle les visionnaires font à la fois entendre un message d'interpellation, en portant un regard critique sur le monde dans lequel ils vivent, mais aussi d'espérance pour des groupes fragilisés qui sont ou se sentent opprimés. L’Apocalypse de Jean s'adresse à son auditoire dans un langage symbolique qui permet de discourir sur l'action divine et l'avènement d'un nouveau monde, ainsi que de représenter la réalité transcendante dont il rend compte[60].
Le langage et les codes utilisés visent des auditoires particuliers et ciblés dont les élus peuvent comprendre les images, qui ne sont toutefois pas pour autant ésotériques. Celles-ci sont en effet parlantes et claires pour les auditeurs du Ier siècle, lesquels sont habitués aux références vétérotestamentaires, aux Écritures judaïques et aux allusions métaphoriques sur la situation politique ou culturelle du temps[60]. Ce langage symbolique doit d'ailleurs éloigner de toute interprétation littérale du texte : son objet n'est pas de proposer un déroulement de faits chronologiques mais plus résolument d'annoncer un message salvifique[61] dans l'histoire des hommes, la victoire de Dieu et du Christ sur Satan et les forces du mal[60] dans un texte qui ne peut être reçu que dans son entier plutôt que découpé en analyses spéculatives sur les symboles de passages isolés, par essence anachroniques appliqués à un autre temps que le Ier siècle auquel il est destiné, et souvent farfelus[61].
Le langage hautement symbolique de ce livre a ouvert la voie à de très nombreuses interprétations, qui diffèrent selon les sensibilités et les époques. Cependant quatre grands courants sont en général proposés[62] :
Le millénium est le terme employé pour désigner le règne de mille ans de Jésus-Christ sur Terre décrit dans le chapitre 20 de l’Apocalypse. Il existe plusieurs conceptions du millénium, qui peuvent être globalement classées en trois catégories.
Plusieurs autres textes de la Bible parlent de la fin des temps. Au début du chapitre 24 de l'Évangile selon Matthieu, Jésus est interrogé sur le moment et les signes de son avènement et de la fin du monde. Le Livre de Daniel, présente lui aussi des prophéties ayant trait à la fin des temps. Plusieurs théologiens protestants dont Charles-Auguste Auberlen[67] font le rapprochement. Le prophète Isaïe évoque lui aussi de nouveaux cieux et une nouvelle terre, comme dans les derniers chapitres de l’Apocalypse.
Les trompettes sont un thème important de l'eschatologie[68]. Les trompettes de Jéricho[69] qui annoncent la conquête de la terre promise par Josué sont parfois mises en parallèle avec les trompettes de l’Apocalypse qui annoncent la seconde venue de Jésus.
Un « nombre de la Bête » figure dans le texte au chapitre 13, verset 18. Ce nombre est « six cent soixante-six » ou, en chiffres arabes, « 666 », quoique quelques manuscrits comportent le nombre « six cent seize » ou « 616 »[70] ou encore « 665 ».
Cette marque relevant de la spéculation littéraire chiffrée commune au genre littéraire apocalyptique doit permettre d'identifier la Bête de l'Apocalypse — sans qu'il soit précisé laquelle — dans une symbolique, déjà présente dans le livre de Daniel, qui représente un pouvoir politique[71]. Ce nombre de la Bête a donné lieu à nombre d'interprétations à travers les siècles.
L'importance de l’Apocalypse dans le christianisme occidental a rendu ce thème très présent dans les beaux-arts, notamment au Moyen Âge et à la Renaissance. Il est moins systématiquement utilisé dans l'orthodoxie, même si elle connait de très belles représentations du Jugement dernier, thème iconographique qui cependant est sans relation directe avec le livre de l'Apocalypse. La musique religieuse a également abondamment traité le sujet. Pour des raisons opposées (la présence du péché et l'occurrence de la damnation), la thématique apocalyptique a également un certain succès dans le hard rock et le metal.
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