Jean Boullet est le fils d'un commerçant en peaux de chats de l’avenue d'Italie, Henri Boullet, qui se suicide par pendaison. Dans son enfance, très catholique, il passe ses étés à Isdes, dans une maison qu'il conservera. Il commence à peindre dès 1942, principalement des portraits[3].
Jean Boullet est aussi un critique de cinéma vénérant les films fantastiques et d’épouvante que l’on peut voir alors au cinéma Midi-Minuit sur les Grands boulevards. Pour montrer les films encore plus rares et qu’il aime, il monte un ciné-club privé dans sa maison de la rue Bobillot au n°91: la Société des Amis de Bram Stoker. Il sera aussi avec Michel Caen, Alain Le Bris et Jean-Claude Romer, le cofondateur de la revue de cinéma Midi Minuit Fantastique (1962-1971). Ce magazine était publié par Éric Losfeld. Midi Minuit Fantastique était dédié aux films fantastiques, d’horreur et de science-fiction[5]. Jean Boullet se retire de la rédaction en 1966.
Foncièrement libertaire, anticlérical, ennemi des ordres établis et lancé personnellement dans une quête effrénée du bizarre et de l’interdit, Jean Boullet est aussi passionné par bien d'autres thèmes: la sexologie, l’illusionnisme, la magie, la démonologie, la mythologie populaire… En décembre 1965, il ouvre au 79, rue du Château une librairie, Le Kiosque, spécialisée dans ces thèmes et dans la bande dessinée de collection. Criblé de dettes, il ferme boutique début 1969, et en août, il part s'installer en Algérie, à Ouargla pour y tenir une librairie[3].
À plusieurs reprises il a voyagé au Maghreb, notamment en Algérie, au Maroc, en Mauritanie, mais aussi au Sénégal et au Soudan, d'où il rapporte de nombreux dessins.
Durant l'été 1970, il décide de quitter Ouargla pour le sud, et entreprendre un voyage, tout en conservant sa librairie. Au cours de l'une des étapes de ce voyage, fin décembre, il est découvert à Tébessa, au sud de Constantine, selon le rapport de la police algérienne, pendu à un arbre[3]. Selon les confidences de l'écrivain Roger Peyrefitte, Jean Boullet serait mort poignardé[6].
Ouvertement homosexuel, se proclamant «peintre de la beauté masculine», il a multiplié les dessins ou les tableaux d’une esthétique homoérotique passablement inspirée de celle de Jean Cocteau.
Il fut également un des amis de Max Jacob[1]. Un portrait à l'encre de chine réalisé de sa main en 1943 représentant le poète breton revêtant l'étoile jaune est aujourd'hui conservé et présenté au musée des Beaux-Arts de Quimper[7].
Ouvrages illustrés par Jean Boullet
Tapis volant, 33 dessins sur un thème personnel, prologue de Jean Cocteau, Flammarion, 1945. Selon François Sentein, dans son livre Minutes d'une autre année, 1945, le modèle de l'artiste pour les dessins de ce livre serait Daniel Filipacchi.
Œdipe, Paris, éditions du Scorpion, 1947 - rééd. Le Terrain Vague, 1958.
Paul Verlaine, Hombres, 40 dessins, Nice, SIM, 1948, hors commerce.
Barnum’s Digest, 10 monstres fabriqués par Jean Boullet et traduits de l’américain par Boris Vian, Paris, Aux deux menteurs, s.d. [1948].
Dracula, 12 dessins, Paris, Aux deux menteurs, s.d. [vers 1948].
Le Comédien précédée de Lettre à mon père de Sacha Guitry, frontispice, Éditions de l'Ancre d'Or, 1948.
Ce bon Mr Fred de François Alboni [Jean Cusset], couverture, Éditions Fournier-Valdès, 1949.
Œuvres de Sacha Guitry en 24 tomes, Raoul Solar, 1949-1950. Boullet illustre: Tome 9, Deburau, 13 dessins, et Tome 12, Béranger, le Second empire, monsieur Thiers, Clemenceau,etc.
D’Icare aux soucoupes volantes avec Guy Laflotte, Casablanca [Paris], 1953.
João Baptista, 14 dessins, Rio de Janeiro, Fõrça e Saúde, 1953.
L'épitaphe Villon de François Villon, préface de Guy Laflotte, Paris, Aux deux menteurs, s.d. [vers 1953].
[Tour de magie], Le Truc de la corde, Paris, s.n., 1953.
Le Mari, la femme et l'amant, [suivi de] Scènes choisies: Une lettre bien tapée. Je sais que tu es dans la salle, de Sacha Guitry, Raoul Solar, 1953.
Feux vifs et flammes mortes pour un astre éteint de Michel Beaugency, préface de Jean Cocteau, Presses du livre français, 1953.
Mmede V… a des idées noires de Loulou Morin [pseud.], 11 dessins sous le nom de P.N. et Mmede V…, Genève [Paris], À La Mauvaise Graine [Éric Losfeld], 1953 [1957]. Ouvrage interdit en 1957.
Antinoüs, 33 dessins, Nice, s.n., 1954.
Corps interdits de Maurice Périsset, 7 dessins, La salamandre, 1954.
Symbolisme sexuel dans les traditions populaires, texte de Jean Boullet, coll. Bibliothèque internationale d'érotologie no5, Paris, Jean-Jacques Pauvert, 1961.
(it) Invettive de Rosanna Guerrini, Milan, All'insegna del pesce d'oro, 1966.
Divers prospectus annonçaient que des livres illustrés étaient en préparation[3] pour des éditions de Alice au Pays des Merveilles; Le Songe d'une Nuit d'été de Shakespeare; Münchhausen; Les Contes de Perrault; Les Fables de La Fontaine; Notre-Dame de Paris de Victor Hugo; La Divine Comédie de Dante; La Vie des Saints; La Bible; Les Pensées de Pascal…
Périodiques: articles et dessins
Nyza, 1948.
St-Cinéma des Prés, no1, 1949.
Gazette du cinéma, no1 et 3, 1950.
Janus, no1 et 2, 1950.
Le Cercle, vol. année 1952.
«Amour et Magie», Le Crapouillot, no22, couverture, 1953.
(it) Il delatore, no1 et suiv., Milan, La cartaccia, et suiv. - dessins.
Expositions régulières «Jean Boullet», dessins, peintures, livres, manuscrits, Paris, à la galerie Au bonheur du jour, en 2001, 2008, 2013 et 2021. En 2001, le soir du vernissage, au Centre Pompidou, un hommage lui a été rendu avec des interventions de ses amis:
Roger Peyrefitte, Propos secrets, Albin Michel, 1977, p.255: «Jean Boullet, le dessinateur rencontré chez Cocteau. Il avait la manie des chaînes, avant que l'Histoire d'O les eût mises à la mode. Il allait à Tanger enchaîner de petits Arabes. Il y fut poignardé».
Denis Chollet, Jean Boullet le précurseur, Éditions Feel, 1999.
Hervé Sanson, «Jean Boullet: du corps phantasmé au corps monstrueux», in Pensées du corps. La matérialité et l'organique vus par les sciences humaines, Mélina Balcazar Moreno & Sarah-Anaïs Crevier-Goulet (éd.), Paris, PSN, 2011, pp.185-193.