Felicia Pacanowska est, après avoir obtenu son baccalauréat au lycée de Lodz, élève en peinture et en gravure (bois et cuivre) de l'Académie des beaux-arts de Varsovie. Diplômée, elle quitte la Pologne pour Paris en 1932.
Pendant trois années, elle s'investit dans l'étude des gravures du Département des Arts graphiques du musée du Louvre. En 1935, elle visite l'Italie et l'Allemagne, expose au Salon d'Automne à Paris en 1936, revient en Pologne en 1937 où elle expose ses gravures et monotypes à l'Institut pour la diffusion de l'art de Lodz, ne sachant pas encore qu'elle voit là pour la dernière fois ses parents qui seront exterminés par les nazis.
De retour à Paris en 1937, elle se rapproche de l'École de Paris[2] et travaille à approfondir la technique de l'eau-forte. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle est dessinatrice industrielle dans une usine d'aviation (1939). Échappant à la rafle du Vel d'Hiv en 1942, elle vivra jusqu'en 1945 dans des conditions précaires et dangereuses, apprenant la mort de ses parents à Auschwitz où ils furent déportés en 1944 depuis le ghetto de Lodz. Elle part en 1946 étudier la sculpture à l'Académie de Rome, et rentre à Paris pour pratiquer la peinture et à la gravure dès 1947.
La robustesse des personnages de Felicia Pacanowska l'apparente alors tant à l'expressionnisme qu'à un cubisme dont la force de construction rappelle son apprentissage de la sculpture. Nadine Nieszawer établit pour sa part un lien entre les mêmes réminiscences extrêmes et inhumaines de l'après-Shoah et le renoncement progressif de Pacanowska à la figuration, à son devenir radicalement abstrait[2].
L'œuvre de Felicia Pacanowska est, tant en France qu'en Italie où elle reçoit deux prix, découverte et reconnue par les critiques d'art autour de 1954[3], puis, à compter du Salon des réalités nouvelles de 1962, présente dans les principales manifestations parisiennes ainsi que dans les musées européens.
Irène Kaufer, Ombre du soleil, frontispice de Felicia Pacanowska, éditions Pierre-Jean Oswald, 1971.
Autobiografia: recluse of history, Art & Soul Gallery, Bombay, 2013[7],[8].
«Pacanowska nous donne des représentations de formes conçues clairement. Ses formes simples de personnages, pèlerins, pêcheurs, arbres ou de toits qui se détachent presque en relief sur des fonds plus clairs sont pourtant des échafaudages harmonieux placés dans un ordre esthétique rigoureux. D'autre part, ses tableaux sont le résultat d'une superposition sculpturale de formes bien plus que d'une imbrication architecturale cubiste. J'ai pensé, devant son paysage de Positano, au paysage de Tolède du Greco par l'étagement singulier des formes et aussi la lumière intellectuelle qui prend possession de la nature. Peut-être parce que Pacanowska est astigmate, comme l'était Le Greco? En tous cas, son sens de la composition est d'un grave dépouillement sans jamais tomber dans la stylisation. Cette esthétique se réclamant plus de la sculpture que de la froideur de l'architecture répond-elle à un besoin d'absolu? Pacanowska ne veut pas souffrir l'intransigeance abstraite et c'est d'une esthétique d'un parti-pris délicat qu'il s'agit plutôt: elle veut que seule la forme abstraite frappe durablement le spectateur, mais son esprit a besoin d'un ordre profond donné par les rapports cosmiques de la nature. Cette spiritualité claire et mystique de la conception de la nature est transcrite par un trait, un dessin sérieux qui fait toute la sympathie qu'on éprouve devant cette peinture dépouillée. Toute la sensibilité se trouve dans les couleurs, aux beaux tons pâles très doux, mais sa force est le privilège d'un sens clair de la forme.» - Hubert Decaux[4]
«Ses gravures, en général des eaux-fortes, sont bien représentées dans les collections publiques… Sa vision part d'une figuration transposée pour tendre à une abstraction lyrique. La construction de ses compositions a souvent fait évoquer une origine cubiste.» - Dictionnaire Bénézit[5]
Patrick-F. Barrer, L'histoire du Salon d'automne de 1903 à nos jours, Éditions Arts et Images du Monde, 1992.
Françoise Woimant, Marie-Cécile Miessner, Anne Moeglin-Delcroix, De Bonnard à Baselitz - Estampes et livres d'artistes, Bibliothèque nationale de France, 1992.
Emmanuel Bénézit, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, vol.11, Gründ, 1999.
Yael Ancri dans Nadine Nieszawer, Peintres juifs à Paris - 1905-1939 - École de Paris, Éditions Denoël, 2000 (lire en ligne)
Éliane Strosberg, Humanisme et expressionnisme - La représentation de la figure humaine et l'expérience juive, Somogy Éditions d'Art, 2008, p.119 à 121.