La rue du Faubourg-Saint-Martin doit son nom au fait qu'elle traversait le hameau situé à l'extérieur de la porte Saint-Martin du mur d'enceinte qui desservait l'abbaye Saint-Martin-des-Champs et qu'elle est tracée dans le prolongement de la rue Saint-Martin. Le faubourg est primitivement un quartier «fors le bourg» (de l'ancien français «fors», issu du latin foris, «en dehors» et de borc, «bourg», forsborc vers 1200, forbours vers 1260[1]).
Elle est citée sous le nom de «Grand rue du faulxbourg Saint Martin» et de «rue du faulxbourg Saint Laurens» dans un manuscrit de 1636.
Elle porta le nom de rue du «Faubourg Saint-Martin», entre le boulevard Saint-Denis et la rue du Château-d'Eau, du fait de sa proximité de la porte et «rue du Faubourg Saint-Laurent» au-delà c'est-à-dire de l'église Saint-Laurent à la barrière Saint-Laurent. Ces deux parties ont été réunies sous le nom actuel pendant la Révolution, en portant momentanément le nom de «Faubourg du Nord».
Une décision ministérielle du 28 messidoran V (), signée Pierre Bénézech, confirmée par une ordonnance royale du , a fixé la moindre largeur de cette voie publique à 18 mètres et la plus grande à 36 mètres.
À la suite d’une souscription lancée par des propriétaires du quartier, 30 fontaines, une centaine de candélabres et des urinoirs ont été installés, en 1849, tout le long de la rue. Faute d’entretien, les édicules disparurent vers 1900. Une fontaine a été conservée dans le jardin Villemin - Mahsa Jîna Amini, et deux autres, place Sainte-Croix à Orléans[2].
Fontaine au cygne (photo de Charles Marville, 1875).
Le café Le Batifol[3], près de la porte Saint-Martin, était le rendez-vous des artistes et chanteurs dans les années 1950. Par la suite, dans les années 1960, un club d’échecs et une salle de billard se trouvèrent au 1erétage.
Le compositeur Vincent Scotto y a vécu et y est mort en 1952;
No61: à cette adresse était l’armurerie «La fine lame» dans laquelle Herschel Grynszpan a acheté le pistolet qu’il utilisa, le 7 novembre 1938, pour tuer le diplomate allemand Ernst vom Rath[6].
No62: passage du Marché ouvert en 1858, propriété privée accessible au public.
No65: emplacement de 1722 à 1787 de la barrière d'octroi appelée «Fausse-Porte Saint Martin». Elle était placée à l'endroit où la rue franchissait le Grand Égout.
No67: en 1784 est créé le premier grand magasin de Paris, Au Tapis Rouge.
1784: Au Tapis Rouge ouvre ses portes et présente un assortiment unique de marchandises venues des quatre coins de l'Europe, et avec lui commence l'ère des grands magasins qui feront la gloire de Paris.
1870: situé au cœur d'un quartier vivant et central, Au Tapis Rouge n'échappe cependant pas aux tourmentes de l'Histoire durant la Commune: ses rayons seront la proie des flammes le , pendant la Semaine sanglante. Mais quatre mois à peine après l'incendie, de nouveaux locaux sont présentés au public lors d'une inauguration en grande pompe le .
1910: coup de théâtre, l'activité du grand magasin change, il se nomme dorénavant «Compagnie générale de l’ameublement», mais le nom de Au Tapis Rouge demeure.
1914: un certain monsieur Congy exploite là un hôtel de la Renaissance, il n'est plus question du Tapis Rouge.
1944: les jouets Bern s'installent au Tapis Rouge.
1975: transformation du Tapis Rouge en une usine de fabrication de mailles, La Chaumière aux Tricots.
1985: travaux de rénovation et de transformation en centre de congrès.
1989: fin des travaux. Réouverture sous le nom d'Espace Tapis Rouge, en mémoire de son passé.
Actuellement[Quand?], le bâtiment est occupé par une salle de congrès et d'évènementiels d'entreprise.
No165: emplacement de l'hospice du Saint-Nom-de-Jésus fondé par Vincent de Paul en 1653.
Nos129-175: gare de Paris-Est dont elle longe partiellement le côté est. L’extension de la gare, entre 1925 et 1931, a entraîné la destruction des immeubles qui longeaient la rue dans cette partie[14].
No206: emplacement de la maison natale du photographe galeriste Eugène Druet (1867-1916).
No247: ancienne fabrique de chocolats et, depuis 2003, siège du parti Europe Écologie Les Verts, dit «La Chocolaterie[15]».
Une annexe du camp de Drancy
Pendant l’occupation nazie, l’immeuble du magasin Lévitan, situé aux nos85-87, a été réquisitionné par la Dienststelle Westen; le propriétaire du magasin, Wolf Lévitan (1885-1965), était juif. À l’été 1943, le magasin Lévitan est devenu le Lager-Ost (camp est), annexe parisienne de Drancy. Cent vingt internés du camp de Drancy y ont été transférés le [Note 1],[16].
La journée, les détenus juifs travaillaient dans les étages au tri des objets qui arrivaient quotidiennement, et en grand nombre, en provenance des appartements des familles juives déportées. Les détenus vidaient les caisses, nettoyaient leur contenu et rangeaient méthodiquement l’ensemble du butin. Certains ont vu passer les biens de leurs familles ou de leurs proches. Le soir, ils dormaient et mangeaient au dernier étage. Parfois, ils étaient autorisés à se rendre sur la terrasse, seule possibilité pour eux de prendre l’air et de voir la lumière.
Le , les juifs qui n’avaient pas encore été déportés ont été évacués en autobus pour Drancy. Certains détenus se sont évadés durant le transport. Les autres furent finalement libérés le .
Après la Seconde Guerre mondiale, une plaque est apposée sur la façade: «De juillet 1943 à août 1944 cet immeuble, alors magasin Lévitan, a servi d'annexe au camp de Drancy. Ici les prisonniers étaient contraints de trier les meubles et les objets méthodiquement volés par les nazis dans les appartements des juifs. N’oublions jamais.»
Le camp faisait partie d'un réseau de camps d'internement annexe à celui de Drancy. Les lieux servirent à la Dienststelle Westen de l’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg (ERR) d'entrepôt pour les objets d'ameublement saisis dans le cadre de l’Aktion M (Aktion Möbel, en français «opération» ou «action meubles») dans les appartements abandonnés de Juifs déportés, expatriés ou entrés en clandestinité. Des prisonniers étaient réquisitionnés pour, note le conservateur de la BNF Olivier Jacquot, «trier, classer, réparer et emballer les objets pillés dans les appartements des juifs déportés». Les meubles étaient ensuite donnés aux victimes allemandes des bombardements. À Paris, les principaux camps furent: le camp d'Austerlitz, 43 quai de la Gare, le camp Lévitan, situé 85-87 rue du Faubourg-Saint-Martin, le camp Bassano, situé 2 rue de Bassano, le palais de Tokyo, le musée du Louvre, le 60 rue Claude-Bernard. Un dépôt se trouvait aussi à Aubervilliers.
Explication des ouvrages de peinture, sculpture, architecture, gravure et lithographie des artistes vivants, exposés au Musée national du Louvre le 15 mars 1848, Vinchon, imprimeur à Paris, 1848.
Michaël Darin, Paris d'un siècle à l'autre: 100 ans de transformations ordinaires maisons, immeubles, hôtels particuliers, Parigramme, (ISBN978-2-37395-175-2).