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Dignitatis Humanae (en français: La dignité de la [personne] humaine) est une déclaration de l'Église catholique promulguée le 7 décembre 1965 par le pape Paul VI dans le cadre du Second concile œcuménique du Vatican. Elle traite des enjeux théologiques et philosophiques, notamment ontologiques, de la liberté religieuse. Elle constitue l'un des outils par lesquels l'Église établit ses relations avec les gouvernements séculiers, qu'ils soient pluralistes ou officiellement catholiques.
Au XIXe siècle, la naissance de l'État laïc, comme en France après la révolution de 1848, conduit l'Église à penser ses relations avec ces nouveaux types d'États séculiers. Tandis que le pape Pie IX adoptait une politique consistant à ne pas établir de relations entre le Saint-Siège et ces États, notamment la France, son successeur le pape Léon XIII renoue le dialogue avec la France et l'Allemagne à travers la bulle Testem Benevolentiae.
Un modèle de relation entre l'Église et un état moderne a été le concordat signé avec l'État espagnol, qui s'engageait à protéger l'Église et lui déléguait une partie de sa politique sociale. En contrepartie, l'Église acceptait des limitations légales au prosélytisme religieux.
Cette approche n'était cependant pas satisfaisante pour les catholiques américains. Le prêtre catholique John A. Ryan craignait que la doctrine de l'Église ne s'oppose alors à l'expérience de liberté religieuse vécue aux États-Unis. Vers 1940, le théologien jésuite John Courtney Murray a développé une doctrine inspirée de la cohabitation des différentes communautés religieuses : l'État doit garantir également l'exercice de toutes les religions, et l'Église poursuit ses objectifs par une influence sur la société en général, sans exigences particulières envers le gouvernement.
La journée du 7 décembre 1965 donne lieu à deux actes distincts : dans la matinée, le vote final du schéma sur la liberté religieuse, parmi d'autres votes, puis la promulgation officielle par le pape de la déclaration Dignitatis Humanae, à laquelle les évêques viennent apposer leur signature sous celle de Paul VI.
Vote des Pères concilaires présents | Valeur absolue | Valeur relative |
---|---|---|
Pour | 2308 | 96,3% |
Contre | 70 | 2.9% |
Nul | 8 | 0.3% |
Total | 2386 | 100% |
À la suite du vote du schéma rapporté par le secrétaire, qui vient de conclure une série de cinq votes dans la même matinée, le pape Paul VI déclare :
Au nom de la Très Sainte et Individuelle Trinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit. La déclaration sur la liberté religieuse, le décret sur l'activité missionnaire de l'Église, le décret sur le ministère et la vie des prêtres, la constitution pastorale sur l'Église dans le monde de ce temps, qui ont été lus dans ce Sacro-Saint et Universel Second Synode du Vatican réuni de manière légitime, a plu aux Pères. Et nous, avec l'autorité apostolique qui nous a été transmise par le Christ, avec les vénérables Pères, dans le Saint-Esprit, approuvons, décidons et établissons, et ordonnons que ce qui a été établi synodiquement soit promulgué pour la gloire de Dieu. [Applaudissements][1].
L'acte de promulgation, lui, est signé par 2 477 Pères conciliaires[2]. Ainsi, le nombre de signataires de la Déclaration l'après-midi est supérieur au nombre de votants de la matinée. En effet, tandis que le vote est anonyme et physique, la signature individuelle finale peut être donnée par procuration.
Cette distinction entre les deux actes explique que certains Pères conciliaires, qui revendiquent avoir voté contre le schéma, ont finalement apporté leur signature à la promulgation de Dignitatis Humanae. Ce cas est notamment celui de Marcel Lefebvre[3] (qui a aussi signé le texte pour l'évêque Auguste Grimault par procuration[4],[5]), d'Antonio de Castro Mayer[6] et d'Alfredo Ottaviani[7], qui sont par ailleurs critiques de cette Déclaration.
Dignitatis Humanae a aussi servi au magistère de Jean-Paul II, qui l'a fréquemment cité pour promouvoir les droits de l'homme et le dialogue inter-religieux.
Depuis sa promulgation, la définition de la liberté religieuse contenue dans la déclaration Dignitatis Humanae demeure sujet à controverse pour les représentants du courant intégriste. Ces derniers considèrent que la liberté religieuse a subi les condamnations successives de plusieurs papes du XIXe siècle et que l'infaillibilité du magistère est engagée par de telles condamnations.
L'Église catholique a officiellement réfuté ces accusations de contradictions par une démonstration théologique[8] publiée par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.
La controverse est aussi évoquée par le pape Benoît XVI en 2005, peu après son élection. Opinant que le Concile avait fait sien « un principe essentiel de l’État moderne » alors que les condamnations des papes du passé ne laissaient pas entrevoir de possibilité de conciliation, Benoît XVI affirme que c'était là un moyen de retrouver « le patrimoine le plus profond de l’Église »[9].
En 2011, le philosophe Martin Rhonheimer invite, dans un essai, à un examen soigneux de cette question en se plaçant délibérément dans le cadre de l'« herméneutique de la réforme » promue par Benoît XVI. Il souligne tout d'abord qu'il serait vain de nier, comme certains le tentent, que c'est bien la même doctrine énoncée lors du concile qui avait été condamnée par Pie IX et Grégoire XVI. Pour préciser à quel endroit se situe l'évolution conciliaire, Rhonheimer insiste sur une distinction qui n'apparaissait pas à l'époque de ces papes, entre les notions de liberté religieuse et d'indifférentisme. Selon son analyse, le refus de la liberté religieuse, lié à des contingences historiques particulières, et lié à une vision de l'État dépassée, n'a jamais donné lieu à des formulations dogmatiques. Les relations avec l'État sont un point touchant à la doctrine sociale de l'Église, dans un domaine où elle est appelée par nature à être dépassée et réactualisée en fonction des circonstances, et qui ne saurait engager l'infaillibilité du magistère. A contrario, en proclamant le droit naturel à la liberté de religion et de culte, le concile n'affirme certainement pas que toutes les religions s’équivalent mais il insiste au contraire sur l'obligation de l'évangélisation pour pénétrer d'esprit chrétien les structures de la société. Il retrouve ainsi les grands principes de la doctrine chrétienne, et en déduit simplement des conséquences nouvelles quant aux droits civils[10].
Le moine et théologien Basile Valuet défend une autre vision, plaçant Dignitatis Humanae en continuité avec le magistère pré-conciliaire. Se basant sur la formulation du Catéchisme de l'Église catholique : « Le droit à la liberté religieuse n’est [A] ni la permission morale d’adhérer à l’erreur, [B] ni un droit supposé à l’erreur, [C] mais un droit naturel de la personne humaine à la liberté civile, c’est-à-dire à l’immunité de contrainte extérieure […] », Valuet estime que la position [A] a toujours été condamnée. Il considère que les condamnations des papes du XIXe siècle portent sur le rejet des thèses [A] et [B]. Ces papes ont d'ailleurs considéré qu'il était possible de tolérer en pratique la situation B (c'est là la fameuse "hypothèse"). L'apport de Vatican II est d'avoir clairement fait le choix de l'option C, alors même que l'État moderne évoluait lui aussi vers des formulations analogues[11].
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