Napoléon, exilé sur l'île d'Elbe par les monarques d'Europe, fait un retour triomphal en France. Il rallie à lui une partie de l'armée, revient à Paris et parvient à reprendre le pouvoir. L'empereur veut rétablir l'Empire et les avancées de la Révolution, annulées par la Restauration. La défaite de Waterloo, le , contraint Napoléon à abdiquer une seconde fois le 22 juin, abdication qui marque la fin des Cent-Jours.
26 février: Napoléon quitte l'île d'Elbe. Il veut reprendre le pouvoir[1], profitant des multiples erreurs de Louis XVIII: en effet, ce dernier avait réintégré des nobles de l'Ancien Régime dans l'armée avec des grades élevés, voulait rétablir la dîme féodale et redonner des privilèges au clergé.
28 février: La journée fut employée à copier des proclamations.
1ermars: À cinq heures du matin, Napoléon et sa troupe de 800 hommes mettent le pied sur le territoire français, à Golfe-Juan[2]
À onze heures du soir, la petite armée se met en marche. Les Polonais, à pied, portaient sur leur dos l'équipement des chevaux qu'ils n'avaient pas.
Napoléon couche le 4 à Digne, le 5 à Gap; ce fut dans cette dernière ville qu'il fit imprimer les proclamations qu'il avait dictées à bord, le 28 février[3].
6 mars: Napoléon part de Gap pour Grenoble; avant de parvenir aux murs de cette ville, un bataillon de la garnison 5e régiment d'infanterie de ligne qu'on envoyait pour le combattre vint à sa rencontre. Napoléon seul face aux fusils convainc la troupe de se rallier à lui[4].
8 mars: Napoléon est complimenté en qualité d'Empereur par toutes les autorités civiles, militaires, ecclésiastiques de la ville[6].
Avant de quitter Grenoble, il passe la garnison en revue, et publie un décret par lequel il ordonne qu'à dater du 15 mars, tous les actes publics seront faits et la justice rendue en son nom.
10 mars: À sept heures du soir, il fait son entrée dans Lyon, amenant avec lui 8 000 hommes de troupes de ligne et 30 canons; il descendit au palais de l'archevêché, que Monsieur (Comte d'Artois), venait de quitter. On sait que ce prince ne fut accompagné dans sa fuite de Lyon que par un seul garde national à cheval[7].
À Lyon, il s'annonce sans détour comme le souverain de la France[8] Il dicta ces fameux décrets de Lyon[9].
On ne fera pas ici mention des arrêts et proclamations que le gouvernement de Louis XVIII lança contre Napoléon. On sait que toutes ces pièces furent tout à fait impuissantes, même pour retarder d'un jour la marche de l'usurpateur qu'on avait mis hors la loi, invitant tout le monde à lui courir sus.
Le même jour, les huit puissances signataires du traité de Paris, réunies au congrès de Vienne font une déclaration[11]
14 mars: Napoléon coucha à Chalon; le lendemain, il apprit dans cette ville la défection du maréchal Ney, qui venait de passer sous ses drapeaux, après avoir lu la lettre qu'il lui avait fait écrire par Bertrand.
19 mars: À minuit, le roi quitte le Palais des Tuileries, et le 20, à neuf heures du soir, Napoléon prend possession de ce palais. Le départ de Louis XVIII fut si précipité qu'il n'eut pas le temps d'emporter les papiers qui lui étaient personnels[12]
l'Empereur passa en revue le corps d'armée qui avait été sous le commandement du duc de Berry; au moment où le général Cambronne et le bataillon de l'Île d'Elbe, parurent avec leurs aigles, il prit la parole[13]
Madame la duchesse d'Orléansdouairière qui s'était cassé la cuisse, et madame la duchesse de Bourbon, sa tante, n'avaient point suivi la famille royale. Napoléon, instruit de l'embarras de leur position, ordonna de payer annuellement, à la première de ces princesses, sur le trésor, une pension de 300 000 fr., et à madame la duchesse de Bourbon, la moitié de cette somme.
Les troupes impériales ayant amené M. le duc d'Angoulême Louis d'Artois à signer une capitulation par laquelle il licenciait son armée et promettait d'aller s'embarquer à Sète, le général Grouchy ne crut pas devoir exécuter la convention sans consulter l'Empereur; il en reçut cette réponse[14]
25 mars: Un traité est signé à Vienne entre la Russie, l'Autriche, la Prusse et l'Angleterre, par lequel sont confirmés les principes de celui du traité de Chaumont. Les puissances contractantes s'engagent à fournir d'abord chacune 130 000 hommes, dont un dixième au moins de cavalerie, et non compris les garnisons des places fortes; en outre, elles ne poseront les armes, et de concert, qu'après avoir détruit la puissance de Napoléon. Le roi de France adhère à ce traité. La Suède et le Portugal refusent seuls de fournir leur contingent.
27 mars: Une déclaration du conseil d'État, relève l'Empereur de sa déchéance et annulait son abdication[15].
4 avril: Napoléon, qui n'avait pas désespéré, malgré la déclaration de Vienne, du 13 mars, et le traité du 23, d'amener les alliés ou du moins quelques-uns d'entre eux à un accommodement adresse, une lettre aux souverains européens[16] Les alliés inébranlables dans la résolution qu'ils avaient prise, gardèrent le silence sur cette lettre. Napoléon ne vit plus son salut que dans la guerre.
12 mai: Un rapport est publié à Vienne, par ordre du Congrès, dans lequel il est dit que les puissances ne se croient pas autorisées à imposer un gouvernement à la France; et elles ne cessent d'armer en faveur des Bourbons.
27 mai: Les souverains d'Autriche, de Prusse et de Russie, quittent Vienne pour aller se mettre à la tête de leurs armées, qui sont en pleine marche sur la France.
1erjuin: Réunion dite du Champ de Mai; le service divin fut célébré sur un autel immense, élevé au milieu du Champ-de-Mars. On remarqua l'attitude de Napoléon pendant la cérémonie, elle avait toutes les marques de la grandeur et du triomphe. Après avoir répondu au discours de l'orateur de la députation des électeurs des départements, Napoléon prêta serment sur l'Évangile aux constitutions de l'Empire et à leur observation; il reçut le serment de fidélité du peuple par les électeurs. (Les constitutions de l'Empire avaient été modifiées dans un sens libéral par un acte rédigé, à la demande de Napoléon, par Benjamin Constant. Cet «acte additionnel» promulgué le , fut soumis à l'approbation du peuple par plébiscite: s'il fut accepté avec une écrasante majorité de plus de 99%, la participation au scrutin fut très faible, l'abstention s'élevant à 77%)
7 juin: Napoléon fait l'ouverture des Chambres; à cette occasion, il prononça un discours[17]
Deux jours après, dans ses réponses aux adresses des deux Chambres, il s'adressait aux Pairs[18] Il dit aux Représentants[19]
Fin du Congrès de Vienne (nov. 1814-juin 1815). Ce congrès avait pour but de confisquer des terres à la France si les alliés chassaient Bonaparte du pouvoir. Talleyrand, l'ancien ministre des affaires étrangères de Napoléon représente la France et manœuvre auprès de l'autrichien Metternich pour renverser Napoléon.
12 juin: Dans la nuit, l'Empereur partit pour l'armée rassemblée sur la frontière du nord de la France. il avait formé trois plans de campagne: il s'arrêta au troisième, d'après lequel il devait, le 15 juin, attaquer les deux armées anglaise et prussienne, les séparer, les battre l'une après l'autre, et en cas de revers se retirer sur Paris et sous Lyon.
14 juin: Publication d'un ordre du jour dans lequel il emploie tous les moyens oratoires pour exciter l'ardeur et le courage de ses soldats, leur rappelant leurs anciennes victoires, leur supériorité sur des ennemis qu'ils avaient battus tant de fois, les dangers qui menaçaient la patrie.
Dominique de Villepin, Les Cent-Jours, ou, L'esprit de sacrifice, Paris Saint-Amand-Montrond, Perrin, coll.«Pour l'histoire», , 634p. (ISBN978-2-262-01397-4) (Comprend une chronologie détaillée et une abondante bibliographie)
Généralement on croyait, sur la flottille, que l'Italie était le but de l'expédition; mais après une heure de navigation, s'adressant aux grenadiers: «Nous allons en France, leur dit-il, nous allons à Paris.» Le cri de Vive la France! vive Napoléon! se fit entendre avec une force inexprimable. Pendant la traversée, le brick sur lequel se trouvait Napoléon fut accosté par le Zéphir, vaisseau de guerre français qui lui demanda des nouvelles de l'Empereur; Napoléon lui-même répondit avec le porte-voix qu'il se portait bien.
«La défection du duc de Castiglione livra Lyon sans défense à nos ennemis; l'armée dont je lui avais confié le commandement était, par le nombre de ses bataillons, la bravoure et le patriotisme des troupes qui la composaient, à même de battre le corps d'armée autrichien qui lui était opposé, et d'arriver sur les derrières du flanc gauche de l'armée ennemie qui menaçait Paris.
«Les victoires, de Champ-Aubert, de Montmirail, de Château-Thierry, de Vauchamp, de Mormans, de Montereau, de Craonne, de Reims, d'Arcis-sur-Aube et de Saint-Dizier, l'insurrection des braves paysans de la Lorraine, de la Champagne, de la Franche-Comté et de la Bourgogne, et la position que j'avais prise sur les derrières de l'armée ennemie en la séparant de ses magasins, de ses parcs de réserve, de ses convois et de tous ses équipages, l'avaient placée dans une situation désespérée. Les Français ne furent jamais sur le point d'être plus puissants, et l'élite de l'armée ennemie était perdue sans ressource; elle eût trouvé son tombeau dans ces vastes contrées qu'elle avait si impitoyablement saccagées, lorsque la trahison du duc de Raguse livra la capitale et désorganisa l'armée. La conduite inattendue de ces deux généraux qui trahirent à la fois leur patrie, leur prince et leur bienfaiteur, changea le destin de la guerre. La situation désastreuse de l'ennemi était telle qu'à la fin de l'affaire qui eut lieu devant Paris, il était sans munitions, par la séparation de ses parcs de réserve.
«Dans ces nouvelles et grandes circonstances, mon cœur fut déchiré; mais mon âme resta inébranlable. Je ne consultai que l'intérêt de la patrie; je m'exilai sur un rocher au milieu des mers: ma vie vous était et devait encore vous être utile, je ne permis pas que le grand nombre de citoyens qui voulaient m'accompagner partageassent mon sort; je crus leur présence utile à la France, et je n'emmenai avec moi qu'une poignée de braves nécessaires à ma garde.
«Élevé au trône par votre choix, tout ce qui a été fait sans vous est illégitime. Depuis vingt-cinq ans la France a de nouveaux intérêts, de nouvelles institutions, une nouvelle gloire qui ne peuvent être garanties que par un gouvernement national et par une dynastie née dans ces nouvelles circonstances. Un prince qui régnerait sur vous, qui serait assis sur mon trône par la force des mêmes armées qui ont ravagé notre territoire, chercherait en vain à s'étayer des principes du droit féodal; il ne pourrait assurer l'honneur et les droits que d'un petit nombre d'individus ennemis du peuple, qui depuis vingt-cinq ans les a condamnés dans toutes nos assemblées nationales. Votre tranquillité intérieure et votre considération extérieure seraient perdues à jamais.
«Français! dans mon exil, j'ai entendu vos plaintes et vos vœux; vous réclamez ce gouvernement de votre choix qui seul est légitime. Vous accusiez mon long sommeil, vous me reprochiez de sacrifier à mon repos les grands intérêts de la patrie.
«J'ai traversé les mers au milieu des périls de toute espèce, j'arrive parmi vous, reprendre mes droits qui sont les vôtres. Tout ce que des individus ont fait, écrit ou dit depuis la prise de Paris, je l'ignorerai toujours; cela n'influera en rien sur le souvenir que je conserve des services importants qu'ils ont rendus, car il est des événements d'une telle nature qu'ils sont au-dessus de l'organisation humaine.
«Français! il n'est aucune nation, quelque petite qu'elle soit, qui n'ait eu le droit de se soustraire et ne se soit soustraite au déshonneur d'obéir à un prince imposé par un ennemi momentanément victorieux. Lorsque Charles VII rentra à Paris et renversa le trône éphémère de Henri VI, il reconnut tenir son trône de la vaillance de ses braves et non d'un prince régent d'Angleterre.
«C'est aussi à vous seuls, et aux braves de l'armée, que je fais et ferai toujours gloire de tout devoir.»
Napoléon alla le reconnaître, et lui envoya un officier pour parlementer; celui-ci ne fut pas écouté: «On m'a trompé», dit l'Empereur à Bertrand. «N'importe, en avant!» Et mettant pied à terre, il découvre sa poitrine: «S'il est parmi vous, dit-il aux soldats de Grenoble, s'il en est un seul qui veuille tuer son général, son Empereur, il le peut, le voici.» Les soldats répondirent par des cris de Vive l'Empereur! dès ce moment, son triomphe fut assuré.
les habitants les brisèrent, et dirent à Napoléon: «Tenez, au défaut des clés de votre bonne ville, en voici les portes.» — «Tout est décidé maintenant, dit Napoléon à ses officiers, tout est décidé, nous allons à Paris.»
Il leur dit dans ses réponses que ses droits n'étaient autres que ceux du peuple, qu'il venait les reprendre, non pour régner, ne faisant aucun cas du trône, ni pour se venger; qu'il faut oublier que les Français ont été les maîtres du monde, qu'il ne veut régner que pour rendre la France libre, heureuse.
Napoléon voulait être gardé par la milice bourgeoise à pied, et il dit à la garde à cheval qui s'était présentée: «Je vous remercie de vos services. Nos institutions ne reconnaissent point de gardes nationales à cheval; et d'ailleurs, votre conduite envers M. le comte d'Artois m'apprend ce que vous feriez si la fortune venait à m'abandonner; je ne vous soumettrai pas à cette nouvelle épreuve.» Et immédiatement il fit appeler le cavalier qui avait escorté le prince, et lui dit: «Je n'ai jamais laissé une belle action sans récompense; je vous donne ce la croix de la Légion d'honneur.»
«Puisque, disait-il, j'ai repris le gouvernement, il ne doit plus y avoir d'autre autorité que la mienne; il faut qu'on sache, dès à présent, que c'est à moi seul qu'on doit obéir.»
«La Chambre des Pairs est dissoute; les collèges électoraux des départements seront réunis à Paris dans le courant du mois de mai prochain, en assemblée extraordinaire du Champ-de-Mai, afin de prendre les mesures convenables pour corriger, modifier nos institutions selon l'intérêt et la volonté de la nation, et, en même temps, pour assister au couronnement de l'impératrice, notre bien-aimée épouse, et de celui de notre bien-aimé fils. — Tous les émigrés qui n'ont pas été rayés, amnistiés ou éliminés par nous, ou par les gouvernements qui nous ont précédé, et qui sont rentrés en France depuis le 1er janvier 1814, sortiront sur-le-champ du territoire de l'Empire. Les émigrés qui, quinze jours après la publication du présent décret, se trouveront sur le territoire de l'Empire, seront arrêtés et jugés conformément aux lois décrétées par nos assemblées nationales. Le séquestre sera mis sur leurs biens, meublés et immeubles. La noblesse est abolie, et les lois de l'Assemblée constituante seront mises en vigueur. Les titres féodaux seront supprimés. Les lois de nos assemblées seront mises en vigueur. Les individus qui ont obtenu de nous des titres nationaux, comme récompense nationale, et dont les lettres patentes ont été vérifiées au Conseil du sceau des titres, continueront à les porter: nous nous réservons de donner des titres aux descendants des hommes qui ont illustré le nom français dans les différents siècles. Tous les généraux et officiers de terre et de mer, dans quelque grade que ce soit, qui ont été introduits dans nos armées depuis le 1er avril 1814, cesseront sur-le-champ leurs fonctions, quitteront les marques de leur grade et se rendront au lieu de leur domicile. — Tous les changements arbitraires opérés dans nos cours et tribunaux inférieurs sont nuls et non avenus.»
«Au moment de quitter votre ville, leur dit-il, pour me rendre dans ma capitale, j'éprouve le besoin de vous faire connaître les sentiments que vous m'avez inspirés; vous avez toujours été au premier rang dans mes affections; dans des moments plus tranquilles, je viendrai pour m'occuper de vos manufactures et de votre ville. Lyonnais, je vous aime.»
«En rompant la convention qui l'avait établi à l'île d'Elbe, Bonaparte détruit le seul titre légal auquel son existence se trouvait attachée. En reparaissant en France, avec des projets de trouble et de bouleversement, il s'est privé lui-même de la protection des lois, et a manifesté à la face de l'univers qu'il ne saurait y avoir ni paix ni trêve avec lui. Les puissances déclarent, en conséquence que Napoléon Bonaparte s'est placé hors des relations civiles et sociales, et que, comme ennemi et perturbateur du repos du monde, il s'est livré à la vindicte publique; elles déclarent en même temps que, fermement résolues de maintenir intact le traité de paix du 30 mai 1814, et les dispositions sanctionnées par ce traité et celles qu'elles ont arrêtées ou arrêteront encore pour le compléter et le consolider, elles emploieront tous les moyens et réuniront tous leurs efforts pour que la paix générale, objet des vœux de l'Europe, et vœu constant de leurs travaux, ne soit pas troublée de nouveau.»
Napoléon eut un moment la pensée de les faire imprimer; mais il ordonna à son secrétaire de les brûler. Un de ses valets de chambre ayant osé placer sur la cheminée des caricatures injurieuses aux Bourbons, l'Empereur les jeta au feu, et lui ordonna sévèrement de ne plus se permettre à l'avenir de semblables impertinences.
«Soldats, voilà les braves qui m'ont accompagné dans mon malheur, ils sont tous mes amis; toutes les fois que je les voyais, ils me représentaient les différents régiments de l'armée; en les aimant, c'est vous tous, soldats de l'armée française que j'aimais. Ils vous rapportent ces aigles; jurez qu'elles se trouveront partout où l'intérêt de la patrie les appellera. Que les traîtres et ceux qui voudraient envahir notre territoire n'en puissent jamais soutenir les regards.» Les troupes répondirent avec enthousiasme: Nous le jurons!
«M. le comte Grouchy, l'ordonnance du roi en date du 6 mars, et la déclaration signée à Vienne, le 13, par ses ministres (Ces ministres étaient le prince de Talleyrand, le duc de Dalberg, Latour-du-Pin, le comte Alexis de Noailles), pourraient m'autoriser à traiter le duc d'Angoulême comme cette ordonnance et cette déclaration voulaient qu'on me traitât, moi et ma famille; mais, constant dans les dispositions qui m'avaient porté à ordonner que les membres de la famille des Bourbons pussent sortir librement de la France, mon intention est que vous donniez des ordres pour que le duc d'Angoulême soit conduit à Cette, où il sera embarqué, et que vous veilliez à sa sûreté et à écarter de sa personne tout mauvais traitement.
«Le conseil d'État, en reprenant ses fonctions, croit devoir faire connaître les principes qui font la règle de ses opinions et de sa conduite.
«La souveraineté réside dans le peuple, il est la seule source du pouvoir.
«En 1789, la nation reconquit ses droits, depuis longtemps usurpés et méconnus.
«L'Assemblée nationale abolit la monarchie féodale, établit une monarchie constitutionnelle et le gouvernement représentatif.
«La résistance des Bourbons aux vœux du peuple amena leur chute et leur bannissement du territoire français.
«Deux fois le peuple consacra par ses actes la nouvelle forme de gouvernement, établie par ses représentants.
«En l'an VIII, Bonaparte, déjà couronné par la victoire, se trouva porté au gouvernement par l'assentiment national; une constitution créa la magistrature consulaire.
«Le sénatus-consulte du 16 thermidor an X nomma Bonaparte Consul à vie.
«Le sénatus-consulte du 28 floréal an XII conféra à Napoléon la dignité impériale et la rendit héréditaire dans sa famille.
«Ces trois actes solennels furent soumis à l'acceptation du peuple, qui les consacra par près de 4 millions de votes.
«Aussi, pendant vingt-deux ans, les Bourbons avaient cessé de régner en France; ils y étaient oubliés par leurs contemporains; étrangers à nos lois, à nos institutions, à nos mœurs, à notre gloire, la génération actuelle ne les connaissait que par le souvenir de la guerre étrangère qu'ils avaient suscitée contre la patrie, et des dissensions intérieures qu'ils avaient allumées.
«En 1814, la France fut envahie par les armées ennemies et la capitale occupée. L'étranger créa un prétendu gouvernement provisoire. Il assembla la minorité des Sénateurs, et les força, contre leur mission et contre leur volonté, à détruire les constitutions existantes, à renverser le trône impérial, et à rappeler la famille des Bourbons.
«Le Sénat qui n'avait été institué que pour conserver les constitutions de l'Empire, reconnut lui-même qu'il n'avait point le pouvoir de les changer. Il décréta que le projet de constitution qu'il avait préparé serait soumis à l'acceptation du peuple, et que Louis-Stanislas-Xavier serait proclamé roi des Français aussitôt qu'il aurait accepté la constitution et juré de l'observer et de la faire observer.
«L'abdication de l'empereur Napoléon ne fut que le résultat de la situation malheureuse où la France et l'Empereur avaient été réduits par les événements de la guerre, par la trahison et par l'occupation de la capitale. L'abdication n'eut pour objet que d'éviter la guerre civile et l'effusion du sang français. Non consacré par le peuple, cet acte ne pouvait détruire le contrat solennel qui s'était formé entre lui et l'Empereur; et quand Napoléon aurait pu abdiquer personnellement la couronne, il n'aurait pu sacrifier les droits de son fils, appelé à régner après lui.
«Cependant un Bourbon fut nommé lieutenant-général du royaume, et prit les rênes du gouvernement.
«Louis-Stanislas-Xavier arriva en France; il fit son entrée dans la capitale; il s'empara du trône d'après l'ordre établi dans l'ancienne monarchie féodale.
«Il n'avait point accepté la constitution dictée par le sénat; il n'avait pas juré de l'observer et de la faire observer; elle n'avait point été envoyée à l'acceptation du peuple; le peuple, subjugué par la présence des armées étrangères, ne pouvait pas même exprimer librement ni valablement son vœu.
«Sous leur protection, après avoir remercié un prince étranger de l'avoir fait monter sur le trône, Louis-Stanislas-Xavier data le premier acte de son autorité de la 19e année de son règne, déclarant ainsi que les actes émanés de la volonté du peuple n'étaient que le produit d'une longue révolte; il accorda volontairement, et par le libre arbitre de son autorité royale, une Charte constitutionnelle, appelée ordonnance de réformation; et pour toute sanction, il la fit lire en présence d'un nouveau corps qu'il venait de créer et d'une réunion de députés qui n'étaient pas libres, qui ne l'accepta point, dont aucun n'avait caractère pour consentir à ce changement, et dont les deux cinquièmes n'avaient même plus le caractère de représentant.
«Tous ces actes sont donc illégaux. Faits en présence des anciens ennemis et sous la domination étrangère, ils ne sont que l'ouvrage de la violence. Us sont essentiellement nuls et attentatoires à l'honneur, à la liberté et aux droits du peuple.
«Les adhésions, données par des individus et par des fonctionnaires sans mission, n'ont pu ni anéantir, ni suppléer le consentement du peuple, exprimé par des votes solennellement provoqués et légalement émis.
«Si ces adhésions, ainsi que les serments, avaient jamais pu même être obligatoires pour ceux qui les ont faits, ils auraient cessé de l'être dès que le gouvernement qui les a reçus a cessé d'exister.
«La conduite des citoyens qui, sous ce gouvernement, ont servi l'État, ne peut être blâmée; ils sont même dignes d'éloges, ceux qui n'ont profité de leur position que pour défendre les intérêts nationaux, et s'opposer à l'esprit de réaction et de contre-révolution qui désolait la France.
«Les Bourbons eux-mêmes avaient constamment violé leurs promesses; ils favorisèrent les prétentions de la noblesse féodale; ils ébranlèrent les ventes des tiens nationaux de toutes les origines; ils préparèrent le rétablissement des droits féodaux et des dîmes; ils menacèrent toutes les existences nouvelles; ils déclarèrent la guerre à toutes les opinions libérales; ils attaquèrent toutes les institutions que la France avait acquises au prix de son sang, aimant mieux humilier la nation que de s'unir à sa gloire; ils dépouillèrent la Légion d'honneur de sa dotation et de ses droits politiques; ils en prodiguèrent la décoration pour l'avilir; ils enlevèrent à l'armée, aux braves leur solde, leurs grades et leurs honneurs pour les donner à des émigrés, à des chefs de révolte; ils voulurent enfin, régner et opprimer le peuple par l'émigration.
«Profondément affectée de son humiliation et de ses malheurs, la France appelait de tous ses vœux son gouvernement national, la dynastie liée à ses nouveaux intérêts, à ses nouvelles institutions.
«Lorsque l'Empereur approchait de la capitale, les Bourbons ont en vain voulu réparer, par des lois improvisées et des serments tardifs à leur charte constitutionnelle, les outrages faits à la nation, à l'armée. Le temps des illusions était passé, la confiance était aliénée pour jamais. Aucun bras ne s'est armé pour leur défense; la nation et l'armée ont volé au-devant de leur libérateur.
«L'Empereur, en remontant sur le trône où le peuple l'avait appelé, rétablit donc le peuple dans ses droits les plus sacrés. Il ne fait que rappeler à leur exécution les décrets des assemblées représentatives sanctionnés par la nation; il revient régner par le seul principe de légitimité que la France ait reconnu et consacré depuis vingt-cinq ans, et auquel toutes les autorités s'étaient liées par des serments dont la volonté du peuple aurait pu seule les dégager.
«L'Empereur est appelé à garantir de nouveau, par des institutions (et il en a pris l'engagement dans ses proclamations à la nation et à l'armée), tous les principes libéraux, la liberté individuelle et l'égalité des droits, la liberté de la presse et l'abolition de la censure, la liberté des cultes, le vote des contributions et des lois par les représentants de la nation légalement élus, les propriétés nationales de toute origine, l'indépendance et l'inamovibilité des tribunaux, la responsabilité des ministres et de tous les agents du pouvoir.
«Pour mieux consacrer les droits et les obligations du peuple et du monarque, les institutions nationales doivent être revues dans une grande assemblée de ses représentants, déjà annoncée par l'Empereur.
«Jusqu'à la réunion de cette grande Assemblée représentative, l'Empereur doit exercer et faire exercer, conformément aux constitutions et aux lois existantes, le pouvoir qu'elles lui ont délégué, qui n'a pu lui être enlevé, qu'il n'a pu abdiquer sans l'assentiment de la nation que le vœu et l'intérêt général du peuple français lui font un devoir de reprendre.
«Vous aurez appris, dans le cours du mois dernier, mon retour sur les côtes de France, mon entrée à Paris, et le départ de la famille des Bourbons. La véritable nature de ces événements doit maintenant être connue de Votre Majesté. Ils sont l'ouvrage d'une irrésistible puissance, l'ouvrage de la volonté unanime d'une grande nation qui connaît ses devoirs et ses droits. La dynastie que la force avait rendue au peuple français n'était plus faite pour lui; les Bourbons n'ont voulu s'associer ni à ses sentiments, ni à ses mœurs; la France a dû se séparer d'eux. Sa voix appelait un libérateur. L'attente, qui m'avait décidé au plus grand des sacrifices avait été trompée; je suis venu, et du point où j'ai touché le rivage, l'amour de mes peuples m'a porté jusqu'au sein de ma capitale. Le premier besoin de mon cœur est de payer tant d'affection par le maintien d'une honorable tranquillité. Le rétablissement du trône impérial était nécessaire au bonheur des Français. Ma plus douce pensée est de le rendre en même temps utile au repos de l'Europe. Assez de gloire a illustré tour à tour les drapeaux de diverses nations; les vicissitudes du sort ont assez fait succéder de grands revers à de grands succès. Une plus belle arène est aujourd'hui ouverte aux souverains, et je suis le premier à y descendre. Après avoir présenté au monde le spectacle de grands combats, il sera plus doux de ne connaître désormais d'autre rivalité que celle des avantages de la paix, d'autre lutte que la lutte sainte de la félicité des peuples. La France se plaît à proclamer avec franchise ce noble but de tous ses buts. Jalouse de son indépendance, le principe invariable de sa politique sera le respect le plus absolu pour l'indépendance des autres nations. Si tels sont, comme j'en ai l'heureuse confiance, les sentiments personnels de Votre Majesté, le calme général est assuré pour longtemps, et la justice, assise aux confins des divers États, suffira pour en garder les frontières.
«Aujourd'hui s'accomplit le désir le plus pressant de mon cœur: je viens commencer la monarchie constitutionnelle. La monarchie est nécessaire en France pour garantir la liberté, l'indépendance et les droits du peuple. J'ambitionne de voir la France jouir de toutes les libertés possibles; je dis possibles, parce que l'anarchie ramène toujours un gouvernement absolu. L'armée et moi, nous ferons notre devoir. Vous, Pairs et Représentants, donnez à la nation l'exemple de la confiance; de l'énergie et du patriotisme; et comme le Sénat du grand peuple de l'antiquité, soyez décidés à mourir plutôt que de survivre au déshonneur et à la dégradation de la France. La cause sainte de la patrie triomphera.»
«La lutte dans laquelle nous sommes engagés est sérieuse; l'entraînement de la postérité n'est pas le danger qui nous menace aujourd'hui. C'est sous les fourches Caudines que les étrangers veulent nous faire passer. C'est dans les temps difficiles que les grandes nations, comme les grands hommes, déploient toute l'énergie de leur caractère, et deviennent un objet d'admiration pour la postérité.»
«La constitution est notre point de ralliement; elle doit être notre étoile polaire dans ces moments d'orage. Toute discussion publique qui tendrait directement ou indirectement à diminuer la confiance qu'on doit avoir dans ses dispositions, serait un malheur pour l'État. N'imitons pas l'exemple du Bas-Empire, qui, pressé de tous côtés par les Barbares, se rendit la risée de la postérité en s'occupant de discussions abstraites au moment où le bélier brisait les portes de la ville. Dans les affaires, ma marche sera toujours droite et ferme. Aidez-moi à sauver la patrie.»