Remove ads
type d'édifice champêtre, bâti sans mortier, abri de cultivateurs des XVIIIe et XIXe siècles De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Une cabane en pierre sèche est un type d'édifice champêtre, bâti entièrement sans mortier, avec des pierres d'extraction locale et ayant servi d'abri temporaire ou saisonnier au cultivateur des XVIIIe et XIXe siècles, à ses outils, ses animaux, sa récolte, dans une parcelle éloignée de son habitation permanente.
Les cabanes en pierre sèche sont au premier chef des « productions architecturales » dans la mesure où :
Elles relèvent d'une « architecture sans architecte » ou « anonyme » en ce sens qu'elles sont l'œuvre non pas d'architectes (contrairement aux bâtiments religieux, militaires et civils du passé) mais de paysans et d'ouvriers autoconstructeurs ou de maçons dont le nom est perdu[2],[1].
Elles entrent dans le cadre de « l'architecture rurale » de par :
Elles ressortissent à une architecture populaire, du fait de l'origine sociale de leurs bâtisseurs et utilisateurs (petit peuple des campagnes et des villes)[1].
Elles constituent une architecture vernaculaire dans la mesure où :
Elles appartiennent à l'architecture des temps modernes (XVIIe, XVIIIe) et surtout de l'époque contemporaine (XIXe siècle) et n'ont rien à voir avec les témoins des architectures funéraires (chambres sous cairn, tombes mycéniennes, etc.), militaires (nuragues, etc.) et domestiques (cabanes chalcolithiques, etc.) de la Préhistoire et de l'Antiquité car :
L'extension géographique du phénomène architectural des cabanes en pierre sèche en France a été cartographiée pour la première fois en 1978[3] par Christian Lassure et Michel Rouvière du Centre d'études et de recherches sur l'architecture de pierre sèche[4], puis réactualisée successivement en 1988, 1995, 2001, 2002, 2003, 2004 et 2005 [5] au fil des découvertes.
Les départements où des zones à cabanes de pierre sèche ont été signalées sont au nombre de 52. Dans certains d'entre eux, ces zones sont nombreuses ; dans d'autres, elles se limitent à de rares isolats, voire, dans certains cas, à quelques structures isolées.
Ces départements sont situés dans les deux tiers sud de la France (si l'on fait exception de la façade atlantique). On en trouvera ci-dessous la liste, chacun d'eux étant suivi des noms des communes ou des secteurs où des cabanes ont été signalées ou étudiées (indications données sans prétention d'exhaustivité) :
La distribution des zones à cabanes de pierre sèche en France établit sans conteste le fait que le phénomène, loin d’être cantonné à la région méditerranéenne, déborde largement au nord de celle-ci, montant jusqu'à une ligne courbe joignant la Vendée à l’ouest, l’Aube au nord et le Doubs à l’est. Il n’y a donc pas lieu de qualifier « la technique de construction en pierre sèche » de « particulièrement représentative d’un style méditerranéen[7] », puisque la dite technique et ses œuvres sont présentes par ailleurs dans des îles aussi peu méditerranéennes que les îles Britanniques.
En dehors de la France, les cabanes en pierre sèche sont présentes dans divers pays du pourtour de la Méditerranée (Espagne, Portugal, Italie, Croatie, Slovénie, Malte, Grèce, Cisjordanie, Maroc) mais aussi dans certains pays ou régions du nord-ouest et de l'ouest de l'Europe (Islande, Irlande, Pays de Galles, Écosse, Angleterre, Suède, Allemagne, Suisse) (liste non exhaustive)[8].
Les noms donnés aux cabanes de pierre sèche sont nombreux et variés. Ils sont pour la plupart issus des langues régionales et généralement francisés.
Ils se répartissent en plusieurs grandes catégories :
L'appellation générique reconnue de tous est le terme « cabane » soit sous sa forme française, soit sous ses équivalents dans les langues régionales :
Les appellations vernaculaires sont celles qui sont ancrées dans un territoire plus ou moins étendu pouvant être une commune, un « pays », une région, voire une aire géographique encore plus vaste (mais non sans discontinuité spatiale dans ce cas) et qui étaient employées jusque vers le milieu du XXe siècle par les propriétaires des édifices :
Si les appellations vernaculaires sont celles des bâtisseurs et utilisateurs de cabanes en pierre sèche, en revanche les appellations savantes sont celles adoptées par les érudits locaux « inventeurs » (au sens de découvreurs) de ces constructions, perçues abusivement comme réalité archéologique, sans lien avec la culture locale contemporaine ou subactuelle :
Souvent citées sans grand discernement dans la littérature du domaine concerné, ces diverses appellations méritent une mise au point :
Que fantaisie et humour aient pu présider au détournement de certains termes pour leur faire désigner les cabanes en pierre sèche, ne saurait surprendre l'ethnologue averti. Un exemple remarquable de ce phénomène nous est fourni par Miguel Garcia Lisón et Artur Zaragozà Catalán dans leur étude L'Architecture rurale en pierre sèche du pays valencien[20] : à côté d'expressions soit génériques comme barraques de pedra en sec (« baraques de pierre sèche »), soit fonctionnelles comme barraques de pastor (« baraques de berger »), ces chercheurs ont relevé toute une litanie de qualificatifs familiers comme casetes de formiguer (« maisonnettes de fourmis »), casetes de cucos (« maisonnettes de coucous »), casetes de catxerulos (« maisonnettes de chats »), casetes de mullós (« maisonnettes de mulots »), ou encore imagées comme cucurulls (« cornets à glace »), voire impropres comme chozos (« chaumières »), sans parler de diminutifs divers et variés.
Elles désignent en général des bâtisses qui sont très typées architecturalement et morphologiquement (du fait même de la fonction qu'elles remplissent) :
Sont souvent associées à ces cabanes des structures qui ne ressortent pas au genre « cabane en pierre sèche » :
Comme l'indique l'expression « en pierre sèche », les cabanes ont pour matériau de choix la pierre — sous forme de moellons, de plaquettes, de blocs, de dalles, bruts ou ébauchés — tirée du sol lors de la création de champs ou à l'occasion des activités agricoles. Et pour technique de mise en œuvre, la maçonnerie à sec, c'est-à-dire sans mortier susceptible de faire prise.
La pierre employée est fonction de la nature géologique du lieu d'implantation : le calcaire gélifracté sous ses différents faciès est le matériau le plus représenté (Bourgogne, Provence, Languedoc, Grands Causses, Quercy, Périgord), mais on trouve aussi le grès (Ardèche), le granit et le schiste (Pyrénées-Orientales), la brèche basaltique et la ponce volcanique (Haute-Loire), le gneiss, voire les galets de rivière (Pyrénées-Orientales)[8].
L'originalité architecturale des cabanes en pierre sèche est d'associer à la maçonnerie à sec, deux systèmes de couvrement bien déterminés :
Cette voûte sans mortier repose sur deux principes :
Sur plan de base circulaire, les assises successives vont en se rejoignant, la dernière étant coiffée d'une dalle terminale.
Sur plan de base carré, la transition au plan hexagonal puis circulaire de la voûte se fait au moyen de deux procédés :
Sur plan rectangulaire, les encorbellements des côtés longs convergent l'un vers l'autre pour être coiffés d'un plafond de dalles.
Le résultat est une voûte équilibrée n'ayant nécessité aucun cintre[8],[21].
Moins courante, la voûte de pierres clavées à sec est une voûte clavée classique, en forme de coupole (sur plan de base circulaire) ou de berceau (sur plan de base rectangulaire), mais dont les éléments sont des plaquettes ou des moellons grossièrement ébauchés et appareillés, disposés sur un cintre provisoire. Une clé de voûte bloque l'ensemble.
Dans la confection d'une voûte clavée en berceau intervient un cintre en bois que l'on pose sur des corbeaux ou sur une retraite ménagés à la naissance de la voûte et que l'on déplace transversalement sur le support pour réaliser d'autres longueurs. La voûte épouse alors la forme du cintre. À l'intrados de ce type de voûte, les joints des lits en coupe sont alignés et parallèles à la ligne de faîte.
Pour la confection d'une voûte clavée en coupole, un cintre hémisphérique en bois est nécessaire. Une fois la voûte terminée, le cintrage est démonté. À l'intrados de la voûte clavée en coupole, les joints des lits en coupe sont concentriques[8].
En dehors de ces deux procédés de voûtement couramment associés à la maçonnerie sèche, on rencontre plus rarement une couverture de dalles, lauses ou tuiles reposant sur une charpente de pannes ou de chevrons.
Cette charpente peut donner une toiture à un versant ou à deux versants et se trouver sur des bâtiments de plan circulaire ou de plan quadrangulaire.
Le franchissement de l’espace a été un problème majeur pour les bâtisseurs à pierre sèche non seulement dans l’habitacle de la cabane mais aussi dans l’entrée de cette dernière. Pour couvrir l’entrée, ils ont fait appel à des procédés divers, originaux et ingénieux.
Les deux solutions principales auxquelles ils ont eu recours sont :
Il faut y ajouter :
procédés qui permettent de se passer des deux solutions précédentes.
Il peut s'agir :
La face vue du linteau peut être brute ou aplanie, voire taillée à la courbe.
Divers systèmes de décharge peuvent venir soulager le linteau :
Dans ces deux derniers cas, le linteau n’est véritablement déchargé que si le vide entre lui et le dispositif de décharge n’est pas obturé par de la maçonnerie.
Dans certains cas, le linteau en pierre, et éventuellement les arrières-linteaux, laissent la place à des traverses en bois (rondins bruts ou poutres équarries).
Il peut s'agir :
Une deuxième arceau de plaquettes peut venir doubler le premier sur son extrados.
Ce principe consiste à faire converger l’un vers l’autre les deux tableaux opposés de l’entrée dans leur tiers ou leur quart supérieur de façon, soit à se passer complètement de linteau, soit à diminuer la portée à franchir par celui-ci.
L'entrée est couverte par deux grandes dalles affrontées évoquant la forme d'un accent circonflexe ou d'une mitre d'évêque. Chaque dalle est alors taillée en forme de parallélépipède.
Il n’est pas rare de rencontrer, dans une architecture aussi impécunieuse que celle des cabanes en pierres sèches, des encadrements d’entrées ayant été prélevés sur des bâtiments d’un niveau social et économique plus élevé après que ceux-ci sont tombés en désuétude ou en ruine. Le contraste est alors frappant : le matériau est de la pierre de bonne qualité, les éléments sont taillés en parement, voire sur les autres faces.
La raison principale de tels remplois réside dans le fait qu'une cabane champêtre, annexe éloignée de la maison villageoise, doit pouvoir être fermée à clé, lorsque ses utilisateurs ne sont pas aux champs. Il lui faut donc une porte en bois, et qui dit porte, dit encadrement, et rien ne vaut un vieil encadrement en pierres de taille avec tableaux et feuillure.
L’inscription « Nous passerons mais ces pierres resteront », trouvée dans une cabane en pierre sèche du Larzac, participe de l’illusion selon laquelle les cabanes en pierre sèche bénéficieraient d’une ancienneté et d’une perdurance hors du commun : cabanes néolithiques, gauloises, romaines, mérovingiennes, médiévales, vaudoises, etc. Il n’en est rien et c’est bien plus près de nous qu’il faut chercher l’explication de leur floraison.
Il est désormais établi qu'elles relèvent d’un vaste mouvement de construction dont le temps fort occupe le dernier tiers du XVIIIe siècle et les trois premiers quarts du XIXe et dont les causes sont les encouragements royaux à défricher en Languedoc et en Provence durant le XVIIIe siècle, le partage des anciens communaux dans la première moitié du XIXe, l’accession des petites gens à la propriété sous le Second Empire, l’extension de la culture de la vigne dans le troisième quart du XIXe siècle, les prix des sociétés agricoles d’encouragement au tout début du XXe siècle, les progrès et la démocratisation de l’outillage d’extraction, de taille et de mine et des instruments aratoires.
De même que les prémices de cet « âge d’or » ou « siècle des cabanes » remontent, du moins dans les garrigues péri-urbaines du Midi languedocien, au XVIIe siècle, de même ses dernières manifestations perdurent jusque dans les premières décennies du XXe siècle, ainsi dans certains coins du Lot, de Saône-et-Loire, de Côte-d’Or, etc.
À partir de 1880, le mouvement de construction commença à décliner sous le coup de l’exode rural et des maladies de la vigne pour s’arrêter après la Première Guerre mondiale, dans des campagnes vidées de leur population mâle.
Un demi-siècle plus tard, dans les années 1970, le savoir-faire empirique des bâtisseurs de l’âge d’or de la pierre sèche — qu'aujourd'hui l'on qualifie parfois, non sans naïveté, d’« immémorial » ou d’« ancestral » — était déjà purement et simplement oublié lorsque commença à se manifester, chez les générations de la guerre et de l’après-guerre, un intérêt non seulement pour l’étude et la préservation des vestiges matériels où ce savoir-faire s’était concrétisé mais aussi pour la redécouverte et la vulgarisation des techniques de la construction à pierre sèche : ainsi tel ethnologue réussissant en 1970, à sa deuxième tentative, à construire un « cabanon pointu[22] » ; ou encore tel auteur publiant en 1977 un « Essai d’analyse architecturale des édifices en pierre sèche[23] » et un « Projet de construction expérimentale de cabanes en pierre sèche[24] ».
Cet intérêt se renforça progressivement dans les années 1980 et 1990 par la multiplication des « stages d’initiation à la pierre sèche », pour déboucher sur la publication des tout premiers manuels dans la première décennie du XXIe siècle.
Après avoir connu l’abandon et l’oubli, les cabanes en pierre sèche sont aujourd’hui à la mode. On assiste à une nouvelle floraison, non seulement d’édifices, mais de chantiers de restauration, de circuits de découverte, de maisons et de conservatoires de la pierre sèche, de colloques et de journées d’études, de sites et de pages web. Cependant cette évolution ne remplacera pas une véritable politique systématique d’étude scientifique et de conservation muséologique des derniers témoins.
Seamless Wikipedia browsing. On steroids.
Every time you click a link to Wikipedia, Wiktionary or Wikiquote in your browser's search results, it will show the modern Wikiwand interface.
Wikiwand extension is a five stars, simple, with minimum permission required to keep your browsing private, safe and transparent.