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forêt mythique de la légende arthurienne De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Brocéliande, appelée aussi forêt de Brocéliande, est une forêt mythique et enchantée citée dans plusieurs textes, liés pour la plupart à la légende arthurienne. Ces textes, datés du Moyen Âge pour les plus anciens, y mettent en scène Merlin, les fées Morgane et Viviane, le roi Arthur, ainsi que certains chevaliers de la table ronde. D'après ces récits, la forêt de Brocéliande héberge le Val sans retour, où Morgane piège les hommes infidèles jusqu'à être déjouée par Lancelot du lac ; et la fontaine de Barenton, réputée pour faire pleuvoir. Brocéliande serait aussi le lieu de la retraite, de l'emprisonnement ou de la mort de Merlin.
Le premier texte à la mentionner est le Roman de Rou, rédigé par le poète normand Wace vers 1160. C’est dans les textes postérieurs que Brocéliande trouve son nom actuel et la plupart de ses attributions, sans que sa localisation physique soit évidente. La première revendication physique de cette forêt légendaire remonte au lorsque les Usemens et Coustumes de la foret de Brecilien sont écrits au château de Comper par un certain Lorence, chapelain du comte Guy XIV de Laval. Ces revendications physiques évoluent au fil des années. Au début du XIXe siècle, Brocéliande est assimilée à la Forêt de Lorge (dite forêt de Quintin), originellement Koedrac'h, dans le département des Côtes-d'Armor, en Bretagne. Depuis les années 1850, différents auteurs l'associent surtout à la forêt de Paimpont, en Ille-et-Vilaine, au point que cette théorie devient la plus largement admise par la culture populaire. Seules les communes situées autour de la forêt de Paimpont utilisent le nom « Brocéliande »[1].
Dès le XIXe siècle[2],[3], d'autres théories sur la légende arthurienne postulent sa localisation dans la Forêt du Huelgoat, du Gâvre, de Dol, à Paule ou en Normandie, notamment près du mont Saint-Michel (voir ci-dessous). Le développement du tourisme en a fait un atout considérable pour les bénéficiaires.
L'étymologie est incertaine[4]. La plus ancienne forme connue, Brecheliant, a fait supposer que le toponyme serait basé sur le brittonique bre « colline », suivi d'un nom d'homme[5]. Brecilien supposée comme forme ancienne celtique de Brécheliant est, elle, basée sur bre (colline ayant ici le sens de « motte castrale ») et le nom d'homme Silien ou plutôt Sulien, même si selon certains l'étymologie en *bré pourrait aussi désigner « le fauche » ou encore « la battu du désert », un point bas et marécageux[réf. souhaitée].
Chez les trouvères, Bresilianda désignait la Bretagne armoricaine en entier[6][source insuffisante]. Au Ier siècle après J.-C., l'historien grec Plutarque mentionne dans ses écrits le nom de "Bresilianda" pour désigner la Bretagne armoricaine. La carte de Bembery de 1480 mentionne ce nom.
Gwenc'hlan Le Scouëzec traduit Brecilien par « la Butte à l'anguille », ce qui d'après lui « a le mérite d'intégrer au nom de la forêt de Brocéliande les « fables » concernant les fées des eaux vives »[7].
La forme Brocéliande, plus tardive, pourrait être basée sur bro signifiant « pays » en breton, mais elle est suspecte et il faut attendre Chrétien de Troyes pour la trouver comme variante. D'après Jean-Yves Le Moing, Brocéliande est « une francisation récente » de la forme Brécilien, « peut-être influencée par les termes gallo-romans brosse « buisson » et lande »[8]. Une étymologie populaire la décompose en broce « forêt » et liande « lande »[4], ce qui ferait de l'expression « forêt de Brocéliande » une tautologie.
Au Ve siècle apr. J.-C., en Bretagne (de l’autre côté de la Manche), les Barbares, en l'occurrence Saxons, Scots ou Angles, disputent aux peuples plus ou moins romanisés leurs pouvoir et possessions. Parmi les plus valeureux de ces résistants se distingue un certain Artus, seigneur de Camelot, près de Londres, entouré de preux chevaliers réunis dans la confrérie de la Table ronde. Leur but est de défendre coûte que coûte leurs possessions[9].
D’épiques combats, alimentés par la tradition orale, se transforment aux siècles suivants en récits légendaires qui associent à leur résistance l'usage d'un récipient ou graal. Une partie des Bretons passe la mer et prend la place de ceux qui y habitent, impose leur langue créant la Petite Bretagne.
Engagé aux côtés de Guillaume le conquérant dans la bataille d’Hastings (), Raoul II de Montfort, seigneur de Gaël, entend ces récits guerriers. De retour sur ses terres de Paimpont, le chevalier s’en fait largement l’écho, suppose-t-on, dans les soirs de veillée, racontant à l’envi des récits embellis. Ces péripéties guerrières se diffusent bientôt d’un côté à l’autre de la Manche, jusqu’à inspirer la littérature médiévale[9].
Brocéliande est citée dès le XIIe siècle dans les romans de la matière de Bretagne, ce qui coïncide avec les premiers textes en français vernaculaire[10]. Philippe Walter a montré que « le mythe de Brocéliande n'est pas une invention récente »[10].
Wace cite les chevaliers bretons qui participent à la conquête de l'Angleterre, et parmi eux « Ceux de Brecheliant (sic) dont les Bretons disent maintes légendes… »[Note 1]. Il cite aussi la fontaine de Barenton, qui a des propriétés merveilleuses : « La fontaine de Berenton/sort d'une part lez le perron… »[11].
Il faut ensuite attendre Chrétien de Troyes qui, vingt ans plus tard et dans le Chevalier au lion, évoque Brocéliande comme une forêt merveilleuse dont la fontaine (qu'il ne nomme pas) est défendue par un chevalier invincible. Entre 1180 et 1230, Brocéliande est citée par divers auteurs : Huon de Mery, Guillaume Le Breton[Note 2], Giraud de Barri, Alexandre Neckam, Robert de Boron, et apparaît dans le roman occitan de Jauffré[12].
Les œuvres de la légende arthurienne qui mentionnent cette forêt sont Yvain ou le chevalier au lion[13], Brun de la Montagne[14], le Merlin en prose[15], Le Roman de Ponthus et Sidoine[16], et Claris et Laris[17].
Aucun auteur n'indique la position exacte de la forêt. Au mieux, comme on peut le constater à la lecture des sources, ils indiquent que la forêt se trouve en Bretagne armoricaine. Vers 1230, Robert de Boron est le premier à associer Merlin à Brocéliande.
Les auteurs anciens étant muets sur la localisation de Brocéliande, il existe plusieurs hypothèses de valeurs inégales pour la situer. L'historien Arthur de la Borderie mentionne trois Brecilien (ou Bressilien) en Bretagne[18],[19] Il s'agit de trois lieux nobles ayant possédé une motte féodale : le Brécilien de Paule, dans les Montagnes Noires[Note 3], le Brecilien près de Paimpont et Montfort, et le Bressilien de Priziac[20]. L'auteur fait ce rapprochement sous l'hypothèse de l'existence d'une grande forêt centrale ayant jadis occupé l'ensemble de l'intérieur de la Bretagne armoricaine. Cette hypothèse est aujourd'hui réfutée[21]. La forêt de Paimpont n'est pas nommée tout entière Brécilien, mais compte un lieu-dit de ce nom[8]. Il existe aussi un lieu-dit Bercelien à Plouer-sur-Rance[8]. Aucune preuve historique ou archéologique n'atteste que ces différents lieux aient été jadis situés dans une même forêt[8], la grande forêt centrale armoricaine étant un mythe.
Pour Wace, Brocéliande se situe en Bretagne armoricaine alors que pour Chrétien de Troyes elle semble se situer en Grande-Bretagne. L'une de ces hypothèses serait que Brocéliande n'a jamais existé, et qu'il s'agirait d'un mythe relayé par Wace, puis repris par Chrétien de Troyes à partir du texte de ce dernier[22].
D'autres théories parlent de Normandie ("en la marche de Gaule et de petite Bretagne", Lancelot Graal, traduction Micha), notamment près du mont Saint-Michel. Wace était en effet normand, et Chrétien de Troyes a accompagné Marie de Champagne à la cour d'Aliénor d'Aquitaine sa mère à Domfront et aurait pu y puiser l'inspiration dans les légendes et les figures des ermites[23]. La toponymie de la région autour de Barenton soutient cette hypothèse[2]. Elle peut être parcourue par le circuit Lancelot du Lac[24] qui s'étend sur le Parc Régional Normandie Maine. Barenton, sa colline le porche et le puits, Mortain et son abbaye Blanche, La forêt de la Lande Pourrie, la Fosse Arthour, Banvou, Lassay et Saint Fraimbault (dont une étymologie est "porteur de lance")[2]. Les travaux du CENA auraient été validés par The International Arthurian Society (IAS). Il s'agit donc ici non pas de la "Forêt de Brocéliande", mais bien du prototype ayant servi à Chrétien de Troyes pour imaginer et décrire cette forêt imaginaire et son contexte dans son oeuvre.
La première localisation non ambiguë de Brocéliande date de 1429 lorsque Jean d'Orronville rattache la forêt mythique à celle de Quintin[25]. Quelques années plus tard, le , la charte des « Usemens et Coustumes de la foret de Brecilien » est écrite au château de Comper, près de Paimpont, par un certain Lorence, chapelain du comte de Laval. Ce manuscrit reprend le texte de Wace jusque dans la description de la fontaine qui ferait pleuvoir : « […] il y a une fontayne nommée la fontayne de Bellenton, auprès de laquelle fontayne le bon chevalier Ponthus fist ses armes, ainsi que on peult le voir par le livre qui de ce fut composé ». L'auteur, une personne avertie, donne ses sources en citant le Roman du chevalier de Ponthus. Dans Hauts lieux de Brocéliande, Claudine Glot voit dans cette charte la plus ancienne localisation de Brocéliande identifiée aux terres de Guy de Laval, seigneur de Comper[26]. Mais selon Goulven Peron, l'auteur du roman de Ponthus (texte écrit vers l'an 1400) songeait peut-être déjà à la forêt de Paimpont lorsqu'il racontait les aventures du chevalier Ponthus dans la forêt de Brecilien : « L'auteur anonyme de ce roman, même s'il ne localise pas précisément Brocéliande, donne un certain nombre d'indices qui peuvent laisser penser qu'il avait en tête la forêt de Paimpont. »[27].
À cette époque, les grandes familles bretonnes tentent d'appuyer leur gloire en revendiquant la possession de terres arthuriennes, ainsi, en 1475, les Rohan affirment descendre d'Arthur et posséder le château de la Joyeuse Garde « où le roi Arthur tenait sa cour ». Les Laval, reconnaissant en leur terre de Brecilien le Brecheliant de Wace, inventent la « fontaine magique » et se proclament ainsi seigneurs de Brocéliande[28].
Aux XVIIIe et XIXe siècles, les auteurs romantiques défendent différentes localisations : l'abbé de La Rue évoque la forêt de Lorge près de Quintin[29], Châteaubriand l'identifie à Becherel, écrivant d'ailleurs : « Au XIIe siècle, les cantons de Fougères, Rennes, Bécherel, Dinan, Saint-Malo et Dol, étaient occupés par la forêt de Brécheliant ; elle avait servi de champ de bataille aux Francs et aux peuples de la Domnonée. Wace raconte qu'on y voyait l'homme sauvage, la fontaine de Berenton et un bassin d'or. »[30]. Certains auteurs, dont le plus imaginatif semble être Blanchard de la Musse, retrouvent la charte des Usemens de Brecilien datée de 1467, et placent le Tombeau de Merlin et le val sans retour dans les environs de Montfort et de Paimpont[31]. Dès la fin du XVIIIe siècle, « l'identification entre la forêt de Paimpont et Brocéliande constitue comme une sorte de vérité historique »[32] et en 1835, elle fait pratiquement l'unanimité. À partir de la désignation de ce site, différents éléments qui le composent (rochers, mégalithes, fontaines, étangs) sont nantis de légendes liées au cycle arthurien[33].
Ph. Jouët écrit : « Comme le mythe de Brocéliande n'est pas une forgerie (voir N. Chadwick, Early Brittany, ch. 8 ; Ph. Walter, Brocéliande), il y a lieu de dissocier les noms en bre- « hauteur » (+ un nom de personne ou un nom formé sur sell- ("vue", "observatoire" = "Bellevue") des formes en bro- qui pourraient être issues de Ct. bro(gion) « région », et d'un déterminatif pour lequel A. J. Raude a proposé le NL Caledonis (Saltus) ou (Nemus) Caledonis de l’Historia Regum Britanniae, ch. 145, massif qui s’étendait du Loch Lomond à Dunkeld, en gallois kelydon (L'origine géographique des Bretons armoricains, Lorient). La fabuleuse "Brocéliande" de Bretagne serait due à une tradition transférée en Armorique, implantation favorisée par un ensemble mythico-rituel bien antérieur signalé par des toponymes (Néant, Neanti à rapprocher de Neizan ; Barenton, Ninian, Pontus "flot"). La forêt est le cadre d'événements merveilleux (« traversée de l’eau de la ténèbre hivernale ») et rituels (cavalcade nocturne et abolition des servitudes) de la vie du roi Judicael de Domnonée (ca 590-652), d'importance cruciale pour sa lignée et son royaume (Jouët, L'Aurore celtique, 2e éd., ch. VII, 11.5)[34]. »
De nombreuses œuvres de fiction, romans, films, séries et recueils de contes, mentionnent Brocéliande.
Un film d'horreur français de Doug Headline, tourné dans la forêt de Paimpont, est sorti en 2003. Ce film, intitulé Brocéliande, a reçu des critiques très négatives dès sa sortie. Il est classé 13e de la liste des pires films de tous les temps établie sur Allociné, avec une note moyenne de 1,1 ⁄5 attribuée par les spectateurs[35].
En 2006, Brocéliande a donné son nom à une marque d'eau minérale, extraite du sous-sol de Paimpont.
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