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art consistant à raconter une histoire avec des dessins De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Une bande dessinée (dénomination communément abrégée en BD ou en bédé) est une forme d'expression artistique, souvent désignée comme le « neuvième art », utilisant une juxtaposition de dessins (ou d'autres types d'images fixes, mais pas uniquement photographiques), articulés en séquences narratives et le plus souvent accompagnés de textes (narrations, dialogues, onomatopées). Will Eisner, un des plus grands auteurs américains de bande dessinée, l'a définie (avant l'émergence d'Internet) comme « la principale application de l'art séquentiel au support papier »[1].
La bande dessinée peut désigner, selon le contexte, la forme d'expression, c'est-à-dire la technique en tant que telle, mais aussi le médium qui supporte la bande dessinée (livres de différentes formes, support numérique). Son origine est attribuée à Rodolphe Töpffer au XIXe siècle. Richard Felton Outcault avec The Yellow Kid est également un des précurseurs du genre.
En Amérique du Nord où les anglophones l'appellent comics, la bande dessinée devient populaire au début du XXe siècle et un développement important survient dans les années 1930[2] avec l'émergence de la bande dessinée de superhéros dont la tête de pont est Superman, personnage créé en 1938 dans Action Comics. C'est également à l'entre-deux-guerres qu'Hergé crée Les Aventures de Tintin qui reste un classique de la bande dessinée franco-belge au style dit ligne claire. Au Japon, Osamu Tezuka popularise la bande dessinée (appelée là-bas manga) après la Seconde Guerre mondiale.
Initialement considérée comme un sous-genre de la littérature, ou un art mineur comparativement à la peinture, et destinée avant tout aux enfants, la bande dessinée gagne à partir des années 1960 une légitimité en tant que telle. Ses auteurs exposent, vendent des planches originales comme peuvent le faire d'autres artistes, des festivals drainant des milliers de visiteurs lui sont consacrés à l'instar du Festival international de la bande dessinée d'Angoulême inauguré en 1974 en France et une reconnaissance en tant qu'art lui est accordée, que ce soit par des prix comme ce fut le cas pour la bande dessinée d'Art Spiegelman Maus récompensée par le prix Pulitzer en 1992 ou par des expositions dans les musées.
De nouveaux genres émergent, certains auteurs se revendiquent ou sont « catégorisés » comme appartenant à une bande dessinée alternative explorant de nouveaux modes de narration, de nouveaux formats. Des éditeurs décidés à se consacrer spécifiquement à ce segment voient le jour, visant une clientèle plus adulte. Grâce à l'essor d'Internet et au perfectionnement des outils numériques de création, les auteurs de bande dessinée s'emparent de ce nouveau mode de communication, en publiant des bandes dessinées inédites directement sous forme de blogs BD ou en passant du support papier à la bande dessinée en ligne.
Si une image unique (une illustration, un dessin d'humour…) peut être narrative, elle ne peut pas relever de la bande dessinée, puisque « le propre de celle-ci est le dévoilement progressif de l’histoire racontée, sa répartition en « paquets narratifs » ou « fragments d’espace-temps » placés les uns à la suite des autres »[3]. Pour autant, il ne suffit pas de juxtaposer des images pour créer une bande dessinée : il faut qu'elles entretiennent entre elles certains rapports de sens ou de temporalité.
Si la définition du concept de bande dessinée partage encore les critiques et les spécialistes de la bande dessinée, les amateurs n’ont aucune difficulté à définir dans la pratique le medium bande dessinée.
Dans la pratique, il est arrivé aux deux genres de coexister chez le même auteur : pour des raisons de format et de qualité d'impression, Marten Toonder fut publié sous forme d'histoire en images dans la presse régionale française ainsi que dans le quotidien La Croix, mais en bande dessinée chez Artima. L'hebdomadaire pour la jeunesse Cœurs vaillants imposa quelque temps à Hergé un format double (bande dessinée de Tintin en Amérique dont chaque case avait une légende sous-jacente), puis y renonça.
Il est de coutume de distinguer « la » bande dessinée et « les » bandes dessinées. Cette distinction est mise en lumière par Francis Lacassin[4]. « La » bande dessinée est le concept, c'est-à-dire l’Art — le 9e[Note 1] » — et la technique permettant la réalisation de cet art. « Les » bandes dessinées sont les médias par lesquels est véhiculé cet art. Cela implique de donner une double définition, celle de la bande dessinée et celle du médium bande dessinée.
Puisque la bande dessinée est un art, il en existe deux grandes perceptions. La première considère la bande dessinée comme un art mineur, la bande dessinée est de l’art. L'autre fait de la bande dessinée un art à part entière.
Au même titre que la musique pop ou le roman policier, la bande dessinée connut le plus grand mal pour acquérir une véritable reconnaissance. D'abord considérée comme un simple outil de divertissement destiné à la jeunesse, la bande dessinée dut s'émanciper de son statut de comic pour asseoir un moyen d'expression artistique nouveau. Certains auteurs contribuèrent largement à cette reconnaissance, tel Hugo Pratt.
Ce sentiment semble cependant moins fort aujourd'hui. Ainsi, Vincent Bernière écrit-il en 2008 que « vouloir défendre la bande dessinée japonaise, ou la bande dessinée en général, est un combat d'arrière-garde »[5]. Il exprime ainsi avec confiance son sentiment que l'époque où la bande dessinée était considérée comme un sous-art est désormais révolue même si certains comme Alain Finkielkraut continuent à en parler, par mépris vis-à-vis des livres illustrés, comme d'un « art mineur »[6].
Si la bande dessinée est « de » l’art, il faut alors que cet art se rattache à toutes les formes picturales qui l’ont précédé. C’est la position de Scott McCloud[7]. Cette façon de percevoir la bande dessinée oblige à la replacer dans le grand courant artistique et culturel qui commence avec les premiers dessins, ceux de l’art pariétal, comme à la grotte de Lascaux, même si aujourd'hui un tel rapprochement est artificiel. A priori les spécialistes s'accordent sur le fait qu'il ne s'agit pas de suites de dessins. De plus, la qualité narrative de ces peintures reste à prouver, de nombreux archéologues, comme le professeur Norbert Aujoulat, responsable du site, penchent pour une interprétation chamanique, les dessins auraient une fonction « magique ».
Il n'existe donc pas de raison de rattacher les peintures rupestres à la bande dessinée plutôt qu'aux autres arts graphiques au même titre que les bas-reliefs des temples égyptiens[8], les codex précolombiens[9] et les Biblia pauperum[10] de la fin du Moyen Âge. Le philosophe et missionnaire catalan Raymond Lulle fait exécuter, au XIVe siècle des histoires en images juxtaposées mettant en scène ses aventures notamment en terres musulmanes. Les séquences d'images sont dialoguées à l'aide de phylactères[11]. Dans la tradition catalane, les aucas constituaient des séries d'images, accompagnées de textes rimés racontant une histoire. Il faut encore ajouter à cette liste : la Tapisserie de Bayeux, le Rouleau de Josée de la bibliothèque vaticane[12] et les 182 collages de Max Ernst Une semaine de bonté[13]. Ces références artistiques ont toutes en commun la volonté de raconter une histoire comme le fait une bande dessinée ou encore les frises du Parthénon à Athènes, la colonne Trajane à Rome, les bas-reliefs du temple d'Angkor Vat au Cambodge.
« L'histoire de l'art ne pouvait donc pas reconnaître dans la dimension narrative de ces œuvres le critère d'une discipline autonome au sein des arts visuels »[14]. Cette vision d'un grand courant artistique qui parcourt l’histoire de l’art pour donner ses lettres de noblesse à la bande dessinée est de moins en moins retenue depuis la mise en avant de la bande dessinée, neuvième art.
Dans le deuxième cas, si la bande dessinée est « un » art, il faut évidemment définir en quoi la bande dessinée est « un » art, il ne suffit pas de l'affirmer. Là encore deux perceptions s’affrontent :
Si la bande dessinée n'est que graphique regroupant texte et dessin, le texte doit s’inscrire obligatoirement sous une forme graphique dans le dessin au sein d’une bulle : selon H. Filippini, « la bande dessinée est une suite de dessins contant une histoire ; les personnages s’y expriment par des textes inscrits dans des bulles »[19]. Cette définition rejette les auteurs de bandes dessinées appelées alors « histoires en images » comme les Français J-P. Pinchon (Bécassine), Louis Forton (Les Pieds nickelés et Bibi Fricotin), le Néerlandais Marten Toonder (Tom Pouce), les Américains Rudolph Dirks (Katzenjammer Kids ; en français Pim Pam Poum) et Gustave Verbeek (Upside-Downs ; en français Dessus-dessous[20]). Cette définition rejette aussi, peut-être moins catégoriquement, les bandes dessinées sans texte comme celles de l'Américain Otto Soglow (Little King ; en français Le Petit Roi) qui en 1975 ne comportaient toujours pas de texte.
Les spécialistes de la bande dessinée défendent avec de moins en moins de vigueur cette deuxième vision restrictive de la bande dessinée, même H. Filippini intègre tous les auteurs cités ci-dessus dans son Dictionnaire de la bande dessinée (cf. bibliographie).
Toutefois ce débat ne peut pas rester celui de spécialistes, ce serait un paradoxe au regard de la popularité du genre… Par exemple la « BD » (une abréviation d'usage précisément populaire mais peu appréciée des amateurs[réf. souhaitée]) est maintenant considérée comme un genre au sein de l'art contemporain, lorsque sur un plan uniquement esthétique (mais pas narratif) elle résulte d'une démarche artistique ; cette reconnaissance conduit des auteurs à exposer et à vendre leurs planches originales, mais il s'agit là d'une démarche artistique dérivée de la bande dessinée considérée comme un art en elle-même puisque dans ce cas ce sont seulement des fragments de bande dessinée.
Schématiquement on distingue dans le monde plusieurs zones et cultures liées à la bande dessinée[21] :
Selon les cultures de chaque pays en matière de bande dessinée, on distingue plusieurs appellations pour le médium ou la forme.
Aux États-Unis :
Beaucoup de pays ont simplement traduit « bande dessinée » dans leur langue vernaculaire comme les Portugais qui parlent de banda desenhada, ou utilisent le terme américain comics. Si une grande partie des pays reprennent l'anglicisme comics, d’autres privilégient leur langue maternelle. En Ukraine, on trouve parfois le terme мальо́пис ou мальовані історії (histoires peintes), de manière à s'opposer à une vision uniquement américaine de la bande dessinée. Les Brésiliens utilisent un terme plus imagé et parlent de história em quadrinhos (histoire en petits tableaux). En Argentine, au Chili, en Uruguay, le terme historieta (historiette), est utilisé comme en Espagne. Les jeunes dessinateurs préfèrent souvent utiliser le terme américain comic. Dans certains pays, le terme est associé au dessin de presse, comme le turc karikatür.
Les amateurs s'entendent sur un certain nombre de mots et de définitions pour décrire les différents éléments dont sont composées les bandes dessinées :
Le reste du temps, les histoires sont directement éditées en albums, cette pratique a tendance à se généraliser. Même si le format à la française (hauteur supérieure à la largeur) est celui de la majorité des albums, il existe aussi des albums ayant un format plus rare (format à l'italienne où la largeur est supérieure à la hauteur, format carré). De même le format est souvent plus grand que celui d'une feuille A4 mais les petits formats ou les traductions des comics sont plus petits que le A4. Les éditions françaises des mangas prennent un format poche.
L'essor de la bande dessinée en ligne a permis à cet art de sortir du format classique. Le processus de création s'est démocratisé comme en témoigne la production sur des sites internet comme "grandpapier" et notamment grâce aux logiciels de graphisme sur ordinateur qui permettent à de plus en plus d'auteurs de réaliser l'ensemble des étapes par eux-mêmes. Le mode d'édition peut lui aussi être différent sur Internet : des séries sont désormais publiées sur des sites qui proposent des abonnements avec des nouvelles planches à échéance hebdomadaire, mensuelle ou quotidienne. Cette façon de procéder copiée sur la diffusion d'épisodes de séries télévisées permet de subventionner la création en même temps que celle-ci se fait. Par exemple, Les Autres Gens, réalisé par une trentaine d'auteurs et qui grâce au succès rencontré sur Internet a connu une version papier[22].
La démocratisation des tablettes et des smartphones a permis aux auteurs de bande dessinée de s'en emparer.
Si nous pouvons citer les applications avec abonnement des grands éditeurs de comics que sont DC avec DC Univers[23], et Marvel avec Marvel Unlimited[23], il existe également des propositions du côté des éditeurs de mangas. Ces plateformes proposent un accès illimité au catalogue, mais avec une temporalité de sortie plus longue ; par exemple chez Marvel il faut compter 6 mois supplémentaires pour voir les opus apparaitre.
Ces application proposent une vue en page globale, ou au tap, c'est-à-dire que nous voyons une case par tap. Ce qui permet l'ajout d'effet sonores, et d'effet de révélation brisant l'effet « spoiler du bas de page ». Ce mécanisme permet de s'adapter à tous les formats d'écrans, y compris les plus petits qui ne permettrait pas une vision précise de planches de grande taille.
De nombreuses propositions sont sorties proposant un découpage plus proche de l'album : une application pour une bande dessinée.
Il existe de nombreuses proposition formelles s'éloignant de la forme classique des planches, pour s'approprier les possibles des supports tactiles. Les bandes défilées ont ainsi pris une belle place dans la production. Nous faisons défiler l'histoire en continue ce qui fait apparaitre et ou disparaitre les éléments et permet l'activation d'effets sonores ou vidéo. Nous pouvons citer l'exemple de Phallaina[24].
Apparue en Suisse au début des années 1830 avec la parution des premiers albums de Rodolphe Töpffer (voir l'Histoire de monsieur Jabot), la bande dessinée se diffuse au cours du XIXe siècle dans le monde entier via les revues et journaux satiriques (voir notamment en France L'Idée fixe du savant Cosinus de Christophe). Popularisée tout à la fin de ce siècle dans les journaux américains sous la forme du comic strip, la bande dessinée devient alors un médium de masse, assez diversifié aux États-Unis, de plus en plus restreint à l'humour et aux enfants en Europe.
Dominant de plus en plus la presse enfantine mondiale, via des périodiques spécialisés à partir des années 1930, la bande dessinée touche également les adolescents et certains adultes, dans le cadre du comic book et de strips de qualité aux États-Unis, des « petit format » en Europe. À partir des années 1950, elle connaît un troisième foyer de développement majeur lorsque le Japon se met à en créer massivement sous l'influence d'Osamu Tezuka. Les trois foyers sont alors relativement indépendants, tant dans les œuvres publiées que dans les structures éditoriales, seul le foyer américain pénétrant les deux autres[réf. souhaitée].
Le genre considéré comme infantile, et vecteur de violence auprès de la jeunesse, a même été contrôlé éditorialement par la loi comme en France avec la loi du 16 juillet 1949[25] qui interdit toute publication destinée à la jeunesse « présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous actes qualifiés crimes ou délits ou de nature à démoraliser l'enfance et la jeunesse », et institue « une commission chargée de la surveillance et du contrôle des publications destinées à l'enfance et à l'adolescence ». De même aux États-Unis à la même période naît le Comics Code Authority qui était chargé de vérifier les publications destinées à la jeunesse. Dans les années 1960, parallèlement à l'émergence de courants analytiques comme les cultural studies, la bande dessinée commence à chercher à se légitimer en quittant cette étiquette de « littérature pour enfants », considérée comme une phase de transition vers une littérature pour adultes[26].
Les créations de Jean-Claude Forest en France, du mouvement gekiga au Japon et de l'underground américain conduisent à de nombreuses remises en question qui permettent l'apparition d'un premier discours critique en Europe et aux États-Unis. Dans les années 1970, les expérimentations se poursuivent derrière Mœbius, tandis que la revendication de la paternité littéraire, de plus en plus patente, explose à la fin de la décennie avec le succès du terme « roman graphique » de Will Eisner ou le concept des « romans en bande dessinée » lancé pour promouvoir Corto Maltese d'Hugo Pratt.
Si les séries classiques de divertissement dominent toujours les marchés à la fin des années 2000[réf. souhaitée], la bande dessinée a exploré depuis les années 1980 tous les champs abordés par les autres arts narratifs, et s'est vue de plus en plus légitimée, malgré les récriminations récurrentes de ses acteurs sur la lenteur de cette reconnaissance[réf. souhaitée].
Bien que les étapes de la création d'une bande dessinée dépendent des artistes et des œuvres, un cheminement général peut être évoqué :
Le champ graphique est vaste en fonction de la technique utilisée qui va des premiers dessins gravés à la pointe sèche jusqu'à l'utilisation de la peinture à l'aérographe par certains auteurs tels Juan Gimenez. Cette dernière méthode (maintenant souvent même remplacée par l'infographie) permet des réalisations qui sont plus proches visuellement de la photo que du dessin avec l’élimination du trait.
En fonction de l'œuvre et de l'artiste, la même personne peut réaliser tout ou une partie du travail de création : scénario, dessin, encrage. Le plus souvent le travail est partagé entre un scénariste et un dessinateur. Certaines étapes plus spécifiques, telles que le lettrage et la mise en couleur, peuvent être laissées à des spécialistes.
Enki Bilal, par exemple, est un auteur complet. Scénariste et dessinateur, il travaille en couleur directe. Il a aussi la particularité de dessiner les cases sur des feuilles séparées, ce qui lui permet de les agencer à loisir sur la planche.
Alors que la bande dessinée évoque en premier un art propre aux peintres, tout en étant vendue comme de la littérature (ou du moins comptabilisée comme telle dans les chiffres du secteur de l'édition), plus nombreux sont les liens entre cinéma et bande dessinée tant dans la technique de réalisation que par les moyens artistiques à mettre en œuvre, qui ont interpénétré les deux modes d'expression.
Il en est ainsi pour l'écriture et le rythme de l'histoire, la réalisation des décors, l'utilisation des angles de prises de vues (panoramiques, plongées, contre-plongées, gros plans, plans américains, le dessin seul gardant la possibilité de montrer le personnage prenant appui ou marchant sur le bord de l'écran, voire d'en sortir) les montages, les éclairages (avec des outils électroniques de création ou de colorisation maintenant communs aux deux arts), la limitation du champ visuel par l'écran ou la page, la vision 2D, la sonorisation (subjective pour la BD même si certains auteurs tel Cosey font des suggestions d'accompagnements musicaux) avec voix off ou attribuée à l'acteur, les ellipses, retours en arrière et autres jeux sur l'échelle du temps… Mais le dessinateur est, lui, maître de ses acteurs, n'a pas besoin de budget pour des milliers de figurants ou de difficiles décors, et peut refaire toute prise sans limite. Enfin, le dessinateur a la liberté de cadrage (une case peut être horizontale, verticale, etc.) quand le cinéaste est tenu au rapport de l'écran.
À l'inverse le cinéma utilise la bande dessinée dans sa phase de conception avec ce qu'on appelle le storyboard.
Un classement rapide permet de distinguer, parmi les éditeurs de langue française :
Les plus grands sont:
Une bande dessinée est réalisée par un auteur qui peut tout faire de A à Z, on parle d'auteur « complet », ou bien par une équipe d'auteurs avec au moins un scénariste qui écrit l'histoire, un dessinateur qui la met en image, et parfois un coloriste. L'éditeur se charge ensuite d'assurer la production proprement dite de l'album et sa diffusion dans les librairies.
Les auteurs complets se trouvent principalement dans la bande dessinée européenne, alors que les auteurs américains et asiatiques sont plus souvent organisés en studios de plusieurs personnes avec un auteur principal et des assistants.
En France en 2015, on recense 1 500 auteurs au sens large c'est-à-dire scénaristes et dessinateurs. Les chiffres de vente par album étant de moins en moins bons depuis les années 2000 — le tirage moyen d'un album a été divisé par cinq, la moitié des auteurs gagne moins que le SMIC[27].
Le salaire d'un auteur de bande dessinée varie selon ses travaux et les chiffres de vente mais en moyenne un auteur français reçoit entre 150 € et 250 € par planche[28].
L'association des critiques et des journalistes de bande dessinée (ACBD) publie annuellement un rapport sur le marché francophone de la bande dessinée.
En 2012, le marché de la bande dessinée francophone vit une situation paradoxale. Depuis seize ans, le nombre de publications n'avait cessé de croître[29] pour atteindre le chiffre de 5 327 livres publiés, dont 72 % étaient des nouveautés (le reste se partageant entre rééditions, artbooks et essais). Cette « bonne santé » économique vient après une période de crise qu'avait subi le secteur durant les années 1980-1990 mais dépassée en 2012[30]. Toutefois, ce succès n'est pas total et seule une centaine d'albums bénéficie de tirages supérieurs à 50 000 exemplaires. De même, dix mangas représentent 50 % de l'ensemble des ventes de ce secteur[31], le marché du manga se stabilisant après avoir longtemps progressé. Si au milieu des années 2000, la production de manga constitue la moitié de la production de bande dessinée[30], il recule ensuite et connaît en 2010 une baisse de près de 14 % en volume et de 7,7 % en valeur[32] et en 2011 une stabilisation.
Par ailleurs, 310 éditeurs sont alors recensés mais quatre publièrent plus de 43 % des titres[33]. Ces grands groupes se caractérisent par une production diversifiée et un catalogue important alors que les éditeurs plus petits étaient souvent cantonnés à une niche (Panini : comics et manga, Bamboo : humour essentiellement, l'Association : bande dessinée d'auteur…) et possèdent un fonds moins riche. Cela n'empêche pas des succès importants comme Les Profs édités par Bamboo (120 000 exemplaires) ou Les Simpson édités par Jungle (150 000 exemplaires)[34]. La situation était donc contrastée et certains craignaient que la surproduction menace l'équilibre de ce marché[30].
Dans la revue Caractère, la journaliste Isabelle Calvo-Duval analyse le rapport annuel 2015 réalisé par Gilles Ratier pour l'Association des critiques et journaliste de bande dessinée (ACBD)[35]. L'auteur analyse que, dans les années 1990, le secteur comptait quelque 800 parutions tandis que dans les années 2000, celles-ci se montaient à 1 563 livres publiés. En 2015, 368 éditeurs ont publié 5 255 ouvrages, dont 35,2 % par trois enseignes : Média-Participations (Dargaud, Dupuis, Lombard, Kana , etc.) avec 762 titres, Delcourt (698 titres) et Glénat (392 titres).
En 2015, la France représente 50 % des ventes de mangas en Europe, tandis que la bande dessinée japonaise emporte 40 % du marché en France. Ce pays est depuis plusieurs années, le deuxième plus grand consommateur de mangas au monde, derrière le Japon au point que certains éditeurs ont décidé – fait unique – de publier simultanément certains volumes dans les deux langues, japonais et français[36].
Dans Les Échos en octobre 2017[37], les journalistes Michael Mastrangelo et Mélanie Chenouard indiquent que « le secteur de la bande dessinée a connu une croissance de 20% de son chiffre d'affaires ces 10 dernières années », ce qui dans le marché de l'édition française situe les bandes dessinées en troisième position (après la littérature générale et l'édition jeunesse), et ce pour la première fois[38]. Le lectorat est féminin à 53 %. En effet, le marché de la bande dessinée est important et représente 15 % du marché grand public de l'édition française. De plus, son public possède un âge très varié allant de plus de 10 ans à plus de 40 ans[39].
Le marché de l'occasion de la bande dessinée est un marché dynamique[réf. souhaitée], en Belgique particulièrement, porté par les différents festivals et par des librairies spécialisées.
Les éditions originales sont les albums (en nombre limité) édités une première fois. Lorsque l'album a du succès, il peut être réédité de nombreuses fois ; les collectionneurs accordent une valeur parfois très importante aux albums de l'édition d'origine. La valeur varie selon la rareté de l'édition originale, l'état de l'album et la présence d'une dédicace. La bande dessinée qui a été vendue au prix le plus élevé à ce jour est un exemplaire du premier numéro d'Action Comics, qui a été échangé au prix de 3 207 852 dollars sur eBay le [40]. D'après Les Échos en 2017[41], le marché de la BD d'investissement (les planches originales) « a décollé depuis 2007 - notamment avec la vente Bilal - et poursuit son ascension, avec des montants parfois stratosphériques » ; en revanche, les prix des objets sont en stagnation.
Une dédicace est un dessin original exécuté par l'auteur d'une bande dessinée et généralement dédié à un lecteur. Cette dédicace est souvent dessinée sur une des pages blanches qui commencent ou finissent l'album. Les festivals de bandes dessinées prévoient souvent des stands de dédicace nombreux ; la popularité des auteurs est un facteur d'attrait important pour les visiteurs. Les libraires peuvent également inviter des auteurs à dédicacer. En France, les dédicaces sont en règle générale gratuites mais peuvent être attribuées par tirage au sort. Certaines personnes qui revendent, parfois fort cher, leur dédicace fraîchement reçue provoquent l'exaspération des auteurs[42]. Aux États-Unis les dédicaces dessinées sont payantes pour le lecteur ; l'auteur est ainsi rémunéré[43].
La planche originale est le support (généralement en format A2) sur lequel l'auteur a exécuté son dessin. Les premiers auteurs de bandes dessinées accordaient peu d'importance à ces documents dès lors que l'album était imprimé. Actuellement, les passionnés se disputent ces planches à prix d'or.
Initialement sans valeur, les planches originales ont vu leur cote grimper au cours des années 1990 et 2000. La première vente aux enchères consacrée à la bande dessinée eut lieu en 1989. Le nombre de ventes atteint en 2015 une quarantaine à l'année[44] ce qui ferait de la bande dessinée un des marchés les plus actifs[45]. Quelques auteurs drainent la majorité des clients des salles d'enchères, à commencer par Hergé, le créateur de la série Les Aventures de Tintin, qui de son vivant offrait ses planches originales, souvent avec une dédicace[46]. Cette flambée des prix amène des pièces qu'on pensait disparues dans les salles de vente[47],[48].
Proposé par Artcurial, un dessin original de l'album Le Lotus bleu fut vendu début octobre 2015 à Hong Kong pour 1,1 million d'euros[49]. Le même mois, une double planche d'Hergé de l'album Le Sceptre d'Ottokar a été adjugée près d'1,563 million d'euros[50],[51]. Publiée dans Le Petit Vingtième le , cette planche était estimée entre 600 000 et 800 000 euros[52]. Cette double planche est issue d'un collectionneur belge privé, Jean-Arnold Schoofs. Parmi les autres pièces proposées se trouvent des originaux de Spirou et Fantasio, Astérix ou Blake et Mortimer[53].
Le record absolu est détenu par les pages de garde bleu foncé des albums de Tintin vendues 2,6 millions d'euros en 2014. Une couverture gouachée de Tintin en Amérique fut également adjugée pour 1,3 million d'euros en 2012[45]. Cette couverture fait partie des rares dessins mis en couleur par Hergé[54].
Les œuvres de Bilal se vendent également dans les 100 000 euros en moyenne[55]. Les autres artistes de bande dessinée sont loin d'atteindre ces prix, les planches de Jean Giraud par exemple étaient à quelques dizaines de milliers d'euros en 2007[56].
Côté comics, le no 1 d'Action comics, la première revue consacrée à Superman et dont peu d'exemplaires en bon état restent disponibles, fut vendu à environ 1,6 million d'euros en décembre 2011 mais pas via une maison de vente aux enchères[54],[57]. Sur eBay, un exemplaire est parti à 3 millions de dollars[58].
Les bandes dessinées les plus fameuses inspirent la création de nombreux produits dérivés (figurines, posters…).
Certains héros de bandes dessinées sont également utilisés sur des articles dits « avec licence » : vêtements, articles de papeterie, personnages ou même reconstitution de scènes d'une bande dessinée à succès tels les personnages de Walt Disney depuis fort longtemps ou, plus récemment de ceux de Tintin, d'Astérix et bien d'autres.
Dans cette section, les ouvrages cités font principalement référence au contexte français.
L’histoire de la bande dessinée (BD) c’est celle de sa « légitimation culturelle »[59], et une part de cette légitimation passe par l’intégration dans des institutions culturelles telles que les bibliothèques publiques. Celles-ci, de leur côté, s’adaptent toujours plus à cette « forme-genre en ébullition »[60].
La bande dessinée est désormais un art reconnu, présent dans toutes les bibliothèques publiques, et la pertinence de son intégration aux collections n’est plus contestée[61]. L’objet « bande dessinée » est approprié, conforme au monde des bibliothèques et à ses missions, et il contribue même à en façonner l’image, l’usage et l’aménagement.
D’une part, comme le relève Antoine Torrens, la nature séquentielle de la bande dessinée lui permet de réaliser le « tour de force de relever de la lecture, même dans les cas où elles ne comportent pas d’écrit »[62].
Le fait que la bande dessinée ait très tôt adopté le format « livre » (ou codex), celui que les bibliothèques « connaissent et maîtrisent le mieux »[61], a évidemment contribué à ce « tour de force » et à instaurer l’idée que l’objet bande dessinée a tout à fait sa place au sein des bibliothèques.
Par ailleurs, simultanément à la bande dessinée, les bibliothèques commencent à proposer « d’autres types d’objets culturels » que les livres, tels que la musique, des vidéos, des jeux vidéo[61]. La spécificité d’un support n’est donc décidément pas un obstacle à son intégration au fonds d’une bibliothèque.
La bande dessinée a aussi l’avantage, pour les bibliothèques, de contribuer à répondre à leurs missions fondamentales. En effet, « à la lisière du livre et du non-livre (…), à la fois incontestablement culturelle et vraisemblablement populaire, la BD correspond parfaitement à la volonté des bibliothèques (…) d’élargir le spectre de la culture et de faire bénéficier des politiques publiques culturelles le plus grand nombre possible de citoyens »[61].
Certaines caractéristiques de la bande dessinée font que son lectorat est, lui aussi, assez spécifique et particulièrement « adapté » au monde des bibliothèques.
Dans un mémoire de fin d’études consacré à la bande dessinée en bibliothèque, Dominique Ribeyre relève les propos d’une bibliothécaire concernant les lecteurs de bande dessinée (du secteur jeunesse) : ils « constituent le meilleur public. Très calmes, très concentrés, très intéressés, ils font peu de déclassement, prenant toute la série à côté d'eux pour la lire, et n'abiment pas les albums »[63].
Ces propos datent de 1986 et peuvent sembler dépassés ou caricaturaux, mais l’idée d’un lectorat particulièrement présent et apprécié en bibliothèque a été confirmée plus récemment par différents auteurs :
De manière générale, Antoine Torrens reprend les propos d'Éric Maigret et rappelle que « depuis la fin des années 1980, les plus grands lecteurs de bandes dessinées sont aussi les plus grands lecteurs de livres tout court »[61], ce qui ne peut déplaire aux bibliothécaires en général.
Plus précisément, d’après Olivier Piffault, la bande dessinée représentait dans les années 1990 et 2000 presque « 30% des prêts, [le] plus fort taux de rotation, [et la] première lecture massive des enfants »[64].
Dans le même ordre d’idée, dans un ouvrage édité par la Bibliothèque Publique d'Information du Centre Pompidou (sous la direction de Benoît Berthou), Xavier Guilbert cite un article du journaliste Alain Beuve-Méry paru dans Le Monde des livres en 2008 : « En bibliothèque, [la BD] c’est un ouvrage emprunté sur cinq »[65]. Plus loin, Xavier Guilbert poursuit en disant que « le lecteur de bandes dessinées ne se réduit pas à sa seule dimension d’acheteur (…). La sphère commerciale, bien que présente, apparaît comme largement concurrencée par les pratiques d’emprunt »[66].
Le court temps de lecture que nécessite (en moyenne) une bande dessinée (comparativement à un roman ou un documentaire, par exemple) est un des éléments qui explique ces très forts taux d’emprunt, mais cela favorise aussi et surtout la lecture sur place[67].
C’est pourquoi Torrens dit que les bandes dessinées « renforcent ainsi la dynamique consistant à transformer des bibliothèques traditionnellement centrées sur l’activité de prêt en des lieux de vie »[67] ou « troisième lieu »[68], et ce au point d’avoir une incidence non négligeable sur leur aménagement.
La bande dessinée contribue à façonner les bibliothèques d’abord en « imposant » un mobilier spécifique[68] : bacs de rangement, étagères plus hautes et/ou inclinées (notamment pour les mangas).
Mais plus généralement, « le renouveau de la bande dessinée dans les années 1990-2000 a élargi, en France, son lectorat bien au-delà de ses frontières traditionnelles. Cette évolution s’est répercutée en bibliothèque, où la bande dessinée s’est mise à occuper des espaces de plus en plus larges et de plus en plus centraux »[67].
Torrens, toujours, note que la bande dessinée est parfois placée stratégiquement, par exemple à l’entrée, où elle peut servir à « rassurer le lecteur autant qu’à l’attirer » car « elle identifie autant qu’elle désacralise »[67], d’où la notion de « produit d’appel »[69]. « La bande dessinée demeure donc un enjeu très fort d’accueil en bibliothèque »[70], et « l’aménagement des espaces traduit le choix de la stratégie par rapport [au] public »[71].
Il y a aussi derrière ces démarches, l’idée que la bande dessinée peut être un outil de transition, d’abord entre la non-lecture et la lecture, ensuite entre la lecture d’un « sous-genre »[72] ou d’un genre « paralittéraire »[73] et la lecture littéraire à proprement parler. On voit même parfois la bande dessinée comme un outil de transmission, favorisant « l’initiation du jeune lecteur au classement des collections en bibliothèque »[74]. Jusque dans les « politiques [de lecture publique], la place de la bande dessinée apparaît souvent comme un moyen plus que comme une fin »[75].
On peut quand même estimer qu’au fur et à mesure de son histoire, la bande dessinée a gagné en espace, en visibilité et en valorisation, et son impact sur les bibliothèques peut être présenté ainsi : « La bande dessinée a aussi partiellement imposé un style de lecture, un mobilier et, en définitive, des manières de peupler l’espace public. La bande dessinée et ses caractéristiques si particulières ont modelé et modèleront encore l’espace des bibliothèques, à l’insu des bibliothécaires eux-mêmes »[68].
Mais tout ceci n’est pas sans poser certains défis. La question de l’aménagement n’est pas si simple et fait écho aux problèmes de classement qui existent depuis le début de l’introduction de la bande dessinée en bibliothèque et qui se sont intensifiés à partir des années 2000 avec la « disparition du monopole de la bande dessinée européenne »[75].
En effet, différentes possibilités de classement existent et plusieurs coexistent en bibliothèque :
C’est le format « album », décliné en séries, qui a permis l’introduction en masse de la bande dessinée en bibliothèque[64]. Très souvent, les BD étaient rangées dans des bacs et identifiées au titre de la série, voire au prénom du héros de la série[74], et ce, principalement dans les sections jeunesse.
Mais la bande dessinée a toujours eu un public « intergénérationnel »[76] et les différents types de publication qui ont explosé à partir des années 2000 ont indéniablement fait augmenter le lectorat adulte, tout en ne mobilisant pas « les mêmes publics »[73].
Un classement et un rangement par âge (ou catégories d’emprunteurs « adulte » et « jeune ») se sont développés un peu partout, faisant naître des espaces clairement distincts dans les bibliothèques, mais aussi des interrogations quant au rangement des publications susceptibles de plaire autant aux jeunes qu’aux adultes. En effet, Olivier Piffault note que « la persistance de lecture des classiques « jeunesse » par les ados et adultes est une (autre) constante »[77]. La distinction entre bande dessinée adulte et bande dessinée jeunesse est de plus en plus poreuse, d’ailleurs pour Benoît Berthou, « la distinction entre « adulte » et « jeunesse » n’est (ainsi) plus forcément pertinente »[76].
Dans chacune de ces sections, la question se pose aussi du classement et de la cote. Ce qui semble faire consensus est de conserver un classement au titre pour les séries, mais d’y associer un classement au nom du scénariste[75] pour les « one shot » et autres romans graphiques (lorsqu’ils sont créés par plusieurs personnes). En effet, à tort ou à raison, et dans une « logique littéraire », c’est souvent le scénariste qui est privilégié, et non le dessinateur[78].
Enfin, il est également tentant pour certaines institutions de distinguer clairement, par un aménagement spécifique, les principaux courants et types de publications que sont les mangas, les comics et la bande dessinée dite « européenne » ou « franco-belge », que ce soit en raison de leur provenance géographique ou de leur format (l’un impliquant souvent l’autre).
Torrens cite même l'exemple de la bibliothèque de Bâle qui aurait créé des espaces genrés, sur la base du ciblage très explicite et assumé de certains mangas[67].
Quoi qu’il en soit, on voit que la bande dessinée représente des enjeux de classement et donc d’aménagement non négligeables pour les bibliothèques publiques.
Dans La bande dessinée : quelle lecture, quelle culture ?, Benoît Berthou et Jean-Philippe Martin relèvent un paradoxe : « Bibliothèques et librairies sont largement fréquentées par des lecteurs de bandes dessinées qui déclarent toutefois à une immense majorité « se débrouiller seul(s) » pour choisir les ouvrages qu’ils lisent ou achètent »[79].
Le lecteur de bande dessinée étant plutôt « autonome », ces auteurs pensent que les « métiers du livre deviennent ainsi affaire d’hospitalité : il s’agirait de penser un accueil reposant sur la mise en espace et en valeur de la production ou de la collection (…) »[79].
Dans Bande dessinée en bibliothèque, Maël Rannou fait le même constat : « La bande dessinée a souvent été vue comme un secteur moteur des structures et par ailleurs presque autosuffisant, ne nécessitant pas un travail de médiation particulièrement important »[60].
Cependant, il semble aussi sous-entendre que le lecteur de bande dessinée n’est peut-être pas autonome par essence, mais par défaut de connaissance des bibliothécaires[60]. En effet, il relève lui aussi un paradoxe « entre un secteur dynamique et majeur de nos structures et l’absence de toute boîte à outils pour les bibliothécaires »[60].
Il faut reconnaitre que la bande dessinée en général est un secteur à la fois varié, foisonnant et spécifique qui rend la médiation complexe. Berthou cite Gilles Ciment pour qui « ce rôle de tri, de sélection, d’orientation, d’aide au choix est normalement assuré par un certain nombre de médiateurs qui semblent manquer cruellement (et uniformément) à la bande dessinée. […] Il s’agit d’une consommation qui n’est pas davantage “éclairée” dans le secteur commercial et culturel qu’elle l’est, comme on l’a vu, dans le secteur institutionnel »[76].
Cette idée est quand même assez répandue puisqu’on la retrouve également chez Torrens pour qui « l’évolution très rapide des tendances de lecture cause parfois des décalages entre les attentes du public et les outils dont disposent les personnels »[61].
En fait, bien que la bande dessinée soit aujourd’hui pleinement acceptée et reconnue en bibliothèque, il semblerait que nous soyons malgré tout face à « une lecture qui pose problème et que l’on semble encore peiner à penser clairement »[80], ainsi qu’un « mode d’expression et de publication qui nous invite à reconsidérer tous les aspects du métier, sans exception aucune »[81].
« Peut-être a-t-on encore aujourd’hui trop tendance à réduire à une simple popularité un phénomène bien plus complexe, qui invite les bibliothèques à repenser leurs modes d’organisation, voire leurs missions »[80].
La bande dessinée, comme tout art parvenu à maturité, possède ses institutions spécialisées. Les plus importants centres incluent :
La bande dessinée se faisant une place comme un art à part entière, ses auteurs exposent également dans des grands musées autrefois réservés à d'autres formes d'art comme la peinture ou la sculpture. Ainsi Robert Crumb a exposé au Musée d'art moderne de la ville de Paris en 2012, mais aussi Enki Bilal au Musée du Louvre en 2013.
Le Centre Georges Pompidou propose en mars-mai 2012 une rétrospective « Art Spiegelman : CO-MIX - une rétrospective de bandes dessinées, graphisme et débris divers »[87],[88],[89].
Les expositions collectives peuvent refléter un thème social et politique. Ainsi, dans Le Monde, le chroniqueur de bandes dessinées Frédéric Potet[90] relève « Témoignages à la première personne, récits fouillés, reportages… La bande dessinée s'est emparée de la crise migratoire ». En effet, en octobre 2013, le Musée national de l'histoire de l'immigration a proposé 500 documents pour étudier les relations entre bande dessinée et « mouvement migratoire »[91]. En juin 2018, le festival Lyon BD organise une exposition appelée Réfugiés pour étudier « la façon dont le 9e art traite de la situation des réfugiés arrivés en Europe ces dernières années au péril de leur vie, et dans des proportions jamais vues ». L'auteur cite plusieurs artistes engagés sur ce thème à travers leurs œuvres, comme Zep, Alessandro Tota, Ivan Brun, Joe Sacco , etc. En janvier 2017, le mémorial de la Shoah organise l'exposition Shoah et bande dessinée où figure, entre autres, le travail d'Art Spiegelman[92],[93]. En 2018-2019, le Musée du Louvre organise une exposition illustrant « comment le 9e art s’approprie, entre réel et fiction, les découvertes archéologiques à l’origine des collections du Louvre »[94].
En France et en Belgique, des cursus spécialisés dans l'enseignement de l'art de la bande dessinée voient le jour dès les années 1970 : l'école Saint-Luc à Bruxelles, et l'École Européenne Supérieure de l’Image, à Angoulême, sont les établissements les plus réputés.
En novembre 2015, l'université de Lancaster dans le nord-ouest de l'Angleterre annonce que Benoît Peeters sera un de ses professeurs invités pour enseigner « le roman graphique et l'art de la bande dessinée »[95]. Cette première dans le monde de la bande dessinée montre qu'une certaine légitimité en tant qu'art commence à émerger[96][source insuffisante].
À l'instar du cinéma, la bande dessinée a aussi ses festivals. Il s'agit d'événements généralement annuels dédiés à la bande dessinée sur un ou plusieurs jours. Les lecteurs peuvent rencontrer les auteurs et les éditeurs, assister à des conférences ou visiter une exposition de dessins ou de planches originales[97].
Rencontrer un auteur est également l'occasion de se faire dédicacer son album ; le temps d'attente pour l'obtenir est par contre variable suivant la popularité de l'auteur[98].
Dans le monde de la bande dessinée américaine et asiatique, le terme de « convention» est également utilisé pour désigner de tels rassemblements à l'image des conventions d'anime comme le Comic Market. L'une des plus célèbres des conventions américaines est le Comic-Con qui se déroule à San Diego et s'est élargi progressivement au-delà de la bande dessinée à d'autres univers comme le cinéma ou les jeux vidéo.
En France le plus important en termes de fréquentation est le festival international de la bande dessinée d'Angoulême (FIBD) qui est créé en 1974 et se déroule traditionnellement fin janvier. En Italie, le festival de bande dessinée de Lucques fondé en 1965 est un des plus anciens festivals consacrés au genre et le plus grand en Europe.
La plupart des prix sont décernés annuellement et s'accompagnent de la remise d'une somme d'argent ou d'un trophée. Ces prix peuvent également récompenser des dessinateurs, des caricaturistes ou des dessinateurs de presse.
Il arrive que des prix littéraires généralistes aient des catégories consacrées à la bande dessinée (prix Hugo), ou récompensent les bandes dessinées dans le cadre d'une interprétation large du mot « littéraire » comme « livre ». Dans le monde francophone, aucun prix de bande dessinée n'a l'aura des prix littéraires, le plus connu étant le Grand Prix de la ville d'Angoulême, remis lors du festival d'Angoulême depuis 1974 à un auteur pour l'ensemble de son œuvre.
La bande dessinée fait l'objet de performances inscrites au livre Guinness des records. Ainsi la plus longue bande dessinée fut réalisée à Lyon à l'occasion du Lyon BD festival en 2016 sur 1,6 km dans le tunnel modes doux de la Croix-Rousse, détrônant le précédent record américain de 1,2 km[99].
La bande dessinée s'est rapidement imposée comme un vecteur de communication efficace sur tous publics :
Les périodiques dédiés à la bande dessinée sont généralement axés autour de chroniques d'albums, d'interviews, d'Op-Eds, et de couvertures d'événements. Parmi les plus populaires, The Comics Journal est un pilier du journalisme de la bande dessinée aux États-Unis depuis sa création en 1976.
La Comicon de San Diego décerne le prix Eisner du meilleur site ou journal d'actualité consacré à la bande dessinée (Best Comics-Related Periodical/Journalism). Les webzines WomenWriteAboutComics et Comic Book Ressources sont les deux sites les plus récemment primés encore actifs.
En France, ActuaBD est le site de référence sur l'actualité de la bande dessinée, et reste en tête des sites les plus consultés avec une rédaction d'articles journalière. Le site est partenaire de plusieurs prix, dont le prix France Bleu-ActuaBD et le Prix Couilles au Cul en marge du Festival d'Angoulême. Planète BD, BoDoÏ et BD Gest sont les trois autres sites de chroniques d'albums les plus populaires en France et en Belgique.
Parmi les émissions autour de la bande dessinée, on peut citer en France Tac au tac, diffusé entre 1969 et 1975 sur les chaînes de l'ORTF. Coopérant ou s'affrontant, les invités se livraient à des dessins improvisés, souvent collectifs, encadrés par des contraintes inspirées des jeux surréalistes comme le cadavre exquis. De nombreux dessinateurs de bande dessinée y ont participé, tels que Gotlib, Franquin, Mandryka, Jean Giraud, Claire Bretécher, Hugo Pratt, Uderzo, Morris…
Autres émissions, La Bande à Bédé, rubrique de l'émission Récré A2, diffusée le mercredi après-midi entre 1980 et 1986 ainsi qu'Un monde de bulles qui fut diffusée sur la chaîne parlementaire Public Sénat, sur le canal 13 de la TNT française de 2005 à 2013. Cette dernière créée par Jean-Pierre Elkabbach et Jean-Philippe Lefèvre, mettait en lumière les auteurs, scénaristes et dessinateurs de bande dessinée, sous forme de reportages, dévoilant ainsi les coulisses, la fabrication et le processus de ce médium. Elle y décryptait aussi les sorties, les rendez-vous spécifiques liés à ce thème tels que les festivals et passait parfois des bandes annonces des films basés d'après ce support.
Les industries de la bande dessinée et du cinéma sont nées en même temps et ont beaucoup de traits communs (la séquence, la narration, les plans). Des passerelles ont naturellement relié ces deux médias. Longtemps, les adaptations de bandes dessinées au cinéma (ou en séries télévisées) ont été des productions à petit budget et sans grandes ambitions artistiques (avec quelques exceptions, comme Barbarella) : Lucky Luke, Gros Dégueulasse, Fais gaffe à la gaffe (Gaston Lagaffe), Spiderman. Aux États-Unis, au début des années 1980, de véritables films adaptés de bandes dessinées ont vu le jour, revisitant les classiques du comic-strip : Popeye par Robert Altman, Annie par John Huston, Flash Gordon, Dick Tracy, Superman par Richard Lester, etc.
À la fin des années 1980, une nouvelle voie est ouverte par Tim Burton avec son Batman : ayant grandi avec les comics et ayant suivi les évolutions récentes du genre (Frank Miller, Alan Moore), Burton filme Batman comme un conte sombre et dramatique. Enfin on prend un super-héros au sérieux. Le progrès des effets spéciaux numériques, au cours des années 1990, a permis de rendre presque crédibles visuellement les effets exubérants autrefois imaginés par Stan Lee et Jack Kirby, ce qui aboutira à la création d'une grande quantité de films inspirés par les comic-books : Spider-Man par Sam Raimi, les X-Men, Daredevil, Catwoman, La Ligue des gentlemen extraordinaires, The Crow, etc.).
Les héros de bandes dessinées francophones tels que : Astérix, Bécassine et le Trésor viking, Les Aventures de Tintin : Le Secret de La Licorne, Sur la piste du Marsupilami, Titeuf, le film, Boule et Bill, Largo Winch, Les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, Les Schtroumpfs et plus récemment Les Profs, bénéficient de moyens équivalents.
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