Il est essentiellement connu dans les domaines de la science-fiction et du fantastique. Outre B.R. Bruss (son nom de plume le plus connu, adopté en 1946), il utilisa différents pseudonymes: Georges Brass (1951), Roger Blondel (1956), Marcel Castillan (1954), Roger Fairelle (1973). Il est le père du critique littéraire Claude Bonnefoy[1].
Avant guerre, il a publié plusieurs livres de littérature générale sous son vrai nom et, à partir des années 1950, il a récidivé sous le pseudonyme de Roger Blondel, mêlant cette fois des motifs insolites à ses romans et nouvelles. Au cours des années 1950, il a publié également une demi-douzaine de romans «érotiques» sous le nom de Georges Brass.
René Bonnefoy a publié l’essentiel de son œuvre, une cinquantaine de romans, dans les collections «Anticipation» et «Angoisse» de Fleuve noir. Il a été traduit en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas, en Espagne, au Portugal, au Brésil, en Turquie et en Grèce.
Certains des romans signés «B. R. Bruss» sont désormais considérés comme des classiques de la SF francophone et ont été plusieurs fois réédités, comme Et la planète sauta et Apparition des surhommes. D’autres, parus cette fois dans la collection «Angoisse», ont marqué de leur côté la littérature fantastique française d’après-guerre (Nous avons tous peur, Le Tambour d’angoisse ou Le Bourg envoûté) et ont connu également plusieurs rééditions.
Sous le nom de «Roger Blondel», l’Encyclopædia Universalis en fait ce portrait: «Sorte de Voltaire contemporain mâtiné d'un Swift des Temps modernes qui aurait mal digéré les leçons du surréalisme, Roger Blondel a construit, sous son nom ou sous quelque autre, une œuvre à l'apparence anarchique et débonnaire dont, pourtant, la signification est claire: la littérature s'ennuie et la langue française prend du ventre. Blondel inocula de l'insolence, du piquant et du cynisme dans la première; et il dégraissa, muscla et dépoussiéra la seconde.»[1]
Témoignage de cette attitude de franc-tireur enjoué, l'aveu qu'il fit en 1978 à un journaliste des Nouvelles littéraires: «J'ai pris le non-sérieux comme centre de gravité. Le sujet central de toutes mes fables est la définition du bafouillage primordial. Celui qui est spontané, banal, surabondant, celui que l'on entend dans la rue, aux comptoirs des cafés, dans le métro, tous ces graffiti sonores qui montrent quotidiennement que notre monde bredouille…»
Interviewé par Bernard Pivot, le 18/08/1978, lors d'une émission littéraire il donna à entendre sa démarche littéraire, où il parlait de son invitation via ses œuvres à sortir de «pétrification». Au cours de cette interview, selon l'INA: «L'auteur du roman Les Fontaines pétrifiantes, Roger Blondel, précise qu'il s'agit d'une métaphore concernant les corps constitués, les catéchismes, les dogmes… “Ce roman est une dénonciation rabelaisienne, drôle, de la pétrification dont nous sommes victimes. Mes livres ont quelques fans mais pas tellement de lecteurs, dit-il, j'ai 83 ans et je dépétrifie […].”»
Personnage à la biographie longtemps peu connue, il a, selon Jacques Sadoul, occupé des fonctions ministérielles dans le gouvernement de Vichy et, de ce fait, aurait été obligé de prendre un pseudonyme pour publier son premier roman d'après-guerre, Et la planète sauta..., en 1946[2].
Jean-Pierre Andrevon reprend cette version dans l'article qu'il lui consacre dans le no20 de la revue Galaxies, et précise, photographie à l'appui, que René Bonnefoy a été Secrétaire général à l'information du régime de Vichy. Cette information est confirmée par la presse de l'époque: un nommé René Bonnefoy est mentionné comme Secrétaire général à l'information[3]. En liaison avec Louis Darquier de Pellepoix, il épure l'Université des enseignants juifs et crée à la Sorbonne une chaire d'histoire du judaïsme, confiée à Henri Labroue[4].
En septembre 1940, Pierre Laval éloigne l'équipe de Je Suis Partout de l'antenne de Radio-Vichy en raison de son extrémisme, et confie la direction de l'information à son fidèle, René Bonnefoy, chargé de développer à la radio les thèmes de la Révolution nationale[5],[6].
Marc Martin dans son ouvrage Médias et Journalistes de la République (1997) mentionne qu'à son retour au pouvoir en avril 1942, Pierre Laval écarte Paul Marion, alors responsable du Service d'information du gouvernement de Vichy, du contrôle de la presse, pour le confier à René Bonnefoy, rédacteur en chef du Moniteur du Puy-de-Dôme, journal appartenant à Laval depuis 1927, pour fournir schémas d'articles, notes d'argumentation et les insertions obligatoires[7]. Laval le nomme en août 1943 directeur de l'Office français d'information (OFI), agence de presse nationalisée qu'il dirige tout en demeurant Secrétaire général à l'information[8],[9]. Il fait l'éloge de Philippe Henriot après son exécution par des résistants[10] et en août 1944 dans une conférence[11],[12].
Condamné à mort par contumace en juillet 1946 du fait de ses éditoriaux et des consignes de son ministère[13], Bonnefoy a réussi à se refaire une identité, celle de Roger Blondel, et a plutôt défendu dans ses écrits des positions antimilitaristes[réf.nécessaire]. Il se constitue prisonnier en janvier 1955 pour être à nouveau jugé, par la Haute Cour, à l'instar de trois autres anciennes personnalités du régime de Vichy (Charles Rochat et les amiraux Auphan et Bléhaut)[14]. Son procès a lieu en mars 1955. Il se présente comme un haut fonctionnaire appliquant les décisions du pouvoir. Il est condamné à cinq ans d'indignité nationale, soit une peine qui échappe au bénéfice de la loi d'amnistie de 1953, alors que l'avocat général réclamait une peine de prison[15],[16].
D’après la revue Fiction, il fut également décorateur, enseignant, peintre, sculpteur et poète.
Liens entre sa collaboration et la SF
D'après Simon Bréan, son engagement à Vichy et son virage vers la SF après-guerre sont liés, en dissimulant son identité et en se rachetant une image progressiste. Ses récits reflètent en effet une réappropriation de la Résistance, tout en rationalisant son passé vichyste[sb 1]. Même s'il prône dans ses livres de SF un certain humanisme, celui-ci est teinté d'élitisme et ne rend pas justice aux sacrifices des résistants[sb 2]. Néanmoins, il a véhiculé certaines valeurs de la Résistance et a contribué à l'émergence d'un courant progressiste de la SF française[sb 3].
Une bibliographie quasi-complète de B. R. Bruss (ouvrages publiés sous son propre nom René Bonnefoy et ses divers pseudonymes) a été établi par Jean-Pierre Andrevon[17].
Rééditions: Rencontre, coll.«Chefs-d'œuvre de la Science-Fiction», 1970; Le Livre de poche, coll.«Science Fiction», no7004, 1977; in Serge Lehman, Chasseurs de chimères: L'âge d'or de la science-fiction française, Omnibus, 2006
Nouvelles, sous le nom de B. R. Bruss puis Roger Blondel
«La Bataille noire», in Fiction no8, OPTA, juillet 1954, p.85-100, sous le nom de B. R. Bruss.
«Le Coupable», in S.F. made in France (Fiction Spécial no12), OPTA, novembre 1967, p.199-214, sous le nom de B. R. Bruss; rééd. in B. R. Bruss, Le Fleuve obscur de l'avenir, Éditions Critic, coll.«La Petite Bibliothèque SF», 2014, p.623-645.
«La Chambre No 22.731.412», in Fiction no186, OPTA, juin 1969, p.124-132, sous le nom de Roger Blondel; rééd. in Gérard Klein, Ce qui vient des profondeurs (Anthologie de la science-fiction française III: 1965-1970), Seghers, coll.«Constellations», 1977, p.111-118.
L'Amour ne se mange pas en salade, Champs-Fleuris, Lyon et B.N., coll. «Pour lire la nuit», Paris, 224 p., 1951
illustrations: Jef de Wulf
Le Plaisir dans la peau, Lutécia, coll. «Pour lire la nuit», Lyon, 224 p., 1952
illustrations: Jef de Wulf
Le Plaisir est plus chaud dans l'ombre, Lutécia, coll. «Pour lire la nuit», Lyon, 224 p., 1953
illustrations: Jef de Wulf
Faiblesses de femmes. Quand les femmes sont-elles plus faibles devant les hommes?, La Pensée Moderne, collection de la psychologie amoureuse, Paris, 192 p., 1953
traduit en néerlandais (Zakke vrouwen),Éditions Libra, Anvers, 1956; traduit en serbo-croate (Kad se zene lako daju? par Zorz Bras), NNK Internacional, 2008
Hôtel de plaisir, Lutécia, coll. «Pour lire la nuit», Lyon, 223 p., 1954
illustrations: Jef de Wulf
Tous les hommes sont à moi!, Lutécia, coll. «Pour lire la nuit», Lyon, 1954
illustrations: Jef de Wulf
Les Corps en feu, Lutécia, coll. «Pour lire la nuit», Lyon, 224 p., 1954
illustrations: Jef de Wulf, traduit en néerlandais (Vuur in de aderen), Éditions Libra, Anvers, 1955
Fruit de Californie, Lutécia, coll. «Pour lire la nuit», Lyon, 287 p., 1955
La vie voluptueuse de Don Juan, La Pensée Moderne, Paris, illustrateur: Pierre-Laurent Brenot, 600 p., 1954
réédité en 1973 sous le nom de Roger Fairelle
Le parfum de Guayaquil, nouvelle, dans la revue "V Sélections", «Itinéraires amoureux», 1955
20 grands récits d'exploration: Préhistoire-Afrique-Asie, Société Chérifienne de Publication et d'Éditions, coll. «La conquête de l'univers», illustrateur: Yves André, Casablanca, 507 p., 1956
60 visages de femmes: de Jeanne d'Arc à Jacqueline Auriol, Société Chérifienne de Publication et d'Éditions, coll. «La conquête de l'univers», Casablanca, 439 p., 1957
L'archange - Une adaptation d'un ouvrage du même nom, à la télévision.
Roger Blondel, le dépétrificateur - In l'émission Ah vous écrivez! interviewé par Bernard Pivot, le 18/08/1978, durée 14 min 18 s. Disponible auprès du site de l'INA.
Jean Freyssinet, «Lettres brivadoises contemporaines: Roger Blondel, romancier», Almanach de Brioude, Brioude,
François Broche, Dictionnaire de la Collaboration: collaborations, compromissions, contradictions, Paris, Belin, , 950p. (ISBN978-2-7011-8947-5), p.155.
La parution de ce livre était prévue aux éditions Jean Froissart dans la collection «Temps futurs», où elle devait porter le numéro 2 (annonce fait au dos du no1, L'Apparition des surhommes). Il sera finalement édité par Fleuve noir, sous les titres S.O.S. soucoupes et La Guerre des soucoupes.
Dans la “série blanche”, qui débute au n° 290 et finit au n° 561, les volumes sont d'abord notés “Hors-Série” avec une double numérotation au dos (seule exception: Opération Astrée, HS n° 1 imbriqué entre les n° 289 et 290, unique véritable “Hors-Série”). La double numérotation cesse avec le HS 24 = n° 337, mais la dénomination “Hors-Série” subsiste longtemps après la disparition du dernier type “fusée” (version Gaston de Sainte-Croix).