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navigateur, joueur de tennis et écrivain français De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Alain Gerbault, né le à Laval, en Mayenne, et mort le à Dili au Timor oriental, est un skipper et écrivain français. Il est aussi joueur de tennis et pilote d'avion lors de la Première Guerre mondiale.
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Alain Jacques Georges Marie Gerbault |
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Premier navigateur à traverser l'Atlantique à la voile en solitaire d'Est en Ouest, il est le premier Français à achever un tour du monde en solitaire à la voile. Il est aussi célèbre pour son plaidoyer en faveur des Polynésiens et de leur culture que l'on peut trouver exposé dans son ouvrage L'Évangile du soleil.
Alain Gerbault naît dans une famille aisée d'industriels spécialisés dans l'exploitation des fours à chaux[1], place de Hercé à Laval le . Il est le petit-fils de Pierre Jacques Gerbault (1827-1878), maire de Saint-Berthevin[2]. Fils de Georges Gerbault (décédé en 1905)[3] et de Denise Luce, mariés le 2 juin 1891 à Cholet ; côté maternel, il descend par les Broque, des Moutel de Cholet, dont sont aussi issues de grandes familles d'industriels du textile choletais[4],[5].
Vers l'âge de sept ans, il fait sa scolarité à l'Immaculée-Conception de Laval de 1903 à 1908[6], enfant fragile, nerveux, adolescent souvent rebelle, son caractère est marqué par un goût ardent pour la compétition. Il agace parfois par sa ténacité rageuse et son goût de vaincre alors que son frère Robert[7] (de quatorze mois son aîné) manifeste une force tranquille.
Le décès brutal de son père, alors qu'Alain est âgé de 12 ans le conduit, ainsi que son frère, à quitter son « paradis » en Mayenne pour un exil forcé à Paris comme pensionnaire à l'École Pascal puis au collège Stanislas : « Ce furent les années les plus malheureuses de ma vie ! Il fallait étudier, devenir ingénieur ! ». Il partage sa jeunesse entre les retours à Laval, et la maison familiale de Dinard. L'été, la famille Gerbault occupe la villa « La Béarnaise »[8].
Il réussit en 1914 le concours d'entrée de l'École nationale des Ponts et Chaussées[n 1], mais la guerre arrive.
Durant la Première Guerre mondiale, il est engagé volontaire le au 25e régiment de dragons. Il passe dans l'aviation, comme élève pilote, en . Bien que débutant en 1914, il se révèle être un pilote doué, d'une très grande classe. Il obtient le brevet de pilote militaire à l'école d'aviation militaire de Buc, le .
Il est pilote à l'escadrille no 95 du Bourget[n 2] jusqu'en , puis au centre d'aviation de Villacoublay jusqu'en . Il se fait remarquer dans l'escadrille des Loups[9] (escadrille no 79 de à ) et l'escadrille des Renards (escadrille no 84 de avril à ), où il se distingue comme chef de patrouille. Il remporte plusieurs victoires spectaculaires, se faisant remarquer par sa science tactique et son habileté dans les manœuvres aériennes. Il est successivement caporal (1916), sous-lieutenant à titre temporaire (1917), sous-lieutenant à titre définitif (1919), et lieutenant de réserve (1922)[10],[11]. Il est pilote de l'escadrille SPA 31 de à , puis de l'escadrille SPA 165 du à . Il y vole avec Gaston Durmon, qui deviendra un célèbre pilote de ligne et de records dans l'entre-deux-guerres.
Il obtient deux citations en 1917 et 1918 : Pilote de premier ordre, d'une audace et d'un entrain remarquables. Le (1917), au cours d'une reconnaissance, a attaqué seul et loin dans les lignes ennemies une patrouille de 3 appareils en a abattu un et est revenu après une lutte serrée avec ses adversaires, son appareil traversé de plus de 20 balles ; Pilote de chasse tout à fait remarquable. Toujours volontaire pour toutes les missions est un bel exemple pour ses camarades plus jeunes. Avec l'aide de deux autres pilotes a abattu un avion biplace de réglage. Il est détaché à l'École nationale des ponts et chaussées à compter de .
Il est fait le chevalier de la Légion d'honneur[n 3],[12]. Il obtient aussi la Croix de Guerre[n 4].
Ayant réintégré l'École nationale des Ponts et Chaussées à la fin des hostilités, il abandonne par manque de goût ses études et la carrière d'ingénieur qui lui était promise[13]. Il ne reprendra pas non plus la direction de l'usine familiale. Après guerre, il se lance dans les affaires, sans grand succès. Il est politiquement assez proche de l’Action française[14].
Il participe à de nombreux tournois de tennis, sport qu'il pratique depuis son enfance[n 5]. Champion de France scolaire de tennis en 1913, il remporte notamment le tournoi de tennis de Dinard à trois reprises entre 1919 et 1921. En 1921, il parvient en finale en double à Roland-Garros et aux Championnats du monde avec Pierre Albarran[n 6]. Comme ce dernier, il est aussi un redoutable amateur de bridge[15]. En 1922, il est finaliste du tournoi de tennis de Monte-Carlo. Principalement actif au début des années 1920, il a également participé à l'US Open en 1924 et 1930, ainsi qu'à Roland-Garros en 1931 et 1932.
En 1921, il décide de changer de vie et cherche à acquérir un voilier de course.
Il veut racheter le Lady Maud au champion olympique Richard Travers Dixon (en). Celui-ci ayant refusé, il achète à Cowes en Angleterre un voilier de course : le Firecrest (nom anglais d'un petit oiseau, le roitelet à triple bandeau (Regulus ignicapilla)), construit en 1892[16]. C'est un bateau solide, très logeable et marin, mais sans rouf ni cockpit et dont le gréement n'est pas du tout approprié à la navigation solitaire.
À Cannes, il partage son temps entre les championnats de tennis et son entraînement marin. Il y côtoie aussi les jeunes navigatrices Ella Maillart et Hermine de Saussure (surnommée « Miette »)[17] qu'il rencontre au port de Nice début 1923. Elles sont présentées par Virginie Hériot à bord de sa nouvelle goélette, Ailée.
Après un entraînement de plusieurs mois en Méditerranée, il décide de partir. On ne connaît pas les causes de son départ[18].
Il quitte Cannes le [19] de façon anonyme, et sans publicité. Après 3 semaines, il arrive à Gibraltar. Parti le , il réalise en 1923 la première traversée de l'Atlantique en solitaire d'est en ouest, ralliant Gibraltar à New York en 101 jours.
Cette longue durée a pour raison le manque de préparation du bateau pour une telle navigation et le manque d'expérience de son capitaine. Le Firecrest n'était pas conçu pour des traversées en solitaire mais pour des courses en équipage. Gerbault multiplie les ennuis : Il doit réparer régulièrement ses voiles et son gréement. De plus, l'équipement de bord d'un yacht à cette époque n'était pas très fiable. Ceci lui vaudra auprès des marins la réputation d'un amateur ayant su se faire valoir à travers ses livres et auprès du monde médiatique de l'époque. Il s'agit néanmoins d'un exploit sportif compte tenu des conditions de navigation de l'époque[n 7]. C'est le premier homme à avoir traversé l'Atlantique en suivant le soleil[20].
Il arrive à New York le . Il fait le récit de cette traversée dans son premier ouvrage, Seul à travers l'Atlantique.
Il demeure quelque temps aux États-Unis, où son exploit lui vaut une certaine célébrité, puis repart en 1924 pour les mers du Sud, passant par les Bermudes. Il entre dans l'océan Pacifique par le canal de Panama[n 8] le . Après une escale aux îles Galápagos, il séjourne 5 mois aux îles Gambier et aux îles Marquises. Il passe deux mois à Tahiti, puis va par Samoa à Wallis. Il arrive le [21] à Wallis où il reste environ 4 mois.
Il rejoint les Fidji et les Hébrides. Il est à Timor le . Il passe le détroit de Torrès, et arrive dans l'Océan Indien. Il est à La Réunion en octobre et [22].
Il rejoint Le Cap, l'île Sainte-Hélène, les îles du Cap-Vert. En , il navigue au large de São Vicente, où le bateau s'échoue pendant son sommeil. Les réparations durent plusieurs mois à Porto Grande d'où il repart le .
Il réalise ainsi un tour du monde qui lui vaudra une renommée internationale, et qu'il racontera dans ses ouvrages. Le lendemain, il part suivre la finale de la Coupe Davis 1929 à Roland-Garros et encourager l'équipe de France opposée aux États-Unis[23]. Son arrivée, en plein double, provoque l'interruption du match[24],[25].
Il reçoit le grade d'officier de la Légion d'honneur[12]. Il est invité dans plusieurs mondanités obligées où il s'ennuie[26]. Une chanson d'Yvonne Printemps, écrite par Albert Willemetz, Le Pot-pourri d'Alain Gerbault[27], raconte les exploits du navigateur.
En , le Firecrest coule lors d'un remorquage effectuée par la Marine nationale.
Toujours attiré par la mer et la Polynésie, dont il est tombé amoureux pendant son périple, il repart le [n 9] sur un nouveau bateau, appelé l'Alain Gerbault (lancé le à Sartrouville, avec signal distinctif en code international O.Z.Y.U, d'où le titre de son œuvre posthume), construit grâce aux droits d'auteur de ses ouvrages.
Le nouveau bateau était du type Colin Archer. Gerbault décrit soigneusement la conception du bateau dans le livre O.Z.Y.U.
Avant son départ, il termine son livre L’Évangile du Soleil, qui est une dénonciation des méfaits de la civilisation occidentale sur les populations indigènes. Il sera le défenseur de la cause de la Polynésie.
Il ne cessera alors de défendre la cause de la Polynésie et d'étudier sa géographie et son histoire. Il passe les neuf dernières années de sa vie dans l'océan Pacifique, atteignant les îles Marquises en , l'archipel des Tuamotu en 1934, Tahiti en 1935.
Il est un ami de la reine Marau avec qui il s'entretient[n 10] régulièrement. Passionné par le passé de ces îles, il apprend les langues océaniennes et vient en aide aux indigènes, s'insurgeant contre la colonisation européenne qui considère la disparition des Polynésiens comme inévitable. Il s'efforce à chacune de ses escales de faire revivre les traditions locales, les chants et les danses méprisés par l'Église, les pasteurs et l'administration. Il s'efforce de créer une émulation sportive et introduit le football pour lutter contre l'alcoolisme. Il mène par ailleurs d'importantes recherches linguistiques et ethnologiques. Il recueille des cahiers de légende et de généalogie polynésienne.
Voguant d'île en île, et revenant toujours à son port d'attache de Bora-Bora, il mène à cette époque un idéal de vie très en avance sur son temps. En , à Bora-Bora, il rencontre Władysław Wagner (pl), le premier navigateur polonais à effectuer le tour du monde à la voile.
Le souvenir qu'il laisse auprès des insulaires est selon plusieurs témoignages tout autre[29] : il est accusé de pingrerie[30]. D'autres lui reprochent son homosexualité[31] et son alcoolisme aigu.
La présence d'Alain Gerbault en Polynésie est évoquée par Jean Reverzy dans son roman Le Passage (Prix Renaudot 1954).
À 45 ans, il refuse de « se battre pour une civilisation qu'il n'aime pas »[32] et est dégagé de toutes obligations militaires. Il ne consent pas à appuyer une politique qui aboutirait à envoyer les Polynésiens sur les champs de bataille en Europe.
Lors de l'Armistice du 22 juin 1940, il est à Papeete. Le gouverneur Jean Chastenet de Géry prend position contre l'armistice. Dès le il télégraphie à Bordeaux « L'Océanie, qui s'est donnée à la France, veut rester terre française »[33]. Durant l'été 1940, deux comités sont formés à Tahiti, dont un Comité des Français d'Océanie[34]. Alain Gerbault prend frénétiquement et maladroitement le parti du maréchal Pétain en juillet et et rejoint un petit groupe spontané, composé d’anciens combattants des Croix-de-Feu, et de partisans de l'Action française[35]. Le , le Comité des Français d'Océanie publie un manifeste où l'on retrouve la signature de Gerbault. On y retrouve les principes du régime de Vichy dans le sens de la Révolution nationale. Mais le Comité de la France libre est nettement plus important et prend le pouvoir le . Un référendum est organisé. Celui-ci a lieu seulement à Tahiti et Moorea () ; le résultat est massivement favorable à la France libre (5564 voix contre 18). Le ralliement des Établissements français de l’Océanie à la France libre s'effectue le même jour[n 11]. Après des soubresauts liés à des partisans de Vichy, ce ralliement est définitivement établi avec l'établissement du docteur Émile de Curton comme gouverneur à partir de [36].
Au lendemain du plébiscite, Alain Gerbault est à Raiatea dans l’espoir de rallier la population[37] au maréchal Pétain. Éconduit à Uturoa, il reprend la mer et se voit refuser à Bora-Bora l’autorisation de débarquer[38]. Il pense alors rallier Nouméa.
Le ralliement des Établissements français de l’Océanie, puis de la Nouvelle-Calédonie à la France libre oblige Alain Gerbault à une fuite pour l'Indochine. Ce dernier voyage est une errance désespérée à travers tout le Pacifique, pour échapper aux menaces de guerre. Il avait tout d'abord l'intention de rejoindre Rapa pour y passer 7 ou 8 mois[39]. Il ne peut réaliser ce projet[40], et rejoint tout d'abord les Samoa américaines où il reste trois mois[n 12], jusqu'au . De Pago Pago, une importante base américaine, il reçoit de nombreuses nouvelles, mais chose curieuse aucune de France. Il part ensuite pour 15 jours à Apia, dans les Samoa occidentales, sous mandat néo zélandais, puis rejoint Tonga au début de 1941. Il écrit le à Lucien Daniaux de Nukuʻalofa une lettre[32] parlant de ses projets, de ses livres, de ses considérations politiques et stratégiques. Il reste quelques mois à Tonga. Il est à Port Moresby au début d', où il séjourne quelque temps. Suspect au niveau des autorités, il quitte clandestinement le mouillage avec la volonté de rejoindre l'Europe par le canal de Suez. Il touche finalement l'île de Timor en à Dili [n 13], situé dans la partie du Timor oriental qui est portugaise et neutre.
Son but était de gagner Madagascar. Son bateau, avarié dans la mer d'Arafura a été réparé. Un peu requinqué, il souhaite poursuivre son voyage. Par trois fois, des incidents de mer l'empêchent de partir, et l'obligent à revenir à Dili.
Après plusieurs tentatives infructueuses pour gagner le large, sans doute en raison de la future invasion du Timor, épuisé physiquement et psychologiquement, il succombe à Dili de la malaria et d'un délabrement physique généralisé le [n 14], dans l'après-midi, à l'hôpital de Lahane où il était soigné par le docteur José Anibal Coreia Teles.
Le gouverneur de Timor[41] Manuel de Abreu Ferreira de Carvalho (pt) indiquera quelques mois après la mort de Gerbault que « Tout le monde le traitait bien, d'autant qu'il était famélique et sans ressources. Quelquefois il dînait avec des familles portugaises, d'autres fois il emportait son dîner à bord ».
Il est inhumé au cimetière de Santa-Cruz, à Dili, dans une époque de grande confusion : le gouvernement portugais d'Antonio Salazar avait refusé aux Alliés l'autorisation de se déployer au Timor oriental, ce qui risquait de laisser leur front à découvert face à une attaque japonaise. Le , le lendemain de la mort d'Alain Gerbault, alors que les Japonais commençaient leur attaque sur les possessions des Pays-Bas, 400 soldats néerlandais et australiens pénétrèrent sur le territoire de la colonie portugaise. Les 500 soldats portugais n'offrirent pas de résistance, tandis que le gouverneur portugais, Manuel de Abreu Ferreira de Carvalho, se déclarait prisonnier. C'est le début de l'invasion du Timor.
Le calme étant revenu, le journaliste portugais Ferreira da Costa retrouve la tombe d'Alain Gerbault[n 15]. Après avoir fait exécuter par le charpentier de son bateau, l'Angola, une croix portant son nom, cette croix est plantée au cours d'une cérémonie simple en présence de nombreux officiers du corps expéditionnaire.
Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, et sur l'initiative de Jean-Paul Alaux[42] et du Yacht Club de France, l'amiral Lemonnier envoie de Saïgon l'aviso colonial Dumont d'Urville de la Marine nationale pour rapatrier la dépouille.
En septembre 1947, ses cendres[43] sont transférées par l'aviso à Bora-Bora[n 16], où il repose depuis lors[44], sur le quai de Vaitape.
Son vœu était de mourir en mer[45].
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