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maladie psychosomatique De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le syndrome de Stendhal, également appelé « syndrome de Florence », est un ensemble de troubles psychosomatiques (accélération du rythme cardiaque, vertiges, suffocations, voire hallucinations) survenant chez certains voyageurs exposés à une œuvre d'art qui prend une signification particulière pour eux, ou à une profusion de chefs-d'œuvre en un même lieu dans un même temps.
Le syndrome de Stendhal, assez rare, fait partie de ce qu’on appelle les syndromes du voyageur ou voyage pathogène : c'est le voyage lui-même qui suscite des troubles psychiatriques chez un sujet sans antécédents. Ce voyage pathogène s'oppose au voyage pathologique, qui est un voyage causé par des troubles psychiatriques préexistants.
Le syndrome de Stendhal ne doit pas être confondu avec le syndrome de Brulard, qui se réfère aussi à Stendhal, mais concerne des troubles mémoriels[1].
Le nom du syndrome renvoie à l'expérience vécue par l'écrivain français Stendhal (1783-1842) lors de son voyage en Italie, à l’étape de Florence, en 1817[2].
Lors de la visite de la Basilique Santa Croce, il s'agenouille sur un prie-dieu, la tête renversée en arrière, pour contempler les fresques de la coupole de la chapelle Niccolini : les Sibylles de Volterrano. Pris de vertiges, il ressent un moment sublime de proximité du paradis[3],[4]. Il écrit alors :
« J’étais arrivé à ce point d’émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les Beaux Arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j’avais un battement de cœur, la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber. »
— Rome, Naples et Florence, éditions Delaunay, Paris - 1826, tome II, p. 102
Stendhal n’a rien fait pour s’en prémunir puisque, s’asseyant sur un banc de la place, il lut un poème pour se remettre, et vit que ses visions empiraient à la lecture de cette somme de culture ambiante dans les lieux : il fut épris et malade à la fois de tant de profusion.
Le critique Julian Barnes a recherché l'événement dans la version originale du journal d'Henri Beyle sans le retrouver. Il faudrait alors considérer au moins que « si Beyle a bien vécu cette expérience, elle a été réécrite par Stendhal », car « dans le monde du désir, un peu d'eau suffit toujours à amorcer la pompe »[5].
Le syndrome est décrit, vers la fin des années 1980, par la psychiatre et psychanalyste Graziella Magherini, chef du service de psychiatrie de l'hôpital Santa Maria Nuova du centre historique de Florence. Sa première publication fait état de 106 cas similaires reçus en urgence, tous des touristes étrangers, en 20 ans d'observations[3],[4],[5].
Sa description figure dans un livre homonyme qui classe les cas de manière statistique selon leur provenance et leur sociologie. En résumé :
Selon Magherini, il s'agit d'une décompensation aiguë bénigne, qui frappe des sujets sensibles et passionnés, ayant une relation particulière à l'art, et en situation de voyage, loin de chez eux et de leurs repères habituels. Elle regroupe les symptômes en trois catégories[3] :
Le facteur déclenchant de la crise a lieu le plus souvent lors de la visite de l’un des cinquante musées de la ville. Le visiteur est subitement saisi par le sens profond que l’artiste a donné à son œuvre et perçoit toute l’émotion qui s’en dégage d’une façon exceptionnellement vive qui transcende les images et le sujet de la peinture. Les réactions des victimes subjuguées sont très variables : des tentatives de destruction du tableau ou des crises d’hystérie ont été observées. En effet, le regard d'un autre peut, à leurs yeux, mettre en danger leur propre perception de l’œuvre.
D'autres sont exposés à une surcharge de chefs-d'œuvre sur une courte période. Florence représente la plus grande concentration mondiale d'art de la Renaissance, un art compréhensible par tous, à la différence de l'art abstrait ou conceptuel dont il faut connaître les codes de compréhension[6].
Les gardiens de musée de Florence sont formés à l’intervention auprès de visiteurs victimes du syndrome de Stendhal[réf. nécessaire], bien que cela reste assez rare.
Par la suite, Magherini a proposé une variante du syndrome, le « syndrome du David », le David de Michel-Ange dont la perfection esthétique est susceptible de toucher la libido du spectateur jusqu'à la syncope[4].
On peut cependant douter de l'existence réelle du syndrome de Stendhal[7]. Graziella Magherini n'a suivi que deux cents personnes, un échantillon d'autant plus faible quand on le met en rapport avec le nombre total de touristes : dix millions de nuitées par an rien qu'à Florence.
On peut également mettre en question la délimitation très subjective du syndrome de Stendhal, ses manifestations variant beaucoup d'un individu à l'autre. Pour certains, l'explication du « syndrome » n'aurait même rien à voir avec l'art et serait beaucoup plus pragmatique : les touristes soumis à la fatigue et au stress (enchaînement des visites, foule, chaleur…) seraient naturellement plus sujets aux malaises[7],[8].
Selon Magherini, le syndrome de Stendhal serait un processus de mentalisation. Une forte émotion doit être transformée par la psyché en symboles qui se rassemblent pour donner naissance à des pensées qui doivent pouvoir s'exprimer en mots. Par exemple, les expériences émotionnelles du tout petit enfant le rendent capable de penser et de parler[6].
Il existe cependant un risque dans ce processus continu : lorsque l'émotion, ici artistique, ne peut émerger en idée ou être verbalisée. Elle est alors confrontée dans l'inconscient avec les émotions du passé, l'œuvre d'art devient le réceptacle symbolique de souvenirs émotionnels incapables de se transformer en mots[6].
Le syndrome de Stendhal n'est pas défini comme un trouble psychiatrique spécifique[9], il n'est pas mentionné dans le DSM-5[5].
Outre les premières interprétations psychanalytiques, il a fait l'objet d'interprétations neurobiologiques, notamment par le fait que les aires cérébrales impliquées dans les réactions émotionnelles sont les mêmes qui sont activées dans la contemplation des œuvres d'art (émotion esthétique)[9].
Le fonctionnement physiologique du cerveau, notamment celui des neurones miroirs, pourrait donner une explication scientifique au syndrome de Stendhal. Dans l’article Motion, emotion and empathy in esthetic experience[10], deux auteurs, l’un professeur d’histoire de l’art et l’autre neurologue, cherchent à comprendre la part qu’a l’empathie dans l’expérience esthétique avec, notamment, son implication possible dans les mécanismes neuronaux. Ils font une hypothèse empirique à partir des recherches scientifiques actuelles. Après la découverte des neurones miroirs en 1996 par l'équipe de Giacomo Rizzolatti, directeur du département de neurosciences de la faculté de médecine de Parme, David Freedberg et Vittorio Gallese s’intéressent à l’effet de ces mêmes neurones dans l’expérience esthétique.
En pratique – Médecine des voyages –, le syndrome de Stendhal relève de la psychopathologie des voyages dans la catégorie du voyage pathogène, groupe de symptômes mentaux déclenchés par le voyage, chez une personne sans antécédents psychiatriques et sans consommation de drogues ou de toxiques[11].
Le voyage pathogène induit des troubles aigus, en général transitoires et qui disparaissent spontanément au retour. Deux types de voyages pathogènes sont distingués : le voyage touristique et culturel (dont le syndrome de Stendhal) et le voyage religieux ou mystique[11].
Ce type de syndrome serait à rapprocher du stress émotionnel dans le cadre de troubles de l'adaptation.
Avant d'évoquer une cause purement psychologique ou psychiatrique, il faut d'abord éliminer une pathologie organique, en commençant par les plus graves[11],[12] :
Avant d'évoquer un syndrome de Stendhal ou un syndrome du voyageur (voyage pathogène), il faut éliminer :
Autres voyages pathogènes[11] :
Il est recommandé aux touristes d'être reposés avant les visites (éviter les voyages aux programmes surchargés en peu de jours), de s'hydrater et de s'alimenter correctement, et de se protéger du soleil[4].
Le phénomène se traite principalement par le repos et une écoute psychologique, parfois par des psychotropes. « Il s'agit d'aider le patient à retrouver sa propre langue et ses propres codes ». En cas de doute diagnostique, une hospitalisation, en général brève, peut être nécessaire pour éliminer ou traiter une autre cause[3].
« Le syndrome de Stendhal est une marque de fabrique, celle de la beauté à travers une reconstruction douloureuse de moments utopiques apportés par l'art. Selon Stendhal lui-même : "la beauté n'est rien d'autre qu'une promesse de bonheur" »[4].
Alors que pour Emmanuel Kant (1724-1804), la contemplation de la beauté provoque : « Une alternance rapide de répulsion et d'attraction par un seul et unique objet. Un point excessif pour notre imagination (...) comme un abîme où l'on craint de se perdre » (Critique de la faculté de juger). De même pour le poète autrichien Rainer Maria Rilke (1875-1926) : « La beauté n'est rien d'autre que le début d'une terreur, que nous sommes juste capables de supporter avec une crainte respectueuse, car elle dédaigne sereinement de nous anéantir » (Élégies de Duino)[5].
Il existe de nombreux cas littéraires, proches de celui de Stendhal :
Selon Magherini, le phénomène est lié à une résonance, à un moment donné, de l'œuvre d'art avec l'histoire particulière et l'inconscient du sujet qui la regarde. Toute œuvre d'art peut être signifiante pour une personne à un moment de son histoire, provoquant des « turbulences »[3], jusqu'à l'extase ou l'angoisse... D'autant plus que l'on est loin de chez soi, en dehors de ses repères habituels[4].
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