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La résine de pin est l'oléorésine des conifères du genre Pinus.
Cette résine a été exploitée au moins depuis l'Antiquité, notamment pour la fabrication de la poix. La résine exsude naturellement de l'arbre lorsqu'il est blessé. Les acides résiniques contenus dans la partie solide de la résine et les terpènes contenus dans la partie volatile de la résine contribuent tous deux à préserver l'arbre des agents pathogènes. Distillée, la résine produit colophane et essence de térébenthine. Par carbonisation du bois gras des pins, on obtenait par ailleurs du goudron de pin.
Les pins se retrouvent partout dans le monde : sur la continuité boisée de la forêt boréale, plus au sud sur la côte est des États-Unis le Pin des marais, en Californie le Pinus radiata, dans les Alpes et autour de la Méditerranée, dans le sud de la France et en Espagne le pin maritime[1], etc., ce qui fait que les opérations d'extraction de la résine ont été réalisées partout dans le monde, et la surexploitation des pins pour la résine notamment a contribué à la raréfaction voire la quasi-extinction de certaines variétés de pins.
Les produits de la résine du pin ont été et sont toujours à la base de différentes préparations médicinales.
La résine est véhiculée dans les canaux résinifères des arbres. Les canaux sont entourés de parenchyme sécrétoire qui produit des résines de nombreux terpènes toxiques. Ce matériau antiseptique se solidifie lorsqu'il est exposé à l'air, agissant pour sceller les plaies, pour protéger la plante des attaques des agents pathogènes dont champignons, insectes et bactéries et pour décourager les herbivores. Certaines cellules sécrétoires se développent en thylloides sombres qui bloquent les poussières de résine.
Chimiquement, les résines végétales contiennent des composés phénoliques et d'hydrocarbures terpéniques (acides résiniques et monoterpènes). Les terpènes sont lipophiles.
Les opérations de distillation de la térébenthine permettent en gros de séparer:
Ces produits sont dans la production de goudron de pin plus ou moins altérés par le feu.
Les polyphénols sont connus pour leur rôle antioxydant, antitumoral, cardioprotecteur, antimicrobien, etc., nombre d’entre eux ont un goût désagréable, ce qui leur confère un pouvoir répulsif[3].
La résine confère de la souplesse au bois. C'était du moins une qualité recherchée pour les bois de mâture. La préférence allait aux bois gras venant de Scandinavie ou de Russie, appelés « mâts du nord »[4]. Réputés inaltérables, certains bois, tels Pin noir d'Autriche, chargés de résine, était employés pour la fabrication de tuyaux de fontainerie[5].
Les souches laissées dans le sol se transforment au bout de quelques années en bois gras, et elles forment un produit important[5], toujours exploité de nos jours pour la fabrication de l'essence de térébenthine.
Le pin et plus particulièrement le bois gras de pin étaient appréciés pour leur caractère inflammable et leur pouvoir éclairant. Une des caractéristiques des bois résineux est de produire une flamme plus active et plus durable que la majorité des essences feuillues; ce qui tient à la résine de pin, constituée d'hydrocarbures terpéniques à haut pouvoir calorifique qui favorise l'inflammation du bois; mais aussi à la densité du bois qui favorise une combustion harmonieuse des gaz inflammables qui ne se consument ni trop rapidement ni trop lentement[6].
Cela peut être observé à la grotte Chauvet; les peintres du paléolithique portent leur choix sur Pinus sylvestris pour éclairer leur travail et par ailleurs produire le noir de charbon employé comme pigment[6].
Cela peut être aussi observé dans la divergence de sens du terme latin taeda qui peut désigner le pin et une torche. Philibert Monet parle de Torche de tede ou torche de tie[7], le bois se transforme en tede soit en bois gras. Tede, teze, teie, tie désigne la substance ligneuse fort grasse en laquelle se transmue le tronc des arbres résineux, ou de soi-même, par excessive abondance de résine ou par le soin de ceux qui dépouillant de tels arbres de leur écorcé procurent telle transmutation. « Il n'est aucun arbre qui ait le nom et la nature de Tede, quoique Pline ait écrit le contraire[8] ». Les procédés employés dans l'antiquité sont connus par Théophraste et par Pline. Voici ce que dit Théophraste dans son Historia Plantarum[9] : « A ce que racontent les habitants de l'Ida, quand ils ont ôté l'écorce du tronc (ils l'enlèvent du côté exposé au soleil, sur deux ou trois coudées à partir du sol), il faut un an au plus pour que la résine afflue et imprègne le bois mis à nu; puis, un nouvel éclat de bois étant enlevé à la hache, on recommence l'opération l'année suivante, puis la troisième année ; après quoi, du fait des entailles, l'arbre pourrit et est abattu par le vent ; on extrait alors le cœur, qui est très résineux, ainsi que celui des racines (celles-ci aussi sont riches en résine, comme nous l'avons dit) ». Théophraste nomme le bois gras, δάς (das). C'est ce même bois qui sert à l'extraction de la poix[10]. Chez un commentateur de Dioscoride du XVIe siècle confirmé par un dictionnaire de marine de 1702, dans la fabrication de la poix navale (pix navalis), on emploie de vieux pins, entièrement « devenus torches », on les tailles en pièces comme on fait pour fabriquer le charbon de bois[11],[12].
L'arbre vivant est la base de l'industrie des produits résineux mais aussi les souches résinifiées et le bois gras (lightwood) – le bois résineux restant après la pourriture de l'aubier[13].
Les pinèdes sont exploitées de temps immémoriaux pour cette résine qui prend différents noms selon qu'elle coule sur l'écorce de l'arbre. Récoltée elle prend le terme de « gemme ». Débarrassée de son eau et clarifiée elle prend le nom de « térébenthine[14] ». La térébenthine distillée se divise en sa partie solide, la « colophane », et sa partie volatile, l'« essence de térébenthine ». La récolte se faisait par incisions successives de l'écorce, ce que l'on appelle « gemmage ». Le pin arrivé à maturité était gemmé à mort puis coupé. Le tronc pouvait encore – par pyrolyse – produire du goudron de pin, du noir de fumée, du charbon de bois, ou être utilisé comme bois de sciage. Les copeaux (galips) obtenus lors des incisions du gemmage, de même que la souche (bois gras), pouvaient faire l'objet de processus séparés (distillation ou pyrolyse) et produire de l'essence de térébenthine, de la colophane ou du goudron.
L'industrie des produits résineux produit aujourd'hui des matériaux qui trouvent un large spectre d'utilisations beaucoup plus sophistiquées - des ingrédients de la gomme à mâcher aux insecticides, en passant par les résines de protection pour sols et les essences aromatisantes. L’industrie tire toujours sa matière première des pins par la collecte d'oléorésine de pins vivants (gemmage), par extraction des matériaux du bois gras restant des souches ou des pins matures déjà récoltés, ou par la collecte des sous-produits des papeteries utilisant des pâtes à papier à base de pin, par le procédé kraft. Ces trois sources mènent à la production[15] :
La résine de pin est une marchandise importante au moins depuis les temps bibliques, comme l’atteste l’histoire de Noé recevant des instructions de Dieu : « Fais-toi un bateau avec des arbres résineux. Tu disposeras cette arche en compartiments et tu l'enduiras de poix dedans et dehors ».
Dioscoride (Ier siècle) nous dit que la résine des pins se sépare avec le temps en deux couches superposées, dont l'une est transparente et semi-fluide – appelée ρητίνη υγρά, rètina ugra, « résine fluide », tandis que l'autre est d'aspect cristallin. Du temps de Dioscoride, les Romains faisaient venir la résine fluide de Gaule et d'Étrurie, mais antérieurement de Colophon en Lydie, d'où son nom de Κολοφώνια, Colophonia. On la tirait aussi du mélèze. Quant à la résine sèche – ρητίνη ξηρά, rètinè xèra – elle provient, d'après Dioscoride, des différents pins et du sapin[19]. Le bois gras, riche en résine, ainsi que de petits éclats de tronc, se prêtaient bien à l'extraction à basse température dans des fours spéciaux. L'exploitation se fit par la suite par gemmage. La gemme est une oléorésine constituée d'une huile volatile, l'essence de térébenthine, et d'une matière fixe, la « résine proprement dite » (ou colophane, térébenthine). On réalisait la séparation des deux éléments par un chauffage modéré ou par aspersion d'eau bouillante. L'huile ou essence qui s'évaporait ainsi, recueillie par des toisons tendues au-dessus du récipient, recevait les noms de πισσέλαιον, en latin oleum pissinum, pisselaeon ou crápula , etc. L'addition de résine – la colophane se dissout dans l’alcool – à certains vins plats avait pour but les relever et, pensaient les Anciens, de les conserver. « C'est bien encore ainsi qu'on explique la préparation de la retsina dans la Grèce d'aujourd'hui ». Lorsqu'on faisait fondre la gemme à feu doux avec de l'eau et qu'on la tamisait ensuite au crible pour la débarrasser de ses impuretés, on obtenait la « résine en gouttes », resina stillaticia, analogue au produit appelé « poix de Bourgogne »[19]. Quelle que soit la technique, lorsqu'on poussait la cuisson on obtenait le goudron de pin – employé pour étancher les jarre et les navires (πίσσα υγρά, κώνα, pix liquida, pix praecoqua, pix uiscosa, picula, picillum[19]), etc.
Ausone (IVe siècle) a écrit sur le gemmage dans l'Aquitania.
Le goudron de pin, employé pour le calfatage des navires et plus largement les munitions de marine constitue une industrie importante et stratégique à partir du XVIIe siècle. Les principaux sites de production sont les pays du Nord de l'Europe (Suède, Finlande, Norvège et Russie), la Floride puis les Carolines en Amérique du Nord. Une industrie s'implante dans les Landes de Gascogne sous l'impulsion de Jean-Baptiste Colbert.
L'exploitation intensive de la résine de pin s'arrêtera souvent avec l'apparition de produits de la distillation charbon puis du pétrole et la disparition des marines en bois.
Milieu XXe siècle, les États-Unis sont à l'origine de plus de la moitié de l'offre de produits résineux. Les autres pays producteurs importants sont la France, la Russie, le Portugal, l'Inde, l'Espagne et le Mexique. En moyenne 50% de la production américaine est exportée et le Royaume-Uni est le plus gros consommateur étranger[13].
L'industrie de la résine est une des plus anciennes industries américaines, et milieu XXe siècle c'est encore une des industries les plus importantes du Sud des États-Unis, s'étendant le long de la plaine du littoral atlantique, la Côte du Golfe depuis la Caroline du Nord, en passant par la Caroline du Sud, la Géorgie, la Floride, l’Alabama, le Mississippi, la Louisiane et l’Est du Texas[13]. En 1942, Les voyageurs qui empruntent les chemins de fer et les autoroutes de certaines parties des États du Sud voient encore les milliers de longs visages blancs (L'expression de white faced pine rend compte de la partie blanche exposée par le gemmage du pin qui ressemble à un visage, la care en gascon, de même sens) des pins gemmés. Cette industrie se développe à partir du XVe siècle, en Virginie d'abord et s'étend ensuite en Caroline du Nord jusqu'en Caroline du Sud et en Géorgie, à partir du début du XVIIIe siècle. Ce sont Pinus elliottii et Pinus palustris qui sont exploités principalement.
L'exploitation de la résine de ces pins resta jusqu'au XXe siècle, une industrie majeure dans le sud-est des États-Unis, lorsque le coût élevé de la main-d'œuvre en réduisit la rentabilité. Aujourd'hui, la résine est produite dans ces régions soit par le Procédé kraft, soit par extraction de résine des souches de pin saturées (bois gras)[20].
La résine de pin était utilisée en Californie bien avant que le territoire ne devienne une partie des États-Unis. C'est d’ailleurs une étymologie possible du mot, par corruption du mot espagnol « colofón » signifiant « résine ». Le Franciscain Felipe Arroyo de la Cuesta, l'un des premiers missionnaires de Californie et qui finalement écrivit un vocabulaire des langues amérindiennes de Californie, l'aurait affirmé à un officier de l'expédition Frederick William Beechey en 1826, suggéré par les nombreux pins, Pinus radiata, qui ont produit de la résine autour Monterey[20].
En Inde, l’exploitation commerciale de la résine de pin a commencé en 1896 après avoir observé l'extraction de résine brute par les populations locales. Au Bhoutan, le gemmage de Pinus roxburghii est associé à l'exploitation pour la citronnelle de Cymbopogon flexuosus qui pousse à ses pieds[20].
En France cette industrie a disparu. 178 millions de litres de gemme ont été produits lors de la campagne record de 1919-1920. Par la suite la production déclina pour disparaitre[21]. Aux alentours de 1960, la production française annuelle était encore d'environ 20 000 tonnes d'essence de térébenthine et 70 000 tonnes de brai ou de colophane[22],[23].
Pour les pins maritimes que l'on trouve en France, le rendement varie énormément avec l'âge, les dimensions et la vigueur des pins, avec la température, le mode de gemmage, la fertilité du sol et l'amasse, c'est-à-dire la saison : les pignadas des dunes sont plus productives que celles qui sont plus éloignées de la mer et situées dans les landes ; les pins de Gascogne rendent plus que ceux de la Provence, de la Sologne, du Maine et de la Bretagne. Les expositions chaudes favorisent davantage la sécrétion des sucs résineux ; les quarres situées au sud donnent plus de gemme que celles qui regardent le nord ou sont frappées par les vents froids ; après une pluie douce l'exsudation de la térébenthine est également plus abondante. Enfin l'état plus ou moins serré du massif exerce une action considérable ; il est essentiel d'espacer suffisamment les arbres : à trente ans, on ne doit réserver que 400 pieds environ par hectare, et l'on diminue ensuite ce nombre, dans les éclaircies successives, de telle sorte qu'à cinquante ou soixante ans, il n'y ait plus que 200 à 280 arbres distants de 6 à 7 mètres en moyenne. On peut dire qu'un pin maritime, d'âge moyen, en massif, gemmé à vie, fournit annuellement 5 à 6 kilos de matières résineuses, dans lesquelles la gemme ou résine molle est comprise pour un volume de 3 à 4 litres ; mais un arbre âgé, vigoureux et isolé, peut produire jusqu'à 40 kg par an. On compte ordinairement qu'il faut 400 à 120 pins, gemmés (par le système Hugues), pour produire une barrique (de 336 litres). On estime que l'hectare, comprenant 160 à 200 arbres, peut rendre une barrique (de 320 litres) ou une barrique et demie de gemme, et 160 à 200 kilogrammes de barras[24].
L'exploitation de la résine de pin a donné lieu à une terminologie commerciale, technique ou historique quelquefois très vague[19] résumée ici:
La poix désigne d'abord la gemme – l'artisan qui ôtait la résine du pin pour en faire de la poix s’appelait « pégoulier » ou « peggier » –, ensuite différentes substances solides obtenues par chauffage et dessication de la résine de pin, dont la synonymie offrait quelque confusion dans le commerce : on distinguait au XIXe siècle, quelquefois d'une manière assez peu motivée la poix blanche, la poix noire, la poix résine[28]:
Les pharmacopées anciennes distinguaient[29]:
Les noms grec et latin πίσσα (pissa) et pix désignaient à l'origine aussi bien la résine que la poix; ils sont indo-européens, comme le montrent les formes slaves et baltiques de la racine; de manière générale les confusions sont fréquentes dans l'Antiquité entre les dénominations de poix, de résine, de bitume et du pétrole; la poix est obtenue par chauffage de la résine, contenue dans le bois tout entier comme dans les pins, ou dans l'écorce seulement comme dans les sapins[19].
Théophraste précisait par πίσσα ωμή, et le latin dit pix cruda, quand il fallait désigner la poix crue[19].
Les conditionnements de la colophane, de l'essence de térébenthine et du goudron de pin étaient traditionnellement le tonneau, la futaille, quelquefois appelées « gonnes ».
L'étanchéité des tonneaux est déterminante pour les bonnes conditions d'acheminement des matières lorsqu'elles sont liquides. La gemme est semi-liquide, l'essence de térébenthine est liquide, la colophane est solide, le goudron de pin peut-être amené suffisamment à siccité pour être solide à la manière de la colophane. Milieu XXe siècle, les exploitants Nord-Américains envoient l'essence de térébenthine dans des tonneaux en bois rendu étanches intérieurement d'un enduit insoluble à l'essence, mélange de colle, d'eau, de borax et de glycérine. Les plus nantis l'achemine vers les côtes dans des containers en fer puis dans des wagons-foudre[2]. Aux XIXe siècle, les colophanes (brais sec) de Bordeaux ou de Bayonne et de quelques autres localités françaises arrivent généralement en grosses futailles appelées gonnes. Quelquefois la matière y a été coulée à chaud, mais plus souvent elle s'offre en pains concassés. D'Amérique septentrionale arrivaient en France de beaux brais, apportés en petits barils neufs complètement remplis de matière coulée chaude[28].
Le gemmage vise à récolter l'oléorésine sur le pin vivant. Le gemmage à mort vise à récupérer la totalité de la résine d'un pin destiné à être coupé. L'oléorésine mêlée d'eau provenant principalement des pluies et d'impuretés solides prend le nom de « gemme ». La gemme, après clarification, porte le nom de térébenthine[14]
Dans les Landes entre Bordeaux on recueillait la gemme par le procédé qui suit: lorsque l'arbre a atteint l'âge de 25 à 35 ans, c'est-à-dire environ 75 à 120 cm (2 ¹⁄₂ à 4 pieds) de circonférence, on fait, vers la fin de février, une entaille à sa partie inférieure, et dans toute l'épaisseur de son écorce, d'environ 14 cm (5 à 6 pouce) de largeur sur une hauteur de 40 cm (15 à 18 pouce); on entaille ensuite dans le bois, à une profondeur de 6 mm (3 lignes), une cavité rectangulaire de 10 cm (4 pouces) de large sur 7 cm (3 pouces) de haut; au bout de 8 jours on ravive la plaie en augmentant de 3 cm (1 pouce ou de 1 ¹⁄₂) la hauteur dans le bois et l'on continue ainsi toutes les semaines, jusqu'au mois d'octobre, de sorte qu'après 8 ans l'entaille se trouve avoir de 4,5 m (12 à 14 pieds) de hauteur; alors on recommence une semblable entaille à côté de la première et ainsi de suite sur toutes les faces de l'arbre[1]. Pour atteindre jusqu'à la hauteur maxime des entailles, l'ouvrier résinier se munit d'une échelle légère à l'aide de laquelle il acquiert l'adresse de se cramponner tellement au tronc de l'arbre, qu'il peut tenir à deux mains la petite hache bien affûtée, dont la lame a une forme de gouge, et pratiquer les entailles aussi promptement que celles du bas de l'arbre. La térébenthine qui découle de ces incisions est reçue dans un trou fait au pied de l'arbre, et dans la substance d'une grosse racine, ou dans des augettes en bois; elle prend dans le pays le nom de gomme molle[1]. En opérant ainsi, un arbre peut donner de la térébenthine pendant plus de soixante ans. On apporte tous les soins possibles à la récolte de la térébenthine pour éviter qu'elle ne se salisse trop par des corps étrangers. Lorsque, pour ménager des éclaircies, ouvrir des routes, etc., on veut abattre les pins dans un délai moins long, on les taille « à pin perdu »; à cet effet on pratique des entailles sur les quatre faces à la fois et on les fait trois fois plus grandes; la plus grande proportion de térébenthine ainsi obtenue dans le même temps, est une circonstance favorable à la pureté du produit.
Les parties latérales des entailles se recouvrent peu à peu de térébenthine concrétée journellement sous l'influence de l'air; à la fin de chaque saison on enlève par un grattage ces sortes de concrétions, que l'on met à part, et que l'on vend sous le nom de barras ou galipot; c'est une sorte de térébenthine consistante que rendent impure les divers corps étrangers y adhérant et surtout les débris ligneux entraînés dans ces grattures. On vend a meilleur marché le galipot et on l'emploie à des usages pour lesquels les impuretés en question ne sont pas nuisibles[1]. Les applications de la résine de galipot étaient nombreuses[1]:
L'épuration de la gemme permet d'obtenir la térébenthine, opération d'autant plus importante qu'elle augmente la valeur non-seulement de la térébenthine, mais encore de la résine (colophane) et de l'essence de térébenthine que l'on en tire.
Elle consistait en une filtration qui séparait plus ou moins complètement les corps étrangers, matière terreuse, débris ligneux, etc. qui salissaient la matière. Tous ces produit en se carbonisant, communiquaient par ses produits goudronneux une nuance brune à la résine qui diminuait sa valeur commerciale[1]:
La Térébenthine de Pinus pinaster (et de Pinus silvestris) dans les landes de Gascogne prend le nom de « Térébenthine de Bordeaux »; elle est ordinairement blanchâtre, trouble et consistante d'une odeur forte, peu agréable et d'une saveur âcre[1]. Dans la terminologie anglaise, la térébenthine prend le nom de crude turpentine[30].
Cette opération a pour but de séparer d'une part la colophane (la résine), et de l'autre l'essence de térébenthine (l'huile essentielle) qui est volatile, à une température où la résine peut rester fixe (on appelle huile fixe une huile qui se décompose au feu sans se volatiliser), quoique fluide et sans altération[1].
Les procédés qui jusque 1922 ont permis de rendre possible cette séparation de l'essence de térébenthine et de la colophane sont de trois types [31]:
Début XIXe siècle, divers alambic en tôle épaisse, de fer ou de cuivre ou en fonte, peuvent servir à cette opération:; facilité de manœuvre, économie des combustibles; durée de l'appareil, transformation de la résine sèche en huile, sont les critères de choix de l’appareil. Quel que soit l'alambic employé, on y introduit la térébenthine au commencement de chaque opération, soit directement en inclinant les barils au-dessus d'une large ouverture de la cucurbite, soit et bien mieux encore après l'avoir fait liquéfier et déposer dans un vase préparatoire, chauffé par la fumée du foyer de la chaudière principale. On échauffe graduellement après avoir fermé l'ouverture par laquelle la térébenthine a été introduite; si cette dernière n'a pas été préalablement fondue, elle dégage d'abord de la vapeur d'eau, puis des quantités de plus en plus grandes d'huile essentielle, qui se condense dans le réfrigérant et coule dans le récipient ou réservoir intérieur. Peu à peu l'écoulement de ce produit liquide de la distillation diminue, enfin il cesse complètement; alors la distillation est finie. On couvre le feu ou on l'enlève, puis, en ouvrant le robinet du tuyau adapté au fond de la chaudière, on fait couler la résine liquide dans ce récipient en bois mouillé, où elle ne tarde pas a se figer et à se prendre en masse. Après le refroidissement, on renverse le vase et le pain de résine s'en détache, on le concasse pour l'emballer dans des tonneaux et l'expédier[1].
Le rendement en essence d'une gemme varie avec l'amasse; en moyenne la gemme donne 19 %à 20 % d'essence de térébenthine et 69 %à 70 % de brai ou colophane[22],[23].
L'essence de térébenthine est le liquide incolore ou jaune pâle, d'odeur forte et pénétrante; altérable à l'air et à la lumière; siccatif[26]; obtenu par distillation de la térébenthine du pin. Il est composé de terpènes, principalement les monoterpènes alpha-Pinène et β-Pinène. On trouve, dans l'essence de térébenthine fraîche de Pinus palustris, 80 à 83% d'alpha-Pinène. L'essence contenant essentiellement de l'alpha-Pinène, les caractères physiques et chimiques de l'essence sont ceux du pinène, sauf quelques petites différences qui sont dues à la présence de petites quantités de β-Pinène, camphène, etc. et quelques produits d'oxydation. La térébenthine se combine avec facilité avec oxygène, iode, brome, acide nitrique, acide sulfurique, etc.[2]. C'est un bon solvant pour le soufre, le phosphore, les résines, les cires, les huiles et le caoutchouc naturel[30]
Au XIXe siècle on pouvait retirer de 20 à 24% d'huile volatile de la Térébenthine de Bordeau[1]:
Dans la terminologie anglaise, l'essence de térébenthine prend le nom de turpentine[30] qui désignait à l'origine la térébenthine comme (la plupart du temps) en français.
La colophane (appelée aussi « brai sec », « arcanson », résine de térébenthine ou résine commune) est la substance solide à froid, vitreuse, transparente, inodore, cassante, d'un jaune d'or[25], résidu de la distillation de la térébenthine, dépouillée de presque toute l'essence de térébenthine (l'huile volatile)[1]. Les colophanes claires étaient quelques fois coulées dans des plateaux qui étaient ensuite exposés pendant quelque temps au soleil, ce qui produisait une décoloration assez sensible[22].
La terminologie forestières anglaise distingue
La colophane était aussi obtenue par distillation du galipot[25].
On extrait toujours de l'essence de térébenthine et de la colophane des souches de pins, par distillation ou extraction à la vapeur[32].
Le goudron de pin, quelquefois le terme poix ou brai est privilégié, est une substance épaisse, collante et gluante, généralement de couleur sombre, produit par la pyrolyse (une combustion lente en absence d'oxygène) du bois de différentes essences de pin: en Europe, Pinus sylvestris, Pinus cembra, Pinus mugo, Pinus australis, Pinus halepensis, Pinus pinaster[33], aux États-Unis, Pinus palustris, Pinus elliottii, Pinus echinata, Pinus taeda[34]. On utilisait pour faire le goudron les débris résineux de la distillation de l'essence térébenthine; tresses en paille ayant servi à la filtration de la térébenthine; les ourles ou cicatrices des écorces des pins épuisés, les copeaux résultats du gemmage (galips); mais surtout les souches des pins riches en bois gras[1]; ensuite des bûchettes ou bûches de pins fendues[1]. La distillation se faisait per descensum dans les fours à goudron, une combustion lente privée d'oxygène, très semblable à celle effectuée pour obtenir le charbon de bois, par ailleurs l'autre produit de l'opération. Les goudron et brais gras s'appliquaient à enduire les bois, les fils et cordages, à calfater les vaisseaux, rendre des toiles doubles imperméables par interposition, fabriquer des mastics hydrofuges[1],[35] ». Un bon brai devait être visqueux, collant, s'attachant promptement et opiniâtrement aux corps qu'on y plonge et alors qu'on les retire, ils devaient s'en séparer en longs fils coulant avec beaucoup de lenteur, ou des nappes minces et transparentes qui reflètent une nuance fauve-rougeâtre. La saveur du goudron est amère[28]. Le goudron avait une forte odeur d'essence de térébenthine. Fin XVIIe siècle jusque fin XIXe siècle, le goudron devint un matériau stratégique quand les pays européens décidèrent de s'équiper de marines commerciales et de guerre[36]. On en fit alors venir de Russie, de Scandinavie, mais on la fabriqua aussi dans les Landes de Gascogne et en Provence. Le goudron le plus connu et le plus réputé était le goudron en provenance de Scandinavie, appelé « brai de Stockholm ». L'industrie du goudron périclita avec l'apparition des sous-produits du raffinage du pétrole et le remplacement des vaisseaux en bois par ceux en fer.
Le procédé kraft est un processus de conversion du bois en pâte à papier, dont les sous-produits sont l'essence de térébenthine, et l'huile de tall.
La résine pouvait être chargée dans les brûlots, comme le fit Cassius contre une partie de la flotte de César[37], conpletas onerarias naves taeda et pice et stuppa reliquisque rebus, quae sunt ad incendia. Des tonneaux remplis de poix et de goudron sont précipités du haut de la muraille de Marseille sur les troupes de César, pendant la guerre civile[38]
La colophane est aujourd'hui toujours associée aux travaux de soudage, le flux de brasage, dont la fonction est d'empêcher l'oxydation du métal avant et durant le soudage. Les plombiers et chaudronniers faisaient fréquemment usage de galipot pour prévenir l’oxydation de l'étain pendant leurs soudures[1]. On préférait souvent à tort la résine blonde opaque connue sous le nom de Poix-résine évoquée plus haut. En effet, les 4 à 6 centièmes d'eau qu'elle renfermait, non-seulement diminuaient sa valeur réelle, mais encore la présence de l'eau était nuisible à son emploi en soudure: lorsque, par exemple, on saupoudrait de résine des surfaces métalliques fortement chauffées pour les décaper, l'eau agissait comme oxydant et nuisait à l'effet utile, qui est de désoxyder le métal par le carbone et l'hydrogène de la résine[1].
Si l'on connait l'usage qui a été fait de goudron de pin, dans les pharmacopées anciennes (Zopissa, goudron de Norvège, eau de goudron, tjärpastiller, etc., la créosote de pin), on connaît moins les utilisations hydrothermales de la résine de pin et les pastilles à la résine de Pinus mugo. Le thermalisme au Pinus mugo aurait été initié par des bucherons-peggiers sur le mont Le Glandasse dans la Drôme en France, qui auraient découvert de manière accidentelle les vertus anti-rhumatismale des vapeurs émanant de leurs fours à poix[39].
Les gaz manufacturés ont été fabriqués à partir de la fin du XVIIIe siècle, utilisés d'abord pour éclairage, par la suite comme combustible. Le gaz de houille est le plus répandu et le plus connu d'entre-eux, mais d'autres gaz ont été produits à partir de bois, de tourbe, de résine aussi, etc. Des expériences réalisées à Anvers vers 1837 montrent que le pouvoir éclairant du gaz de résine est deux fois supérieur au gaz de houille. Ainsi, la ville de Gand est dans un premier temps éclairée au gaz de résine; mais ce gaz ne donnant aucun résidu (la houille donne du coke, qui se vend aussi cher que la houille elle-même, de sorte que le gaz ne coûte presque rien), l'Imperial Continental Gas Association responsable de l'éclairage à Gand, abandonna le gaz de résine pour le gaz de houille[40]. Le gaz de résine ne contient pas comme le gaz de houille le sulfure d'hydrogène et ne doit donc pas être épuré pour cet objet[1]. On trouve dans les produits condensés du gaz de résine, une huile fixe brune et une huile essentielle très volatile, que l'on peut épurer; toutes ces huiles peuvent s'appliquer à la peinture, et la dernière dans la préparation des vernis.
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