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ordre religieux catholique De Wikipédia, l'encyclopédie libre
L'ordre de la Très Sainte Trinité et de la Rédemption des Captifs, dit ordre des Trinitaires ou Mathurins, est un ordre religieux catholique fondé en 1194 à Cerfroid par les français saint Jean de Matha et saint Félix de Valois, à l'origine pour racheter les chrétiens captifs des musulmans. C'est la plus ancienne institution officielle de l'Église catholique consacrée au service de la rédemption sans armes à la main. Aujourd'hui ils aident les prisonniers et les captifs de toutes sortes.
Ordre de la Très Sainte Trinité et de la Rédemption des Captifs | |
Ordre de droit pontifical | |
---|---|
Approbation pontificale | 1198 par Innocent III |
Type | Ordre religieux catholique |
Règle | règle de Jean de Matha, règle de saint Augustin |
But | libérer les captifs, les réprouvés et les abandonnés |
Structure et histoire | |
Fondation | 1194 Cerfroid |
Fondateur | Saints Jean de Matha et Félix de Valois ; réformateur au XVIe siècle : saint Jean-Baptiste de la Conception |
Abréviation | O.SS.T. |
Autres noms | Trinitaires |
Site web | site international |
Liste des ordres religieux |
Le nom latin de l'ordre est « Ordo Sanctissimae Trinitatis et Captivorum » et son sigle est « O.SS.T. ». Son charisme et son apostolat sont représentés sur une mosaïque datant de 1210 montrant le Christ libérant deux captifs, un noir et un blanc. C'est la vision qu'a eue le fondateur lors de sa première messe célébrée à Paris le . Offerte par Innocent III à saint Jean de Matha, la mosaïque se trouve encore aujourd'hui à Rome sur le fronton de l'hospice de Saint-Thomas-in-Formis.
C'est un des deux ordres dits rédempteurs[1] de l'Église, l'autre fondé quelques années plus tard est l'ordre de Notre-Dame de la Merci ou Mercédaires[2]. Quant aux Trinitaires, ils sont associés à Notre-Dame du Bon Remède.
L’ordre est fondé à Cerfroid près de Brumetz dans l'Aisne et sera approuvé par le pape Innocent III le par la bulle Operante divine dispositionis. Les Frères de la maison de la Trinité devront vivre dans l'obéissance, la chasteté et sans rien en propre (formule reprise plus tard par saint François d'Assise). Un tiers de leurs revenus sera affectée au rachat des captifs emprisonnés par les païens. Ils sont tenus à la célébration en commun de l'office. Le pape donnera à l'ordre, en 1209 l'hôpital Saint-Thomas-in-Formis, principale fondation trinitaire à Rome.
Jean de Matha et ses compagnons ramenèrent d'un premier voyage en Afrique cent quatre-vingt-six prisonniers libérés.
La tradition trinitaire voit en Félix de Valois le cofondateur de l'ordre, compagnon de Jean de Matha dans la solitude de Cerfroid. C'est là que s'implante la première communauté trinitaire. C'est pourquoi on considère cette maison comme le berceau et la maison-mère de tout l'Ordre.
Les membres sont également appelés Trinitaires, ou Mathurins, du nom de leur couvent à Paris, près d'une chapelle dédiée à saint Mathurin[3], ou encore frères aux ânes car leur règle leur interdisait de monter à cheval.
Jean de Matha fonde un projet de vie religieuse dans l'Église, nouveau et original, dont la texture est profondément évangélique. Il rattache la Trinité et la rédemption des captifs : l'ordre est l'ordre de la Sainte Trinité et des captifs, et les frères de Jean de Matha sont les frères de la Sainte Trinité et des captifs.
Dès 1200, Jean de Matha fonde un hôpital à Marseille pour accueillir des captifs libérés par les musulmans. Il meurt à Rome en 1213. Le culte immémorial sera reconnu par la pape Alexandre VII et inscrit dans le calendrier universel par le pape Innocent XII. Vers 1240, l'ordre des Trinitaires compte déjà plusieurs dizaines de maisons réparties en Europe occidentale et en Terre Sainte. Le développement assez considérable de l'ordre au Moyen Âge explique aisément que des activités pastorales ou missionnaires plus larges aient occupé beaucoup de religieux, tandis que l'ordre s'annexait également des monastères de contemplatives.
La règle rédigée par Jean de Matha est le principe et le fondement de l'ordre trinitaire. Adaptée au cours de 800 ans par la tradition, principalement par l'esprit et l'œuvre, en 1599, du réformateur espagnol Jean-Baptiste de la Conception suivant le modèle offert par la réforme des carmélites, elle se prolonge dans les Constitutions approuvées par le Saint-Siège en 1984.
La solennité de la Sainte Trinité a lieu le deuxième dimanche après la Pentecôte.
Bien que les Trinitaires aient une règle particulière, plusieurs historiens les mettent au nombre de ceux qui suivent la règle de Saint Augustin et qui sont des Chanoines réguliers[4]. Dans plusieurs manuscrits très anciens, la règle de saint Augustin se trouve effectivement jointe à celle de l'ordre des Trinitaires[5].
« Ils ne pouvaient se servir d'autres montures dans les voyages que d'ânes, c'est pourquoi on les appelait autrefois les Frères aux ânes. On trouve dans un Registre de la Chambre des Comptes à Paris de l'an 1330 que les Religieux du Couvent de Fontainebleau, y sont appelés les frères des ânes de Fontainebleau. Mais par la seconde Règle il leur fut permis de se servir de chevaux, d'acheter de la viande, du poisson et « les autres choses nécessaires à la vie[6]. »
Vers 1280, un manuscrit nomme l'hôpital de la Trinité, situé rue Saint Denis alors situé hors Paris, Trinité aus Asniers.
« Saint Jean de Matha obtint, avec Félix de Valois, du pape Innocent III, en 1198, la permission d'instituer un ordre religieux, dont le but était la rédemption des captifs tombés entre les mains des infidèles. Cet ordre a pris le nom de la sainte Trinité, parce que Dieu lui-même en avait provoqué la fondation par des visions miraculeuses.
Après avoir établi son ordre en France, Jean de Matha se rendit en Espagne, où il exhorta les rois, les princes, les seigneurs et les peuples, à la compassion envers les malheureux chrétiens captifs. Il fut favorablement accueilli en Castille, par Alphonse IX, en Aragon, par Pierre II, et en Navarre, par Sanche V.
Sa parole produisit les fruits qu'il en attendait chez une nation qui avait été en guerre avec les Mahométans. Des monastères et des hôpitaux du nouvel ordre furent fondés. D'Espagne, Jean de Matha passa à Tunis, d'où il conduisit à Rome cent vingt captifs qu'il avait rachetés.
Pendant ce temps, Félix de Valois établissait, à Paris, un couvent qui fit donner aux religieux trinitaires de la rédemption le nom de mathurins, parce qu'il y avait une chapelle dédiée à saint Mathurin là où il fut bâti.
Saint Jean de Matha mourut à Rome, en 1213 ou 1214. Son corps a été ensuite transporté en Espagne. L'ordre qu'il léguait à l'Église fut définitivement approuvé par le pape Clément IV, en 1267.
Au temps du pape Innocent XI, dans la seconde moitié du XVIIe siècle, les Trinitaires espagnols furent autorisés à élire un général, et usèrent de cette permission en 1688. Mais, après l'avènement de Philippe V au trône d'Espagne, le général de l'ordre entier, qui résidait en France, obtint du pape Clément XI sa rentrée dans ses droits, et il n'y eut plus, depuis 1705, qu'un général universellement reconnu par tous les religieux de l'ordre.
Le relâchement s'était introduit parmi les Trinitaires en Espagne, les religieux des Castille, d'Aragon et d'Andalousie, résolurent, dans un chapitre tenu en 1594, d'établir dans chacune de ces provinces deux ou trois maisons où on observerait la règle primitive, et où on vivrait avec plus d'austérité.
Cette réforme fut opérée dans un couvent bâti à Valdepeñas, en 1596, par la munificence d'un commandeur de Saint-Jacques, et saint Jean-Baptiste de la Conception en fut l'instituteur. Les religieux qui y entrèrent prirent des habits plus grossiers que ceux qu'ils portaient précédemment, et ils n'eurent plus aux pieds que des sandales.
Le père Jean-Baptiste obtint du pape Clément VIII, en 1599, que les Trinitaires déchaussés fussent séparés de l'ancien ordre ; mais ce ne fut pas sans une vive opposition de la part des religieux chaussés que le bref du Saint-Siège put être mis à exécution.
Le père Jean-Baptiste mourut à Cordoue, en 1613, après avoir fondé dix-huit couvents de la réforme des Trinitaires déchaussés.
Ces religieux furent exemptés en 1636, par le pape Urbain VIII, de la juridiction du général de l'ordre entier des Trinitaires, et il leur fut permis d'élire un général de leur congrégation. Elle se multiplia beaucoup en Espagne, et on la divisa en trois provinces, auxquelles on donna les noms de la Conception, du Saint-Esprit, et de la Transfiguration.
Les Trinitaires déchaussés d'Espagne se répandirent successivement en Pologne, en Allemagne, en Hongrie et en Italie. C'est par millions (source ?) que l'on compte le nombre des captifs qu'ils ont rachetés de l'esclavage chez les infidèles.
Quelques femmes pieusement charitables, quoiqu'elles ne pussent pas aller elles-mêmes racheter les captifs, voulurent s'associer par leurs prières à l'œuvre des Trinitaires, et elles embrassèrent la vie religieuse, suivant la règle de l'ordre, en 1236, sous la conduite de l'infante Constance, fille de Pierre II, roi d'Aragon, qui fut la première religieuse trinitaire. Il y eut aussi des religieuses trinitaires déchaussées en Espagne[7].»
« (les oblats) Il y avait autrefois dans l'ordre de la sainte Trinité & Rédemption des Captifs des personnes qui s'y donnaient en qualité d'oblats, entre lesquels on compte Berenger Seigneur d'Anguillare l'un des premiers barons de Catalogne et Angline sa femme, qui l'an 1209 fondèrent un hôpital qu'ils donnèrent aux Religieux de cet Ordre.
Ce sont peut être ces Oblats qui ont donné lieu dans la suite à l'établissement d'un Tiers-Ordre de la sainte Trinité.
Mais quoique parmi les personnes illustres qui en sont sortis, à ce que l'on prétend, on y mette Philippe Auguste & saint Louis Rois de France, que l'on dise que ce dernier allait en chape au Chœur avec les Religieux, que l'on mette aussi au nombre de ces Tierçaires Alfonse VIII Roi de Castille, & plusieurs autres personnes distinguées par la sainteté de leur vie ou par leurs dignités; il en est sans doute de ce Tiers Ordre de la sainte Trinité comme de quelques autres Tiers Ordres de différentes Religions, où l'on fait entrer des personnes qui étaient mortes quelques centaines d'années avant la naissance de ces Ordres, il y a bien de l'apparence que le Tiers Ordre dont nous parlons, n'a été établi que sous les auspices du Général Bernard Dominici vers l'an 1584 puisque ce fut cette année qu'il approuva, confirma & permit qu'on imprimât les Règles & les Statuts des Frères & Sœurs du Tiers Ordre de la sainte Trinité; & quoique dans l'approbation qu'il en donna & qui se trouve à la fin de cette Règle, il dise que ce Tiers Ordre est fondé sur les Bulles des Souverains Pontifes, il serait néanmoins difficile d'en produire seulement une où il en soit parlé. Il est vrai qu'il se trouve plusieurs Bulles en faveur du Scapulaire de la sainte Trinité, mais cette Confrérie est différente du Tiers Ordre de la sainte Trinité, comme on peut voir par les Règles de ce Tiers Ordre & de cette Confrérie, qui ont été imprimées pour la seconde fois séparément & dans le même temps, à Rouen l'an 1670 avec la permission des Supérieurs de l'Ordre.
Quoi qu'il en soit, l'habillement de ces Tierçaires de la sainte Trinité consiste en une robe blanche avec un Scapulaire, sur lequel il y a une Croix rouge & bleue; mais l'usage n'est point en plusieurs pays de porter publiquement cet habit. Les personnes qui sont de ce Tiers Ordre le portent ordinairement sous leurs habits séculiers. Ils font un an de Noviciat, après lequel on leur fait une exhortation sur l'observance de la Règle & le Supérieur ayant béni les habits, celui qui fait Profession dit à haute voix ces paroles :
Je Frère N. ayant confiance en la très sainte Trinité, à La très sainte Vierge Marie, aux Bienheureux saint Jean et saint Félix, & à vous mon Père, propose avec intention pure et simple & droite, délibérément & fermement de garder les Commandements de Dieu, d'amender mes mœurs vivant ci-après avec plus d'amour de Dieu & de mon Prochain, méprisant les plaisirs du siècle, quittant les affections mondaines, me détachant de mon amour propre, renonçant à jamais au Diable & à La chair, pour pouvoir avancer mon salut & aider à celui de mon Prochain, par la grâce de Notre Seigneur, & participer comme associé aux privilèges, prérogatives, grâces & indulgences de la sainte Trinité pour la Rédemption des Captifs en recherchant l'avancement, l'honneur & le bien en toute fidélité, de la plus grande gloire du Père, du Fils, & du saint Esprit. Ainsi soit-il.
Il s'est érigé depuis quelques années à Paris une Communauté de Filles Séculières qui vivent selon la Règle des Religieux de la sainte Trinité & Rédemption des Captifs, on les appelle aussi Sœurs de la Ste Trinité. Leur habit est semblable à celui des Religieux, mais au lieu de manteau elles ont sur leur robe blanche une soutane ou veste ouverte par devant, au lieu de guimpe un mouchoir de cou en pointe, & sous un voile noir une cornette blanche. Elles portent aussi au cou une médaille d'argent en triangle, comme on peut voir dans la figure qui représente une de ces sœurs trinitaires. Elles apprennent à lire, écrire, & travailler à de pauvres filles. Cette Communauté est présentement au faubourg saint Antoine, où elles n'ont qu'une maison à louage, & elles ne subsistent que de leur travail, n'ayant pas encore de revenus considérables[9]. »
La règle prescrivait de consacrer un tiers des revenus à l'entretien des religieux, un tiers au rachat des captifs, un tiers à l'hospitalité.
Il y eut, dès le début, beaucoup de maisons qui non seulement eurent des hôpitaux, mais même ne furent que des hôpitaux : Metz, Estaires (près de Lens), Douai, Pontarmé, au Bourget, et à Paris : le couvent des mathurins ; Robert Gaguin a écrit au dos d'un acte : « C'est la maison où est de présent l'hôpital »; cette pieuse fondation n'a disparu qu'au début du XVIIe siècle.
Les hôpitaux de l'ordre recevaient d'autres hôtes que des malades. les mathurines de Reuilly, qui étaient des sœurs enseignantes : quant aux religieuses de Valence, cette communauté hospitalière avait pris l'habit de l'ordre et son vocable à la fin du XVIIe siècle, sans lui être aucunement rattachée. L'hôpital de Lens est élevé au rang de couvent de Trinitaires en 1245 par Jean, seigneur de Mons[10].
Dans le Midi, les Trinitaires paraissent partager le soin de leurs hôpitaux avec des recteurs laïques. À Cordes (Tarn), deux prudhommes, nommés pour un an, sont chargés de les contrôler, de par l'acte de fondation du mois de . Pierre de Béziers, damoiseau, parait être donné comme seul associé aux religieux, le .
Bernard Rascas, fondateur de l'hôpital d'Avignon, institue deux recteurs laïcs à côté des Trinitaires qu'il fonde en 1353. La réunion si curieuse des pères de la merci et des Trinitaires en 1481 par Julien de La Rovère, vice-légat, doit être simplement interprétée comme une mesure destinée à assurer une meilleure surveillance.
Certains hôpitaux ne vécurent pas longtemps. L'hôtel-Dieu de Saint-Quentin, donné en 1257, n'existe plus un demi-siècle après; Châlons, où les Trinitaires auraient eu un hôpital dès 1225, n'en a plus dès avant 1364. Même secourus par un puissant seigneur comme Geoffroy le Meingre, frère de Jean II Le Meingre, surnommé Boucicaut, les Trinitaires hospitaliers d'Arles doivent attacher à leur service Marot du Puy, clerc, et le constituer procureur pour la moitié des revenus donnés par ce seigneur.
Le ministre Guillaume de Flaygnac avait d'ailleurs été pourvu de cette charge par Boucicaut lui-même (). Il était donc vrai que la dépendance étroite pouvait seule assurer la vie de ces établissements.
Pendant la seconde moitié du XVIe siècle, les Trinitaires s'efforcent de sauver ce qui leur reste de leurs hôpitaux. Entre autres déclarations qu'ils obtiennent des derniers Valois, il faut citer celle du , sous Charles IX, où il est spécifié qu'ils ne sont point compris dans l'édit relatif aux hôpitaux et maladreries[11].
Le début du XVIIe siècle marque une période de renouveau dans l'histoire des hôpitaux, comme dans celle de l'ordre entier. Les noms seuls des bienfaiteurs de la congrégation réformée, les Montmorency, les Condé, les Guéméné, suffisent à prouver l'estime qu'il surent inspirer.
En 1636, le prince de Condé fit une transaction avec Charles de la Sainte-Trinité, religieux déchaussé, en vue de la fondation d'un hôpital à Châteaubriant.
Les réformés ne devaient pas s'arrêter à ces succès, puisqu'ils obtinrent de fonder à Rouen un hôpital pour les captifs en 1669.
À ce moment précis, l'ordre entier subissait un grave désagrément. En 1663 avait été décidée la création des hôpitaux généraux. Aussi, en 1671, les Trinitaires furent-ils déchargés de leur hôpital d'Arles; il n'y eut plus dans cette ville que celui du Saint-Esprit.
Le , nouvelle avanie. Louis XIV ordonna de remettre à l'ordre de Saint-Lazare les hôtels-Dieu où l'hospitalité n'était pas « observée » selon les titres de leur fondation. L'avocat Ragoulleau allégua, pour la défense des Trinitaires, que leurs maisons n'étaient pas dans le cas d'être réunies, car, à plusieurs reprises, le roi l'avait déclaré expressément ; s'ils avaient cessé de garder l'hospitalité prescrite par la règle primitive, c'est que leurs maisons n'étaient pas toutes des hôpitaux. En 1693, Louis XIV ordonna la désunion de ces hôpitaux d'avec l'ordre de Saint-Lazare ().
Les Trinitaires de Caillouet redemandèrent, en conséquence, la maladrerie de Chaumont en Vexin, ses dépendances et ses titres. Ils purent donc rester jusqu'au bout religieux hospitaliers.
Leurs bonnes œuvres subsistaient encore dans le Midi ; en 1768, à Cordes, les habitants ne voulurent jamais consentir à la suppression de l'hôpital trinitaire.
Jusqu'à la dernière heure de leur existence, ils gardèrent à Marseille un établissement appelé l'hôpital Saint-Eutrope, dont on ne sait pas la date de fondation. Au XVIIe siècle, cet hôpital de Saint-Eutrope a une existence tout à fait à part. Il était administré par quatre prieurs ou recteurs, deux étant élus chaque année pour deux ans ; chaque prieur sortant nommait son remplaçant au mois d'avril, avant la fête de saint Eutrope. Le ministre ratifiait cette élection et entendait les comptes. Tous les ans, on faisait l'inventaire. L'hospitalier et l'hospitalière pouvaient être renvoyés par décision du ministre et des prieurs. Ceux-ci devaient faire la quête une fois par semaine, mais l'hospitalière en fut chargée en 1677 et en 1711 ; on lui en donnait la moitié pour son entretien.
Cet hôpital suffisait à contenir les hydropiques « de tout âge, sexe, condition, paroisse » de la ville. Nul ne pouvait y entrer sans le certificat d'un médecin, apothicaire ou chirurgien, et sans l'ordre d'un des recteurs. L'hôpital était réservé aux pauvres, mais il y avait des riches qui s'y faisaient porter par dévotion et y faisaient leur neuvaine, pendant qu'ils bénéficiaient des aumônes. Aussi était-il ordonné hospitalière, lorsqu'il venait un malade distingué, d'en prévenir le ministre, qui lui rendait visite et l'engageait à faire aumône pour la maison.
Lors de la fameuse peste de 1720-1721, qui ne se sévit hélas pas seulement à Marseille, les Trinitaires firent courageusement leur devoir. La liste des religieux morts de la contagion comprend trente noms, dont dix de clercs ou convers. On peut citer entre autres, à Marseille, Michel Trossier, ancien provincial, Ignace Roux, vicaire général et ministre ; à Arles, Félix ny et Chartes Reinaud, morts en servant la paroisse Saint-Laurent; à Tarascon, Dominique Pépin et Ignace tide, morts aux infirmeries ; à Saint-Rémy, le P. Maurice ;uier[Quoi ?], qui avait servi six mois les pestiférés avec un tel zèle. La gloire de Belzunce est légitime, mais il ne faut moins admirer ces obscurs religieux dont le nom est à connaître. Les Trinitaires déchaussés ne furent pas rieurs à leurs confrères : « Un pauvre Frère s'est sacrifié au service à l'hôpital aux convalescents, et d'autres confessèrent les malades ».
Les Trinitaires d'Aller, eux aussi, montrèrent un dévouement perpétuel aux chrétiens atteints de la peste.
« La congrégation des religieux de l'ordre de la Sainte-Trinité, disent “Les mémoires du clergé”, tome II, page 135, est du nombre de celles des chanoines réguliers de l'ordre de Saint Augustin. Plusieurs souverains pontifes attestent la même chose. Dans plusieurs manuscrits très anciens, la règle de Saint Augustin se trouve jointe à celle de l'ordre de la Sainte-Trinité […] Les Trinitaires sont de droit & de fait chanoines réguliers de Saint Augustin; & c'est en cette qualité qu'ils possèdent de temps immémorial des bénéfices de l'ordre de Saint Augustin. […] Cette qualité est donnée aux Trinitaires dans une transaction faite en 1468, entre les chanoines réguliers de Saint Trophime d'Arles & les religieux de leur ordre dans la même ville. La copie collationnée de cette transaction est dans les archives de leur maison de Paris. […] Ils n'ont cessé de se servir du bréviaire des chanoines réguliers que parce que l'édition en était épuisée; & ce n'est que depuis environ 80 ans qu'ils se servent du bréviaire romain. »
— Maître J.-B. Denisart, 1775[5].
Les Trinitaires portent depuis leur fondation un habit blanc sur lequel figure une croix rouge et bleue.
Autrefois, l'habit des Trinitaires était différent selon les pays. Au XVIIIe siècle[12] :
Tous, excepté les Déchaux, ont sur le scapulaire et sur la chape le manteau ou camail, une croix pattée, rouge et bleue. »
« On raconte que saint Jean et saint Félix s'entretenant de Dieu dans la solitude près d'une fontaine, ils aperçurent un cerf blanc qui venait se désaltérer, et qui portait entre ses cornes une croix rouge et bleue, comme celle que saint Jean de Matha avait déjà vue sur la poitrine d'un ange (Cf. Anges, p. 41). Le fait est que les Trinitaires ont adopté deux cerfs blancs pour supports de leurs armoiries[13]; ce qui, avec les deux couleurs de la croix, indiquait la Trinité (ne fût-ce que comme moyen mnémotechnique)[14].»
La croix rouge et bleue figura sur les vêtements des Trinitaires, croix pattée pour les Trinitaires, et croix droite pour les Trinitaires réformés (XVIe siècle)[15].
Les armes de l'ordre sont : « d'argent à une croix pattée de gueules et d'azur, à une bordure d'azur aussi, chargée de huit fleurs de lys d'or », l'écu timbré de la couronne royale de France, avec deux cerfs blancs pour supports[16].
Dans le Dictionnaire généalogique, héraldique, chronologique et historique de La Chesnaye-Desbois (1757), on trouve ces précisions sur les armoiries de l'ordre[17]:
Vers 1730, l'ordre possédait environ deux cent cinquante couvents, divisés en treize provinces :
Les quatre provinces de France, de Picardie, de Champagne et de Normandie avaient avant le XVIIIe siècle le droit d'élire le Général. Innocent XI permit à celles d'Espagne de s'en élire un particulier, ce qu'elles firent en 1688. Depuis, Clément XI et Philippe V ont rétabli les choses sur l'ancien pied[12].
Les religieux trinitaires ont répandu la prière dite « Couronne des Antiennes Ô », d'abord en Espagne, puis en Amérique, s'appuyant sur les prophéties contenues dans les antiennes, demandant la libération des prisonniers, et des captifs, de la mort et des ténèbres c'est-à-dire les antiennes Ô Oriens et Ô Clavis David , ainsi que l'invocation et supplique de la délivrance attendue : « Viens, Seigneur, délivre-nous, ne tarde plus. » (Ô Radix Jessé) « Ô Clé de David, ô Sceptre d’Israël, tu ouvres et nul ne fermera, tu fermes et nul n’ouvrira : Viens, Seigneur, et arrache les captifs établis dans les ténèbres et la nuit de la mort.
O Oriens splendeur de la lumière éternelle et soleil de justice : Viens, Seigneur, illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l’ombre de la mort. »
L'ordre a perdu beaucoup de sa vitalité au cours des siècles du fait de la diminution progressive du nombre de chrétiens emprisonnés par les musulmans et du contrôle des États absolutistes. Mais depuis la fin du XIXe siècle, il retrouve une nouvelle vigueur et compte aujourd'hui près de 600 religieux disséminés dans les pays suivants : Madagascar (où il est particulièrement dynamique), Inde, Canada, Italie, Espagne, France (où il y a une douzaine de religieux en 2018), États-Unis, Mexique, Corée du sud, Porto Rico, Colombie, Brésil, Pérou, Bolivie, Chili, Argentine, Pologne, Congo, Gabon et Autriche. Les Trinitaires se consacrent principalement à la pastorale paroissiale, aux prisons, à l'assistance des chrétiens persécutés à cause de leur foi, aux malades dans les hôpitaux, et collaborent avec les organismes internationaux et les ordres missionnaires. À Paris, ils sont présents à la paroisse Saint-Leu-Saint-Gilles dans le quartier des Halles, où ils animent des sessions spirituelles et viennent en aide aux personnes sans domicile fixe.
Les sœurs trinitaires sont plusieurs centaines et sont enseignantes ou hospitalières ou encore contemplatives : sœurs trinitaires de Valence (Espagne) (190 membres), sœurs trinitaires de Madrid (160 sœurs), Sœurs trinitaires de Valence (Drôme), Sœurs trinitaires de Rome (34 communautés), sœurs trinitaires de Majorque (60 sœurs), moniales trinitaires (21 monastères), etc. Le laïcat trinitaire est aussi présent dans le monde entier, soient 14 associations de laïcs formant 127 fraternités et réunissant 3 200 membres.
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