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poème épique persan écrit par Ferdowsi De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le Livre des Rois ou Shâhnâmeh (en persan : شاهنامه / Šâhnâme /ʃɒːhnɒːˈme/ Écouter ; romanisation ALA-LC : Shāhnāmah) est une épopée retraçant l'histoire de l'Iran (Grand Iran) depuis la création du monde jusqu'à l'arrivée de l'Islam, en plus de 60 000 distiques[1] écrits aux alentours de l'an mille par Ferdowsi.
Le Livre des Rois | |
Page d'un Livre des Rois relatant la bataille de Cadésie contre les Arabes. | |
Auteur | Ferdowsi |
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Genre | Épopée |
Version originale | |
Langue | Persan |
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On ne connaît que très mal la vie de Ferdowsi, la principale source à ce sujet étant le Livre des Rois lui-même. D'autres poètes, comme Nizami, ont écrit sur sa vie, mais l'écart chronologique est trop grand pour que la source soit fiable.
Le Livre des Rois est rédigé pendant une période de troubles politiques : depuis le IXe siècle, le pouvoir du calife abbasside est remis en cause, et la dynastie des Samanides a pris le pouvoir en Perse. Depuis leur capitale principale de Boukhara, ils patronnent une importante activité intellectuelle, protégeant des hommes de lettres, comme les poètes Roudaki et Daqiqi, l'historien Bal'ami ou encore les philosophes Rhazès et Avicenne. Cependant, sous la pression des turcs d'Asie centrale, l'émir Nuh II est contraint de nommer Mahmoud Ghaznavi gouverneur du Khorassan. Celui-ci, grâce à une alliance avec les turcs qarakhanides de Transoxiane renverse l'émirat samanide en 1005.
Malgré sa richesse, Ferdowsi cherche un protecteur pour accomplir ce qu'il juge comme l'œuvre de sa vie : la compilation des légendes persanes. Prenant le relais de Daqiqi après sa mort en 980, il commence immédiatement à écrire pour différents commanditaires. Mais il ne trouve un protecteur réellement puissant qu'avec l'arrivée de Mahmoud au pouvoir. Il a alors 65 ans, et subit déjà des problèmes d'argent. Pour des raisons financières, mais peut-être également religieuses (Ferdowsi était chiite, selon Nizami, ou peut-être zoroastrien), pourtant, le poète se sépare relativement rapidement de son dédicataire, qui visiblement faisait peu de cas d'une œuvre qui ne pouvait le servir politiquement. « Si Mahmoud n'avait pas eu l'esprit aussi borné/Il m'aurait placé dans un rang élevé », écrit Ferdowsi dans son Livre des Rois. Après la publication d'une satire sur son ancien protecteur, largement diffusée, Ferdowsi se voit contraint de fuir vers des cours provinciales (Bagh, Ahwez[Quoi ?]). Il meurt aux alentours de 1020 dans la gêne.
Une légende raconte qu'au même moment où on transférait la dépouille de Ferdowsi, on croisait les chameaux de Sultan Mahmoud arrivant avec des quantités d'or et d'argent en guise de pardon.
Lorsque Ferdowsi entama l'écriture du Livre des Rois, il ne partait pas de rien. En effet, c'est le poète Daqiqi qui eut le premier l'idée d'écrire cette grande épopée, et qui en commença la rédaction. Malheureusement, il mourut assassiné par un esclave vers 980, ne laissant qu'un millier de distiques.
Ferdowsi, malgré les critiques acides dont il les accompagne, les incorpora dans son œuvre, et développa considérablement l’idée de son prédécesseur.
Selon ses propres dires, il lui fallut trente ans pour terminer la rédaction de l'épopée (« voici trente ans de ma vie en souffrance… »), qui dut donc être achevée vers 1010, soit dix ans avant son décès.
« Tout ce que je dirai, tous l'ont déjà conté/Tous ont déjà parcouru les jardins du savoir », écrit l'auteur. En effet, le Livre des Rois puise ses sources dans l'importante tradition mythologique iranienne. Les thèmes ne sont pas nouveaux : les exploits du héros Rostam, par exemple, étaient déjà peints à Takht-i Sulayman plusieurs siècles auparavant.
Selon Gilbert Lazard, les sources les plus anciennes sont des mythes indo-iraniens, comme l'Avesta, des mythes scythes (pour le cycle de Rostam et de sa famille) et des mythes parthes.
Pour les parties plus historiques, Ferdowsi aurait repris en partie l’Iskandar Nâmeh du pseudo-Callistène, les chroniques royales sassanides, la littérature romanesque en moyen perse et des recueils de maximes et de conseils, cités textuellement dans le Livre des Rois.
De la fin de l'époque sassanide, on connaît également une compilation du Khwadayènamag traduit par Ibn al-Muqaffa en arabe au VIIIe siècle.
Il ne faut pas non plus oublier les sources orales, innombrables, dont Ferdowsi s'est indubitablement servi ; elles constituent sans doute la principale source d'inspiration du poète.
Enfin, il faut également dire un mot des embryons de Livre des Rois dont Ferdowsi a repris une partie de ses informations.
On connaît un Livre des Rois entrepris sous l'influence du gouverneur de Tous, Abou Mansour, par un collège de quatre zoroastriens. Ceux-ci s'inspiraient d'ailleurs du Khwaday Nameh (en) déjà cité. Ce texte en prose est une source attestée de celui de Ferdowsi.
Il existe également un poème en persan de Massudi de Merv composé au début du Xe siècle, dont ne subsistent actuellement que trois distiques. On ne sait pas si Ferdowsi en eut réellement connaissance.
Enfin, le poème de Daqiqi de 975-980 fut une source certaine de l'épopée.
« Je désirais avoir ce livre [l'ébauche de Daqiqi] pour le faire passer dans mes vers. Je le demandais à d'innombrables personnes. Je tremblais de voir le temps passer, craignant de ne pas vivre assez et de devoir laisser cet ouvrage à un autre. […] Or, j'avais dans la ville un ami dévoué : tu aurais dit qu'il était dans la même peau que moi. Il me dit : "C'est un beau plan, et ton pied te conduira au bonheur. Je t'apporterai ce livre magnifique. Ne t'endors pas ! Tu as le don de la parole, tu as de la jeunesse, tu sais l'ancien langage. Rédige ce Livre de Rois, et cherche par lui la gloire auprès des grands." Il m'apporta donc le livre, et la tristesse de mon âme fut convertie en joie. »
Avec la conquête arabe, le moyen perse, parlé au temps des Sassanides, disparut des documents écrits au profit de l'arabe. Ce n'est qu'au IXe siècle que réapparut cet idiome, sous un nouveau visage : le persan. Ce langage résulte en fait de la transformation orale du moyen perse, qui resta couramment parlé dans le monde bien qu'il ne fût pas écrit, et s’enrichit de mots arabes.
Ferdowsi, en utilisant le persan dans un texte aussi considérable que le Livre des Rois, signe véritablement l'acte de naissance de cette langue, même si elle était déjà parfois utilisée par certains écrivains iraniens.
Il ne faut toutefois pas croire que le Livre des Rois du Xe siècle se conserva tel quel au fil du temps. Le texte fut repris, remanié, pour adapter la langue au contexte notamment. Les fautes des copistes se perpétuèrent. Le texte fut révisé principalement en 1334-35 par le vizir de Rashid al-Din, puis en 1425-26 pour le sultan Baysunghur. C'est cette version que l'on utilise le plus souvent.
Le texte comporte, selon les versions, de 40 000 à 60 000 distiques de deux vers de onze syllabes chacun rimant entre eux.
Tous les vers ont le même rythme : C L L C L L C L L C L (C=courte/L=longue).
Les phrases (figures de styles) et les rimes sont généralement stéréotypées. Cela en facilite la mémorisation par le récitant.
Gilbert Lazard divise le texte en trois grandes parties (augmentées d'une introduction), qui couvrent cinquante règnes.
Le Livre des Rois est sans doute l'œuvre littéraire la plus connue en Iran et en Afghanistan, avec le Khamsa de Nizami, qui d'ailleurs s'en inspire. La langue a peu vieilli (selon G. Lazard, lire le Livre des Rois pour un iranien correspond un peu à lire Montaigne dans le texte en France) bien qu’il constitue un monument incontournable pour les récitants et les poètes encore de nos jours.
Le texte du Livre des Rois a bien entendu donné lieu à de nombreuses représentations, dans la peinture persane comme dans les objets (céramique, etc.).
Les premiers manuscrits illustrés du Livre des Rois datent de la période il-khanide. Le Shâh Nâmeh Demotte (du nom du libraire parisien, Georges Demotte qui le dépeça au début du XXe siècle) est l'un des manuscrits les plus connus et les plus étudiés des arts de l'Islam. Riche de plus de 180 illustrations, ce grand codex (58 cm de haut) fut dépecé au début du XXe siècle, et vit ses pages dispersées dans différents musées occidentaux. Le musée du Louvre en conserve trois, le Metropolitan Museum of Art de New York et le Freer Gallery de Washington quelques autres. Ce manuscrit pose de nombreux problèmes de datation, car il ne comporte pas de colophon conservé.
Les Timourides poursuivirent et magnifièrent le mécénat de livres illustrés, portant cet art à son apogée. Le Livre des Rois fut encore l'un des textes privilégiés par les commanditaires, et toutes les écoles de peintures en produisirent, tant Hérat que Chiraz et Tabriz. Les dirigeants politiques se faisaient tous faire au moins un Livre des Rois. On en connaît ainsi un fait pour Ibrahim Sultan, un pour Baysunghur (1430), un pour Muhammad Juki…
Sous les Séfévides, il en fut fait un pour Chah Ismaïl Ier, dont il ne reste qu'une page et qui visiblement ne fut jamais achevé. Un autre est exécuté pour Chah Tahmasp, qui est l'un des plus beaux manuscrits persans connus, aujourd'hui conservé en plusieurs parties au Metropolitan Museum of Art, au musée d'art contemporain de Téhéran et dans des collections privées. C'est le plus grand Livre des Rois jamais peint. Comportant 759 folios dont 258 peintures, il a nécessité le travail d'au moins une douzaine d'artistes parmi lesquels Behzad, Soltan Mohammad, Mir Mossavver, Agha Mirek, etc. C'est le dernier grand manuscrit du Livre des Rois peint, étant donné que la mode ensuite se dirigea vers les albums. Cependant, des ateliers provinciaux comme celui de Boukhara sortirent encore des douzaines de manuscrits plus mineurs.
Le texte du Livre des Rois fut rapidement traduit en arabe et en turc, et beaucoup copié dans ces langues. Il est intéressant de voir qu'à la cour ottomane, au XVIe siècle, il existait un poste officiel de « shahnamedji » : le poète l'occupant devait composer des œuvres dans le style du Livre des Rois, ce qu'il faisait généralement en langue turque et non en vers persans. Ce poste, qui concrétisait une coutume née au milieu du XVe siècle, fut supprimé en 1600, bien que des commandes de ce type fussent encore passées, par Osman II (1618-1622) et Mourad IV (1623-1640), par exemple. Il montre combien le Livre des Rois reste populaire dans les pays influencés par la culture persane, même plusieurs siècles après sa création.
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